Abstracts
Résumé
Les sites rupestres, témoignages parmi les plus poignants de la communication visuelle pendant la période paléohistorique autochtone en Amérique du Nord, offrent aujourd’hui pour les collectivités amérindiennes ou inuites un potentiel élevé d’exploitation à des fins touristiques. Or, une fois résolus les problèmes de conservation, la question demeure vive quant à leur mise en valeur. En prenant comme exemple l’étude d’un site à pétroglyphes exceptionnel de l’Arctique canadien, celui de Qajartalik, le présent texte propose une réflexion sur les tenants et aboutissants d’ouvrir un tel site au public, que ce soit dans son contexte originel ou en milieu muséal.
Abstract
Petroglyph sites, one of the most poignant proofs of visual communication during the paleohistoric period in North America, today offer Native and Inuit communities an opportunity for tourism development. Once the problems of conservation have been resolved, the question of how to appropriately present them remains. This article takes the study of an exceptional petroglyph site in the Canadian Arctic, Qajartalik, as an example, reflecting on the outcomes of opening such a site to the public in its original context or in a museum.
Article body
Dans la mouvance de la prise en charge, en Amérique du Nord, des patrimoines autochtones par les groupes concernés, à savoir les collectivités désignées généralement par l’expression consacrée « peuples des Premières Nations », les sites archéologiques ainsi que le matériel que ceux-ci livrent aux chercheurs constituent de plus en plus un enjeu important de négociation quant à leur étude, leur gestion et leur éventuelle mise en valeur (Gendron, Arsenault et Gagnon 1996 ; Hamilton, Morisseau et McCrady 1995 ; Layton 1989a, 1989b ; Oakes et al. 1998 ; Plumet 1996).
Or, même si tous les biens archéologiques n’ont pas la même valeur symbolique et historique pour ces collectivités, ni non plus pour ceux et celles qui s’y intéressent d’un point de vue scientifique, il s’en trouve tout de même un certain nombre qui recèle une charge sociale, politique, économique, idéologique ou religieuse suffisamment importante[2] pour convaincre les chercheurs d’adopter de nouvelles approches plus éthiques à leur égard. Ainsi, les questionnements scientifiques qui se posent de manière de plus en plus criante ne portent-ils plus simplement sur le choix des éléments d’un patrimoine archéologique à traiter, mais bien également sur la ou les façons de le faire en respectant les volontés, les attentes ou les aspirations des groupes d’intérêts impliqués. Comment, par exemple, concilier la vision ancestrale qu’a une collectivité autochtone d’un lieu jugé historique avec celle que les données archéologiques suggèrent aux chercheurs afin de fournir l’interprétation la plus cohérente possible des vestiges qui en témoignent ? Pour le dire autrement, quels moyens adopter pour rendre compte de la diversité des visions du passé, parfois convergentes, parfois divergentes, qui peuvent être manifestées à l’égard d’un site archéologique sans trahir la pensée propre au « Soi et à l’Autre » ?
La réflexion livrée dans ce texte, et qui s’appuie sur un cas concret bien particulier, celui d’un site rupestre exceptionnel au Nunavik appelé site de Qajartalik, porte justement sur la complexité du problème que soulèvent les diverses formes de mise en valeur de ce site archéologique, site qui se trouve en milieu autochtone mais aussi en région éloignée, hors des circuits touristiques les plus courus. Cette réflexion épistémologique débouche, ce faisant, sur une discussion à propos des possibilités et des limites de le rendre accessible au public ou de l’exploiter dans un cadre muséal. Plus spécifiquement, après avoir présenté les caractéristiques formelles et structurelles d’un tel site et avoir dressé un bref historique des recherches qui ont mené à le faire connaître, nous discutons des problèmes soulevés par son ouverture aux visiteurs[3] et des options qui s’offrent actuellement pour concilier interprétation, diffusion et conservation.
Les particularités archéologiques du site rupestre de Qajartalik
Parmi les sites archéologiques les plus inusités de l’Arctique canadien, on retrouve de rares sites de gravures rupestres. Or ces sites, qui sont constitués essentiellement de pétroglyphes[4], sont tous localisés dans la région de Kangirsujuaq au Nunavik, la région arctique du Québec (figure 1). Ces images dans la pierre ont la particularité étonnante de représenter uniquement des visages vus de face, révélant des traits humains, animaux ou hybrides ; bien que certains dépassent les 60 centimètres, la plupart de ces visages mesurent entre dix et vingt centimètres de longueur et sont particulièrement bien visibles en lumière rasante ou oblique (figure 2). Des quatre sites déjà répertoriés au Nunavik, c’est celui appelé Qajartalik[5] qui offre le potentiel de mise en valeur le plus important en raison non seulement de ses particularités archéologiques, notamment ses figures gravées, les zones d’extraction qui révèlent une carrière largement exploitée par le passé et les artefacts qu’il a livrés, mais aussi de son emplacement plus spectaculaire et de son accessibilité plus facile que tous les autres.
Nichant près de la pointe nord-est de l’île de Qikertaaluk, dans la baie de Whitley (côte est de la péninsule d’Ungava), le site de Qajartalik domine l’entrée d’une petite baie exposée aux vents du large. L’accès à ce site depuis la baie est relativement aisé pour un bon marcheur puisqu’il suffit de gravir une pente moyennement inclinée en passant par une succession de replats granitiques, une montée qui ne prend qu’une dizaine de minutes tout au plus. Les composantes archéologiques du site sont inscrites en totalité à l’intérieur d’une longue dépression granitique formant cuvette, ce qui fait du lieu une véritable zone encavée, un « théâtre naturel » aux délimitations bien marquées (figure 3). La cuvette proprement dite s’étire sur plus de 120 mètres selon une orientation est-ouest, avec une largeur maximale d’une trentaine de mètres dans sa portion médiane ; de fait, la grande majorité des pétroglyphes ont été gravés sur les deux rochers les plus imposants qui occupent le coeur de cette dépression. À noter également que les rochers qui s’y trouvent sont constitués essentiellement de stéatite ou « pierre à savon », une matière première tendre prisée des sculpteurs inuits actuels et qu’il est facile de travailler ou de marquer à l’aide d’outils en matériaux durs tels ceux en matière lithique, mais aussi en os ou en andouiller.
Historique des activités scientifiques et autres à Qajartalik
L’existence de ce site singulier fut rapportée à la communauté scientifique par l’anthropologue Bernard Saladin d’Anglure au début des années 1960 à la suite de travaux ethnographiques à Kangirsujuaq (Saladin d’Anglure 1962, 1963, 1965-66). Ce chercheur s’était rendu sur le site afin de vérifier les propos insolites d’un missionnaire oblat vivant dans ce village, qui lui avait rapporté que des chasseurs inuits avaient observé sur l’île de Qikertaaluk des « faces de diables »[6].
Lors de ses trois missions au site, Saladin d’Anglure dénombra 95 figures gravées. Au cours de sa dernière mission, en 1965, ce futur professeur de l’Université Laval procéda également au moulage de quelques-unes d’entre elles. Son analyse le conduisit à attribuer une origine dorsétienne à ces oeuvres rupestres sur la base de l’ancienneté relative de quelques variétés de lichens couvrant les rochers ornés et, surtout, d’une ressemblance stylistique avec l’art mobilier propre à cette culture, qui s’est épanouie entre 2 500 et 600 ans av. auj. (Taçon 1993 ; Taylor 1962 : 25). Soulignons ici que cette portion du mobilier dorsétien — qui comprend entre autres des masques et masquettes, des boîtes à aiguilles ornées, et surtout des baguettes qui comportent de multiples figures mais dont on ignore la fonction précise — est généralement associée au contexte des pratiques chamaniques par les archéologues (McGhee 1996 ; Plumet 1997 ; Taylor et Swinton 1967), contexte où des individus établissaient, parfois au moyen de ces objets figuratifs, des rapports étroits avec les forces ou entités surnaturelles.
Par ailleurs, Saladin d’Anglure devait constater que les affleurements de stéatite de ce site avaient été, peu de temps avant son passage, exploités par des individus en quête de matière première pour produire des sculptures destinées au marché de l’art nord-américain, ce qui l’incita à faire graver en langue inuite, l’inuttitut, sur les lieux mêmes du site, la mention suivante : « Ne pas endommager ce site » (Saladin d’Anglure 1963 :11) ; cette mesure avait en effet pour but d’enrayer une pratique dommageable pour l’intégrité physique du site. Comme autre mesure de préservation, ce chercheur recueillit un bloc portant un pétroglyphe entier et qui était en voie de se détacher du rocher, puis expédia ce fragment à la Commission archéologique du Canada qui, incidemment, allait utiliser un tel témoignage dans le but de promouvoir le patrimoine historique autochtone du Canada, notamment lors d’expositions tenues dans ce qui s’appelait alors le Musée de l’Homme du Canada ou dans certaines de ses publications destinées au grand public (voir par exemple la page frontispice du livre Visages de la préhistoire du Canada (Wright 1981).
Au cours des années qui suivirent, le site de Qajartalik fut l’objet d’interventions scientifiques ponctuelles ainsi que d’enregistrements photographiques qui allaient permettre de le faire connaître davantage au public canadien (Archambault 1981 ; Barré 1979 ; Bruemmer 1973 ; Plumet 1978). Cependant, de telles missions se faisaient la plupart du temps à l’insu des autorités inuites locales, c’est pourquoi un moratoire fut décrété en 1978 qui devait interdire tout accès au site aux étrangers, incluant les chercheurs. Il faut dire qu’un an auparavant, deux de ces chercheurs avaient prélevé d’importants échantillons sur le site sans avoir prévenu les représentants inuits, mais les exigences éthiques des scientifiques à l’égard des communautés autochtones, tout comme celles liées aux problématiques de conservation, étaient loin de correspondre alors à celles en cours de nos jours.
Malheureusement, cette situation de tensions surgissait dans un contexte où le site allait demeurer sans surveillance véritable. En effet, au cours des années 1980 et au début des années 1990, le site de Qajartalik fut fréquenté périodiquement par des groupes de touristes, parfois accompagnés d’archéologues qui leur servaient de guides. Certaines visites donnaient même lieu à de véritables ateliers de production de fac-similés souvenirs par frottis des pétroglyphes. Au milieu des années 1990, des Kangirsujuamiut (les habitants du village de Kangirsujuaq) notèrent sur quelques-uns des affleurements ornés des traces manifestes d’altération, notamment sous forme de graffitis que certains interprétèrent comme des actes intentionnels de vandalisme, sinon des gestes gratuits de plaisantins, alors que d’autres les considérèrent comme de véritables gestes de ré-appropriation culturelle.
On peut aisément comprendre que de telles fréquentations et interventions affectaient de plus en plus l’intégrité du site ou, du moins, certaines de ses composantes. C’est donc en réaction à ces diverses manifestations que la municipalité de Kangirsujuaq, inquiète de voir le site disparaître, demanda en 1995 à l’Institut culturel Avataq d’intervenir dans les meilleurs délais pour préserver ce qu’il restait du site et pour proposer des solutions efficaces et réalistes en vue d’assurer la conservation de ces rochers gravés et de leur environnement immédiat. Dans cette perspective, l’Institut allait tenter de faire reconnaître au niveau national[7] la valeur unique de ce patrimoine autochtone en fonction des intérêts culturels inuits et, éventuellement, de mettre en place des mesures responsables dans l’optique de le rendre accessible au public.
De l’étude archéologique à la conservation du site de Qajartalik
Depuis 1996, notre équipe de recherche pluridisciplinaire, composée de chercheurs de l’Université Laval, d’Avataq et du Centre de conservation du Québec, a poursuivi des travaux archéologiques sur le site de Qajartalik pendant trois saisons de terrain en 1996, 1997 et 1998 (Arsenault, Gendron et Gagnon 1998), ainsi qu’une première campagne de fouilles à l’été 2001. Ces activités, qui se poursuivront encore pendant au moins deux années et qui sont supportées désormais par des subventions du fonds FCAR et du CRSH, ont consisté à appliquer diverses opérations techniques, lesquelles devaient être les moins agressantes possible pour les composantes du site de Qajartalik. Jusqu’à maintenant, nos campagnes ont compris comme opérations le repérage et l’observation attentive des traces anthropiques encore visibles en surface des affleurements rocheux, leur mesurage, la production de croquis et de plans, les enregistrements photographiques, le prélèvement de certains échantillons pour analyse en laboratoire, ainsi que la conduite de sondages et de fouilles exigeant le recours à des outils non usuels en archéologie pour ne pas affecter les endroits sensibles, tout cela afin de récolter le plus grand nombre de données matérielles pouvant être associées à la fréquentation passée du site.
Parmi les résultats les plus significatifs que nous avons obtenus jusqu’à maintenant se trouvent :
la découverte de plus de 80 figures gravées, qui s’ajoutent aux 95 identifiées jadis par Saladin d’Anglure sur ce site. Bien que de facture apparemment dorsétienne, leur mise en comparaison révèle des types et des tailles variés, ainsi qu’une répartition des figures dans trois secteurs distincts du site. À noter que six de ces figures furent mises au jour lors de la fouille de l’été 2001 (figure 4) ;
l’identification de quelque cent-cinquante zones d’extraction, dont une quarantaine qui étaient restées enfouies sous un dépôt sédimentaire, sans doute depuis quelques centaines d’années (figure 5). Ces zones attestent, du moins en partie, de pratiques d’exploitation de la carrière à des fins utilitaires, domestiques, chacune renvoyant précisément aux premières étapes de production de récipients (lampes, marmites), non seulement du temps des Dorsétiens mais aussi à des époques ultérieures, soit au Thuléen et pendant la période historique ;
la mise au jour d’outils et de fragments d’outils ayant servi à ces activités d’extraction ou au façonnage des gravures, ainsi que la récupération de fragments de récipients qui s’étaient brisés en cours de fabrication in situ ;
la découverte d’un abri sous roche qui suggère d’autres types d’activités que celles strictement liées à la production de gravures et de récipients.
Déjà, on voit la richesse de données dont on dispose désormais pour mieux interpréter le site et ses fréquentations passées, même si, sur le plan archéologique, celui-ci n’a pas livré encore tous ses secrets. Cependant, des pressions venant directement de la collectivité de Kangirsujuaq existent pour qu’un tel site devienne rapidement un lieu de visite majeur pour les touristes et les résidents locaux. Ce contexte oblige donc à considérer des options variées pour sa mise en valeur éventuelle.
Quelles options de mise en valeur privilégier ?
Mis à part leur richesse documentaire pour les archéologues et le fait que leur préservation constitue un défi majeur pour les spécialistes de la conservation, ces divers témoignages du passé issus du site de Qajartalik révèlent un potentiel d’exploitation hors du commun pour la diffusion des connaissances sur des aspects particuliers du passé des peuples de l’Arctique canadien. Nos travaux, qui sont aussi orientés vers la diffusion tous azimuts des connaissances acquises, nous amènent en effet à proposer deux grands types de scénarios pour la mise en valeur de ce site, scénarios qui pourraient être, ou bien complémentaires, ou bien exclusifs, selon notre capacité à résoudre les différentes problématiques que nous résumons ici. Hormis la diffusion par le biais de conférences et de publications diverses, les scénarios sont, d’une part, une ouverture du site au public et, d’autre part, une mise en exposition de ses composantes dans un centre d’interprétation, voire dans divers musées ou par le biais de divers procédés de visite, virtuelle ou en différé.
C’est d’ailleurs dans cette perspective de gestion responsable du site que nous avons constitué en 2000, avec l’appui financier du CRSH, une alliance de recherche université-communauté (ou ARUC) regroupant des chercheurs des universités Laval et McGill, de l’Institut culturel Avataq et des collectivités inuites de Kangirsujuaq, Salluit et Quaqtaq, incluant des aînés issus de ces collectivités. Depuis la création de cette ARUC intitulée « Des Tuniit aux Inuits », les divers participants au projet réfléchissent entre autres choses aux différents aspects, positifs comme négatifs, liés à l’exploitation économique et touristique du site. Plusieurs constatations et certaines questions ont surgi en ce sens au cours des échanges poursuivis entre les membres participants, incitant ainsi les chercheurs à procéder avec circonspection et discernement.
Premièrement, il faut reconnaître, si besoin était, que si le site de Qajartalik représente un véritable joyau du patrimoine historique de l’Arctique, il est également une ressource culturelle non-renouvelable. La fréquentation des visiteurs, ne serait-ce que pendant la courte saison estivale propre à cette région (juillet et août), peut constituer une cause importante de dégradation du site, comme en témoignent les expériences malheureuses subies par de nombreux sites archéologiques ouverts au public de par le monde (voir les exemples donnés dans Arsenault 1997 ; Carmichael, Huber et Reeves 1994 ; L’Homme 1998). Si des mesures de mitigation ne sont pas appliquées dès le départ, il est évident que le passage des visiteurs foulant les affleurements ornés vont altérer irrémédiablement les témoignages en place.
Deuxièmement, il convient de souligner que le site occupe un lieu à l’environnement difficile, présentement dépourvu de toute infrastructure d’accueil, même de fortune. Qui plus est, la montée depuis le rivage vers la carrière encaissée constitue un parcours semé d’embûches, parfois sournoises, qui exige une forme physique adéquate. On doit en effet marcher sur des surfaces le plus souvent inclinées, glissantes par endroit, et enjamber des paliers aux dénivellations irrégulières et parfois très prononcées. Dans ce contexte, il est évident que des personnes à mobilité réduite auraient besoin d’une aide physique ou matérielle constante pour se rendre jusqu’aux abords de ce site archéologique exceptionnel. En fait, dans son état actuel, le site ne peut accueillir que des gens prêts à prendre certains risques calculés !
Troisièmement, l’île où se trouve le site rupestre est éloignée de tout village inuit, ce qui fait que le trajet pour s’y rendre n’est jamais vraiment de tout repos. Certes, on peut emprunter la voie maritime, aérienne ou terrestre (nivale, en fait, lorsque la baie est gelée !), mais cela demeure toujours une aventure mouvementée, fortement dépendante des avatars du climat arctique, même en été : mer houleuse, vents violents, marées parmi les plus fortes du monde, épais brouillard, ne sont là que quelques phénomènes relativement fréquents avec lesquels les gestionnaires du site devront composer. Par exemple, les voyages au site, comprenant toujours un aller, un séjour — aussi bref soit-il — et un retour, pourront être fortement perturbés si jamais il y a changement climatique brusque, obligeant ainsi les organisateurs à concevoir des options de rechange, voire des infrastructures d’urgence sur l’île ou dans les environs de Qikertaaluk pour loger les visiteurs mal pris.
Quatrièmement, advenant l’ouverture au public du site, que celle-ci soit planifiée selon un calendrier pré-établi ou non, il faudra que les autorités locales s’assurent de maintenir une surveillance régulière et qu’il y ait une collecte périodique de données sur le site afin de parer efficacement à toute éventualité d’altération de ses composantes.
En considérant tous ces facteurs contraignants pour la mise en valeur du site de Qajartalik, nous avons élaboré un programme responsable de conservation qui restera à appliquer et qui comprendra, entre autres choses, les points suivants :
Que les visites publiques soient faites en tenant compte des mesures de sécurité les plus rigoureuses propres à un milieu sauvage, c’est-à-dire éloigné de tout lieu couramment habité.
Que les visiteurs soient accompagnés tout au long de leur périple d’au moins un guide inuit familier avec les subtilités de l’environnement régional, et qui aura reçu la formation nécessaire, tant sur le plan de la sécurité et des premiers soins que pour fournir toute l’information voulue concernant la fréquentation passée du site et le comportement à adopter face à ce site pour en préserver les composantes.
Que le site dispose d’une infrastructure adéquate mais sobre et légère. Cette infrastructure devrait comprendre notamment un système de communications radio et satellite avec les collectivités inuites les plus proches, mais aussi des installations sécuritaires faciles à déployer et rapidement utilisables, comprenant le matériel d’entretien, de premiers soins, des espaces sanitaires, ainsi que du matériel d’interprétation et de supervision, par exemple sous la forme de panonceaux explicatifs pouvant être installés temporairement le long des sentiers pédestres, tout cela ne devant pas dénaturer le cadre physique du lieu. C’est d’ailleurs pour ce dernier point que nous jugeons difficile l’aménagement d’un quai d’accueil avec rampe d’accès au site, ce qui, en plus de ne pas pouvoir se fondre harmonieusement dans le paysage, exigerait un entretien fréquent et coûteux, tout en constituant un marqueur par trop évident pour des vandales potentiels et autres visiteurs indésirables.
Lors de leur passage sur le site, que les visiteurs soient tenus à une distance sécuritaire suffisante pour la protection des composantes visibles. Autrement dit, que l’on interdise à toute personne non autorisée la libre circulation sur les affleurements ornés et leurs abords immédiats. À cet égard, nous jugeons que les visiteurs devraient pouvoir se placer et déambuler uniquement sur le pourtour de la dépression en différents points d’observation stratégiques qui favorisent l’observation des témoignages archéologiques les plus évidents (pétroglyphes, zones d’extraction, abri sous roche).
Bien sûr, l’implantation structurée de ces différents points demeure encore matière à discussion avec les autorités compétentes et avec les collectivités inuites locales et aucune décision définitive en ce sens n’a encore été prise. Nous restons conscients toutefois que la proposition d’ouvrir le site au public, ou de le maintenir accessible, peut constituer une avenue impraticable à plus ou moins long terme, compte tenu des effets pernicieux que la fréquentation dite touristique peut entraîner. Il est bon également de souligner que des enjeux d’ordre économique, politique, voire idéologique face à ce genre de site peuvent aussi surgir (pour un exemple concret, voir Arsenault 1996), sujets que nous n’aborderons pas dans le cadre de la présente discussion. Contentons-nous plutôt de voir un autre type de mise en valeur aussi disponible et d’en montrer certains aspects.
Le scénario B : La mise en exposition de ses composantes
Depuis que le site de Qajartalik fait l’objet d’études scientifiques, soit depuis quarante ans, on constate que ce sont essentiellement les figures gravées qui s’y trouvent qui ont fait l’objet d’une diffusion « grand public ». Cela est dû en bonne partie au fait qu’il s’agit des seules oeuvres rupestres paléohistoriques connues de tout l’Arctique canadien, oeuvres qui ont de surcroît un impact visuel certain sur les visiteurs lorsque mises en exposition dans un espace muséal. Des tentatives plus ou moins heureuses ont certes été réalisées par le passé. Comme on l’a évoqué plus haut, à la fin des années 1960 ou au début des années 1970, le Musée de l’Homme à Ottawa (devenu plus tard le Musée canadien des civilisations de Hull) a utilisé dans des expositions temporaires et itinérantes et dans certaines de ses publications le bloc fragmentaire portant pétroglyphe reçu de Saladin d’Anglure quelques années auparavant. Or les conservateurs de l’époque avaient cru bon de rehausser la ligne de contour et les traits de la figure rupestre d’une substance pigmentaire rouge, cherchant sans doute à évoquer l’ocre rouge que l’on retrouve dans des oeuvres rupestres — peintes le plus souvent. On peut penser que cette démarche « de restauration » devait non seulement servir à souligner les détails du visage gravé, mais à rendre ces derniers davantage contrastés par rapport à la couleur de la roche, de telle sorte que le motif soit encore plus visible pour les visiteurs. Malheureusement, un tel rendu coloré des caractéristiques du pétroglyphe ne s’appuyait sur aucune preuve scientifique, rien n’indiquant alors — ni non plus aujourd’hui, après analyse minutieuse des rainures bien préservées des visages mis au jour lors des fouilles — que de telles gravures aient été soulignées par des substances peintes à l’origine. Qui plus est, une telle pratique, que certains spécialistes jugeraient gratuite aujourd’hui, tendait davantage à satisfaire la curiosité du public qu’à respecter l’intégrité de l’oeuvre, quel que soit son état actuel de conservation. Incidemment, après des années de réclamation par les Inuits, ce bloc orné à été retourné, dans son état altéré par les rehaussements d’ocre, à la collectivité de Kangirsujuaq (Musée canadien des Civilisations 1995) et il est maintenant conservé dans les bureaux de la municipalité en attendant d’être mis en valeur dans un lieu adéquat.
Mise à part l’utilisation muséale de ce bloc, les moulages réalisés par Saladin d’Anglure ont aussi servi dans le cadre d’expositions. En témoigne notamment l’exposition Quêtes et songes hyperboréens. La vie et l’art d’un peuple de l’Arctique, sur les cultures paléohistoriques, qui fut présentée dès 1996 au Musée canadien des civilisations à Hull (voir Sutherland et McGhee 1996), et qui est devenue depuis une exposition itinérante ayant eu pignon sur rue dans des musées européens et nord-américains. Dans cette exposition, les visiteurs devaient d’abord passer devant des reproductions de grandes parois ornées des visages gravées de Qajartalik avant de pouvoir contempler des exemples, parmi les plus impressionnants, d’objets de mobilier paléo et néo-esquimaux. Or, bien que les visages aient été reproduits avec passablement d’exactitude sur des surfaces imitant bien les textures et les teintes de la stéatite à l’état brut, ils étaient pour la quasi-totalité exposés sur un plan vertical, contrairement à ce que l’on voit sur le site de Qajartalik où les pétroglyphes sont visibles pour la majorité sur des plans plus ou moins inclinés, plusieurs étant proches du plan horizontal. Plus encore, aucune zone d’extraction ou de pré-forme de récipients, telles qu’on peut les observer in situ, n’avait été reproduites sur ces parois factices. Les visiteurs se trouvaient donc en face de reconstitutions qui avaient peu à voir avec le site original. De plus, pour les personnes plus familières avec ce site, y compris les Inuits de la région de Kangirsujuaq invités à visiter l’exposition, ces panneaux ornés ne pouvaient que rappeler vaguement le site rupestre d’où avaient été tirés les moulages, soulignant du coup la méconnaissance évidente des conditions propres à ce site rupestre de la part des conservateurs de cette exposition ; une telle inadéquation aurait certes pu être prévenue si les responsables de l’exposition s’étaient appuyés sur des informations venant de sources premières.
C’est donc dans le but d’éviter de tels écueils que nous avons cru nécessaire d’opérer prudemment et de poursuivre le dialogue et la réflexion entre les différents partenaires préoccupés par la mise en exposition du site de Qajartalik. Certaines questions méritaient ainsi d’être posées, à savoir :
Comment rendre compte en exposition des particularités de ce site, c’est-à-dire de ce qui constitue, d’une part, son cadre physique naturel et, d’autre part, son contexte archéologique et historique, qui comprend certes les pétroglyphes et les zones d’extraction, mais aussi toutes les autres manifestations d’actes d’appropriation ou de ré-appropriation posés par les groupes culturels qui se sont succédés sur ce site ?
Comment rapporter les différentes visions du passé que tant les Inuits que les chercheurs peuvent avoir à son sujet ?
Enfin, quels moyens de diffusion privilégier pour rejoindre et intéresser le plus grand nombre de visiteurs potentiels ?
Même si nous ne prétendons pas offrir, dans ce qui suit, toutes les réponses aux questions précédemment posées, il faut reconnaître d’entrée de jeu qu’une partie de la solution aux problèmes soulevés dans ce texte repose sur la gestion responsable et réfléchie du site que manifestent déjà les organismes inuits, gestion d’ailleurs exercée dans un esprit de concertation et de collaboration étroite avec le milieu de la recherche et de la science appliquée (en conservation).
Des possibilités de diffusion variées
L’opportunité d’une mise en valeur en milieu muséal a surgi au cours de la dernière année lors de deux événements séparés, mais qui sont devenus rapidement complémentaires.
Dans un premier temps, en proposant de mettre sur pied le projet ARUC « Des Tuniit aux Inuits », nous nous sommes assuré le concours de deux organismes spécialisés dans les relevés virtuels tridimensionnels de biens patrimoniaux, à savoir le Centre national de recherche scientifique du Canada à Ottawa, inventeur d’un procédé novateur d’enregistrement tridimensionnel, et Innovision 3-D, une firme privée de Sainte-Foy qui a pris en charge l’application commerciale de ce procédé spectaculaire. Nous y revenons plus loin.
Dans un second temps, nous avons été invités à collaborer à une salle d’exposition qui sera prochainement installée dans le Centre d’interprétation du Parc des Pingualuit, le nouveau Parc national du Nord Québec axé sur le fameux cratère du Nouveau-Québec. Ce Centre, qui a vu le jour en 2002, a été érigé au coeur même du village de Kangirsujuaq et la salle d’exposition qui y sera bientôt aménagée fera une place importante à la carrière aux pétroglyphes de Qajartalik.
À première vue, il est encourageant d’envisager que toute personne intéressée par le patrimoine archéologique et historique inuit, qu’il s’agisse de la population locale ou des visiteurs occasionnels, puisse avoir déjà un aperçu du site de Qajartalik et de ses diverses composantes dans cet espace d’exposition qui nous est offert. Nous disposons déjà en effet d’une variété de données, écrites et visuelles (dont des milliers de diapos et des enregistrements audio et vidéo), qui pourraient être sélectionnées et agencées dans un montage didactique plus ou moins élaboré. Que les gens puissent se rendre ou non au site véritable, ils auraient donc là la chance de se familiariser suffisamment avec l’histoire de ce site pour repartir plus riches d’un savoir scientifique et culturel original.
Une autre option des plus prometteuses est certes l’enregistrement tridimensionnel tel que proposé par la firme Innovision 3-D, l’un des partenaires institutionnels de notre ARUC, qui permettrait à ces mêmes visiteurs, si la salle dispose des équipements appropriés, d’effectuer une visite virtuelle du site et ce, dans ses moindres détails, au point où ils pourraient même avoir une meilleure idée des reconstitutions que les archéologues pourraient donner à voir, par exemple lorsque le site fut fréquenté par les Dorsétiens eux-mêmes, il y a plusieurs siècles, où encore de l’admirer sous différentes conditions climatiques, d’éclairage ou autres. De cette façon, on peut penser que le site deviendrait littéralement plus « parlant » que jamais ! Nul besoin de souligner que ce rendu virtuel tridimensionnel du site de Qajartalik pourrait également servir dans le cadre d’expositions itinérantes partout dans le monde, tout en servant de document de conservation de premier ordre, utile autant pour les scientifiques que pour les enseignants. Il pourrait, il va sans dire, également se retrouver sous une forme adaptée pour être accessible sur Internet ou sous un format CD ou DVD.
Tout cela, donc, est certes emballant, mais il faut maintenant s’interroger afin de déterminer quel contenu interprétatif l’on tient à offrir dans le cadre de ces diverses formes de mise en exposition du site. Autrement dit, quelle histoire du site pourrait-on présenter ? Celle des archéologues, qui discutent des occupations premières de ce site en référant à un groupe culturel appelé dorsétien ? Ou celle des Inuits, qui interprètent cette présence ancienne dans les termes d’un peuple de géants qu’ils appellent communément les Tuniit ? On pense ici que ces interprétations provenant ou du « Soi », ou de « l’Autre », sont loin d’être incompatibles et que l’on peut faire comprendre à tout public les aspects de ces visions du passé dans la mesure où est discuté et débattu, entre chercheurs et Inuits, le contenu du matériel didactique mis à la disposition des visiteurs.
En revanche, il nous apparaît que le problème du contenu interprétatif ne peut-être aussi rapidement résolu lorsque l’on aborde un autre niveau de lecture du site, d’ordre encore plus idéologique celui-là, c’est-à-dire d’ordre religieux. En effet, on a évoqué plus tôt la possibilité que le site, en raison de ses fortes associations au mobilier dorsétien, avait pu constituer un lieu chamanique. Or, nos travaux sur le site ont conduit à identifier des indices d’actes récents de prosélytisme chrétien sur les rochers ornés, notamment la découverte de croix gravées avec des renvois évidents à Jésus ; des enquêtes auprès de la population locale ont permis en l’occurrence de renforcer l’hypothèse que de tels gestes avaient été délibérément posés par des prosélytes chrétiens au milieu des années 1990. On peut donc se demander si, en mettant l’emphase sur le chamanisme dans le futur centre d’interprétation de Kangirsujuaq, on ne risque pas de déranger plusieurs fervents inuits actuels qui voient dans ce site, souvent d’ailleurs en référence à leurs convictions religieuses, un lieu païen à éviter, et dans les pétroglyphes d’évidentes manifestations démoniaques ? Et que faire de la position de certains de ces Inuits qui, sans faire appel même à des croyances religieuses, y voient un lieu tabou, interdit, qui devrait être proscrit ? On en vient même à se demander si le fait d’inviter les gens du village à entreprendre une visite virtuelle du site n’entraînera pas un certain malaise social au sein de la collectivité ?
La réponse à ces questions repose, bien sûr, dans un processus de négociation et de concertation, mais il est évident qu’aucune option ne pourra satisfaire la totalité des groupes d’intérêt concernés. Le débat reste donc ouvert et il demeure possible que le site, dans un processus de thésaurisation, demeure fermé à tout jamais au public et que sa mise en exposition ne soit que minimale, voire impossible à réaliser, du moins au sein même de la collectivité qui s’est vu confier le mandat de sa gestion...
Conclusion
Comme nous avons cherché à le démontrer par cette présentation ici, il existe de plus en plus de moyens mis à la disposition des chercheurs pour diffuser les connaissances acquises à propos d’un site archéologique, que ce soit in situ ou par le biais muséal, voire par les voies virtuelles, chacun présentant des avantages certains. Mais, dans le cas de sites archéologiques liés à l’histoire des sociétés autochtones, cet enrichissement apparent peut toutefois constituer un handicap si l’on ne tient pas compte du contexte socioculturel et des enjeux actuels face à l’exploitation de ce type de patrimoine, surtout si cette dernière se fait de manière non concertée. Par ce texte, nous avons voulu discuter d’une démarche responsable, mais surtout respectueuse des volontés, des attentes, ainsi que des attitudes et des intérêts propres aux peuples des Premières Nations, afin de tracer une voie d’avenir dans la mise en valeur, ou non-mise en valeur, de certains biens patrimoniaux d’intérêt international.
Appendices
Notes biographiques
Daniel Arsenault
Daniel Arsenault est chercheur régulier au CÉLAT. Il est à la fois professeur adjoint au département d’histoire de l’Université Laval et professeur au département d’histoire de l’art de l’UQAM. En tant qu’archéologue-anthropologue, il mène depuis 10 ans des recherches sur les sites rupestres autochtones du Bouclier canadien dans le cadre du Programme pour l’Étude, le Traitement et la Reconnaissance en Archéologie Rupestre au Québec (PÉTRARQ). Présentement responsable d’une équipe Alliance de recherche Université-Communauté (ARUC) « Des Tuniit aux Inuits » financée par le CRSH et d’un projet de recherche individuel appelé « Kiinatuqarvik », les deux axés sur l’étude des patrimoines archéologiques au Nunavik. C’est dans le cadre de ces deux dernières recherches qu’il s’intéressse particulièrement aux sites à pétroglyphes situés dans la région de Kangirsujuaq, sur la côte nord-est de la péninsule d’Ungava.
Daniel Arsenault is a researcher at CELAT. He is an adjunct professor of history at Université Laval and professor of art history at UQAM. As an archeo-anthropologist, he has conducted research for 10 years on native petroglyph sites of the Canadian Shield as part of the PETRARQ (rupestrian archaelogy study program). He is currently responsible for an SSHRCC Community University Research Initiative entitled “From Tunuiit to the Inuit” and an individual research project called “Kiinatuqarvik” concerning the archeological heritage of Nunavik. He is focusing in particular upon petroglyph sites in the Kangirsujvaq region on the northeast coast of the Ungava Peninsula within the framework of theses two projects.
Louis Gagnon
Louis Gagnon est conservateur à l’Institut culturel Avataq, un organisme créé par les Inuits du Nunavik ayant pour mandat la préservation et la mise en valeur de leur langue et de leur patrimoine. Doctorant à l’Université Laval, les domaines de recherche qu’il privilégie sont l’histoire de l’art et la sémiologie visuelle appliqués à l’étude de la sculpture des Inuits. Depuis une douzaine d’années, il fait preuve également d’une pratique soutenue en muséologie en milieu amérindien et inuit et en conservation et interprétation des sites rupestres du Bouclier canadien et du Nunavik. Ses travaux ont été publiés notamment dans Inuit Art Quarterly, Études/Inuites/Studies, Recherches amérindiennes au Québec, Genous et dans divers catalogues d’exposition.
Louis Gagnon is a conservator at the Avataq Cultural Institute, an organization created by the Inuit of Nunavik for the preservation and validation of their language and heritage. He holds a Ph.D from Université Laval and his research endeavours focus upon art history and visual semiotics applied to the study of Inuit sculpture. For many years he has also carried out museology initiatives in native and Inuit surroundings, conserving and interpreting petroglyph sites in the Canadian Shield and in Nunavik. His work has been published in Inuit Art Quarterly, Etudes/Inuites/Studies, Recherches amérindiennes au Québec, Genous and in various exhibition catalogues.
Notes
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[1]
Les auteurs tiennent à remercier le Conseil de recherche en Sciences humaines du Canada pour le financement des recherches accomplies dans la région de Kangirsujuaq depuis 2000, grâce à l’octroi d’une subvention du programme ARUC. De plus, Daniel Arsenault remercie le FCAR qui, par son programme stratégique pour professeur-chercheur, lui a permis, ainsi qu’à son équipe d’étudiants, d’accomplir depuis 2001 certaines activités de recherche sur le site même de Qajartalik dans le cadre du projet Kiinatuqarvik (qui signifie « les rochers où apparaissent des visages »). Le présent texte livre donc quelques-uns des résultats obtenus dans le cadre de ces recherches subventionnées.
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[2]
Ces valeurs d’ordre politique, idéologique et autres que les collectivités attribuent à leur patrimoine archéologique sont souvent, mais pas exclusivement faut-il le souligner, en lien avec des questions identitaires qui interpellent groupes ethniques ou nations.
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[3]
Il convient de préciser que nous utilisons ce terme plutôt que celui de « touristes » qui nous apparaît limitatif, car il exclut nécessairement et les habitants de la région qui peuvent arpenter le site sans s’intéresser à sa composante archéologique ou historique, ou encore les chercheurs qui fréquentent le site pour d’autres raisons que celles qui motivent les touristes eux-mêmes, raisons pour ces derniers principalement d’ordre didactique ou esthétique.
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[4]
Dans la terminologie en usage en archéologie rupestre, les gravures rupestres sont habituellement désignées sous le terme « pétroglyphes ».
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[5]
Toponyme inuit qui, en inuttitut, signifie « l’endroit où se trouve un kayak ».
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[6]
En fait, pour décrire ces visages gravés, les chasseurs inuits utilisèrent plutôt un terme traditionnel, Tuurngait, qui signifie « esprits » et qui ont traditionnellement un caractère maléfique, d’où la traduction donnée par le missionnaire qui faisait en sorte de suggérer la représentation de figures diaboliques et, par extension, l’existence d’un lieu à proscrire pour les convertis au catholicisme.
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[7]
Cette démarche n’a pour l’instant pas abouti en raison d’un différend entre les gouvernements canadien et québécois à propos de la propriété des îles ceinturant le Nunavik. En effet, l’autorité administrative sur les îles au large des côtes des villages inuits, quelles que soient leur proximité (sauf celles rattachées à la terre côtière du Nunavik à marée basse) et l’histoire de leur occupation et fréquentation passées, relèvent pour l’instant du Nunavut, même si des pourparlers ont cours entre les différents paliers de gouvernement quant à la gestion des ressources qui s’y trouvent. Une reconnaissance nationale du site ne sera donc possible qu’une fois ce contentieux réglé entre les différents partis. Il s’agira alors pour les gens de Kangirsujuaq, de même que pour tous ceux et celles préoccupés par l’avenir du site de Qjartalik, d’une victoire importante mais aussi d’une étape cruciale franchie qui devra conduire éventuellement au dépôt d’une demande officielle pour voir ce site rupestre inscrit au registre des sites du Patrimoine mondial de l’Unesco.
Références
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