Présentation

Relations entre enjeux épistémologiques et éthiques en éducation[Record]

  • Mathieu Gagnon and
  • Claude Gendron

L’école, en tant qu’institution, ne peut faire fi des enjeux épistémologiques et éthiques de l’éducation dans ses différents champs disciplinaires ou professionnels, pas plus qu’elle ne peut le faire, à notre avis, en ce qui concerne la dimension transversale de ces enjeux, puisqu’ils sont au coeur de l’apprentissage du savoir-penser, du savoir-être et du savoir-agir. Seulement, la mise en relation des considérations éthiques et épistémologiques en éducation demeure peu explorée. Quels enjeux éthiques soulèvent les problématiques épistémologiques en éducation et en formation? Et, inversement, quels sont les enjeux épistémologiques liés aux questions d’éthique en éducation et en formation? Telles sont les questions centrales faisant l’objet du présent numéro de la revue Éthique en éducation et en formation. Les problématiques épistémologiques se déclinent de différentes manières et peuvent se rapporter de façons variées à des questionnements éthiques dans le cadre scolaire. Très largement, ces problématiques peuvent être reliées à la question plus générale du ou des rapports aux savoirs tels que défini par Charlot, Bautier et Rochex (1992), c’est-à-dire en tant que « relation de sens, et donc de valeur, entre un individu (ou un groupe) et les processus ou produits de savoirs » (p. 29). Pour Schommer-Aikins (2004), les croyances épistémologiques (que nous appellerons désormais « rapports épistémologiques aux savoirs ») peuvent s’articuler autour de deux axes principaux : 1) notre rapport à la nature des savoirs et 2) notre rapport à l’acte de connaître. En ce sens, nous pourrions dire que nos rapports épistémologiques aux savoirs, ainsi que les conceptions implicites ou explicites s’y rattachant, tendent à orienter les manières dont nous répondons à la question phare de l’épistémologie, empruntée à Fourez (2002) : « Comment savons-nous ce que nous savons? » Ce « nous » peut être envisagé de deux manières. En effet, il peut faire référence à notre conception des processus d’élaboration des savoirs à l’intérieur d’une communauté disciplinaire en particulier, conception qui peut varier selon la discipline envisagée et affecter le sens et la valeur (de vérité) qui lui sera attribuée (Hofer, 2000; Paulsen et Wells, 1998). Il peut également faire référence à la personne apprenante, entendue au sens de « sujet épistémique », qui doit s’approprier des savoirs institutionnalisés. Cette double portée du « nous » dans les rapports épistémologiques aux savoirs nous reconduit aux deux axes déterminés par Schommer-Aikins eu égard aux croyances épistémologiques. Ces rapports ne fonctionnent évidemment pas dans des univers clos, puisque, comme le souligne notamment Therriault (2008), ils s’appuient, directement ou indirectement, sur des postures épistémologiques plus générales. Les rapports et postures épistémologiques, dans leur combinaison et par le fait qu’ils s’inscrivent dans un contexte social, peuvent avoir des incidences, notamment, sur la persévérance et la réussite scolaires (Manson et Boscolo, 2004; Schommer, 1993; Schommer-Aikins et Easter, 2006), sur le contrat didactique (Aypay, 2010; Brousseau, 1986; Chan et Elliott, 2004), voire sur la plus ou moins grande contribution de l’institution scolaire concernant l’émancipation des élèves (Freire, 1970/2003). En effet, la plupart des chercheurs s’intéressant aux rapports épistémologiques aux savoirs défendent la mise en place de conditions permettant aux apprenants de s’engager à l’intérieur d’un processus de cognition épistémique, et ce, afin de permettre à l’école, « comme institution, [de remplir son] mandat épistémique dont la finalité ultime est de rendre libre » (Demers, Bachand et Leblanc, 2016). Ainsi, épistémologie et éthique en éducation apparaissent parfois explicitement liées. Les problématiques éthiques peuvent également se relier de différentes manières à des enjeux épistémologiques. Nous pourrions chercher à définir, entre autres choses, les cadres épistémologiques sous-jacents aux différentes théories éthiques, qui guident, implicitement ou explicitement, notre agir. Nous pourrions également nous demander ce …

Appendices