Abstracts
Résumé
Cet article analyse l’apport d’une démarche participative de construction d’un tableau de bord à la structuration d’une innovation sociale, un réseau coopératif. Comment l’enrôlement des membres dans la construction collaborative d’un outil de gestion accroît-il leur implication et institutionnalise-t-il leurs relations, structurant par là même leur réseau? La première partie de cet article expose sa problématique : le processus d’émergence des réseaux et les difficultés inhérentes en termes de pilotage et d’animation. La deuxième partie décrit la méthode d’accompagnement participative au pilotage des réseaux (MAPP), conçue par le Centre de recherche public Henri Tudor dans le cadre d’une recherche-action pour répondre à cet enjeu spécifique de pilotage des réseaux. Dans une troisième partie, les auteures présentent leur cadre théorique, qu’elles mobilisent dans l’étude d’un cas, l’impact de MAPP sur un réseau associatif émergent.
Abstract
This article analyses the impact of a participative process of the construction of a dashboard monitoring the structuration of a social innovation: a co-operative network. How does the enrollment of the members in the collaborative construction of a management tool progressively raise their involvement and institutionalize their relationships, structuring the network itself? The first part of this article is dedicated to its problematic: the process of the emergence of networks and its inherent difficulties in terms of management and animation. The authors then present the participative method of network management (MAPP), a change management tool developed by the Public Research Centre Henri Tudor during an action-research addressing the specific issue of network management. The authors have developed an analytical framework to study a concrete case: the impact of MAPP on an emerging associative network.
Resumen
Este artículo analiza el aporte de un enfoque participativo de construcción de un tablero de comando en la estructuración de una innovación social : una red cooperativa. ¿De qué manera el reclutamiento de miembros para la construcción colaborativa de una herramienta de gestión aumenta su participación e institucionaliza sus relaciones, estructurando de esta forma su red? La primera parte del artículo expone la problemática: el proceso de surgimiento de las redes y las dificultades inherentes en términos de control y animación. Se presenta luego el Método de Acompañamiento Participativo (MAPP), concebido por el Centro de Investigación Pública Henri Tudor en el marco de una investigación-acción para responder a este desafío de control de las redes. Finalmente, los autores presentan el marco teórico que se utiliza en el estudio de un caso concreto: el impacto del MAPP en una red asociativa emergente.
Article body
Introduction
Cet article analyse l’apport d’une démarche participative de construction d’un tableau de bord à la structuration d’un réseau associatif. Le réseau est ici considéré sous le prisme de l’innovation sociale entendue comme une « intervention initiée par des acteurs sociaux pour répondre à une aspiration, subvenir à un besoin, apporter une solution ou profiter d’une opportunité d’action afin de modifier des relations sociales, de transformer un cadre d’action ou de proposer de nouvelles orientations culturelles » (Bellemare et Briand, 2006). Nous mobilisons la théorie de la traduction (Akrich, Callon et Latour, 2006) pour analyser comment la construction collaborative d’un objet intermédiaire (un tableau de bord en l’occurrence) participe à la structuration même du réseau à travers la mobilisation des acteurs et l’institutionnalisation de leurs relations (Vinck, 1999).
L’article s’inscrit dans le cadre d’un projet de recherche-action[1] au cours duquel le Centre de recherche public Henri Tudor a déployé MAPP, une méthode participative d’accompagnement au pilotage des réseaux au sein d’un réseau associatif. Cette méthode se déroule en trois étapes au cours desquelles les participants élaborent collectivement un tableau de bord. La chercheuse-intervenante exerce ici un rôle de traducteur (Rorive, 2003).
Après avoir, dans une première partie, posé la problématique inhérente à l’émergence des réseaux associatifs et aux difficultés de ces derniers en termes de pilotage et d’animation, nous présentons notre méthode de construction de tableaux de bord. Nous posons ensuite le cadre d’analyse avec les concepts clés issus de la théorie de la traduction, cadre que nous mobilisons dans la quatrième partie : l’étude d’un cas relatif à la construction d’un tableau de bord au sein d’un réseau associatif émergeant dans le secteur des technologies de l’information et de la communication.
Problématique. La structuration des réseaux associatifs : quels apports d’une démarche de construction d’un tableau de bord?
Les réseaux associatifs : une innovation sociale en quête de structuration
Prenant majoritairement la forme d’associations sans but lucratif (ASBL), les réseaux associatifs n’ont pas de finalités économiques directes. Leur émergence, leur structuration « est un processus d’autant plus complexe qu’il prend place dans des situations ouvertes, faiblement structurées et encadrées (Hatchuel et Molet, 1986), et [qu’il est] mené par des acteurs dont la diversité des pratiques et des connaissances ne doit pas être systématiquement niée ni corrigée » (Grenier, 2004). Nous considérons l’émergence et la structuration de ces réseaux comme des innovations sociales en ce sens qu’elles constituent « un processus localisé initié par différents acteurs qui cherchent à modifier les interactions entre eux-mêmes, d’une part, et avec leur environnement organisationnel et institutionnel, d’autre part, et ce, dans le but de contrecarrer les effets des crises tout en tentant de concilier les différents niveaux de l’intérêt individuel, de l’intérêt collectif et de l’intérêt général (bien commun) » (Tardif, 2005). Dès lors, adoptant une posture structurationniste, nous appréhendons le réseau tant comme nouvelle forme d’organisation structurant la collaboration que comme un processus de collaboration structurant l’organisation réticulaire (Romelaer, 1999).
Le structurationnisme propose un schème global de compréhension de la société étudiant les modes de reproduction des systèmes sociaux, définis comme un « ensemble de pratiques sociales reproduites dans le temps et l’espace, relations entre acteurs » (Giddens, 1987).
Principe fondateur du structurationnisme, la dualité du structurel repose sur la distinction entre structures (ensemble de règles et de ressources) et systèmes sociaux présentant des propriétés structurelles (des routines institutionnelles, des interactions). La structure est à la fois habilitante et contraignante pour l’action : « Les structures, ensemble de règles et de ressources, organisent les activités tout autant que les activités les organisent et leur donnent du sens, une finalité » (Daraut et Kechidi, 2004).
Autre concept clé du structurationnisme, la compétence des agents est basée sur les connaissances, formelles ou non, qu’ont les agents des circonstances de leur action, leur permettant un contrôle sur le cours ordinaire de l’action. La compétence des agents est cependant limitée : l’action est soumise à leurs motivations inconscientes et elle a des conséquences non intentionnelles et non reconnues.
Intégrant les théories de l’organisation en tant que système social, le structurationnisme pose un cadre pour appréhender les innovations sociales à travers les postulats suivants (Rouleau et Junquilho, 1998) :
L’organisation est un construit humain et social résultant des préconstructions du passé.
Les formes organisationnelles sont reproduites et appropriées et/ou inventées dans les pratiques et les interactions de la vie quotidienne.
L’organisation est à la fois une réalité intériorisée et objectivée.
L’acteur est un sujet réflexif.
Dans cette acception, le réseau – à la fois le support de la collaboration (Dameron, 2001) et son résultat institutionnalisé – ne se plie pas aux critères habituels de performance (de La Villarmois, 2001) d’une organisation (Lefaix-Durand et al., 2006). Le fonctionnement d’un réseau et ses performances sont des constructions sociales. Les trois types de préoccupations majeures des réseaux sont ainsi (de La Ville et France, 2004) :
la maîtrise des mécanismes de coordination interinstitutionnelle;
le repérage des ressources pour activer les potentiels synergiques;
le pilotage de l’émergence pour anticiper les blocages et prévenir l’épuisement du projet.
La démarche proposée ici, MAPP, vise précisément à apporter des éléments de réponse à ces préoccupations : au-delà des résultats concrets de cette méthode, appréhendés comme objets intermédiaires, les interactions entre les actants dans le cadre de la démarche participent de la structuration même du réseau.
Une démarche structurée et structurante : la construction d’un tableau de bord
Le tableau de bord est un outil de gestion relevant de la stratégie d’entreprise. En ce domaine, l’approche la plus répandue est celle de la planification stratégique (Mintzberg et Romelaer, 1994), qui scinde le processus en une étape de définition de la stratégie (par la direction) et en une étape de mise en oeuvre dans laquelle vient par exemple s’inscrire la démarche d’évaluation par le truchement d’un tableau de bord. Cette démarche est basée sur une vision rationaliste, normative et prescriptive du pilotage d’une entreprise par ses dirigeants.
Notre démarche s’inspire quant à elle du Balanced Scorecard (BSC) ou Tableau de bord prospectif (TBP) de Kaplan et Norton (1998). Loin de la vision normative et linéaire exposée ci-dessus, nous considérons qu’un tableau de bord peut « intervenir dès la conception de la stratégie » (Chabin, Naro et Travaillé, 2003) et, surtout, qu’il favorise la structuration même du réseau autant que le réseau construit le tableau de bord.
Chabin, Naro et Travaillé (2003) s’interrogent sur le caractère stable de la vision stratégique et du plan d’action défini comme préliminaire à la construction du tableau de bord chez Kaplan et Norton (2001). Ils proposent plutôt de les considérer dans un processus d’évolution et d’apprentissage collectif où les confrontations successives entre les acteurs modifient la formulation, la représentation et le sens de la stratégie.
S’inscrivant dans cette perspective, la démarche de construction de tableau de bord proposée (MAPP) conçoit la définition de la stratégie comme un processus continu et itératif. MAPP comporte trois étapes déclinées de manière successive, mais avec des itérations possibles pour respecter la structuration progressive du réseau. Nous avons adapté l’approche TBP en y intégrant une dimension dynamique et processuelle qui :
favorise la participation et les échanges entre tous les membres du réseau (puisque les interactions sont le mécanisme principal de structuration);
permet une évolution des outils/termes définis au fur et à mesure du projet.
La première étape vise à créer/élaborer une stratégie à travers une première vision partagée du réseau. Elle fait appel à la créativité et favorise les échanges et l’interconnaissance entre les membres. Elle débouche sur une première formalisation de la stratégie du réseau.
La seconde étape vise à définir des actions à mettre en oeuvre, en cohérence avec la stratégie. Cette étape est plus concrète. Elle implique les participants dans la mise en oeuvre de la stratégie, non seulement en définissant les activités et les moyens nécessaires, mais également en attribuant des responsabilités aux membres. Elle donne lieu à un plan d’action.
Enfin, la troisième étape concerne la construction du tableau de bord lui-même. Les participants traduisent en indicateurs leur conception de la performance, la stratégie communément définie ainsi que ses mécanismes de régulation. Le tableau de bord proposé s’articule autour des notions et axes suivants :
Bénéfices. Quels bénéfices le réseau souhaite-t-il apporter à ses membres? Les bénéfices d’un réseau associatif, sans finalité économique directe, ne s’expriment pas qu’en termes financiers, mais bien aussi en termes de bénéfices potentiels (échanges d’expériences, accès à des compétentes externes, résolution de problèmes, etc.).
Membres. Quelle est la cible du réseau en ce qui regarde les membres? À qui s’adresse-t-il et quelle implication attend-il de ses membres? Les membres sont à la fois producteurs et bénéficiaires du réseau.
Contexte externe. Comment le réseau souhaite-t-il interagir avec son environnement externe? En apportant une réactivité à ses membres ou en tentant de l’influencer par des actions de promotion et de lobbying, notamment.
Organisation. Comment le réseau s’organise-t-il et se structure-t-il pour assurer la réalisation de sa stratégie?
MAPP constitue un espace privilégié d’interactions entre les membres d’un réseau. Le tableau de bord présenté ici est d’abord et avant tout un mécanisme de coordination permettant une intégration informationnelle mais aussi organisationnelle (Neuville, 1999). Ces interactions sont une condition indispensable à l’innovation sociale : sur elles repose le processus de transformation des représentations des acteurs se démarquant de leurs perspectives respectives.
Cadre d’analyse
Méthodologie : une recherche-action
Comme nous le rappelle David (2000), d’un point de vue méthodologique la recherche-intervention est construite autour de cinq principes clés (Hatchuel, 1994) :
Le principe de rationalité accrue
Ce principe rompt avec l’idée d’une rationalité universelle pour penser l’articulation et la mise en relations des savoirs. Il s’agit d’une remise en cause de la différence entre savoir savant et savoir ordinaire/commun. La position du chercheur-intervenant « […] si elle est plus performante pour la collecte d’observations empiriques, la conception de modèles et d’outils de gestion adéquats et l’élaboration de théories générales fondées pour les sciences de gestion est aussi plus complexe sur les plans éthique, méthodologique et épistémologique » (David, 2000, p. 3).
Le principe d’inachèvement
Dans ce type de recherche, on ne peut a priori identifier le chemin à parcourir, puisque ce dernier sera construit progressivement dans l’interaction des diverses parties prenantes. Il s’agit, dans la foulée de l’Action Science, « de développer […] un chemin pour passer de l’existant à l’alternative proposée » (Argyris, Putnam et McLain Smith, 1990, p. 229).
Le principe de scientificité
La scientificité suppose une attitude critique du chercheur par rapport aux faits analysés. Selon le premier principe, celui de rationalité accrue, le chercheur n’est pas plus « expert » que le praticien, mais il a accès à d’autres informations et connaissances sur lesquelles il doit s’appuyer en permanence pour interroger non pas la validité, mais bien les conditions de validation des savoirs opérationnels et théoriques issus de la recherche.
Le principe d’isonomie
Selon ce principe, le processus de coconstruction de connaissances au coeur du projet de recherche-intervention doit mobiliser l’ensemble des acteurs concernés, sans préjuger de leur importance (idéal démocratique).
Enfin, le principe des deux niveaux d’interaction
Ce principe tient au fait que la recherche-intervention s’appuie toujours à la fois sur un dispositif d’intervention et sur une démarche de connaissance. Le premier se construit dans l’interaction chercheur et terrain de la recherche en elle-même, alors que la seconde émerge de la confrontation des savoirs des acteurs, parties prenantes au processus de recherche.
Ainsi, « l’intervention n’est pas seulement l’exploration d’un système mais la production de savoirs et de concepts qui permettent de penser les trajectoires dans lesquelles un collectif pourrait s’engager » (Hatchuel, 1994, p. 70).
Dans le cas spécifique de la recherche-intervention relatée ici, nous sommes partis du principe que la nature duale des outils de gestion, entendus comme la « formalisation des activités organisées » (Moisdon, 1997), implique que leur conception intègre aussi bien leur dimension instrumentale que leur dimension sociale. Nos objectifs tiennent en effet tant à la définition/conception d’outils de gestion à même de répondre aux préoccupations des réseaux qu’à la production de savoirs théoriques relatifs aux processus de définition des outils de gestion, « by getting our hands dirty » (Eisenhardt et Graebner, 2007).
Notre démarche est de nature idiographique; la connaissance produite est contextuelle et relative (Thiétart, 1999). Appréhendant la définition d’un projet de recherche-intervention dans une perspective structurationniste (Giddens), nous accordons une importance primordiale à l’action et à la définition politique de la situation à la fois construite par les acteurs et contraignant leurs actions. La base de notre démarche est empirique et la connaissance produite procède de l’observation et de l’étude des documents disponibles, mais aussi et de manière complémentaire d’entretiens de type compréhensif (Kaufmann, 1996) avec les acteurs clés du terrain. En ce qui concerne la collecte et le traitement des données, la méthode des études de cas a été utilisée (Yin, 1994). Comme nous le précisons ci-dessous, pour cette démarche interprétative nous avons mobilisé la théorie de la traduction.
Cadre conceptuel : la théorie de la traduction
Au-delà de la construction du tableau de bord comme outil de gestion et de pilotage du réseau, la démarche proposée participe à la construction du réseau lui-même à travers les interactions, les confrontations des attentes et des représentations des différents acteurs, de même que les reformulations successives. Nous analysons l’apport de MAPP à la structuration progressive d’un réseau et suivons son évolution en nous appuyant sur la sociologie de l’innovation.
Callon et al. ont en effet élaboré un cadre d’analyse intéressant autour de l’étude des sciences et des techniques, la théorie de la traduction (Akrich, Callon et Latour, 2006). Aussi appelée sociologie de l’innovation, cette théorie a été initialement conçue pour suivre des processus de construction de faits scientifiques ou de conception d’innovations technologiques. Les auteurs ont cherché à « suivre les associations » entre des entités de tout ordre (humains, non humains, collectifs, individuels) et à étudier le processus de construction et de stabilisation de ces liens (traductions successives, consolidation à travers un dispositif [irréversibilité]). Le réseau se construit pas à pas autour du projet et le projet se construit en retour à travers la construction du réseau.
Il importe dès lors de suivre/analyser l’association de ces acteurs[2] avec les éléments qui permettent d’évaluer leur résistance, les dispositifs qui lèvent l’ambiguïté (outils, discours, lois, stratégies, etc.). Ce sont en effet ces éléments qui vont progressivement donner au réseau une certaine « irréversibilité ».
Un certain nombre d’étapes ont été définies dans la littérature (Callon, 1986; Amblard et al., 1996; Doorewaard et Van Bijsterveld, 2001). Nous en retenons trois en particulier.
La phase d’alignement intègre une analyse du contexte, une problématisation (premier projet provisoire) et un intéressement. C’est une étape de définition d’un premier projet et de boucles de légitimation et de redéfinition successives au fur et à mesure de la confrontation avec différents acteurs.
La phase d’enrôlement consiste pour les acteurs à définir et négocier les rôles. C’est un processus de négociation multilatéral pour déterminer et attribuer les rôles en lien avec le projet. Les acteurs sont mobilisés dans le projet à travers l’affectation de rôles en construction à partir du sens et de l’intérêt des acteurs pour le projet. C’est un processus de construction réciproque du réseau et des acteurs.
En phase de consolidation, le réseau se renforce (élargissement des entités en quantité et en qualité) et se stabilise (multiplication des dispositifs : règles, routines, procédures, objets techniques, infrastructures). Il acquiert un certain degré d’irréversibilité et une capacité d’action (clôture des débats et controverses).
Ces étapes ne sont toutefois ni linéaires, ni chronologiques, mais imbriquées et itératives. L’enjeu de leur déroulement est une stabilisation et une irréversibilité progressives du réseau dont les éléments (routines, institutions, etc.) deviennent de moins en moins malléables et sujets à controverse.
Dans notre analyse, nous montrons que la construction du tableau de bord permet de construire le réseau en lui-même (traductions successives) et qu’elle participe à sa consolidation. L’objet « tableau de bord », parce qu’il explicite, renforce et pose un ensemble de règles et de ressources du réseau, est un objet particulier : un objet intermédiaire.
Un objet intermédiaire en quatre dimensions
Notre analyse repose sur la construction simultanée du matériel et du social (Schvartz, 2006), l’objet accède au statut d’acteur, façonnant l’action et intervenant dans les situations.
L’attention portée aux objets intermédiaires (Vinck, 1999) permet de prendre en compte tant les résultats intermédiaires d’un projet (dimension temporelle) que les médiateurs dans des relations (dimension spatiale).
Nous suivons donc le processus de définition d’un tableau de bord au sein d’un réseau associatif en nous focalisant sur cet objet intermédiaire et les dynamiques qui concourent à sa création et à la coconstruction du réseau lui-même. Nous optons par conséquent pour une analyse centrée sur le réseau lui-même, dans sa dynamique de structuration, en lien bien sûr avec les éléments de contexte extérieurs à celui-ci, mais seulement dans la façon dont ils sont mobilisés par les acteurs (humains et non humains) en présence. Pour caractériser l’apport de cette démarche de construction d’un tableau de bord à la structuration du réseau, nous mobilisons les quatre dimensions de l’action collective identifiées par Friedberg (1997, p. 166) :
« Le degré de formalisation et de codification de la régulation », qui renvoie à l’explicitation et la codification des règles, ici un dispositif mixte composé de règles et de mécanismes formels et informels progressivement structurés par et structurant l’action collective.
« Le degré de finalisation de la régulation qui renvoie à l’existence de buts formulés et à l’articulation des mécanismes de régulation autour de ces buts. » Il s’agit d’une intégration par les acteurs des résultats projetés de la coopération (ou de la non-coopération) en tant qu’enjeux et moteurs de leurs actions.
« Le degré de prise de conscience et d’intériorisation de la régulation par les participants », qui tient à la réflexivité des acteurs : leur capacité de réflexion et d’anticipation. Les informations et données nécessaires à cette réflexivité sont construites soit par l’intermédiaire des dispositifs et instruments de mesure (visibilité de données de performance), soit par l’interconnaissance des acteurs (capacité d’anticiper les stratégies réciproques).
« Le degré de délégation explicite de la régulation », qui concerne la responsabilité : l’implication respective des acteurs internes (ajustements, équilibrages) et externes (tiers, règles externes) dans la mise en oeuvre de la régulation.
Selon Friedberg, le mouvement de l’action collective tend vers une structuration progressivement plus consciente et formalisée de la coopération, bien que le processus ne suive pas un schéma linéaire et inéluctable. La structuration de l’action collective se réalise à travers des processus d’innovation sociale et d’apprentissage collectif.
L’objet « tableau de bord », par ses caractéristiques et le processus qui en supporte la définition, devient structurant pour le réseau : il en cristallise la construction. C’est un intermédiaire dans l’intégration et la construction des règles de pilotage et plus largement de l’organisation et des représentations associées au réseau.
Étude de cas
Cette étude de cas concerne le déploiement de MAPP au sein d’un réseau associatif émergent dans le secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC), Yet Another Java User Group in Luxembourg (YaJUG). Pour la clarté de l’exposé, nous avons structuré l’étude en trois phases, selon les étapes d’émergence et de structuration d’un réseau telles que présentées ci-dessus.
Sous la forme d’une ASBL, YaJUG regroupe des passionnés de la technologie Java. Ce réseau n’a pas de finalité économique en tant que telle, mais a pour objet la promotion de Java face à une menace perçue : sa perte de vitesse dans un environnement hautement concurrentiel.
Première phase : alignement
À la fin de 2005, à l’occasion d’un événement regroupant les professionnels des TIC sur la place luxembourgeoise, l’idée de créer un réseau autour de Java jaillit au sein d’un petit groupe, trois personnes partageant une passion commune pour cette technologie. Ces personnes, qui s’investissent à titre individuel, présentent des profils professionnels divers et viennent d’organisations publiques et privées.
Cette phase s’amorce donc par la mobilisation de quelques acteurs – se connaissant de longue date et se rencontrant régulièrement à titre professionnel et personnel – autour du projet de création d’un nouveau JUG. Ces personnes partagent une expérience similaire antérieure vécue comme un échec et elles souhaitent éviter les écueils passés. Pour l’heure, elles ont une préoccupation commune quant à ce qu’elles considèrent comme une perte de vitesse de la technologie Java.
Au printemps 2006, ces personnes mobilisent leur carnet d’adresses personnel autour de cette idée pour créer un noyau de huit professionnels. Ce groupe se réunit régulièrement de manière informelle pour échanger sur le fond et engager une réflexion sur la forme de leur réseau, qu’ils dotent rapidement d’une identité et d’un logo. Ses membres amorcent des discussions relatives aux objectifs et activités du réseau sans toutefois aboutir à une formulation claire ou partagée. Les statuts de l’association (forme juridique choisie) sont en cours de réflexion. Le rôle d’animateur (non formalisé) est endossé de manière tacite par un membre dynamique et fortement impliqué.
À ce stade, nous définissons l’action collective comme une collusion d’intérêts individuels autour d’un premier objectif large (finalisation) dans un cadre informel, certes, mais en cours de formalisation (statut de l’association, nom, logo). Les participants développent une conscience individuelle de l’intérêt de coopérer autour de Java en rapport avec leurs intérêts (réflexivité). L’interconnaissance est forte entre certains membres. Ils sont à la recherche d’un soutien méthodologique pour aller plus avant dans la définition de l’ambition et de la mission de leur réseau. C’est dans cette optique qu’ils sollicitent une des auteures à des fins d’intervention. Le groupe marque un accord unanime à la proposition qui est faite de déployer MAPP en trois étapes (telles que décrites ci-dessus) à partir de juin 2006, sur une période de dix mois.
Deuxième phase : enrôlement
La première séance de travail MAPP a pour objet l’élaboration d’une stratégie claire et partagée, concourant à l’enrôlement des acteurs. Les huit participants structurent leur stratégie en trois composantes :
Les valeurs du réseau expriment la manière dont le réseau souhaite être perçu par son environnement, l’image qu’il souhaite véhiculer.
Les objectifs stratégiques expriment, de manière relativement générale, une situation idéale du réseau à moyen terme.
Les objectifs opérationnels sont quant à eux spécifiques, mesurables et bornés dans le temps; ils expriment ce que le réseau doit mettre en oeuvre pour atteindre ses objectifs stratégiques.
Des négociations s’engagent autour de la définition du « projet ». Il y a une confrontation de ce que chacun des participants avait identifié comme attentes et intérêts derrière la création d’un JUG et sur les valeurs portées par l’ensemble. Cette première négociation multilatérale explicite montre l’enrôlement de chacun en tant que « fondateur » du YaJUG. Le rôle de traducteur est endossé par la chercheuse et se révèle très important pour permettre l’expression de chacun et sa traduction en une vision plus consciente et partagée du projet.
L’action collective se caractérise ici par un collectif autour d’un projet explicité. Émerge alors un premier objet intermédiaire qui cristallise une vision stratégique partagée (formalisation), cette vision contribuant elle-même à formaliser les buts en confrontant les enjeux de chacun (finalisation). L’interconnaissance des membres est renforcée par l’expression des attentes de chacun et leur rencontre plus régulière (réflexivité). Le collectif définit ses valeurs partagées qui fondent son identité. Certains membres s’engagent de fait dans la régulation de cette action collective (responsabilité) : organisation des rencontres, échanges, coordination, etc.
La deuxième étape de MAPP vise la traduction de la vision stratégique en un plan d’action soutenant également l’approfondissement de l’enrôlement des acteurs dans le réseau. La séance de travail débute par une discussion de groupe et une validation collective de la stratégie. Les participants y apportent une modification mineure et la valident collectivement.
Sur base de cette vision stratégique, le traducteur (en l’occurrence, une chercheuse) anime un remue-méninges (brainstorming) pour amener les participants à établir un plan d’action contribuant à la réalisation des objectifs du réseau. La séance commence par un recensement des actions, suivi d’une définition plus fine de celles-ci : les participants décrivent en détail les activités (bénéfices pour les membres, ressources nécessaires – financières et humaines) et s’engagent dans les rôles nécessaires à leur réalisation concrète.
Lors de cette séance, la négociation s’engage autour de la mise en oeuvre pratique du projet : les activités, les moyens, l’agenda, etc., en lien avec la vision stratégique. Chacun expose sa vision des actions à entreprendre pour réaliser les enjeux définis ensemble. Le fait de parvenir à construire un plan d’action valide et renforce la stratégie énoncée. Ce plan d’action enrôle l’ensemble des membres en tant qu’« organisateurs » des actions à mettre en place.
L’action collective se métamorphose en projet collectif. Les règles et mécanismes de fonctionnement (formalisation) se définissent progressivement, mais restent peu formalisés. La formalisation des buts (finalisation) se poursuit à travers leur déclinaison en actions concrètes à mener, liant leurs actions à leurs enjeux. Les participants identifient la nécessité de la coopération et prennent conscience de leur interdépendance (réflexivité). L’implication de chacun dans la dynamique (responsabilité) apparaît à travers les rôles qui se construisent de fait autour des activités à mener. L’objet intermédiaire se caractérise à ce stade par davantage de formalisation et soutient en particulier la réflexivité et la responsabilité des acteurs.
Troisième phase : consolidation et institutionnalisation
Les membres fondateurs, entre-temps constitués en bureau, exploitent les objets résultant de MAPP et communiquent leur vision stratégique et leur plan d’action pour diffuser leur projet et recruter de nouveaux membres. En juin et septembre 2006, le YaJUG organise deux conférences, qui attirent chacune environ 90 professionnels grâce à des interventions ciblées et assurées par des intervenants reconnus. Ces événements de lancement du réseau sont largement relayés par la presse. Dans le même temps, le bureau se consolide en établissant des routines de fonctionnement (réunions régulières et formalisées par un ordre du jour et un compte rendu, la création d’un site Internet) et les statuts légaux de l’association sont déposés. Devant l’intérêt pour le projet reconnu par l’affluence à ces conférences, il planifie un événement officiel en février 2007 et ouvre son réseau aux nouvelles adhésions (sur base d’une cotisation annuelle).
Cette phase d’adhésion de nouveaux membres contribue à l’élargissement du réseau : le collectif diffuse son projet (mobilise l’objet intermédiaire) pour attirer de nouveaux acteurs. Le projet n’est toutefois plus entièrement ouvert à négociation : il se formalise et se consolide à travers différents objets (statuts, vision, plan d’action, nom, logo, etc.). L’ouverture est affichée autour du contenu de rencontres/conférences et d’activités où le collectif souhaite une implication des nouveaux membres. Il s’agit donc d’une étape d’intéressement, puis d’enrôlement de nouveaux acteurs et de consolidation du réseau grâce à son élargissement (membres et objets).
L’action collective devient à ce stade un projet collectif officiel. La formalisation se renforce par l’enregistrement légal. Le fonctionnement se codifie : les routines du bureau (rencontre mensuelle, ordre du jour, procès-verbaux), les rôles de droit et de fait, les activités (quatre rencontres du YaJUG par an, agenda…). La formalisation des buts (finalisation) est consolidée par leur mise en pratique et leur confrontation au terrain. L’affluence engrangée est considérée comme un signal positif pour le projet collectif. Les acteurs se dotent de mesures et d’outils pour s’assurer de l’adéquation de leur projet avec les besoins et attentes des membres potentiels identifiés (nombre d’inscriptions, fiche d’évaluation, etc.), développant en cela leur niveau de réflexivité et intégrant une première idée de régulation nécessaire de l’action collective. Dans le même temps, l’interconnaissance entre les huit organisateurs se renforce par les nombreuses rencontres et confrontations/explicitations, ce qui facilite d’autant la dynamique. La régulation interne (responsabilité) est donc liée ici aux ajustements mutuels et fondée sur cette interconnaissance. Le statut d’association choisi pour le projet introduit un régulateur externe (loi, cadre réglementaire).
À la fin de 2006, le YaJUG poursuit MAPP par la construction d’un tableau de bord lui permettant de mesurer le degré de réalisation de ses objectifs. En amont de la séance de travail, l’animateur-traducteur propose au YaJUG une nouvelle version de l’objet intermédiaire : une carte stratégique, structurant les objectifs opérationnels du YaJUG en quatre axes de performance (visualisation) précédemment définis : bénéfices, membres, contexte externe et organisation. La séance de travail débute par la validation de cette carte stratégique et se poursuit par la construction des indicateurs permettant d’évaluer sa réalisation.
Dans un premier temps, les acteurs proposent spontanément des indicateurs[3] pour mesurer la réalisation des objectifs opérationnels, sans contraintes de constructibilité ou de règle précise. Les indicateurs identifiés sont réalistes et partagés, signe d’appropriation collective de la stratégie.
Les participants construisent ensuite les indicateurs identifiés : description, modalités d’exploitation et de communication, de collecte des données, etc. Les discussions (controverses) s’engagent sur deux aspects plus particulièrement : les critères de performance[4] et les valeurs cibles à atteindre pour chaque objectif.
Par cet exercice de quantification et de qualification de leur perception de la performance, les participants affinent leur compréhension de la stratégie et prennent conscience de l’implication nécessaire à sa réalisation. Ils révisent certains objectifs, jugés trop ambitieux pour une première année de vie de leur réseau. Par exemple, l’objectif de « participer à des événements TIC internationaux » est reformulé en « informer les membres sur les événements TIC internationaux ».
Au terme de cette séance, l’animateur-traducteur enrôle les membres en leur demandant de désigner un responsable de l’exploitation du tableau de bord. Le travail de l’équipe de la chercheuse-intervenante consiste ensuite à formaliser les indicateurs, à les synthétiser sur la base de la carte stratégique et à construire l’outil correspondant (visualisation). La restitution de l’outil s’opère en deux temps :
La liste des indicateurs et le principe de l’outil sont présentés aux participants. Nous constatons alors que ces derniers ont endossé leur rôle de membres du bureau : ils envisagent les possibilités de l’outil (notamment en termes de communication lors de l’assemble générale du réseau) et mettent en avant leur volonté de l’exploiter régulièrement, notamment comme support à leurs réunions de pilotage.
La personne responsable de l’outil est alors formée à son exploitation. Signe de l’endossement de son rôle, cette personne propose rapidement une extension depuis l’onglet de saisie des données relatives aux membres pour pouvoir gérer les adhésions grâce à ce même outil (paiement des cotisations, abonnement au bulletin d’information (newsletter), etc.).
Cette troisième séance de travail menée avec le bureau du YaJUG permet d’expliciter et de confronter les résultats attendus du projet. Elle affine et consolide la vision stratégique (hiérarchie et pondération des objectifs, interdépendances visualisées), objectivée au travers de la carte stratégique. La notion de performance est déclinée en différents indicateurs par les participants. Le tableau de bord, intégrant l’ensemble de ces indicateurs et leurs interdépendances, est bien plus qu’un objet de suivi. Il matérialise l’ensemble des éléments définis par le collectif en les redéfinissant en partie : leurs enjeux, leur interconnaissance, leur plan d’action, leurs rôles, etc., et en cela il le consolide et le renforce. Cette séance introduit un troisième niveau d’enrôlement du collectif où les acteurs se positionnent comme des régulateurs.
L’action collective est à ce stade un réseau associatif officiel/formel. Le tableau de bord est venu compléter et intégrer le dispositif par une pièce formelle, intégratrice de l’ensemble des règles formelles et informelles (formalisation). La définition des buts du réseau (finalisation) a été fortement approfondie et renforcée (interdépendance, liens actions-enjeux). L’outil, résultat de la réflexivité des participants, devient surtout un outil améliorant la capacité collective de réflexion et d’anticipation. La convergence des indicateurs proposés par les participants démontre une intériorisation forte et convergente des buts. La démarche de construction de tableau de bord a éveillé à la conscience d’une nécessaire régulation collective du projet. En définissant le contenu des indicateurs, les participants se sont engagés de fait (et parfois formellement – responsable TB) dans ce processus de régulation (responsabilité).
En 2007, le réseau compte 90 membres. Le tableau de bord est alimenté régulièrement par la personne responsable, et les indicateurs sont présentés à chaque réunion du bureau et à l’assemblée générale annuelle de l’association.
Conclusion
L’étude de cas du YaJUG met en exergue le fait que la construction collective d’un tableau de bord relatif à la réalisation des objectifs d’un réseau – entendu comme innovation sociale – participe à la structuration et à l’institutionnalisation de ce dernier. À cet effet, les phases d’émergence d’un réseau d’innovation, telles que définies par la théorie de la traduction et le concept d’objet intermédiaire qui y est associé, permettent de suivre l’évolution de ce réseau particulier. Cette démarche d’analyse a été reproduite dans d’autres études de cas – actuellement en cours de finalisation – dont les résultats semblent conforter ces conclusions. Bien sûr, cette démarche, qui s’appuie sur les représentations des acteurs parties prenantes, n’est pas sans soulever des questions.
Ces questions relèvent pour l’essentiel des acteurs impliqués. L’animateur-traducteur et son rôle spécifique, d’une part, ce rôle étant rempli ici par une chercheuse-intervenante. Les participants aux groupes de travail sur lesquels s’appuie MAPP, d’autre part. Ces rôles supposent légitimité et compétences mais, à ce stade, nous avons peu d’éléments pour les caractériser. Le rôle d’animateur-traducteur peut-il être endossé par un membre du réseau en lui-même, autre acteur de l’innovation sociale? À quelles conditions? Dans ce cas, qu’en est-il des principes structurants inhérents à la démarche proposée? De la même façon, quels sont les critères qui devraient gouverner à la définition des groupes de travail au-delà du volontarisme des individus concernés? Les quelques facilitateurs identifiés dans le cas du YaJUG se retrouvent-ils dans d’autres cas de figure?
Enfin, un autre type de questionnement à prendre en considération tient à la temporalité des phénomènes de structuration. La démarche se veut itérative, mais comment lutter contre la tendance à « s’accrocher » aux objectifs tels que définis? Quelles formes peut prendre la nécessaire adaptabilité de la démarche pour éviter tant les dérives de l’immobilisme que celles de la fuite en avant? Autant de questions ouvertes aujourd’hui auxquelles nos prochains travaux devraient apporter des éléments de réponse.
Quant aux enseignements clés tirés de nos observations, ils relèvent en particulier des quatre dimensions de l’action collective :
L’enrôlement des acteurs dans la construction de l’objet intermédiaire que constitue le tableau de bord (réflexivité) favorise leur mobilisation/implication dans la mise en oeuvre quotidienne des activités contribuant à la réalisation des objectifs du réseau (responsabilité).
Les réflexions des acteurs sur la notion de performance de leur réseau et sa quantification/qualification au moyen d’indicateurs agissent sur leur réflexivité et leur appropriation tant de la stratégie que de l’outil.
La formalisation progressive de l’objet intermédiaire favorise les échanges de savoirs, la recherche de consensus quant au sens et aux finalités (finalisation), la coopération entre les acteurs qui, modérés par l’animateur-traducteur, consolident le réseau et, de la sorte, participent à son institutionnalisation.
Appendices
Notes
-
[1]
Projet de coopération interrégionale TINIS (Technological Innovation Network in the Field of Information Systems) – http://www.tinis-project.net/.
-
[2]
Acteur, Actant, Entité seront ici considérés dans une même optique. « Qu’est-ce qu’un acteur? N’importe quel élément qui cherche à courber l’espace autour de lui, à rendre d’autres éléments dépendants de lui, à traduire les volontés dans le langage de la sienne propre. Un acteur dénivelle autour de lui l’ensemble des éléments et des concepts que l’on utilise d’habitude pour décrire le monde social ou naturel. En disant ce qui appartient au passé et de quoi est fait l’avenir, en définissant ce qui est avant et ce qui est après, en bâtissant des échéanciers, en dessinant des chronologies, il impose une temporalité. L’espace et son organisation, les tailles et leurs mesures, les valeurs et les étalons, les enjeux, les règles du jeu, l’existence même du jeu, c’est lui qui les définit ou se les laisse imposer par un autre plus puissant » (CALLON et LATOUR, 2006). En conclusion, les auteurs plaident pour ne définir aucune distinction a priori entre les acteurs.
-
[3]
Information choisie, associée à un critère, destinée à en observer les évolutions à intervalles définis (AFNOR FD X 501-71).
-
[4]
Caractère, signe qui permet de distinguer une chose, de porter un jugement d’appréciation (AFNOR FD X 501-71).
Bibliographie
- AKRICH, Madeleine, CALLON, Michel et Bruno LATOUR (2006). Sociologie de la traduction. Textes fondateurs, Paris, École des mines de Paris, 303 p.
- AMBLARD, Henri, BERNOUX, Philippe, HERREROS, Gilles et Yves-Frédéric LIVIAN (1996). Les nouvelles approches sociologiques des organisations, Paris, Seuil, 291 p.
- ARGYRIS, Chris, PUTNAM, Robert et Diana MCLAIN SMITH (1990). Action Science, San Francisco, Jossey-Bass, 480 p.
- BELLEMARE, Guy et Louise BRIAND (2006). « Définition structurationniste des innovations et transformations sociales », dans Paul-André LAPOINTE et Guy BELLEMARE (dir.), Innovations dans le travail et l’emploi. Recherches empiriques et perspectives théoriques, Québec, Les Presses de l’Université Laval, p. 275-305.
- CALLON, Michel et Bruno LATOUR (2006). « Le grand Leviathan s’apprivoise-t-il? », dans Madeleine AKRICH, Michel CALLON et Bruno LATOUR, Sociologie de la traduction. Textes fondateurs, Paris, École des mines de Paris, p. 11-32.
- CALLON, Michel (1986). « Éléments pour une sociologie de la traduction. La domestication des coquilles Saint-Jacques et des marins-pêcheurs dans la baie de Saint-Brieuc », L’année sociologique, no 36, p. 169-208.
- CHABIN, Yann, NARO, Gérald et Denis TRAVAILLE (2003). « Les tableaux de bord stratégiques entre conception et action : propos d’étape d’une recherche intervention », Actes du 24e congrès de l’Association française de comptabilité (AFC), 18 p.
- DAMERON, Sandrine (2001). « Les deux conceptions du développement de relations coopératives dans l’organisation », Actes de la conférence de l’Association internationale de management stratégique, 29 p.
- DARAUT, Sandrine et Med KECHIDI (2004). « La théorie de la structuration : une application à l’analyse des organisations et au changement organisationnel », Cahiers du GRES, no 21, 16 p.
- DAVID, Albert (2000). « La recherche-intervention, cadre général pour la recherche en management », Actes de la conférence internationale de management stratégique, 22 p.
- DE LA VILLARMOIS, Olivier (2001). « Le concept de performance et sa mesure : un état de l’art », Les Cahier de la recherche, Centre lillois d’analyse et de recherche sur l’évolution des entreprises, 21 p.
- DE LA VILLE, Valérie-Inès et Ingrid FRANCE (2004). « L’émergence d’un réseau institutionnel local », dans Colette VOISIN (dir.), Les réseaux : dimensions stratégiques et organisationnelles, Paris, Economica, p. 159-172.
- DOOREWAARD, Hans et Mark VAN BIJSTERVELD (2001). « The Osmosis of Ideas : An Analysis of the Integrated Approach to IT Management from a Translation Theory Perspective », Organization, vol. 8, no 1, p. 55-76.
- EISENHARDT, Kathleen M. et Melissa E. GRAEBNER (2007). « Theory Building from Cases : Opportunities and Challenges », Academy of Management Journal, vol. 50, n° 1, p. 25-32.
- FRIEDBERG, Erhard (1997). Le pouvoir et la règle, Paris, Seuil, 422 p.
- GIDDENS, Anthony (1987). La constitution de la société, Paris, Presses universitaires de France, 496 p.
- GRENIER, Corinne (2004). « La construction collective d’un réseau de santé – Le rôle du dossier patient comme objet frontière dans le processus de conception », AIMS, Le Havre, 22 p.
- HATCHUEL, Armand (1994). « Les savoirs de l’intervention en entreprise », Entreprises et histoire, no 7, p. 59-75.
- HATCHUEL, Armand et Hugues MOLET (1986). « Rational Modelling in Understanding Human Decision Making : About Two Case Studies », European Journal of Operations Research, vol. 24, no 1, p. 178-186.
- KAPLAN, Robert S. et David P. NORTON (1998). Le tableau de bord prospectif, Paris, Éditions d’Organisation, 311 p.
- KAPLAN, Robert S. et David P. NORTON (2001). Comment utiliser le tableau de bord prospectif. Pour créer une organisation orientée stratégie, Paris, Éditions d’Organisation, 423 p.
- KAUFMANN, Jean-Claude (1996). L’entretien compréhensif, Paris, Nathan Université, coll. « Sociologie », 128 p.
- LEFAIX-DURAND, Aurélia, POULIN, Diane, BEAUREGARD, Robert et Robert KOZAK (2006). « Relations inter-organisationnelles et création de valeur – Synthèse et perspectives », Revue française de gestion, no 164, p. 205-227.
- MINTZBERG, Henri et Pierre ROMELAER (1994). Grandeur et décadence de la planification stratégique, Paris, Dunod, 455 p.
- MOISDON, Jean-Claude (1997). Du mode d’existence des outils de gestion – les instruments de gestion à l’épreuve de l’organisation, Paris, Seli Arslan, 286 p.
- NEUVILLE, Jean-Pierre (1999). « Des réseaux inter-personnels aux réseaux inter-entreprises : la régulation sociale des contrats de partenariat industriel », dans Thomas FROEHLICHER et Serge VENDEMINI (dir.), Connivences d’acteurs, contrats, coopération inter-entreprises et métamorphose des organisations, France, Presses universitaires de Nancy, p. 283-304.
- ROMELAER, Pierre (1999). « Relations externes des entreprises et gestion des innovations. Notes de lecture », dans Dominique FORAY et Jacques MAIRESSES (dir.), Innovation et performance : approches interdisciplinaires, France, Presses de l’Institut des Hautes Études en sciences sociales, p. 385-398.
- RORIVE, Brigitte (2003). « eProjet : la conduite du changement par la traduction », Lentic, Université de Liège, 36 p.
- ROULEAU, Linda et Gelson Silva JUNQUILHO (1998). « Analyse organisationnelle et théorie de la structuration. Le renouvellement du projet moderniste », XIVe Congrès mondial de sociologie, Montréal.
- TARDIF, Carole (2005). « Complémentarité, convergence et transversalité : la conceptualisation de l’innovation sociale au CRISES », Cahiers du CRISES, coll. « Études théoriques », no ET0513, 81 p.
- VINCK, Dominique (1999). « Les objets intermédiaires dans les réseaux de coopération scientifique. Contribution à la prise en compte des objets dans les dynamiques sociales », Revue française de sociologie, XL-2, p. 385-414.
- YIN Robert K. (1994). Case Study Research : Design and Methods, Thousand Oaks, Sage Publications, 219 p.