Présentation

Présentation du numéroLa philosophie pour enfants et l’éducation à l’éthique : regard sur la diversité théorique et pratique[Record]

  • Olivier Michaud and
  • Mathieu Gagnon

Plusieurs liens peuvent être tissés, et l’ont été d’ailleurs, entre la philosophie pour enfants et l’éducation éthique (Bouchard et Daniel, 2018; Dufourt, 2020; Gagnon, 2009; Gagnon et al., 2013; Gregory, 2014; Gregory et Laverty, 2023; Herriger, 2004; Robert, 2018; Sharp, 1995; Lipman, Sharp et Oscanyan, 1980). Tout d’abord, dans la mesure où l’éthique est considérée comme une sous-discipline de la philosophie (Sasseville et Gagnon, 2020), les sessions de philosophie, qu’elles aient lieu à l’école ou dans la cité, sont des moments propices pour réfléchir à des questions liées à des concepts s’y rapportant, tels que le bien/le mal, le bon/le mauvais, le juste/l’injuste, les vertus, le respect, la liberté, le vivre-ensemble ou la violence/la non-violence. La philosophie pour enfants se distingue cependant par la manière dont ces concepts et les enjeux qui s’y rattachent sont abordés lors des ateliers. Le but de cette pratique n’est pas de transmettre un savoir particulier ou d’entreprendre une moralisation subtile des élèves, mais bien de créer un espace où ils peuvent réfléchir ensemble de manière critique, créative et attentive. Cet espace de réflexion est, entre autres, caractérisé par l’exercice de différentes habiletés intellectuelles et sociales : prendre conscience de ses propres idées, écouter le point de vue des autres, s’ouvrir à la diversité des positions, développer son intérêt à dialoguer, nuancer ses pensées, savoir proposer des raisons pour soutenir son point de vue et évaluer celles que proposent ses pairs, etc. La dimension éthique rattachée à la pratique du dialogue philosophique dépasse donc le seul fait d’engager les élèves dans des processus de réflexion éthique : même lorsqu’ils n’abordent pas une question éthique, les élèves seront appelés à s’engager dans un processus les conduisant à développer certaines dispositions pour entrer en relation avec les autres ou pour réfléchir à des questions de différents ordres (métaphysique, esthétique, épistémologique, logique). Ainsi, au-delà de la réflexion éthique, il y a l’expérience éthique vécue dans le cadre du dialogue, une expérience fondée notamment sur la pensée attentive (caring thinking), c’est-à-dire sur une pensée qui appelle, entre autres, la mise en place de relations bienveillantes (Gregory et al., 2008; Lipman, 2003; Sasseville et Gagnon, 2020; Sharp, 1995; Topping, Trickey et Cleghorn, 2019). En somme, la philosophie pour enfants est une éducation à l’éthique : d’une part, elle amène les enfants à réfléchir sur des concepts éthiques et, d’autre part, cette réflexion prend forme à travers le dialogue et la pratique de certaines habiletés sociales). Le dialogue philosophique met la personne en jeu autant dans son rapport à elle-même (le type de personne qu’elle souhaite être, sa vision de la vie bonne ou les valeurs qui devraient diriger son existence) que dans son rapport aux autres, soit dans sa manière d’être et d’agir avec les personnes qu’elle côtoie et dans les différents groupes dont elle fait partie (Bouchard et Daniel, 2018; Gregory, 2014; Hawken, 2019; Sharp, 1995; Simpson et Sacken, 2021). Le présent dossier thématique aborde les relations entre éthique et philosophie pour enfants à partir de trois prismes, à savoir les fondements, les processus et les objets. Les réflexions autour des fondements sont articulées dans des textes proposés par Denis Pieret et par Anne Herla. Dans son article, Pieret propose d’aborder l’éthique en termes de puissance et non d’essence, et ce, afin d’éviter les écueils du dogmatisme et du relativisme qui guettent trop souvent ce domaine. Cette éthique se fonde sur l’idée marxienne selon laquelle « l’essence humaine […] est l’ensemble des rapports sociaux » et se veut donc résolument ancrée dans des dimensions à la fois sociales et politiques. En effet, l’éthique, et …

Appendices