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L’agonie yougoslave (1986-2003). Les États-Unis et l’Europe face aux guerres balkaniques. Par Reneo Lukic. (Québec : Les Presses de l’Université Laval, 2003. Pp. xxxvii + 613, ISBN 2-7637-8019-0)[Record]

  • Lucille Guilbert

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  • Lucille Guilbert
    Université Laval

L’ouvrage L’agonie yougoslave de Reneo Lukic est porteur d’espoir car il offre une connaissance et une compréhension des événements qui rend caduque dans nos discours et nos interventions des positions telles que « Nous ne savons pas », ou « C’est pareil des deux côtés ». Plusieurs critiques et chercheurs ont déjà honoré cet ouvrage d’histoire politique de la désintégration de la République socialiste fédérative de Yougoslavie et ont démontré son importance pour la compréhension des relations internationales (Lemesle 2005). Par ailleurs, le livre est de grand intérêt pour l’ethnologie des migrations forcées et des relations interculturelles, de même que pour les milieux d’intervention auprès des personnes immigrantes et réfugiées. En effet, le livre n’a pas encore pénétré ces milieux qui sont pourtant confrontés dans la vie quotidienne aux propagandes et aux perceptions frauduleuses qui avaient servi à légitimer ces massacres d’une population civile tant en Bosnie-Herzégovine qu’au Kosovo. C’est pourquoi, après avoir brièvement rappelé la structure de l’ouvrage, je vais en souligner les aspects qui peuvent apporter un éclairage ethnographique des relations interpersonnelles qui se sont tissées, qui se tissent et qui évoluent dans la vie quotidienne, ici au Québec, entre les ressortissants de l’ex-Yougoslavie, les intervenants des organismes québécois qui travaillent auprès des personnes immigrantes et réfugiées, et la population québécoise dans son ensemble. Reneo Lukic est professeur de relations internationales au département d’histoire de l’Université Laval. Il est l’auteur du livre Les relations soviéto-yougoslaves de 1935 à 1945. De la dépendance à l’autonomie et à l’alignement (Berne, Publications Universitaires Européennes & Peter Lang, 1996) et coauteur, avec Allen Lynch, de Europe from the Balkans to the Urals. The Desintegration of Yugoslavia and the Soviet Union (Oxford et Stockholm, Oxford University Press & SIPRI, 1996). Il est un spécialiste éminent de l’ex-Yougoslavie et son oeuvre fournit des clés pour comprendre les enjeux internationaux des conflits dans les Balkans. L’ouvrage comprend onze chapitres regroupés en trois parties. La première raconte l’effondrement des régimes communistes en Europe et la prolifération des nouveaux États. L’auteur présente une synthèse historique de la formation des États-nations en Europe centrale et orientale aux XIXe et XXIe siècle en insistant sur la notion de « longue durée » dans l’histoire politique. Il explique l’influence des successions et des transformations des systèmes internationaux — le système de Vienne et austro-hongrois, le système de Versailles, le système nazi, celui de Yalta et le système communiste — sur l’évolution des mouvements nationaux. L’auteur situe le début du processus de désintégration de la Yougoslavie en 1986-1987, marqué par la parution en 1986 du mémorandum de l’Académie des arts et des sciences de Serbie et l’arrivée au pouvoir en 1987 de Slobodan Milosevic. Une perspective comparative met en relief les causes politiques et historiques de la désintégration des fédérations communistes. La deuxième partie démonte les mécanismes et les principes sous-jacents des guerres yougoslaves de 1991 à 2001. L’auteur dévoile la manipulation idéologique et politique qui a déguisé une guerre de conquête de territoire en guerre de religion et de conflits ethniques. À travers une démonstration minutieuse, Reneo Lukic réfute les thèses qui ont convaincu la population serbe et qui ont égaré la communauté internationale : les Serbes seraient victimes d’un complot et d’une épuration ethnique de la part des Albanais au Kosovo ; les Slovènes seraient responsables de la désintégration yougoslave, les élites étant imprégnées de racisme à l’égard des Serbes et faisant preuve d’égoïsme national pour des motifs économiques, refusant de subventionner les régions moins développées du Sud ; la proclamation de l’indépendance par la Slovénie et la Croatie serait une provocation et non une réaction …

Appendices