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La fin du Creusot ou L’art d’accommoder les restes. Par Octave Debary. (Paris, Éditions du CTHS, 2002, Collection Le regard de l’ethnologue 13, 189 p., ISBN 2-7355-0533-2)[Record]

  • Yves Bergeron

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  • Yves Bergeron
    Musée de la civilisation
    Québec

Le cas du Creusot occupe une place privilégiée dans l’histoire de la muséologie internationale. Octave Debary a choisi ce terrain pour y observer les effets de la mise en exposition de l’histoire d’une ville qui fut le temple de l’industrie métallurgique française. L’intérêt de cet ouvrage ne tient pas essentiellement dans ce sujet incontournable de la muséologie et de la commémoration ; il tient notamment à l’originalité du regard de l’ethnologue sur la communauté. Comme l’écrit Jacqueline Eidelman dans La Revue du Musée des arts et métiers (juin 2003), « l’ouvrage surprend et dérange. Il surprend ceux qui s’attendaient à une socio-histoire classique... En effet, et c’est ce qui fait l’originalité du point de vue, la posture de l’auteur est celle de l’anthropologue : celui qui interroge... ». Octave Debary nous entraîne dans une formidable saga à travers les chemins connus et inconnus de la patrimonialisation. Dans cet ouvrage qui fait parfois penser à un essai, Debary met en relief et questionne l’objet même de la muséologie. L’objet muséologique et patrimonial ne serait-il pas simplement un reste, une trace que les muséologues s’amusent à conserver et à recycler ? L’auteur utilise des images fortes pour questionner le rôle des muséologues. Il y est question de l’alchimie patrimoniale qui, selon lui, « prétend conjurer la mort ». À ses yeux, ce que les États reconnaissent comme des lieux de mémoire « se visitent, dernier passage sur une scène patrimoniale commuée en scène d’oubli ». À ce chapitre, il faut rappeler que les travaux de l’historien Pierre Nora sur les lieux de mémoire ont conduit au milieu des années 1980 à une redécouverte du patrimoine dont on commence à mesurer l’ampleur. Le cas du Creusot représente un des exemples les plus probants de cette vague de patrimonialisation qui traverse les pays industrialisés. Octave Debary a structuré son ouvrage sur le registre du temps. La première partie, intitulée « Le temps perdu », nous plonge dans l’histoire de cette ville industrielle. On y voit défiler les personnages emblématiques de la famille Schneider qui vont faire du Creusot leur ville. Impossible alors de dissocier la ville de l’entreprise. L’auteur démontre ensuite comment le projet d’un musée de site allait devenir un projet de développement communautaire. Le cas du Creusot est passionnant car on y retrouve quelques-uns des acteurs les plus influents de l’histoire de la muséologie au vingtième siècle : Georges-Henri Rivière, Marcel Évrard (ethnologue du Musée de l’Homme de Paris) et Hugues de Varine (successeur de G.-H. Rivière à l’ICOM). En 1970, la ville fait appel à Marcel Évrard pour concevoir un projet de musée de l’Homme et de l’Industrie. Quelques mois plus tard, Évrard rencontre Hugues de Varine qui va s’engager pleinement dans ce projet qualifié « d’impossible musée ». On souhaite alors que le musée devienne un instrument de développement communautaire. Dans l’esprit de Varine, le musée doit être au service des citoyens. Il devient même un levier « révolutionnaire et de développement pour une population ». Autour de Varine et d’Évrard va se construire le discours de ce que l’on a ensuite appelé la « nouvelle muséologie » (voir à ce sujet Desvallées 1992 ; Mairesse 2002). À ce titre, l’histoire du Creusot devient incontournable pour bien comprendre l’histoire de la muséologie et les enjeux qui vont se jouer dans le théâtre des musées. Pour les concepteurs, l’espace du musée doit devenir celui de la communauté urbaine. Le Musée sort de ses murs pour être remplacé par le territoire. Pour Hugues De Varine, « la communauté toute entière constitue un musée vivant dont le public se trouve en permanence à …

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