Abstracts
Résumé
Comment un projet de recherche-action-formation, cherchant à valoriser les langues et les cultures des Métis dans les écoles primaires francophones de l’Ouest canadien, permet-il d’explorer les interconnexions entre les langues autochtones, les savoirs traditionnels et la relation à la terre ? À travers une série d’exemples tirés de l’approche que nous avons développée autour des langues traditionnelles des Métis, nous explorons comment la pédagogie de la terre, telle que nous l’interprétons en lien avec les savoirs transmis par les Ainés qui ont collaboré à ce projet, nous permet de jeter un regard neuf sur notre rapport à la nature et aux Autres.
Mots-clés :
- autochtone,
- décolonisation,
- michif,
- pédagogie de la terre,
- écoles élémentaires
Abstract
In this article, we explain how a research-action-learning project, oriented towards the valorization of Métis languages and cultures in French-language elementary schools in Western Canada, allowed us to explore the interconnections between Indigenous languages and traditional knowledge on the one hand and relationships to the land on the other. Through a series of examples drawn from the approach we have developed around Métis people’s traditional languages, we indicate how land-based pedagogy, as we interpret it in relation to the knowledge transmitted by the Elders collaborating in the project, allows us to revisit our relationship with nature and people.
Keywords:
- indigenous,
- decolonization,
- mechif,
- land-based learning elementary schoools
Article body
Dans le cadre de cet article, nous présentons un projet que nous avons mené dans le contexte de la réconciliation avec les peuples autochtones au Canada [1] . Au Canada en effet, on assiste à un mouvement de reconnaissance des torts causés aux Premières Nations, aux Métis et aux Inuits, avec une volonté affirmée de revaloriser les savoirs traditionnels dans la société en général, et dans le milieu de l’éducation en particulier. En collaboration avec des Ainés Métis [2] de l’Ouest canadien, nous avons ainsi développé un dispositif pédagogique permettant de donner une place aux savoirs et aux histoires autochtones dans les écoles francophones. Ancré en didactique des langues, ce dispositif a pour particularité de donner la parole aux Ainés dans une de leurs langues traditionnelles [3] (le michif), une langue qui emprunte à la fois au français et à la langue crie. La langue est un vecteur pour entrer dans la culture des communautés Métisses. Mais les visions du monde autochtones nous amènent également, à travers la langue, à interroger notre rapport à la nature, au territoire traditionnel (compris comme une aire géographique identifiée par un peuple des Premières Nations comme étant la terre habitée ou occupée de manière traditionnelle), aux lieux (comme espaces davantage circonscrits, naturels ou urbains, historiques ou contemporains) ou encore à la Terre-Mère (telle que souvent nommée par les différents peuples Premières Nations à travers le Canada). En effet, dans les visions traditionnelles du monde autochtone, les savoirs sont interreliés (Battiste et Youngblood Henderson, 2000 ; Cajete, 1994). Par ailleurs, la langue, la terre et la spiritualité constituent selon Rocky Morin [4] (2022), trois piliers essentiels de la culture crie, à laquelle la langue michif est apparentée. Ainsi, si l’on cherche à comprendre les langues autochtones en respectant les visions du monde associées, il devient pertinent de s’intéresser aux savoirs et aux valeurs spirituelles que la langue renferme. Le projet d’éveil aux langues traditionnelles des Métis nous a permis, grâce à la pédagogie de la terre (Campeau, 2021, 2019), de tisser plusieurs liens entre la didactique des langues et l’écoformation (Pineau, 2023), que l’on définit ici comme « démarche de recherche-action-formation avec l’environnement » (Pineau, 2019 : 1).
Le contexte sociétal et le concept de réconciliation
Avant de pouvoir aborder les savoirs et les perspectives autochtones qui ont nourri ce projet, il convient d’expliquer le contexte entourant la « réconciliation » au Canada, un mot qui est à la fois un incontournable dans la société canadienne actuellement et un mot polémique. Décimés, dépossédés de leurs terres, déplacés et cantonnés dans des territoires restreints jugés de moindre qualité par les colons, séparés de leurs familles, visés par des politiques d’assimilation agressives récurrentes et systémiques, les Autochtones du Canada sont désormais reconnus comme étant les victimes d’un génocide culturel (Commission de Vérité et Réconciliation/CVR, 2015), mais aussi d’un génocide tout court, ciblant en particulier les femmes (FFADA, 2019) et les enfants (Starblanket, 2020). Suite aux travaux de la Commission de vérité et réconciliation, le vécu des Premières Nations, des Métis et des Inuits dans les pensionnats autochtones a été rendu public, provoquant une onde de choc qui a été amplifiée récemment par la macabre découverte de corps d’enfants aux alentours des écoles résidentielles qui, pendant des générations, ont maltraité les enfants autochtones après les avoir arrachés à leurs familles et à leur culture. Face à la prise de conscience d’une réalité à la fois brutale et contemporaine - puisque les derniers pensionnats ont fermé dans les années 1990-, la société canadienne dans son ensemble est appelée à revisiter son histoire et à travailler, au présent et pour le futur, à l’instauration de relations plus justes et plus équitables, avec un lourd travail de réparation des torts à mener. Est aussi de plus en plus affirmée la nécessité de pouvoir nouer un dialogue de qualité afin d’accorder une place véritable à des savoirs, des histoires et visions du monde qui ont été bâillonnées et violemment réprimées pendant des siècles. Si l’on parle ainsi généralement de « réconciliation » pour nommer ce processus, plusieurs leaders et auteurs autochtones (Corntassel et coll., 2009 ; Madden, 2019) nous invitent toutefois à réfléchir à la généralisation d’un terme qui n’obtient pas nécessairement l’adhésion des personnes et communautés touchées en premier lieu. Ce terme, ancré dans une tradition judéo-chrétienne, implique par exemple la reconnaissance d’un tort, le pardon pour des actes spécifiques et la restauration de relations antérieures dont on postule a priori qu’elles étaient satisfaisantes et qu’on devrait rétablir. Sans entrer ici dans la complexité de cette discussion, on orientera le lecteur vers l’article de Madden (2019), qui indique que le processus de réparation des torts et de restauration de relations saines et durables implique non seulement les peuples autochtones et non autochtones, mais aussi la Terre, considérée comme une entité spirituelle à part entière. Il s’agit ici de la « Terre-Mère », avec laquelle il convient de vivre dans une relation harmonieuse réciproque puisqu’elle nous nourrit, nous loge, nous enseigne, et, de manière globale, prend soin de nous, dans tous les aspects de notre développement, physique, émotionnel, mental et spirituel, nous montrant comment s’épanouir de manière individuelle, mais aussi collective, en relation avec le monde humain et autre qu’humain, qu’il soit animé ou pas (Wall Kimmerer, 2013).
Au-delà de toute la complexité des concepts et des réalités qui entourent le terme de réconciliation, et que l’on ne peut qu’effleurer ici, reste que la société canadienne est clairement impactée par ce mouvement, qui induit des changements importants dans l’éducation et le milieu scolaire à travers toutes les provinces.
Le contexte éducatif en réponse aux appels de la Commission de Vérité et Réconciliation
En 2015, la commission d’Enquête publique dite de Vérité et Réconciliation (2015) a publié 94 appels à l’action qui exhortent différents secteurs publics à agir. Le secteur éducatif est évidemment concerné avec une série d’appels qui engage la responsabilité des gouvernements fédéraux et provinciaux à réformer les programmes scolaires afin de mieux éduquer les Canadiens aux réalités passées, présentes et futures des communautés autochtones. La réforme des programmes passe, précise le document, par la collaboration avec les survivants des pensionnats autochtones, les éducateurs et peuples autochtones directement concernés (CVR, 2015). Ces appels à l’action demandent également que les élèves autochtones puissent bénéficier d’écoles adéquatement subventionnées afin d’enseigner et revitaliser les savoirs autochtones mis à mal par le génocide, en utilisant des méthodes d’enseignement autochtones qui respectent les manières d’apprendre et les visions du monde traditionnelles. Enfin, l’appel à l’action 63 (CVR, 2015) engage la responsabilité du milieu éducatif pour ce qui est de développer, chez les élèves, une intercompréhension sur le plan culturel, une empathie et un respect mutuel.
À travers le Canada, un mouvement d’ensemble pour réformer les programmes scolaires des écoles primaires et secondaires et pour améliorer les pratiques professionnelles en la matière est désormais enclenché. En Alberta, province de l’Ouest canadien où s’ancre notre projet, les normes de qualité de l’enseignement et du leadership scolaire ont été révisées en 2019 afin de s’assurer que les enseignants intègrent des savoirs de base dans leur enseignement et participent au processus de réconciliation (Alberta Education, 2023, 2020). Les programmes d’études ont également été réformés et sont graduellement mis en œuvre depuis septembre 2023. Malgré des critiques sur le manque global de qualité de la réforme (Windspeaker, 2021), celle-ci requiert, de manière concrète, que les enseignants infusent des savoirs et des perspectives autochtones dans toutes les matières, pour chaque année scolaire.
Les systèmes scolaires, universités et organismes de formation professionnelle sont quant à eux amenés à identifier les besoins de formation et de ressources pour la mise en œuvre d’un tel projet éducatif. Dans le contexte du Canada francophone hors Québec et dans celui de l’immersion française, des défis spécifiques sont relevés (Côté, 2021). Les écoles francophones souffrent non seulement d’un manque de ressources authentiques en français, mais elles doivent également apprendre à composer avec leur mandat de promouvoir langues et cultures francophones, tout en apprenant à entrer en collaboration avec les communautés autochtones locales, souvent anglophones, qui les amènent nécessairement à (re)penser leur rôle dans la colonisation et dans le génocide auquel les communautés francophones ont également contribué.
Malgré certaines réticences parfois du côté des enseignants et enseignants en formation initiale (Scott et Gani, 2018 ; Tupper, 2014), et des besoins cruciaux en formation continue (Zieminski, 2020), la situation évolue et des initiatives éducatives émergent de toutes parts à travers le pays (Côté, 2021 ; Lavoie et coll., 2021 ; Vaudrin-Charrette et Fleuret, 2016 ; Williams, 2019). Ces initiatives éducatives entendent valoriser les savoirs et les visions du monde autochtones, mais aussi, pour certaines, valoriser les manières traditionnelles de transmettre le savoir (Campeau, 2021 ; Hill & Bailey, 2023 ; Williams, 2019). Les peuples autochtones ont en effet toujours disposé d’un système de transmission dans lequel les Ainés, mais aussi la Terre comme « première enseignante » (Styres, 2011) jouent un rôle central.
Principes pédagogiques autochtones :- une pédagogie de la terre et du lieu
Diverses publications et présentations d’auteurs et d’Ainés autochtones (Aluli Meyer, 2016 ; Archibald, 2008 ; Battiste, 2002 ; Bartlett et coll., 2012 ; Cajete, 1994 ; Little Bear, 2000, 2009) permettent de dégager des pratiques éducatives partagées qui s’ancrent sur des visions du monde autochtones, au-delà des caractéristiques propres aux diverses communautés et aux territoires qui les distinguent. Le First Nations Education Steering Committee (FNESC, 2015) recense par exemple les principes pédagogiques suivants :
L’apprentissage
-
soutient ultimement le bien-être de l’individu, de la famille, de la communauté, de la terre, des esprits et des ancêtres ;
-
est holistique, réflexif, réfléchi, expérientiel et relationnel (il vise un sens de connexion, des relations réciproques et un sentiment d’appartenance) ;
-
implique une prise de conscience des conséquences de ses actions ;
-
reconnait les rôles et les responsabilités générationnels ;
-
reconnait le rôle des savoirs autochtones :
-
est enchâssé dans la mémoire, le passé et les récits ;
-
exige du temps et de la patience ;
-
exige une exploration de sa propre identité ;
-
reconnait que certaines connaissances sont sacrées et ne seront partagées qu’avec la permission de qui de droit et dans certaines situations.
On soulignera ici l’importance posée, d’entrée de jeu, de la terre et du respect qui lui est dû. On parle également, avec les principes du FNESC (2022), de « sens of place » que l’on peut définir comme une aptitude à se situer soi-même, en relation avec les autres (humains ou pas, vivants ou pas), sur le territoire, en lien avec la nature, mais aussi avec les lieux habités, traversés ou sur lesquels on est invité. Ce milieu peut ainsi être naturel ou supranaturel (en lien avec la dimension sacrée de ce qui nous lie aux autres, dont les ancêtres), lié à la terre ou au cosmos, rural ou urbain : il est, dans tout le cas, un point d’ancrage essentiel pour les apprentissages (Little Bear, 2009).
De là découlent les deux approches pédagogiques que sont la pédagogie du lieu ( place-based pedagogy ) et la pédagogie de la terre ( land-based pedagogy ). La pédagogie de la terre est généralement mobilisée dans les camps de revitalisation linguistique et culturelle menée par les communautés autochtones pour se réapproprier leurs savoirs traditionnels. Avec la pédagogie de la terre, il ne s’agit pas de parler de la terre dans un contexte formel de classe, mais bien, soulignent Wildcat et coll. (2014 : II), de « s’engager dans des conversations avec la terre et sur la terre, sur le plan physique, social et spirituel » [Traduction libre].
L’observation de la Terre-mère, la relation avec celle-ci, mais aussi les histoires traditionnelles qui en racontent notamment la création, enseignent non seulement les « compétences et connaissances permettant d’assurer sa propre sécurité, survie et prospérité dans le royaume physique et spirituel », mais il s’agit aussi d’apprendre que notre existence est « ultimement dépendante de relations intimes basées sur la réciprocité, l’humilité, l’honnêteté et le respect de tous les éléments de la création, y compris les plantes et les animaux » [Traduction libre] (Simpson, 2014 : 9).
Dans cette optique, l’enseignement qui a lieu dans le cadre d’une véritable pédagogie de la terre ne peut être scripté par avance :
Dans ce système, il n’y a pas de curriculum standard parce qu’il est impossible de générer un curriculum pour ce qui nous est donné avec amour par les esprits, et parce que cela n’a pas de sens que chacun apprenne le même corps factuel d’information. […] . Dans ce contexte où l’humilité et l’agentivité sont centrales, les décisions autour de l’apprentissage sont, par essence, un accord entre les individus et le monde spirituel. [traduction libre] (Simpson, 2014 :10)
Dans son ouvrage « Braiding Sweetgrass », Wall Kimmerer (2013) illustre ce à quoi peut renvoyer la pédagogie de la terre. L’exemple du maïs, du haricot et de la courge, des plantes traditionnellement cultivées par les peuples autochtones, nous permet de mieux comprendre comment les savoirs, les visions du monde et la sagesse autochtones sont enchâssés dans l’observation et la relation avec les plantes. Avec leur perception de ce qu’est l’agriculture, soit des rangs de plantes d’une unique espèce, les colons se sont empressés de conclure que les peuples autochtones ignoraient comment cultiver, lorsqu’ils ont vu des jardins autochtones foisonnants d’un mélange enchevêtré de courges, de haricots et de maïs. Avec une approche ancrée dans la botanique occidentale, Wall Kimmerer (2013) nous explique alors que les modes et cycles de développement de ces plantes, avec leurs besoins spécifiques en humidité, en lumière et autres, font en réalité des pratiques ancestrales des pratiques optimales en termes de récoltes. Mais au-delà de la récolte et de la survie des individus et des communautés, les trois « sœurs » que sont ces plantes nous rappellent également comment vivre en harmonie au sein d’une fratrie, et le rôle de chacune en relation avec les autres :
Ça se voit que ce sont des sœurs. L’une s’enroule facilement autour de l’autre dans une confortable embrassade, pendant que la douce petite sœur se repose à leurs pieds, proche, mais pas trop proche – dans la coopération et non dans la compétition. Il me semble avoir vu cela dans les familles humaines, dans la manière dont les sœurs jouent ensemble. […] La première née sait qu’elle est clairement en charge, grande et directe, droite et efficace, elle crée le modèle à suivre. C’est la sœur maïs. Il n’y a pas de place pour plus d’une femme maïs dans une même maison, ainsi la sœur cadette pourra vraisemblablement s’adapter de différentes manières. La sœur haricot apprend à être flexible, adaptable, à trouver son chemin autour de la structure dominante pour la lumière dont elle a besoin. Le doux bébé sœur est libre de choisir un chemin différent, puisque les attentes ont déjà été remplies. Bien ancrée au sol, elle n’a rien à prouver et trouve sa propre voie, une voie qui contribue au bien de l’ensemble. [Traduction libre] (Wall Kimmerer, 2013, p. 132)
Comme le souligne l’auteure, les trois sœurs sont une parfaite « métaphore d’une relation émergente entre les savoirs autochtones et la science occidentale, toutes deux ancrée dans la terre » ( Idem , p. 132).
Avec cette idée de double perspective, « two eyed seeing » en anglais (Bartlett et coll., 2012), émerge également de plus en plus la pertinence, pour aborder les réalités autochtones, de pédagogies dites hybrides (Campeau, 2021), « trans-systémiques » (Battiste et Youngblood Henderson, 2000) ou encore métissées (Donald, 2009) ; des approches pédagogiques qui se situent à l’intersection entre les visions du monde occidentales et autochtones.
Campeau (2021) propose par exemple une approche « 3-4-5+ » basée sur les 5 sens (auxquels s’ajoute la dimension spirituelle), qu’elle positionne comme une approche hybride combinant pédagogie du lieu et pédagogie autochtone ; une telle approche n’est pas sans lien avec l’approche de l’écoformation élaborée par Pineau et Galvani (2017). Campeau (2021) situe quant à elle l’émergence de la pédagogie du lieu dans la lignée de Dewey (1915), des écoles rurales aux États-Unis avec notamment les travaux de Gruenewald (2003), Woodhouse et Knapp (2000) Somerville (2010) et Zandvliet (2014). Cette pédagogie, avec plusieurs déclinaisons, se caractérise avant tout par le milieu sur lequel se situent les apprentissages. Pour Campeau (2019, p. 57), « trois principes déterminent essentiellement la pédagogie du lieu : le corps comme instrument de lecture, le narratif, qui relate l’expérience et qui en donne le sens, et la zone de contact (Somerville et coll., 2011) » ; la zone de contact fait ici « référence aux caractéristiques d’un lieu en tant qu’espace à la confluence des différentes interprétations culturelles et des autres significations qu’un lieu pourrait avoir pour un individu ou une société ».
Forte de cette approche pédagogique hybride, Campeau (2019, 2021) a ainsi développé des activités d’enseignement-apprentissage permettant à des élèves québécois de se familiariser avec différentes dimensions culturelles anishinabeg, la compréhension du milieu autour de l’école étant facilitée par des Ainés à travers l’expérience, le récit et la connexion entre langue, terre et culture.
Wall Kimmerer, dans Braiding Sweetgrass (2013), nous permet de mieux saisir cette connexion intime entre langue, terre et culture, dans une perspective autochtone. En langue ojibwée, explique-t-elle, le terme « baie » est un verbe, « wiikwegamaa », et pas un nom. L’auteure partage ainsi la prise de conscience qui l’a secouée alors qu’elle saisit pleinement la vision du monde enchâssée dans le verbe « être une baie » :
À ce moment-là, j’ai pu sentir l’eau de la baie, la voir se fracasser sur le rivage et l’entendre se tamiser au contact du sable. Une baie est un nom seulement si l’eau est morte . Quand baie est un nom, elle est définie par les humains, délimitée par ses rivages et contenue par le monde. Mais le verbe wiikwegamaa – être une baie – délivre l’eau de ses entraves et la laisse vivre. « Être une baie » contient cette merveille, à ce moment précis, où l’eau vivante a décidé de s’abriter entre ces rivages, de converser avec les racines des cèdres et un groupe de canards. Parce qu’elle pourrait faire autrement – devenir un ruisseau, ou un océan ou une chute, et il y a des verbes pour cela aussi. Être une colline, être une plage de sable, être un samedi, tous sont possiblement des verbes dans un monde où tout est vivant. L’eau, la terre et même un jour, le langage est un miroir qui met en évidence le caractère animé du monde, la vie qui pulse à travers toute chose. [Traduction libre] (Wall Kimmerer, 2013, p. 55)
Wall Kimmerer (2013, p. 48), fait ainsi l’éloge de « la grammaire de l’inanimé » (Wall Kimmerer, 2013, p. 48) :
En anglais, on ne référerait jamais à un membre de notre famille ou à quiconque comme à un « it ». Ce serait un acte profond de manque de respect. It vole à une personne, son individualité et ses relations, réduisant une personne à une simple chose. C’est pour cela que dans la langue Potawatomi et la plupart des autres langues autochtones, on utilise les mêmes mots pour adresser le monde vivant que ceux qu’on utilise pour s’adresser à notre famille. Parce qu’ils sont notre famille. [Traduction libre]
Et l’auteure de poursuivre :
Les jeunes enfants parlent des plantes et des animaux comme s’ils étaient des personnes, leur attribuant individualité, intentions et compassion – jusqu’à ce qu’on leur enseigne à ne pas le faire. On les ré-éduque et on leur fait oublier. Quand on leur dit qu’un arbre n’est pas un qui, mais un ça, on transforme l’érable en objet ; on met une barrière entre nous, on s’absout nous-mêmes de responsabilité morale et on ouvre la porte à l’exploitation. Dire ça transforme le monde vivant en « ressources naturelles ». Si un érable est un ça, on peut prendre une tronçonneuse. Si l’érable est un "elle », on y pense à deux fois. [Traduction libre] (Idem, p. 57).
De plus en plus de recherches témoignent de la mise en place d’approches telles que celle développée par Campeau (2021) où la pédagogie de la terre et du lieu est mobilisée dans les écoles canadiennes. On peut citer, à titre d’exemple, la formation aux futurs enseignants encadrée par Williams (2019) en Colombie-Britannique, où les étudiants en éducation apprennent à ériger, en extérieur, un totem en compagnie de sculpteurs de la nation Wsáneć, y reliant des apprentissages linguistiques et culturels. En Colombie-Britannique toujours, Cher Hill et Neva Whintors, en collaboration avec l’Ainé Rick Bailey de la nation q̓íc̓əy̓ (2023), ont mis en place un partenariat avec une école primaire afin d’amener les enfants à se reconnecter à la nature, et en particulier aux saumons sauvages, dont la reproduction est menacée par la suroccupation du territoire par les humains.
L’idée de connexions entre visions de monde autochtones et écoformation, entendue comme processus de réflexion quant à « l’influence de l’environnement sur le processus de formation humaine », dans une volonté de « transcender les oppositions sujet/objet nature/culture » (Galvani, 2001 : 93), n’est pas nouvelle. La mise en œuvre d’initiatives pédagogiques hybrides, articulant visions du monde et pédagogies autochtones et allochtones, en lien avec des territoires et des communautés spécifiques, est toutefois en émergence.
Le projet d’éveil au michif que nous avons développé est une de ces initiatives permettant de connecter langue – culture – nature. Elle est, à notre connaissance, l’une des seules à prendre pour point de départ la proximité linguistique entre une langue autochtone et une langue coloniale, le français, pour amener les élèves des écoles francophones et des programmes d’immersion française à (re)penser leur rapport à la réconciliation avec les peuples autochtones, mais aussi plus largement avec la terre.
Survol du projet d’éveil au michif
Pendant plusieurs années, nous avons travaillé avec des Ainés de la communauté métisse de Kikino et de Lac Sainte-Anne, en Alberta, pour développer des ressources pédagogiques qui mettent en valeur les langues traditionnelles locales, en voie de revitalisation, et accorder une plus grande place aux savoirs, histoires et visions du monde des Métis vivant sur ce territoire.
D’après l’Atlas des peuples autochtones (Canadian Geographic, 2018, p. 24), écrit en collaboration avec notamment le Ralliement National des Métis, le michif, « langue officielle de la nation métisse , est la langue métisse la plus connue ». Le michif y est décrit comme une « langue hybride unique composée de verbes et de syntagmes verbaux issus du dialecte du cri des Plaines (et d'un peu de saulteaux) et de noms et de syntagmes nominaux français (et parfois anglais) » ( Canadian Geographic, 2018, p. 25) . Les origines de cette langue remontent à la fin du XVIII e siècle alors que les Occidentaux anglophones et francophones s’unissent aux femmes autochtones et donnent progressivement naissance au peuple des Métis qui, péjorativement appelé « half breed » (Campbell, 1973), va développer à travers les siècles une histoire et une identité singulière, à part entière. La langue michif, comme langue mixte, témoigne de ce métissage initial. Toutefois, la réalité autour des langues parlées par les Métis se complexifie dès lors que l’on prend en compte les autres langues et dialectes traditionnels parlés dans les différentes communautés. Les Métis parlent en effet également le « michif français (ou français métis) » , soit « un dialecte du français canadien présentant certains éléments linguistiques algonquins [...] » (Canadian Geographic, 2018, p. 25 ). On recense aussi des dialectes cris dont « le michif nordique, un dialecte cri des Plaines empruntant beaucoup de noms à la langue française » (Canadian Geographic, 2018, p. 24), mais aussi, parmi d’autres, le nêhiyawêmowin (ou dialecte Y) qui emprunte marginalement du lexique au français. Selon l’universitaire Métisse Stevenson (1997), originaire de l’Alberta, le dialecte Y serait le dialecte cri le plus parlé dans la province, de manière traditionnelle. Ces différents dialectes de cris peuvent être parfois appelés « cri » ou « michif » (Iseke, 2013), selon les interlocuteurs et les sources.
Sans entrer dans toute la complexité linguistique autour du/des michif(s), retenons ici que le(s) michif(s) se situent sur un continuum entre langue française et langue crie, et que les Ainés impliqués dans notre projet témoignent de cette diversité, certains d’entre eux parlant une langue très apparentée au français et, d’autres, une langue ancrée avant tout dans la langue crie.
Les ressources pédagogiques que nous avons créées ensemble, dans la langue ancestrale des Ainés, mettent donc en scène des pratiques linguistiques dont certaines sont plus facilement compréhensibles pour notre public cible d’élèves francophones et d’autres, plus opaques pour des élèves qui, a priori, ne sont pas familiers avec le cri. Cette diversité de langues permet de s’ouvrir à différentes perspectives culturelles et territoriales.
Sur le plan de la méthodologie de recherche, on renverra le lecteur à différents articles écrits préalablement (Dion et coll., 2021 ; Lemaire, 2021, 2020 ; Lemaire et coll., 2020). Mentionnons tout de même que le projet comprend deux phases complémentaires. La première phase est une phase de recherche-création communautaire avec les Ainés, où des ressources vidéos et textuelles ont été créées. La deuxième phase est une phase de recherche-action en collaboration avec des éducateurs Métis et des enseignants francophones, afin de développer du matériel d’enseignement adapté au curriculum albertain, de tester ces ressources dans les classes et de les affiner au terme d’un cycle de deux ans d’expérimentation dans quatre écoles primaires différentes [5] . Les données de recherche sont ainsi principalement tirées de notes de terrain, d’observation participante dans les classes, d’entretiens avec les enseignants impliqués et de la collecte de matériel d’apprentissage et d’enseignement utilisé au cours du projet.
Pour cet article, nous nous concentrerons, de manière réflexive, sur des pistes pédagogiques que nous avons développées en lien avec la pédagogie de la terre et du lieu et avec lesquelles des liens peuvent être faits avec l’écoformation.
Des initiatives pédagogiques à creuser
Plusieurs ressources que nous avons développées avec les Ainés et membres de la communauté Métisse abordent directement ou indirectement la question du rapport à la terre. Le premier exemple que nous développerons ici est celui d’une tradition artistique spécifique, le perlage, qui est le premier enseignement que Cécile Howse, une des Ainées impliquées dans le projet, a tenu à partager (Howse et Lemaire, 2020).
Le perlage est l’art d’orner du tissu (vêtements, sacs, chaussures) ou de créer des bijoux à l’aide de perles. Ces pratiques artisanales ont toujours fait partie des cultures autochtones [6] . Liées à une utilisation optimale des ressources offertes par la terre où rien de ce qui est prélevé à la nature ne doit être gaspillé, les aiguilles des porcs-épics ou les écailles de poissons ont par exemple été traitées et utilisées à des fins décoratives, avant l’arrivée des perles apportées par les Européens. Le perlage Métis est particulier en ce sens qu’il a été inspiré par la broderie pratiquée par les sœurs missionnaires et a ainsi hérité de motifs particuliers, des motifs avant tout floraux. L’un des surnoms du peuple Métis est d’ailleurs « the flower beadwork people » (le peuple de la fleur perlée) (Belcourt, 2008).
Plus qu’une seule pratique ornementale, le perlage joue traditionnellement un rôle essentiel dans l’établissement de relations interpersonnelles et intercommunautaires ainsi que dans l’épanouissement d’une personnalité saine, en enseignant par exemple l’humilité et la capacité à trouver un équilibre entre tension et laisser-aller (Farrell, 2023 ; Ray, 2016), puisque la tension du fils, perle après perle, doit être équilibrée et constante pour obtenir un artefact harmonieux. La pratique du perlage implique ainsi des dimensions mentales, physiques, émotionnelles et spirituelles, le tout étant interrelié dans la vision du monde traditionnelle autochtone. Le processus de perlage est en effet considéré comme une entreprise sensuelle, émotionnelle et spirituelle, dans laquelle les sentiments et les croyances sont exprimés et transférés dans le perlage achevé, les motifs étant liés aux identités personnelles et collectives, au territoire, aux relations nouées et racontées à travers le perlage (Ray, 2016). Le perlage est notamment influencé par les caractéristiques géographiques spécifiques du territoire, telles que des espèces particulières de fleurs et d’animaux qui sont intimement liées à l’identité (Bauberger, 2016).
Le perlage peut par ailleurs être compris comme une source de résistance à l’oppression coloniale. Pendant des siècles, des lois assimilationnistes, ainsi que les écoles résidentielles, ont en effet contribué à éradiquer identité et culture, y compris à travers le contrôle du style vestimentaire, le déracinement hors du territoire local, l’embrigadement de force dans un système de pensée et de valeur occidental, par le biais des écoles résidentielles notamment. Prete (2019, p. 40-41) explique ainsi :
Malgré tous les efforts des colonisateurs pour nous changer et nous assimiler à un mode de vie eurocentrique, nous avons résisté. Nous nous sommes battus et nous nous battons encore pour conserver et maintenir notre mode de vie autochtone. Pour que nous puissions continuer à pratiquer et à vivre nos propres façons de savoir, d’être et de faire. Nous sommes toujours là. Nous sommes résilients. Nous sommes autochtones. Face à une telle oppression et persécution, nous continuons d’exister. Nous nous sommes adaptés aux changements, tout en conservant notre identité en tant que peuple autochtone. Face à une telle oppression, nous avons pris les perles du colonisateur, les avons intégrées à notre culture et en avons créé de belles œuvres d’art. [Traduction libre]
Le perlage, comme pratique de résistance contre le colonialisme, permet de réinstaurer les connexions à la terre, à toute forme de vie, et aux enseignements traditionnels liés au territoire et à la nature (Bauberger, 2016 ; Prete, 2019 ; Robertson, 2017).
Une des vidéos que nous avons créées en michif (Howse et Lemaire, 2020) fait une démonstration de cet art du perlage. Cécile y explique qu’elle a choisi de perler des fleurs et feuilles de fraisier, et qu’on puise traditionnellement son inspiration dans le bois.
Dans le cadre des ressources pédagogiques élaborées autour de ce tutoriel vidéo, notre matériel d’enseignement invite d’abord les élèves à explorer la langue utilisée par Cécile, repérer notamment les mots en français, pour à la fois soutenir leur compréhension de la vidéo et développer une appréciation du michif comme langue mixte franco-crie (Papen, 2005). Puisque notre approche puise dans les manières traditionnelles de transmettre le savoir, et notamment dans la pertinence des approches expérientielles et par la nature, nous encourageons ensuite les enseignants et élèves à aller chercher l’inspiration dehors, hors des murs de la classe, et ensuite à perler leur propre artefact, en lien avec ce qui a pu résonner avec eux dans la nature. Cet exercice permet d’abord aux élèves de réfléchir à leur connexion ou déconnexion à la nature. S’il leur est demandé de perler quelque chose qui reflète leur identité et qui les inspire, la nature est-elle pour eux un ancrage pertinent ? De notre expérience de terrain avec des élèves de 8 à 12 ans, certains choisiront en effet de perler une feuille dont les couleurs automnales par exemple auront attiré leur attention et « parlé » à leur sens de l’esthétique. D’autres choisiront de perler leur prénom, un bâton de hockey ou tout autre élément qui, sans lien avec la nature, leur semble davantage parler de ce qui les touche ou participe à les décrire. Cette activité, aller à l’extérieur pour puiser l’inspiration en vue de la pratique du perlage, a aussi donné lieu, sur le terrain, à des questionnements d’élèves autour de la nature. Ayant trouvé une coccinelle comme source d’inspiration, un élève nous reviendra ainsi avec ces questionnements inédits : les coccinelles que l’on trouve sous les feuilles en octobre sont-elles mortes ou hibernent-elles ? Que deviennent-elles lorsqu’il fait -25 o dehors ? De l’observation émerge ainsi des questionnements scientifiques nouveaux, mais aussi des questionnements relationnels avec le vivant : est-ce parce qu’il fait trop froid dehors que les coccinelles s’infiltrent dans les doubles vitrages des fenêtres en octobre ? Est-ce que je devrais faire attention aux coccinelles lorsque je tonds la pelouse ou lorsque je ramasse et mets en sachet les feuilles mortes avant la première neige ? Cette pratique que partagent les citadins est-elle en réalité optimale pour l’environnement ou répond-elle à un simple désir d’ordonner la nature à la convenance des humains, en fonction de leur représentation du soin à accorder à sa maison et à son terrain ?
L’un de nos enseignants collaborateurs a par ailleurs choisi de coupler cette activité en arts et études sociales avec la leçon au curriculum sur les écosystèmes forestiers. Plutôt en effet que d’apprendre sur les forêts à partir du manuel, pourquoi ne pas aller explorer le parc forestier qui se situe à quelques minutes de marche de l’école ? (Lemaire et coll., 2021). Cette pratique permettra à l’enseignant non seulement de commencer à intégrer un certain niveau de pédagogie de la terre, mais aussi de constater à quel point les élèves bénéficient d’une simple marche en extérieur sur le plan social, physique et même cognitif. D’où la création, après-coup, d’une ressource sur les bienfaits de la marche en lien avec les quatre quadrants de la roue médicinale symbolisant notamment, dans de nombreuses cultures des Premières Nations, l’importance et les interrelations des dimensions physiques, émotionnelles, cognitives et spirituelles, à la recherche d’harmonie et de bien-être.
Avec la ressource vidéo proposée par Cécile, on pourrait bien sûr aller plus loin encore pour intégrer pédagogie de la terre, pédagogie du lieu et écoformation. Voici par exemple deux pistes que nous pourrions privilégier. Une première serait d’aller repérer les plantes locales, endémiques, et d’apprendre à leur sujet à l’aide d’un Ainé ou gardien du savoir en mesure de partager ses savoirs et visions du monde traditionnels, ou encore à l’aide d’un guide tel que le guide sur les plantes médicinales écrit par Belcourt (2007) et qui permet à la fois d’apprendre le nom des plantes en cri et michif, leurs propriétés et usages traditionnels et d’en découvrir aussi la représentation artistique par une des artistes Métisses les plus visibles sur la scène nationale et internationale. On connecte ainsi les sciences, les arts, les langues, les études sociales, l’éducation physique et le bien-être, dans une approche holistique et interdisciplinaire.
Une autre piste serait par exemple, à partir de la vidéo, de s’intéresser aux apprentissages liés à ce fruit tout à fait particulier qu’est la fraise dans les cultures autochtones. Souvent appelée « heart berry », y compris dans la culture métisse (Belcourt, 2007), la fraise est une baie à laquelle sont associés de multiples apprentissages traditionnels dont certains pourraient être partagés par des Ainés, en lien avec les communautés et savoirs spécifiques locaux, ou à l’aide d’autres ressources pertinentes telles que l’ouvrage Braiding Sweetgrass (Wall Kimmerer, 2013). Dans son chapitre « Le don des fraises », Wall Kimmerer partage les éléments suivants, en lien avec les récits ancestraux sur les origines du monde et les valeurs qui les accompagnent :
Dans nos histoires de la création, l’origine des fraises est importante. La Femme-Ciel avait une belle fille, qu’elle portait en elle alors qu’elle vivait encore dans le Monde-Ciel, et cette fille grandit sur la bonne terre verte, aimante et aimée par tous les autres. Mais la tragédie s’est abattue sur elle lorsqu’elle mourut en donnant la vie à ses jumeaux, Silex et Arbrisseau. Le Cœur brisé, la Femme-Ciel enterra sa fille bien-aimée dans la terre. Ses derniers dons, nos plantes les plus révérées, grandirent de son corps. La fraise émergea de son coeur. En Potowawatomi, fraise se dit ode min, la baie du coeur. Nous les reconnaissons comme les leaders des baies, les premières à donner des fruits. [Traduction libre] (p. 23)
Wall Kimmerer (2013) élabore sur ce fruit dont la forme est liée à l’histoire sacrée de Skywoman : la fraise sauvage nous enseigne notamment la beauté du don, de la générosité et de l’humilité face à une nature qui comble les humains de minuscules baies savoureuses qui, contrairement aux fraises cultivées en masse, ne peuvent pas véritablement être vendues : elles sont là pour être mangées par celui qui est en relation avec la nature. Et Wall Kimmerer (2013, p. 33) d’ajouter : « Dans le temps, quand la vie des gens était si directement liée à la terre, il était facile de savoir que le monde est un don » [Traduction libre] .
Les fraises, si on sait écouter leur enseignement, nous le rappellent :
Dans les champs de ma jeunesse, dans l’attente que les fraises murissent, j’en mangeais souvent des sûres, parfois à cause de la faim, mais le plus souvent à cause de mon impatience. Je savais quelles seraient les conséquences à long terme de mon avidité, mais je les prenais quand même. Heureusement, notre capacité à se restreindre soi-même grandit et se développe comme les baies sous les feuilles, et j’ai appris à patienter. Un peu. Je me souviens être allongée sur le dos à regarder les nuages passer et me retourner pour vérifier les fraises régulièrement, à quelques minutes d’intervalle. Quand j’étais jeune, je pensais que le changement pouvait se produire aussi vite que cela. Maintenant, je suis vieille et je sais que la transformation prend du temps. L’économie de la commodité/de marché est sur l’Ile de la Tortue depuis 400 ans ; 400 ans à engloutir les fraises blanches et tout le reste. Mais les gens ont pris conscience du goût acide dans leur bouche. Un long chemin est devant nous, pour vivre à nouveau dans monde rempli de dons. [Traduction libre] (Wall Kimmerer, 2013, p. 32)
La pédagogie de la terre, en lien avec les savoirs et les visions du monde autochtones, va ainsi au-delà d’une invitation à aller dehors pour apprendre au contact de la nature. Ce que peut nous enseigner la fraise en est l’exemple. Il s’agit de plonger dans les enseignements contenus dans les langues et les histoires sacrées, avec permission et respect [7] , en lien avec la terre, et d’apprendre à y vivre harmonieusement, en relation.
Dans « Medicines to Help us », l’artiste Métisse Christi Belcourt (2007) recense une trentaine de plantes utilisées traditionnellement comme plantes médicinales dans la culture métisse, à travers le Canada. Elle représente la plante en photo dans son élément naturel, mais présente aussi une photo de la plante telle qu’elle a pu la réaliser en perlage, ce qui permet ici de tisser un fil conducteur avec la vidéo où Cécile (Howse et Lemaire, 2020) démontre comment perler des fraisiers sauvages. Dans son ouvrage, Belcourt (2007) décrit la plante et ses vertus médicinales selon la science occidentale, mais aussi selon les savoirs traditionnels autochtones qu’elle relie aux langues traditionnellement parlées par les Métis. Ainsi le nom fraise se dit « frayz [8] » ou « otîhimin(a) » en michif, selon la variété de michif parlée. Cécile Howse, dans la vidéo que nous avons réalisée (Howse et Lemaire, 2020), utilise ces deux termes alternativement. Le terme que les élèves comprennent le plus facilement est évidemment « frayz » puisqu’il provient directement du français. Le terme dérivé du cri est néanmoins celui qui porte en lui l’histoire de la création rapportée plus haut Belcourt (2007, p. 53) précisant l’étymologie suivante : « de la racine « mitíh », signifiant « cœur » [Traduction libre].
Une des pistes d’intérêt pour nous, en lien avec une approche de la pédagogie de la terre ancrée aussi dans la (re)connaissance des langues autochtones, est d’explorer les savoirs traditionnels qui peuvent être transmis via la composante crie du michif, mais aussi à travers la racine linguistique davantage ancrée dans le français. Un exemple que nous avons trouvé nous a été apporté par Riplea Lothian, qui a développé, dans le cadre du projet d’éveil au michif, une vidéo sur la menthe sauvage qui pousse sur les rives du Lac Sainte-Anne et qui s’appelle « laboum » en michif. Laboum , explique Riplea, est dérivé de « la boue » dans laquelle elle pousse, sur les rivages du lac. Riplea explique aussi que la plante, en infusion, est traditionnellement utilisée pour ses propriétés médicinales, pour les maux de ventre en particulier. Une recherche auprès des Ainés, gardiens du savoir, et de locuteurs de diverses communautés autochtones résidant à proximité des lacs permettraient sans nul doute de mieux comprendre les utilisations de cette plante que beaucoup d’entre nous, dépourvus des savoirs locaux liés au territoire, n’identifieraient pas a priori, à l’instar du pissenlit que l’on considère davantage comme une herbe invasive abimant les gazons plutôt que comme une plante native, comestible et aux vertus médicinales.
Les possibilités d’activités et d’apprentissages que laisse entrevoir ce type d’approche semblent pouvoir largement s’intégrer dans les programmes d’études canadiens. Mais au-delà des apprentissages pour la classe, cette approche, qui réinvestit la question du rapport à la nature, aux territoires traditionnels et aux divers savoirs et visions du monde autochtones qui y sont associés, permet d’inscrire l’enseignement en solidarité avec le mouvement de revendication culturelle des peuples autochtones locaux. Nous terminerons toutefois cet article par l’explicitation de quelques limites que nous avons rencontrées et par l’énoncé de quelques pistes d’idées pour y faire face.
Éléments de discussion
En accord avec Battiste et Youngblood Henderson (2000) et Campeau (2021), nous considérons les approches trans-systémiques comme extrêmement prometteuses,. Mais nous constatons également la difficulté de naviguer dans des systèmes aussi colonisés et coloniaux que les institutions scolaires. Le matériel que nous avons développé, dont font partie les vidéos sur le perlage et sur la menthe sauvage ( laboum ), de même qu’un livre numérique bilingue racontant les souvenirs de pêche de Cécile ou encore des vidéos sur la pêche au filet du poisson blanc ( whitefish ) dans les eaux du Lac Sainte-Anne, permettent de travailler avec les élèves nombre d’éléments du programme scolaire, en études sociales, en sciences, en arts, en français, en anglais ou encore en éducation physique et bien-être. Plusieurs options pédagogiques sont proposées aux enseignants pour qu’ils adaptent les ressources d’enseignement aux besoins de leurs élèves.
Force est de constater toutefois que les leçons les plus faciles à adopter par les enseignants sont, sans nul doute, celles qui peuvent se faire en classe et qui permettent donc d’intégrer les savoirs et les perspectives autochtones de manière authentique sans avoir à aller dehors, ou alors de manière marginale seulement. En effet, il faut reconnaitre les principaux enjeux suivants : se soucier de la saison dans sa planification annuelle d’enseignement, prendre en compte les aléas du climat et de la météo, accepter la perte de temps que constitue l’habillage/le déshabillage des élèves pour sortir dans le contexte canadien où les automnes, hivers et une partie du printemps voient des températures situées bien en dessous du 0 degré Celsius, et dans un contexte aussi où les curricula scolaires sont très chargés, prendre le temps de faire signer des formulaires de permission de sortie, s’assurer de la sécurité des élèves, recruter des bénévoles pour encadrer les sorties, prévoir et obtenir un budget pour couvrir certains frais comme le transport ou des honoraires, mais aussi créer les liens avec les Ainés, gardiens du savoir et communautés autochtones qui pourraient enrichir la démarche en apportant leurs savoirs locaux et faire vivre la pédagogie de la terre. À l’égard de ces enjeux, la trousse pédagogique que nous avons développée indique des stratégies possibles, mais elle est aussi le reflet des choix que nous avons faits, en collaboration avec les enseignants qui ont participé au pilotage et à la co-construction du projet (Lemaire et coll., 2020 ; Lemaire et Beauparlant, 2002 ; Lemaire et Samson-Cormier, 2022). Notre approche reflète une volonté d’innover, mais aussi de prendre en compte un certain nombre de contraintes institutionnelles. Dans le futur, une piste que nous aimerions explorer serait celle d’enrichir cette trousse en collaboration avec des Ainés, des gardiens du savoir et des communautés autochtones locales afin d’ancrer davantage les apprentissages dans la pédagogie de la terre et l’écoformation, en travaillant également en collaboration étroite avec les directions d’école et les conseils scolaires pour tâcher de lever un certain nombre de contraintes institutionnelles et de stimuler une prise de conscience plus large des enjeux et des apports d’expériences menées sur le territoire, en nature et en relation.
Appendices
Notes
-
[1]
Nous reconnaissons respectueusement que l’université de l’Alberta est située sur les terres du Traité 6, territoire traditionnel de multiples Premières Nations et du peuple métis.
-
[2]
Le terme « ainé » ne renvoie pas ici à une personne âgée, tel qu’entendu dans une perspective occidentale. Dans une perspective autochtone, un Ainé est une personne identifiée par sa communauté pour sa sagesse et ses savoirs traditionnels. Les Métis forment un des trois peuples autochtones reconnus par la Constitution canadienne, descendant des premières unions entre les femmes présentes sur le territoire et les Occidentaux.
-
[3]
Nous tenons à remercier les Ainés qui ont participé à ce projet et sans qui, celui-ci aurait été impossible : Cécile Howse née Boucher, Judy Hilbert née Letendre, Ken Letendre et Shirley Dion.
-
[4]
Communication personnelle avec Rocky Morin, gardien du savoir cri de la Nation d’Enoch.
-
[5]
Site web de la recherche : www.eveilmichif.csj.ualberta.ca
-
[6]
Les perles ont aussi été utilisées, traditionnellement, par les Premières Nations, pour fabriquer des ceintures wampum et ainsi documenter l’histoire (Lainey, 2022).
-
[7]
À noter que certaines histoires sont considérées comme sacrées et ne peuvent être racontées sans la permission explicite des personnes qui les transmettent de génération en génération en s’assurant que celles-ci ne soient pas dénaturées et appropriées par des individus qui n’en auraient qu’une compréhension partielle et folklorique.
-
[8]
Nous conservons ici l’orthographe proposé par Belcourt (2007), sachant que le michif est une langue traditionnellement orale, qu’il existe différentes conventions d’écriture pour la retranscrire, sans qu’une orthographe n’ait été reconnue comme l’orthographe standardisée officielle.
Bibliographie
- Alberta Education (2023). Standards de qualité de l’enseignement. https://open.alberta.ca/dataset/6793a579-34e7-441c-a5e5-ab44b6bfa8a9/resource/5fb4a865-b724-4d14-9a6d-eae215ee0add/download/educ-teaching-quality-standard-french-2023.pdf
- Alberta Education (2020). Norme de qualité pour le leadeurship scolaire. https://open.alberta.ca/dataset/aa7caf6f-3d84-413f-9d2c-aa717e7ebb8f/resource/29f4e17a-4789-426b-a67b-ea2508c06548/download/edc-leadership-quality-standard-french-2020.pdf
- Aluli Meyer, M. (2016). Ho’oulu. Our Time of Becoming. Hawaiian Epistemology and Early Writings. ‘Ai Pokahu Press.
- Archibald, J. (2008). Indigenous Storywork : Educating the heart, mind, body and spirit. University of British Columbia Press
- Bailey, R. et Hill, C. (2023). We are the Salmon Family : Inviting reciprocal and respectful pedagogical encounters with the land. Hawaiian International Conference on Education, Honolulu, 5 janvier 2023.
- Bartlett, C., Marshall, M., Marshall, A. et Iwama, M. (2012). Integrative science and two-eyed seeing : Enriching the discussion framework for healthy communities. http://www.integrativescience.ca/uploads/articles/2012-Bartlett-Marshall-Iwama-Integrative-Science-Two-Eyed-Seeing-enriching-discussion-framework(authors-draft).pdf
- Battiste, M. (2002). Indigenous knowledge and pedagogy in First Nations education. A literature review with recommendations. Nipissing University.
- Battiste, M. et Youngblood Henderson J. (2000). Protecting Indigenous Knowledge and Heritage : A Global Challenge. Purich Press.
- Bauberger, N. (2016). Needle, Bead, and Voice : Learning about Yukon First Nations Traditional Sewing from Mrs. Annie Smith and Ms. Dianne Smith. Northern Review, 42, 189-206.
- Belcourt, C. (2008). Purpose in Art, Métis Identity, and Moving Beyond the Self. Native Studies Review 17 (2), 143-153
- Belcourt, C. (2007). Medicines to help us. Traditional Métis Plant Use. Gabriel Dumont Institute Publications.
- Cajete, G. (1994). Look to the mountain : an ecology of indigenous education. Kivakí Press.
- Campbell, M. (1973). Half-breed. Good Reads.
- Campeau, D. (2021). Pédagogie autochtone et pédagogie du lieu : démarche hybride pour l’intégration de dimensions culturelles autochtones dans l’enseignement au primaire au Québec. Éducation et francophonie, 49(1), 52-70.
- Campeau, D. (2019). Pédagogie autochtone et pédagogie du lieu : démarche hybride pour l’intégration de dimensions culturelles autochtones dans l’enseignement au primaire au Québec [thèse de doctorat, Université de Sherbrooke]. https://savoirs.usherbrooke.ca/handle/11143/15042
- Canadian Geographic (2018). Atlas des peuples autochtones du Canada. Les Métis. Société géographique royale du Canada .
- Commission de vérité et réconciliation du Canada (2015). TRC Final report. Honouring the Truth, Reconciling for the Future . https://web.archive.org/web/20200505161532/http :/trc.ca/about-us/trc-findings.html
- Corntassel, J., Chaw-in-is et T’lakwadzi . (2009). Indigenous Storytelling, Truth-telling, and Community Approaches to Reconciliation. ESC : English Studies in Canada, 35 (1), 137-159.
- Côté, I. (2021). Le discours des enseignants d'immersion française en Colombie-Britannique sur l'intégration des perspectives autochtones dans leur pratique . [Thèse de doctorat]. Vancouver, SFU. https://summit.sfu.ca/item/34626
- Dewey, J. (1915). The school and society. The University of Chicago Press.
- Dion , S., Hilbert, J., Howse, C., Lemaire, E., Lothian, R. et McKenzie, A. (2021). Construire des ponts entre les communautés francophones et métisses par l’éveil aux langues : exemple d’un dispositif pédagogique proposé au primaire dans les écoles francophones et programmes d’immersion. Éducation et Francophonie, 49, 32-51.
- Donald, D. (2009). Forts, curriculum and Indigenous Metissage. First Nations Perspectives, 2, 1-24.
- Farrell, A. (2023). The balance of tensions : exploring patience and cultural learning through Anishinaabe beadwork in a Bachelor of Education Arts course. HICE Conference, Honolulu, 4 janvier 2023.
- FFADA. (2019). Réclamer notre pouvoir et notre place : le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées , 1(a). www.mmiwg-ffada.ca/wp-content/uploads/2019/06/Rapport-final-volume-1a-1.pdf
- First Nations Education Steering Committee and First Nations Schools Association – FNESC. (2022). BC First Peoples 12 Teacher Resource Guide. BC-First-Peoples-12-Teacher-Resource-Guide-2022-final-R-revised-09-08-2023.pdf
- First Nations Education Steering Committee and First Nations Schools Association – FNESC. (2015). Les principes d’apprentissage des peuples autochtones. frenchfirstpeoplelearningtabloid.pdf
- Galvani, P. (2001). Ecoformation et cultures amérindiennes : enjeux interculturels. Education permanente, 148(1), 85-96.
- Gruenewald, D. A. (2003). The best of both worlds : A critical pedagogy of place. Educational Researcher, 32(4), 3-12.
- Hill et Bailey, R. (2023). We are the Salmon Family. HICE Conference. Honolulu, janvier 2023.
- Hilbert, J. & Lemaire, E. (2020). Masinatahikêw. The Polyglot, Nitêh, 7, 61. www.thepolyglotmagazine.com
- Howse, C. et Lemaire, E. (2020). Lii rassad. The Polyglot, Nitêh, 7, 62. www.thepolyglotmagazine.com
- Iseke, J. (2013). Negotiating Métis culture in Michif : Disrupting Indigenous language shift. Decolonization : Indigeneity, Education & Society, 2(2), 92-116.
- Lainey, J. (2022). Les wampums au Québec du xix e siècle à aujourd’hui Appropriation, disparition, identification. Gradhiva, revue d’anthropologie et d’histoire de l’art, 33, p. 98-117.
- Lavoie, C., Sarkar, M., Mark, M-P. et Jenniss, B. (2021). Multiliteracies Pedagogy in Language Teaching : An Example from an Innu Community in Quebec. The Canadian Journal of Native Education, 35(1), 194-210.
- Lemaire, E. (2022). Oser parler des pensionnats autochtones et des écoles de missionnaires : des pistes pour l’immersion. Le Coffre aux trésors , 42-47.
- Lemaire, E. et Samson-Cormier, M. (2022). Éveil aux langues des Métis, Épisode 2, Perspective d’une enseignante en école francophone [podcast]. https://sites.google.com/ualberta.ca/veilauxlanguesdesmtis/qui-sommes-nous/notre-approche/notre-approche-collaborative.
- Lemaire, E. et Beauparlant, R. (2022). Éveil aux langues des Métis, Épisode 3, Perspective d’un enseignant en immersion française [podcast]. https://sites.google.com/ualberta.ca/veilauxlanguesdesmtis/qui-sommes-nous/notre-approche/notre-approche-collaborative
- Lemaire, E. (2021). Éveil aux langues, justice sociale et réconciliation avec les peuples autochtones : aperçu d’une recherche menée dans le contexte ouest-canadien. Babylonia Journal of Language Education, 1, 40-46.
- Lemaire, E. (2020). Au-delà du perlage : engager les élèves dans une réflexion sur les langues et cultures des Métis. Le Journal de l’immersion, 42 (3), 21.
- Lemaire, E., Beauparlant, R. et Howse, C. (2020). Pourquoi, quoi, comment… et après ? Regards de chercheure et d’enseignant sur un projet collaboratif en éducation autochtone. Recherches en didactique des langues et des cultures, 17(2).
- Little Bear, L. (2000). Jagged Worldviews Colliding. Dans M. Battiste (dir.), Reclaiming Indigenous Voice and Vision (p. 77-85). University of British Colombia Press.
- Little Bear, L. (2009). Naturalizing indigenous knowledge synthesis paper. Canadian Council on Learning – Aboriginal Learning Knowledge Centre.
- Madden, B. (2019). A de/colonizing theory of truth and reconciliation education. Curriculum Inquiry, 49(3), 284–312.
- Papen, R. (2005). Le mitchif : langue franco-crie des Plaines. Dans A. Valdman, J. Auger et D. Piston-Hatlen (dir.), Le Français en Amérique du Nord, État présent (p. 327-347). Presses de l’Université Laval.
- Pineau, G. (2023). Génèse de l’écoformation. Du préfixe éco au vert paradigme de formation avec les environnements . L’Harmattan, collection « Écologie et formation ».
- Pineau, G. (2019). Cinq ouvrages récents de la voie buissonnière écoformatrice. Éducation relative à l'environnement, 15 (1). https://journals.openedition.org/ere/3863
- Pineau, G. et Galvani, P. (2017). Exploration de l’écoformation humaine avec les quatre éléments : air, eau, terre et feu. Dans Sauvé L., Bader B., Orellana I. et Villemagne C. (dir.) Vivre ici ensemble : repères contemporains pour l’éducation relative à l’environnement (p. 29-46). Presses de l’Université du Québec.
- Prete, T. D. (2019). Beadworking as an Indigenous Research Paradigm. Art/Research International : A Transdisciplinary Journal, 4(1), 28-57.
- Ray, L. (2016). “Beading Becomes a Part of Your Life” Transforming the Academy Through the Use of Beading as a Method of Inquiry. International Review of Qualitative Research, 9(3), 363-378.
- Robertson, C. (2017). Land and Beaded Identity : Shaping Art Histories of Indigenous Women of the Flatland. RACAR : Revue d'art canadienne/Canadian Art Review, 42(2), 13-29.
- Simpson, L. B. (2014). Land as pedagogy : Nishnaabeg intelligence and rebellious transformation Decolonization. Indigeneity, Education & Society, 3(3), 1-25.
- Scott, D. et Gani, R. (2018). Examining social studies teachers’ resistances towards teaching Aboriginal perspectives: the case of Alberta. Diaspora, Indigenous, and Minority Education, 12(4) , 167-181.
- Somerville, M., Davies, B., Power, K., Gannon, S. et Carteret, P. (2011). Place pedagogy change. Sense Publishers.
- Somerville, M. (2010). A place pedagogy for “global contemporaneity”. Educational Philosophy and Theory, 42(3), 326-344.
- Starblanket, T. (2018). Suffer the Little Children : Genocide, Indigenous Nations and the Canadian State. Clarity Press.
- Styres, S.D. (2011) Land as first teacher : a philosophical journeying. Reflective Practice, 12(6), 717-731.
- Tupper, J. ( 2014 ). Possibilities for reconciliation through difficult dialogues: Treaty education as peace-building . Curriculum Inquiry , 44(4), 469 - 488 .
- Vaudrin Charrette, J. et Fleuret, C. (2016). Quelles avenues vers une pédagogie postcoloniale et multimodale en contexte plurilingue ? La revue canadienne des langues vivantes, 72(4), 550-571.
- Wall Kimmerer, R. (2013). Braiding Sweetgrass. Indigenous Wisdom, Scientific Knowledge and the Teachings of Plants. Milkweed Editions.
- Wildcat, M., Simpson, M., Irlbacher-Fox, S. et Coulthard, G. (2014). Learning from the land : Indigenous land based pedagogy and decolonization. Decolonization : Indigeneity, Education & Society, 3(3), 1-15.
- Williams, L. (2019). Ti wa7 szwatenem. Reflection. What we know : Indigenous knowledge and learning. BC studies, 200, 31-44.
- Windspeaker. (2021). UCP draft curriculum for K to Grade 6 has inside-the-fort logic all over it, says professor. https://windspeaker.com/news/windspeaker-news/ucp-draft-curriculum-k-grade-6-has-inside-fort-logic-all-over-it-says
- Woodhouse, J. L. et Knapp, C. E. (2000). Place-based curriculum and instruction. Charleston, ERIC Clearinghouse on Rural Education and Small Schools
- Zandvliet, D. B. (2014). Places and spaces : Case studies in the evaluation of post-secondary, place-based learning environments. Studies in Educational Evaluation, 41, 18-28.
- Zieminski, J. (2020). Teachers supporting FNMI students in Alberta. International Webinar. Alberta Education