Abstracts
Résumé
Dans le contexte actuel du dérèglement global du climat, l’école ne peut faire l’impasse sur ce changement majeur et ses risques. En France, la rentrée 2020 a donc été caractérisée par un renforcement de l’éducation relative à l’environnement dans les programmes scolaires, plus spécifiquement d’une éducation au changement climatique. Or, une telle éducation comporte une dimension émotionnelle importante ; elle peut générer par exemple de l’anxiété ou de la colère. Nous nous interrogeons donc sur la façon dont l’éducation au changement climatique est appréhendée au plan émotionnel auprès des élèves. Issus d’une double approche qualitative (analyse du cadrage affectif des ressources pour l’enseignement) et quantitative (questionnaire auprès des élèves), les résultats de notre recherche montrent un positionnement paradoxal des supports didactiques, présentant une tonalité émotionnelle certaine, mais sans mention explicite des émotions. Par ailleurs, on retrouve des émotions intenses dans les déclarations des élèves, parfois associées à leur compréhension des phénomènes ou à leur propension à l’action. Nous pointons de possibles effets spécifiques de l’inquiétude ou de la colère, à confirmer dans des travaux futurs.
Mots-clés :
- colère,
- écoanxiété,
- éducation au changement climatique,
- émotions,
- raisonnement sociocognitivo émotionnel,
- tendance à agir
Abstract
In France, the official national curriculum was modified in 2020 to strengthen environmental education at school. In the context of global warming, such environmental education has to teach climate change and its potential impacts. In this paper, we question how climate change education at school is apprehended on this affective plane, both in terms of educational tools and students’ perceptions. Our results show an ambiguity of the didactical material, characterized by a high emotional intensity but no explicit mention of emotions. Students also express high emotional reactions, sometimes correlated with their understanding or tendency to act. We point possible specific effects of anxiety and anger, to be confirmed by future work.
Keywords:
- anger,
- eco-anxiety,
- education to climate change,
- emotions,
- socio-cognitivo-emotional
Article body
Face au dérèglement global du climat[1], en France, le volet de l’éducation relative à l’environnement (ERE) concernant plus spécifiquement l’éducation au changement climatique (ECC) a été renforcé dans les textes lors de la rentrée 2020. L’objectif annoncé par le Conseil Supérieur des Programmes est de permettre aux élèves de comprendre le dérèglement climatique et la destruction accélérée des écosystèmes en prenant la mesure des risques qui en découlent (Conseil Supérieur des Programmes, 2019). Or si auprès d’un public adulte, comme le montre la recherche de Pihkala (2022), la compréhension de ces enjeux est susceptible d’être accompagnée d’anxiété ou de colère (il faut reconnaître que l’ECC comporte également une dimension émotionnelle importante (Ojala, 2013). Nous nous questionnons justement sur la façon dont celle-ci est appréhendée à l’école. Nous explorons donc ici la prise en compte de la dimension émotionnelle de l’ECC via l’étude des supports qui accompagnent l’action éducative et celle des perceptions des élèves qui sont confrontés aux réalités climatiques. Afin de mieux saisir la place des émotions dans l’ECC, nous avons développé une approche mixte, couplant une étude qualitative des tonalités émotionnelles des ressources pédagogiques proposées par le ministère de l’Éducation nationale[2] et une enquête quantitative exploratoire par questionnaire auprès de deux classes de cycle 3 (n = 48, 9-11 ans). L’enjeu est triple : 1) caractériser le cadrage affectif de l’ECC proposé par les ressources officielles, 2) saisir chez les élèves les émotions qui sont associées aux thématiques relevant de l’ECC, et 3) explorer d’éventuelles associations entre ces perceptions émotionnelles et le niveau de compréhension et de propension à agir chez ces élèves. Après avoir précisé le cadre contextuel de cette étude et son ancrage dans la littérature existante, nous présentons notre recherche en deux volets, en précisant pour chacun les méthodes employées et résultats obtenus. Nous discutons ensuite ces derniers, pointant notamment de possibles effets spécifiques de l’inquiétude ou de la colère, et leur prise en compte en ECC.
Contexte : l’éducation au changement climatique renforcée dans les programmes, rare dans les pratiques
Le contexte de cette étude est relativement paradoxal : alors que la reconnaissance du réchauffement climatique s’est accompagnée d’un renforcement de l’ECC dans tous les programmes de la scolarité obligatoire en France, elle occupe encore une place marginale dans les pratiques enseignantes. Notre informatrice dans l’école élémentaire où a été menée cette étude témoigne ainsi qu’il s’agit d’une thématique transversale dont le traitement dépend largement des choix pédagogiques de chaque enseignant ou enseignante, et peine à s’imposer dans un établissement relevant de la politique d’éducation prioritaire, où l’urgence semble ailleurs, l’ECC apparaissant éloignée des besoins immédiats des élèves. Ce témoignage, qui ne fait pas partie des données centrales de cette recherche, offre néanmoins une contextualisation éclairante des données recueillies, en resituant l’ECC comme une préoccupation marginale de l’activité scolaire.
De la reconnaissance du dérèglement du climat à la promotion de l’ECC
Le changement climatique est un phénomène de dérèglement global et durable des paramètres du climat terrestre. Il se traduit par une augmentation des températures moyennes à la surface de la Terre entraînant une évolution de l’intensité et de la fréquence de certains phénomènes climatiques et météorologiques extrêmes. Ce dérèglement fait peser des risques importants sur les sociétés humaines et les écosystèmes. Ces risques sont principalement fonction de l’ampleur et du rythme du réchauffement. Ils varient également selon la région considérée et son niveau de développement socio-économique. Il existe aujourd’hui un consensus scientifique international qui impute le changement climatique aux activités industrielles et notamment aux émissions anthropiques de gaz à effet de serre. Selon les estimations, les activités humaines auraient déjà provoqué un réchauffement de 0,8° à 1,2° par rapport aux niveaux préindustriels (GIEC, 2018). Limiter ce réchauffement en cours impliquerait des transitions rapides et radicales dans l’organisation des systèmes industriels et modifierait en profondeur le fonctionnement des sociétés modernes (GIEC, 2018 ; IPCC, 2022). Les enjeux humains, géopolitiques et économiques liés à ce problème sont importants et soulèvent de nombreuses questions quant aux trajectoires futures de l’ensemble des sociétés humaines.
Le premier Sommet de la Terre organisé à Stockholm en 1972 par l’Organisation des Nations Unies avait débouché en France sur la production d’une circulaire (Bureau DGPC 9, 1977) définissant le cadre de l’éducation à l’environnement. Les questions environnementales prendront dès lors de plus en plus de place au sein de la scolarité obligatoire (Coquide, Lange et Pincemin, 2009). Différentes phases de généralisation de l’éducation à l’environnement se sont ensuite succédées à partir de 2004 en mettant en avant le développement durable. Le rapport à l’environnement y reste un objet d’enseignement transversal où une approche globale et par projets est encouragée.
À la rentrée 2020, l’ensemble des programmes de la scolarité obligatoire en France sont modifiés dans le but de renforcer les enseignements relatifs au changement climatique, à la biodiversité et au développement durable. L’objectif annoncé par le Ministère est le suivant : « Au terme de la scolarité obligatoire, un élève doit posséder les connaissances indispensables pour comprendre le réchauffement climatique, la destruction accélérée des écosystèmes naturels, et prendre la mesure des risques qui en découlent pour les sociétés humaines » (Conseil Supérieur des Programmes, 2019, p. 7). Ces modifications impliquent plusieurs changements dans la manière dont l’environnement est abordé en classe. Les nouveaux programmes encouragent une sensibilisation précoce et une responsabilisation face à la question climatique : « Les élèves, dès leur plus jeune âge, sont appelés à être des acteurs de la transition écologique » (idem, p. 3). En particulier, le cycle 3 est défini comme une période de consolidation où l’ERE est abordée par une approche transversale.
En effet, si l’environnement est l’objet des sciences biophysiques, l’ERE dépasse le cadre de la classe de sciences naturelles pour appréhender le rapport individuel et social à l’environnement, par le recours à des savoirs de disciplines complémentaires (sociologie, économie, sciences politiques, philosophie, etc.) et issus de l’expérience personnelle hors des murs de l’école. Nous l’entendons ici dans une perspective critique qui, outre la prise en compte de la globalité et de la complexité de l’objet d’apprentissage, insiste sur 1) la considération de l’élève comme personne globale (ce qui suppose un intérêt pour ses émotions), 2) la conscience du caractère socialement construit du savoir, 3) le lien entre pensée et action (Sauvé, 1997, p. 174-175). L’ECC constitue un volet de l’ERE, dont les contenus cognitifs portent spécifiquement sur le phénomène de réchauffement du climat, ses causes, ses effets et les perspectives d’évolutions technologiques et de transformation des modes de vie et des systèmes socioéconomiques susceptibles d’atténuer les dangers qu’il comporte pour l’humanité (Gibert, 2020). L’ECC peut elle-même être abordée au travers de sous-thématiques spécifiques comme les gaz à effet de serre ou les politiques énergétiques. Dans les programmes scolaires français, elle est explicitement évoquée dans le cadre de l’Enseignement Moral et Civique ainsi qu’en Sciences et Technologie, comme une thématique interdisciplinaire. Une approche par projet est recommandée pour aborder cette question au sein de la classe, de l’établissement ou à plus grande échelle.
Pratiques effectives d’ECC dans une école primaire relevant de l’éducation prioritaire
Public de cycle 3
Ce travail a été centré sur le cycle 3, car, à cet âge, les enfants commencent à développer une pensée hypothético-déductive (Nader-Grosbois, 2014) leur permettant de se représenter des phénomènes qui, comme le changement climatique, dépassent l’expérience directe. Il s’agit également d’un âge où certains enfants commencent à s'intéresser aux problématiques du monde qui les entoure (Ojala, 2012a).
Perception enseignante de l’ECC : sujet mineur, lointain, potentiellement source de révolte
Un entretien semi-directif exploratoire a été réalisé avec l’enseignante d’une des classes étudiées (classe ci-dessous numérotée 2), à propos de ses pratiques d’ECC. En premier lieu, cet entretien permet de resituer la place minime de l’ECC dans les pratiques. Elle est peu abordée en classe, car il ne lui est attribué aucun volume horaire dédié dans les programmes. L’intégration de l’ECC dépend donc des priorités pédagogiques de chaque enseignant : « C’est assez transversal donc tu le fais comme tu veux, donc soit t’as envie que ça soit un thème de l’année, ou alors t’y penses pas et puis ça passe en toute fin d’année ».
Ce témoignage confirme et illustre localement le constat de l’inspection générale de l’éducation française en 2003 quant au caractère ponctuel et inégal de l’ECC. Celle-ci est en effet traitée en fonction des priorités pédagogiques de chaque classe et chaque établissement (Bonhoure et Hagnerelle, 2003). De plus, même si l’interdisciplinarité est indispensable, le manque de véritable ancrage curriculaire rend difficile l’appropriation de ce sujet dans les pratiques enseignantes, posant des difficultés identitaires et mettant en exergue le besoin de formation spécifique (Girault et coll., 2007). Ici, cette enseignante elle-même aborde peu l’ECC, car elle la perçoit comme éloignée du quotidien des élèves : « Ici on est plus sur des choix en EMC [Éducation Morale et Civique], l’égalité fille - garçon, la laïcité, des choses comme ça, qui les concernent peut-être plus. ». Elle rappelle que le contexte de REP (Réseau d’Éducation Prioritaire[3]) suppose que le travail sur les émotions est délicat : « Nous on est en REP donc il y a quand même un problème lexical. Y a un problème pour identifier ses émotions, pour les nommer ». Néanmoins, elle identifie l’ECC comme susceptible de susciter des sentiments de révolte : « c’est riche, soit ça amène de la révolte, en tout cas, ça les fait parler quoi. ».
La littérature : cadre théorique et état de la question
Nous revenons ici brièvement sur la nature même du changement climatique en tant qu’objet de savoir consensuel, mais dont les implications soulèvent des controverses dans la société, avant de présenter une rapide revue de littérature sur les émotions qui y sont associées. Enfin, nous abordons spécifiquement l’état de la question sur la prise en compte de ces émotions en ECC et pointons notamment des outils conceptuels pour l’analyse du traitement didactique du changement climatique du point de vue affectif.
Ancrage didactique : le changement climatique comme une question socialement vive
Le changement climatique est une problématique complexe qui mobilise de nombreux domaines scientifiques. Il s’agit d’une question pluridisciplinaire qui fait intervenir à la fois les sciences de la nature, les sciences humaines et les sciences sociales. Le Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Évolution du Climat (GIEC) mobilise de nombreux spécialistes de disciplines variées pour dégager l’état du consensus scientifique sur le sujet et élaborer des résumés et des recommandations à l’intention des dirigeants politiques. Il n’y a pas de controverse scientifique quant à la réalité du phénomène, même si des voix très minoritaires se sont fait entendre dans les médias, portant un discours climato-sceptique qui remet en cause le lien entre les activités humaines et l’évolution du climat. Il existe bien différents scénarios scientifiques sur les conséquences de ce dérèglement, mais il s’agit ici d’incertitude plutôt que de controverse. La dimension polémique du changement climatique porte sur ses implications politiques, économiques et sociales, concernant la nécessaire adaptation des modèles de développement et des modes de vie, dans un contexte où les intérêts divergent. À ce titre, le changement climatique peut être considéré comme une question socialement vive, mais non ‘triplement vive’ : elle est controversée dans les savoirs sociaux, mais pas dans les savoirs référence ni dans les savoirs scolaires (Legardez, 2006).
Éléments théoriques pour penser la relation entre changement climatique et émotions
Affects et émotions : traits définitionnels
Nous nous appuyons sur la définition des émotions proposée par Plantin (2015, p. 978) :
Les émotions sont des phénomènes complexes, incluant des états d’esprit plus ou moins plaisants ou déplaisants, associés à une vision des circonstances environnantes, impliquant des manifestations temporelles et initiant des formes de comportement et d’action spécifiques (traduction libre)
Cet auteur distingue les affects, indéterminés, des émotions, qui correspondent à des construits identifiés et susceptibles d’être caractérisés plus précisément. En psychologie, on identifie traditionnellement quelques émotions de base, dites ‘primaires’, au nombre de 4 à 6 :la surprise, la peur, la joie, la tristesse, la colère et parfois le dégoût ou la fierté/honte (Cosnier, 1984). Considérées comme universelles, elles se combineraient et s’exprimeraient de façon variées selon les contextes culturels en une multitude d’émotions secondaires plus complexes (Ibid). Les perspectives constructivistes défendent l’idée que les émotions sont socialement construites (Bernard, 2015), ce qui ouvre la porte à une action éducative susceptible d’influencer les affects vécus et leur interprétation. À la différence des humeurs ou des sentiments, les émotions correspondent à des ressentis affectifs de courte durée, généralement associées à un évènement. Il y a cependant débat sur la direction de la causalité entre ce déclenchement externe et les mécanismes internes qui confèrent une interprétation émotionnelle à cet évènement. Reste que les émotions sont des phénomènes adaptatifs avec de multiples composantes cognitives et physiques (Nugier, 2009), tout en présentant une dimension sociale importante (culturelle et relationnelle). Enfin, l’interprétation cognitive, couplée au comportement, détermine la nature du ressenti émotionnel et l’engagement éventuel dans une action adaptative. Ainsi, par exemple, en se forçant à rire, on peut finir par éprouver de la joie, et, réciproquement, prendre conscience d’un danger peut conduire à la sécrétion d’adrénaline, un sentiment de peur et un réflexe de fuite, ou encore à s’immobiliser en feignant d’être mort. En effet, les émotions définissent une propension à l’action, préparant l’organisme à réagir, même si l’action ne s'accomplit pas forcément par la suite (Nugier, 2009).
L’analyse linguistique de la construction discursive des émotions
L’analyse linguistique de la construction discursive des émotions offre des pistes concrètes pour étudier les ressources et les situations pédagogiques en ECC sur le plan de leur cadrage émotionnel. Plantin (2011), et à sa suite, Micheli (2013) ont défini des paramètres émotionnants qui construisent le cadrage affectif du discours. Ils ont été repris dans une étude empirique des argumentaires des élèves autour de la gestion de l’eau potable, qui montre en effet que leur schématisation émotionnelle détermine fortement les raisonnements développés à l’égard de cette controverse socioscientifique (Polo et coll., 2013). Sans nécessité de nommer précisément les affects associés aux alternatives discutées, l’étude de leur positionnement sur les axes de l’intensité (plus ou moins forts ou faibles) et de la valence (plus ou moins négatifs ou positifs au sens d’agréables ou de désagréables) fonde leur appréciation cognitive (Polo, 2020).
Au plan de l’intensité, on note les paramètres de la distance affective au problème et des perspectives de contrôle et d’agentivité envisagées quant à sa résolution. Cette notion de distance affective est proche de celle de distance psychologique que Trope et Liberman (2010) définissent comme une expérience subjective d’éloignement ou de proximité, en un point spatio-temporel donné par rapport au sujet (sa propre situation actuelle). Distance affective telle qu’utilisée dans l’analyse linguistique de la construction discursive des émotions (Polo et coll., 2013) et distance psychologique partagent trois dimensions : l’aspect temporel, l’aspect spatial et l’aspect social. Cependant, la distance psychologique intègre généralement une quatrième dimension, hypothétique, soit la probabilité que l’objet en question existe, qu’il se réalise s’il s’agit d’un évènement ou d’un risque (Trope et Liberman, 2010). En matière de protection environnementale, une distance psychologique proche serait associée à une préoccupation accrue pour l’environnement, à la considération des risques comme plus certains et plus graves, et à davantage d’intentions à agir (Van Laere, 2018). Quant aux deux autres paramètres constitutifs de l’intension émotionnelle, ils portent sur l’existence ou non d’une possibilité de contrôle sur la situation et en particulier, sur une l’éventuelle agentivité humaine permettant d’intervenir aussi bien en amont qu’en aval (pour prévenir les causes ou faire face aux conséquences). Moins il y a de contrôle possible, plus l’émotion est intense. La question de l’agentivité a également partie liée avec la nature des émotions ressenties. Par exemple, on peut être triste ou désespéré face à une situation présentée comme une fatalité, mais on ne s’en indigne pas, car l’indignation suppose de pouvoir se tourner vers un agent humain responsable du problème, ou de sa gestion.
Au plan de la valence (continuum plaisir-déplaisir), la référence structurante est l’axe vie-mort, directement invoqué ou sous forme d’analogies ou de conséquences éventuelles. Ainsi, les pré-construits culturels utilisent des références à la vie pour construire une tonalité émotionnelle positive, et à la mort pour en construire une négative : il est agréable de « dormir comme un bébé », et on comprend que quelqu’un qui fait « une mine d’enterrement » est plutôt triste. Enfin, présenter les objets de discours en (in-)adéquation aux principes partagés avec les personnes à qui l’on s’adresse permet également de leur conférer une valence plus ou moins positive. L’ensemble des tonalités affectives résultant de ce processus de schématisation des objets de discours centraux dans la définition d’une question et des alternatives déployées à son égard en offre un cadrage émotionnel spécifique qui n’est pas neutre au plan argumentatif (Polo et coll., 2013).
Les émotions associées au changement climatique
La compréhension des risques que fait peser le changement climatique sur l’environnement et les sociétés humaines peut avoir un impact négatif sur la santé mentale des individus, en particulier celle des plus jeunes (Clayton et coll., 2021). Des néologismes ont même été introduits pour évoquer spécifiquement ce mal-être affectif : solastalgie et écoanxiété (Gibert, 2020). La solastalgie renvoie à la souffrance liée à la dégradation (destruction ou transformation irrémédiable) de son milieu de vie, soit l’environnement psychologiquement proche (la maison), par l’activité humaine et ses effets climatiques (Albrecht, 2011). L’écoanxiété, elle, correspond à la peur de l’avenir, dès lors que l’on anticipe les catastrophes écologiques, notamment climatiques, et leurs répercussions pour l’humanité (Pihkala, 2020a, 2020b). La première est donc associée au deuil environnemental (Popescu, 2022) ; la seconde correspond à la crainte d’être probablement exposé à ce deuil, anticipation négative associée à une myriade d’émotions.
À ce titre, l’écoanxiété fonctionne comme une catégorie englobant diverses émotions relatives à la détérioration de l’environnement à venir, ou éco-émotions. Des études montrent qu’une prise de conscience réelle du phénomène de changement climatique chez l’adulte est associée à des émotions intenses et à valence négative (déplaisantes à vivre), telles que la peur, le stress, l’anxiété, la tristesse, le désespoir, la colère et le sentiment d’impuissance (Fritze, et coll. 2008 ; Pihkala, 2020a). L'incertitude, l'imprévisibilité et le caractère incontrôlable du changement climatique seraient des facteurs importants du développement de l’écoanxiété (Pihkala, 2020a). On retrouve ici l’absence de contrôle comme une dimension renforçant l’intensité affective, comme dans la construction discursive des émotions (Polo et coll., 2013). Pihkala (2022) a récemment proposé une première taxinomie des éco-émotions associées au changement climatique (climate emotions), sur la base d’une large revue de littérature, qu’il regroupe en 16 catégories (dont seulement les 4 dernières n’intègrent que des émotions positives au sens de plaisantes) : 1) étonnement, surprise, déception, confusion ; 2) choc, trauma, sentiment d’isolement ; 3) peur, inquiétude, anxiété, sentiment d’impuissance, angoisse ; 4) tristesse, deuil, nostalgie, solastalgie ; 5) forte anxiété, dépression, désespoir ; 6) culpabilité, honte, sentiment d’inadaptation, regret ; 7) sentiment de trahison, désillusion, dégoût ; 8) colère, rage, frustration ; 9) hostilité, mépris, insatisfaction, aversion (vis-à-vis du fait d’aborder le changement climatique) ; 10) envie, jalousie, admiration ; 11) motivation, urgence d’agir, détermination ; 13) plaisir, joie, fierté ; 14) espoir, optimisme, capacitation (empowerment), 15) sentiment d’appartenance, d’être ensemble, de connexion aux autres et éventuellement à la nature et 16) amour, empathie, bienveillance (caring), compassion.
Les affects vis-à-vis du changement climatique ont fait l’objet de plusieurs recherches qui ont permis de définir certaines stratégies de régulation émotionnelle (coping) constructives, soit certaines façons de les vivre qui limitent la souffrance psychique, tout en conservant une vision claire du problème climatique (Ojala, 2012a ; Mah et coll., 2020). Pihkala (2020b) les décrit comme associant compétences individuelles et agir collectif, énumérant : 1) réguler, pour la limiter, l’anxiété, afin qu’elle ne devienne pas destructrice ; 2) construire et maintenir un équilibre émotionnel quotidien ; 3) trouver un sens à sa vie et chercher perpétuellement à réaffirmer cet ancrage existentiel ; 4) participer à des actions environnementales, individuellement et collectivement ; 5) construire des communautés de soutien entre pairs ; 6) développer et entretenir un lien fort à la nature. En tout état de cause, il s’agit a minima de prendre conscience de ses éco-émotions et de se soutenir mutuellement pour faire face au défi existentiel dont elles témoignent. Plus précisément, la croyance en sa capacité et en celle des autres à agir pour améliorer la situation a été analysée chez de jeunes adultes (Ojala, 2015) comme une stratégie constructive, à l’inverse de celle consistant à faire face à la menace en la minimisant, voire en entrant dans un déni (Fritze et coll., 2008). Les émotions ressenties face au changement climatique et les stratégies adoptées pour les réguler pourraient également avoir un impact sur le comportement environnemental des individus (Pooley et O’Connor, 2000). Il a été montré que des émotions négatives pouvaient pousser les individus à minimiser les enjeux climatiques tandis qu’un espoir ne relevant pas de la pensée magique associée à la passivité, mais dit « constructif », pouvait plus facilement pousser à l’action (Ojala, 2012b).
État de la question : une timide prise en compte des émotions en ECC
Chez l’enfant, les émotions en lien avec le risque climatique restent peu étudiées, bien que la littérature souligne que l’ECC comprend une dimension émotionnelle importante (Pooley et O’Conno,r 2000 ; Ojal, 2013 ; Lombardi et Sinatra, 2013 ; Rousell et Cutter-Mackenzie-Knowles, 2020 ; Gibert, 2020). Pour l’âge qui nous intéresse ici, entre 9 et 11 ans, les enfants sont généralement en capacité d’identifier leurs émotions et celles des autres, et de raisonner sur l’origine de ces émotions (Perron et Gosselin, 2007). Ils disposent notamment au plan du développement lexical, du vocabulaire nécessaire pour les communiquer (Lemercier et Simoës-Pertrant, 2018). On peut cependant faire l’hypothèse que les enfants pourraient avoir plus de difficultés que les adultes à accueillir les éco-émotions que la menace climatique suscite (Fritze, et coll., 2008), à les réguler et vivre avec elles, d’autant que les conséquences annoncées les concernent plus directement. Des études convergent vers le constat que les enfants semblent en général plus sensibles que leurs aînés adolescents aux problèmes écologiques et davantage susceptibles de mettre en place des actions environnementales (Chen, Liu et Chen, 2015 ; Akitsu et coll., 2017), mais qu’ils ont aussi moins voix au chapitre dans l’espace public.
De plus, les politiques éducatives en la matière tendent à se concentrer sur l’adoption d’écogestes au plan individuel, à travers un enseignement descendant de type explicatif et scientifique, sans prise en compte ni des autres facteurs qui déterminent les comportements, ni des problématiques d’adaptation aux échelles institutionnelles (Bader et Sauvé, 2011). Au rang des facteurs déterminants, une étude quantitative pointe qu’en matière d’économie d’energie, les affects sont plus prédictifs du comportement que les savoirs (DeWaters et Powers, 2011). De plus, une véritable compréhension des questions socioécologiques telles que le changement climatique suppose d’être formé à décider démocratiquement des stratégies adaptatives possibles en adoptant un regard critique sur les valeurs sociales dominantes, reflétées notamment dans les médias de masse (Serpereau, 2015). Au-delà de l’esprit critique, seule une ECC visant le développement d’une pensée multidimensionnelle, intégrant des dimensions de bienveillance (caring) et de créativité (Lipman, 2003) est susceptible d’être à la hauteur des enjeux. Il s’agit d’offrir aux enfants des occasions d’implication profonde, notamment en mobilisant des approches sensibles (Lange, 2014 ; Danish et coll., 2020) et/ou artistiques (Deslauriers, 2022) associées à une action locale porteuse de sens et d’espoir raisonné en lieu et place d’une ecoanxieté susceptible de devenir paralysante (Rousell et Cutter-Mackenzie-Knowles, 2020). En effet, si l’écoanxiété est caractéristique des activistes écologiques, et donc un moteur de l’agir écosocial, elle peut évoluer en détresse psychologique (burn-out, dépression, suicide, etc.). L’ECC devrait donc prioritairement travailler à l’instauration d’espaces collectifs de parole et d’action permettant la canalisation constructive de l’émotion et le soutien mutuel face aux enjeux existentiels associés (Pihkala, 2020b).
Une étude empirique mixte en deux volets
Dans cette section, nous précisons nos 3 questions de recherche et les hypothèses associées concernant la place des émotions en ECC et leur implication dans les attitudes développées en matière d’environnement. Nous présentons ensuite les deux volets de notre étude, en précisant les types de données recueillies, les méthodes d’analyse et les résultats correspondants. Il s’agit d’une part, d’analyser les ressources didactiques officielles et d’autre part, l’expérience affective des élèves.
Questions de recherche et hypothèses
L’objectif de cette recherche est d’étudier l’aspect émotionnel de l’ECC à travers 3 questions de recherche :
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QR1. Quel cadrage affectif du problème est adopté dans les ressources mises à disposition des enseignants ?
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QR2. Quelles sont les émotions déclarées par les élèves face à ces enseignements ?
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QR3. Les émotions que les élèves déclarent face au changement climatique sont-elles associées à leur niveau d’intérêt et de propension à agir déclarés ?
Cette étude tente de vérifier les 3 hypothèses suivantes :
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H1. Les tonalités émotionnelles des ressources d’ECC sont d’intensité limitée.
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H2. Le cadrage émotionnel du changement climatique présenté dans les enseignements mis en place en classe oriente les émotions déclarées par les élèves quant aux thématiques spécifiques abordées et au changement climatique en général.
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H3. Il existe un lien entre les émotions déclarées par les élèves vis-à-vis du réchauffement climatique et leur intérêt et propension à développer une action environnementale pour cette cause. Autrement dit, déclarer une certaine émotion serait associée à un certain niveau d’action ou d’intention d’action déclarée.
Étude qualitative : cadrage affectif des ressources pour l’enseignement
Données : corpus de ressources officielles à destination des enseignants du cycle 3
Ce corpus est composé de l’ensemble des séquences pédagogiques proposées par le site officiel Eduscol au 27 avril 2021, édité par le ministère de l’Éducation nationale, dans la rubrique « des ressources sur le changement climatique »[4]. Seuls les éléments directement applicables en classe, strictement en lien avec le changement climatique et concernant le cycle 3 ont été pris en compte. Ils étaient au nombre de dix. Afin de les situer dans le paysage des supports existants, nous avons ajouté les deux séquences pédagogiques menées dans le cadre de cette recherche à la figure 1 donnant à voir le cadrage affectif de ces ressources.
Méthode : analyse linguistique du cadrage affectif
L’analyse du corpus de ressources pédagogiques a porté sur la nature de la thématique abordée (1), le cadre spatio-temporel mentionné (2), l’évocation des risques (3) et des liens avec les activités humaines (4). Dans les termes de la construction discursive des émotions (Plantin, 2011 ; Micheli, 2013 ; Polo et coll., 2013 ; Polo,2020), les aspects 2 et 4 correspondent au paramètre émotionnant de la distance affective au problème, l’intensité étant d’autant plus élevée qu’il est présenté comme proche, au plan spatio-temporel et social (personnes responsables et/ou concernées). En plus de jouer sur la distance affective, la question de la responsabilité humaine (4) renvoie également aux paramètres de contrôle et d’agentivité : l’intensité est d’autant moins élevée qu’il y a des perspectives de maîtrise du phénomène. Enfin, la thématique et les risques abordés sont susceptibles de cadrer le problème au plan affectif sur l’axe de la valence, créant une tonalité émotionnelle d’autant plus négative qu’ils sont dépeints, au sens propre ou figuré, conduisant vers la mort, et d’autant plus positive qu’ils sont associés à la vie.
Cette analyse ne s’appuie pas sur un système de codage formel susceptible d’être validé par la méthode d’accord inter-juges par exemple. Elle s’inscrit à ce titre dans une tradition d’analyse qualitative du discours dont le fondement épistémologique est la transparence plutôt que la réplicabilité des analyses (Seedhouse, 2005). Ainsi, les matériaux et segments de discours jugés pertinents au regard des 4 aspects mentionnés sont directement consignés et mis à disposition du lectorat, à même d’en discuter éventuellement la pertinence. Cela est rendu possible, car ce travail est conduit sur un corpus relativement réduit.
Résultats du volet qualitatif : un cadrage affectif paradoxal des ressources
Nos résultats pointent un cadrage affectif paradoxal des ressources pour l’enseignement ; sans mention explicite des émotions, elles adoptent toutefois un cadrage affectif orientant fortement la façon d’aborder le changement climatique. Ce volet qualitatif de notre recherche met en lumière la spécificité des deux séquences proposées sur le terrain étudié, diamétralement opposées du point de vue de ce cadrage affectif : l’une présente un cadrage très négatif et très intense, alors que l’autre montre un cadrage plutôt positif et d’intensité moyenne.
Le premier constat concernant les ressources officielles pour l’enseignement est la place relativement importante accordée au développement durable (enjeux d’usages humains de l’environnement) par rapport à la question du changement climatique en elle-même (liée à aux perturbations de l’environnement), et leur ancrage exclusif dans le champ disciplinaire des Sciences et Technologies. Le tableau 1 synthétise l’analyse de ces ressources selon les 4 axes retenus : thème, cadre spatio-temporel, risques, rôle des actions humaines.
Un premier constat est qu’aucune ressource n’aborde explicitement les enjeux émotionnels liés à l’ECC. Les ressources proposées s’ancrent plutôt à l’échelle mondiale, en mettant l’accent sur l’aspect théorique du réchauffement climatique. La fonte des glaces, la diminution de la banquise et de la montée des eaux sont des thèmes récurrents, qui fournissent des images concrètes du phénomène, mais sans pointer ses causes humaines de façon critique et systémique, ni ses conséquences pour le quotidien des élèves. Ceux-ci sont plutôt appelés à agir à l’échelle locale par des écogestes. Le cadrage affectif proposé par ce corpus de ressources pédagogique dépeint plutôt les élèves comme devant agir par solidarité avec les autres espèces ou le peuple Inuit, en tant que co-responsables de ces dérèglements, plutôt que comme victimes potentielles du phénomène.
En termes de distance affective, le problème est donc plutôt présenté comme lointain et la situation comme susceptible d’être améliorée par des actions concrètes, ce qui a pour effet de limiter l’intensité émotionnelle du sujet abordé. Cependant, l’intensité se trouve augmentée par le fait de mettre directement en cause le mode de vie des élèves, d’en appeler à leur empathie, ce qui pourrait avoir un effet culpabilisant. Ainsi, la tonalité intense liée à cette interpellation directe des élèves (distance sociale nulle) en tant que responsables de l’évolution de la situation est compensée par la perspective de contrôle possible, principalement fondée sur les écogestes individuels et leur promotion (habitation, transport, consommation énergétique). Globalement, le cadrage affectif de ce corpus est donc relativement ambivalent, non seulement parce qu’il présente des éléments susceptibles d’intensifier l’émotion et d’autres de la limiter, mais aussi parce que l’accent sur la mise en action des élèves peut être interprétée plus ou moins négativement (culpabilité) ou positivement (espoir).
Reste qu’une grande disparité de cadrages affectifs existe d’une ressource à l’autre. Il est possible de dégager de ces éléments un positionnement émotionnel global pour chaque ressource en termes d’intensité et de valence (figure 1). La ressource A s’appuie sur des constats frappants sans place pour l’action, ce qui constitue un cadrage d’intensité élevée, compensé par une approche distante sans mise en cause de l’humain ; au plan de la valence, elle se démarque par un discours axé sur les sciences qui se veut relativement neutre, bien que plutôt négatif. La ressource B est la plus grave, évoquant explicitement la perspective de mort sans contrôle possible sur la situation. Les ressources C, F, H et I présentent une intensité négative, qui est modérée par la perspective d’une réaction humaine réparatrice (C, F, I), un cadrage spatio-temporel distant (F), voire l’éviction d’une mention explicite des conséquences humaines (H, I). C’est d’ailleurs sa prise en compte des drames humains du changement climatique qui confère une tonalité plus intense à la ressource G, malgré une perspective d’intervention écologique positive. Cette dernière la démarque de la ressource J, où un contrôle sur la situation n’est envisagé qu’à grande échelle, et donc relativement limité pour les élèves. Seules les ressources D et E présentent une valence positive, en se concentrant sur les pistes de progrès possibles aux échelles individuelle et communautaires, voire régionales.
Les cadrages émotionnels des séquences sur le gaspillage alimentaire et sur les pollutions de l’air réalisées avec la classe 2 sont également analysées selon ces critères dans le tableau 2. La première (K) est marquée par une tonalité positive d’intensité moyenne, axée sur les perspectives d’amélioration, couplant responsabilités individuelle, communautaire et nationale, tandis que la seconde (L) présente une tonalité grave. A la fois négative et intense, cette activité cadre le problème comme étant très proche, ce qui n’est que légèrement modéré par la perspective d’un contrôle possible au bon vouloir des autorités (voir figure 1).
Enquête quantitative auprès des élèves : connaissances, émotions et attitudes déclarées
Participants et participantes
L’étude a été menée dans deux classes d’une école française de banlieue à Vénissieux, l’une (classe 1) en double niveau (NCM1 = 5, NCM2 = 19), l’autre (classe 2) de niveau CM2 (N2 = 24). Cet établissement relève du REP (Réseau d’Education Prioritaire), du fait que le collège du même secteur présente des taux plus élevés que la moyenne nationale pour les critères sociodémographiques suivants : élèves de catégories socio-professionnelles défavorisées, élèves boursiers, élèves résidants dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, redoublements en classe de sixième.
La classe 1 constitue une classe témoin, au sens où elle n’avait participé à aucune séance d’ECC au moment de l’étude. À l’inverse, la classe 2 a bénéficié de deux séquences dédiées, de 6 séances chacune, la première, sur le gaspillage alimentaire, conçu et menée par son enseignante, et la seconde sur les pollutions de l’air, conçue et menée par la seconde auteure de cet article lors de son stage en classe. Il est important de préciser que cette activité a été conçue et réalisée avant le début de ce travail de recherche, sans chercher à mettre l’accent sur la dimension émotionnelle de l’ECC, qui n’y est pas abordée explicitement, comme c’est le cas pour les autres ressources analysées ici. À l'exception de ces deux séquences, les classes 1 et 2 fonctionnent selon une progression très similaire grâce à une collaboration étroite entre leurs deux enseignantes.
Données recueillies : enquête par questionnaire à destination des élèves
Le questionnaire s’organise autour de 4 thématiques : le gaspillage alimentaire, la pollution de l’air, les déchets plastiques rejetés dans la nature et le changement climatique de manière globale. La question des déchets plastiques n’a été abordée explicitement dans aucune des deux classes, mais a été choisie pour sa forte médiatisation qui augmente ses chances d’être connue des élèves. Chaque thématique du questionnaire est divisée en trois sous-parties. La première questionne la connaissance du sujet par les élèves et leurs sources d’information à ce propos, la deuxième recueille les émotions que les élèves y associent, et la troisième porte sur leur intérêt pour cette question et leur propension à agir pour cette cause. La figure 2 illustre la structure relativement simple de ce questionnaire pour la thématique globale du changement climatique (identique pour chacune des 3 sous-thématiques abordées).
Les élèves pouvaient cocher autant de cases qu’ils le voulaient pour chacune des questions pour chaque thématique, sauf la première, ne comportant qu’une case. Tel quel, ce questionnaire ne permettait donc pas d’évaluer finement leur niveau de connaissance de la thématique, ne discriminant que les élèves déclarant un niveau nul par rapport aux autres. De tels intitulés ne permettaient pas non plus la nuance quant à l’intensité du ressenti pour chacune des émotions mentionnées, comme une échelle de Likert l’aurait permis. On peut juste savoir si l’élève estime que telle ou telle émotion était présente ou absente. Cependant, étant données les contraintes de temps et l’âge des élèves, il nous est apparu intéressant d’avoir un questionnaire relativement simple, sans doute plus aisé à prendre en main que des réponses graduées. Reste qu’il est toutefois possible d’appréhender l’intensité émotionnelle dans la mesure où les intitulés d’émotions choisis font référence à des affects plus ou moins intenses dans le langage courant. Ainsi, être malheureux, terrifié ou enthousiaste sont respectivement des émotions plus intenses qu’être déçu, préoccupé ou satisfait.
Résultat du volet quantitatif
L’enquête par questionnaire auprès des élèves montre qu’ils connaissent globalement les thématiques mentionnées, même s’ils peinent parfois à les associer au dérèglement climatique général. De plus, les émotions qu’ils déclarent varient entre les deux classes de façon assez spécifique concernant les deux thématiques traitées uniquement dans la classe 2 : ses élèves associent davantage d’émotions positives au gaspillage alimentaire, abordé avec un cadrage affectif positif, et davantage d’émotions négatives aux pollutions de l’air, appréhendées avec un cadrage grave. Enfin, un lien semble se dégager entre le ressenti émotionnel et l’intérêt déclaré pour une thématique : les élèves se déclarant en colère présenteraient une plus grande propension à agir que ceux se déclarant inquiets, alors même que ces derniers accordent davantage d’importance au problème du réchauffement climatique.
Connaissance du sujet
Une grande majorité des élèves des deux classes connaissent les 4 thématiques abordées. Le gaspillage alimentaire est celle qui est familière au plus grand nombre (seuls 4 % des élèves, tous en CM1, déclarent ne jamais en avoir entendu parler). Le changement climatique en général est celle que le plus d’élèves ignorent complètement (14,8 %). Quant aux pollutions de l’air et aux déchets plastiques, 12,5 % des élèves déclarent ne jamais en avoir entendu parler. Si l’école d’abord, la famille, la télévision et internet sont les quatre sources principales d’information pour toutes les thématiques, l’école est t toujours première, et internet toujours quatrième. La télévision passe devant la famille concernant le changement climatique en général et les déchets plastiques.
Émotions associées aux thématiques d’ECC abordées en classe
De manière générale, les élèves de la classe 2 ont eu tendance à cocher plus de cases, par exemple, pour le gaspillage alimentaire : 73 cases ont été cochées par les élèves de la classe 2 contre 59 pour ceux de la classe 1. Les émotions déclarées par les élèves concernant le gaspillage alimentaire et les pollutions de l’air, deux thématiques abordées dans des séances uniquement menées dans la classe 2, sont présentées respectivement dans les figures 3 et 4.
Notons que seuls des élèves de la classe 2, qui ont participé à une séquence pédagogique de valence positive sur ce thème, associent les termes ‘content’ (8 %), ‘heureux’ (4 %), ‘à l’aise’ (8 %) au gaspillage alimentaire, qu’ils sont moins nombreux que ceux de l’autre classe à se dire ‘déçus’ (25 % contre 45 %) ou ‘en colère’ (21 % contre 50 %) et plus nombreux à se déclarer ‘confiants’ (8 % contre 4 %) ou ‘indifférent/normal’ (12 % contre 4 %). Il est intéressant de noter que l’un d’eux a également proposé dans la case « autre » la formule « c’est ma faute », ce qui est congruent avec un cadrage affectif de responsabilisation, possiblement reçu comme culpabilisant.
Concernant la pollution de l’air (L), la séquence vécue par la classe 2 aborde explicitement des risques pour la santé selon une tonalité très grave (voir la figure 2) et ses membres se déclarent davantage ‘malheureux’ (25 % contre 13 %), ‘découragés’ (33 % contre 4 %), ‘terrifiés’ (21 % contre 4 %), ‘inquiets’ (50 % contre 34 %), ‘déçus’ (34 % contre 12 %), ‘surpris’ (17 % contre 4 %), ‘mal à l’aise’ (21 % contre 8 %), ‘angoissés’ (17 % contre 8 %) et ‘coupables’ (21 % contre 0 %) que ceux de la classe 1.
Corrélation entre émotions et propension à agir vis-à-vis du changement climatique
Pour étudier une éventuelle corrélation entre émotions et propension à agir déclarées par les élèves, nous avons concentré notre analyse sur la thématique du réchauffement climatique en général. Nous avons focalisé notre recherche sur deux affects qui se sont révélés prédominants parmi ceux recensés dans les réponses aux questionnaires, et qui sont mentionnés dans la littérature comme typiques de l’ECC : l’inquiétude et la colère. Ces affects correspondent respectivement aux catégories « peur, inquiétude, anxiété, sentiment d’impuissance, angoisse » « colère, rage, frustration » (traduction libre) de la taxonomie proposée par Pihkala (2022). La figure 5 présente les réponses des élèves inquiets ou en colère concernant l’intérêt qu’ils déclarent vis-à-vis du réchauffement climatique en général (les options de réponse présentées dans la figure 2 ont été numérotées a, b, c, d, e, f, g, h, i, j).
La colère semblerait entraîner une propension à l’action et une croyance en l’action collective plus importantes que l’inquiétude, mesurées par un choix plus important des items suivants :
-
c) je pense que je pourrais personnellement faire quelque chose pour lutter contre le changement climatique (73 % contre 60 %) ;
-
e) je pense qu’il est possible de résoudre ce problème si nous faisons tous des efforts (81 % contre 68 %) ;
-
g) je fais des efforts pour lutter contre le réchauffement climatique (54 % contre 46 %).
Cependant, seuls des élèves en colère déclarent ne pas penser que le changement climatique soit un problème important (9 %), et ils sont un peu plus nombreux que les personnes déclarant de l’inquiétude à ne pas se sentir concernés par ce problème (f : 18 % contre 16 %). Ce résultat, à première vue contradictoire - comment être en colère si on ne considère pas l’enjeu traité comme important ? - pourrait s’expliquer par le fait qu’une partie des élèves ayant coché l’item « en colère » se situaient en réalité plutôt dans la catégorie définie par Pihkala (2022) comme « hostilité, mépris, insatisfaction, aversion » (traduction libre). Ainsi, leur colère serait davantage liée à une stratégie de déni : ils seraient en colère d’être amenés à aborder le changement climatique plutôt qu’en réaction à une prise de conscience écologique.
Au-delà de la nature de l’émotion elle-même, c’est sans doute son processus de régulation qui est déterminant ici. Ainsi, notre troisième hypothèse paraît vérifiée, avec cette association entre émotion et propension à l’action, bien que le lien entre ces phénomènes reste encore à clarifier, notamment en terme de causalité. Chez les personnes dont la colère relèverait bien d’une prise de conscience environnementale, est-ce la croyance en l’action collective préexistante qui aiderait à réguler sa colère de telle sorte qu’elle conduise à une propension à agir ou, au contraire, est-ce la colère qui serait le moteur de l’action ? Nous revenons sur ce point et discutons l’ensemble de nos résultats, dans la section suivante.
Discussion
Cette étude en deux volets nous a permis d’explorer nos trois questions de recherche à propos de la place des émotions dans l’ECC au cycle 3 de l’enseignement primaire français. Concernant la première, soit le cadrage affectif du dérèglement climatique dans les ressources à disposition des enseignants, notre hypothèse selon laquelle il présente une intensité limitée est plutôt démentie. En effet, même si les émotions relatives aux changements climatiques ne sont jamais explicitement mentionnées, la dizaine de ressources étudiée présentent des disparités importantes sur le plan de la valence comme de l’intensité (voir figure 1). En particulier, des éléments intensificateurs et atténuateurs se compensent parfois en la matière, comme une distance lointaine des victimes potentielles, mais une identification avec les responsables de l’évolution de la situation. Le cadrage affectif du problème par les ressources officielles en ECC est donc moyennement et non faiblement intense, avec des exceptions tendant vers la gravité (intensité supérieure) ou une valence positive faible.
Reste que la plupart des ressources analysées présentent bien des éléments de refroidissement émotionnel de la question climatique, notamment en limitant sa dimension controversée par l’insistance sur l’action individuelle, mécanisme classique associé à la scolarisation de controverses socio-scientifiques (Albe, 2009). Néanmoins, rien ne présume que les élèves qui se retrouvent face à ces ressources, telles qu’orchestrées par la pratique enseignante, en viennent nécessairement à ressentir des émotions positives et d’intensité modérée. Si la perspective de contrôle offerte peut ouvrir une porte à un espoir constructif, la focalisation du propos sur le niveau individuel peut, au contraire, conduire à une sur-responsabilisation culpabilisatrice stérile renvoyant au sentiment d’impuissance, quand c’est plutôt l’action collective qui serait source d’empowerment (Pihkala, 2020b). Le cas de l’ECC offre ici matière à questionner le fonctionnement du paramètre émotionnant de la possibilité de contrôle quant à la construction de l’intensité affective : lorsqu’il s’agit d’éco-émotions positives comme l’espoir, le contrôle pourrait augmenter l’intensité émotionnelle et non la diminuer.
Nos deux autres questions de recherche s’intéressent, elles, aux émotions des élèves, qui sont appréhendées à partir de leurs déclarations en réponse à un questionnaire très simple. Au-delà de leur caractérisation, notre recherche comporte sur ce point deux objectifs : interroger leur lien éventuel avec le cadrage affectif proposé dans la séquence enseignée (question de recherche 2) et questionner leur éventuelle association avec la propension à agir (question de recherche 3. Bien que les effectifs restreints ne permettent pas de calcul statistique généralisable, nos résultats plaident en faveur de notre seconde hypothèse concernant l’influence du cadrage émotionnel didactique sur les émotions des élèves. En effet, on observe des différences entre les élèves de la classe-témoin (1), et ceux de la classe ayant vécu deux séquences d’ECC, non seulement dans les émotions qu’ils déclarent pour les thématiques spécifiques abordées, mais aussi vis-à-vis du réchauffement climatique en général. De plus, ces émotions différentes convergent avec le cadrage affectif des ressources utilisées par l’enseignante pour chacune de ces séquences (intensité modérée et valence positive pour le gaspillage alimentaire ; intensité plus intense et négative, pour les pollutions de l’air). Concernant le réchauffement climatique en général, les deux émotions les plus choisies ont été l’inquiétude et la colère, la seconde semblant associée à un niveau plus élevé de propension à agir, ce qui confirme et précise notre troisième et dernière hypothèse.
Au-delà du faible nombre d’élèves interrogés dans le volet quantitatif, cette recherche exploratoire présente la limite de se fonder uniquement sur des données déclaratives pour appréhender leurs émotions. La question du ressenti émotionnel pourrait gagner à être également étudiée par une approche qualitative, par exemple à l’aide d’observation directe des élèves pendant les séances, couplée à des enregistrements audiovisuels permettant une analyse multimodale de leurs manifestations affectives. On peut également estimer que le fait que la seconde auteure ait à la fois participé à la conception des ressources sur les pollutions de l’air et contribué à son analyse expose à un risque de biais, même si nous pensons qu’il est limité, car les objectifs précis et les outils d’analyse de cette recherche ont été eux-mêmes définis bien après la mise en œuvre de cette séquence.
Enfin, deux autres émotions sont relativement présentes dans nos données, à savoir la déception et le découragement, qui correspondent à des manifestations de l’écoanxiété qui sont également mises en évidence dans les dernières études sur les éco-émotions associées au changement climatique (Pihkala, 2022). Cependant, nous n’avons pas approfondi la question de leur éventuel lien avec la propension à agir déclarée par les élèves, et les questionnaires, conformément au protocole éthique utilisé, ont désormais été détruits sans que ces informations ne soient extraites.
Conclusion
Cette recherche exploratoire a mis en lumière l’importance de la dimension émotionnelle de l’ECC, tant d’après la littérature que par l’analyse du cadrage affectif des ressources officielles disponibles en France pour les enseignants et enseignantes de primaire au cycle 3. Ces ressources se focalisent principalement sur les aspects biophysiques et technologiques du changement climatique et la compréhension du phénomène, à une échelle globale. Ces constats convergent avec une étude menée avant la modification des programmes de 2020 qui constatait que l’ERE était majoritairement portée par les sciences naturelles, les impacts sociétaux n’étant que très peu abordés (Coquide, Lange et Pincemin, 2009). Cependant, ces ressources présentent une véritable intensité affective, mais sans travail explicite sur les ressentis potentiellement convoqués, et avec des procédés de refroidissement émotionnel classiques. Par exemple, les études de cas prennent souvent appui sur la banquise, loin du quotidien des élèves, une distance spatiale qui, associée à une focalisation sur la dimension biophysique, a pour effet de diminuer l’intensité émotionnelle.
Or cette perception du changement climatique comme plus éloigné du quotidien des élèves que d’autres controverses (relations filles-garçons par exemple) transparaît également dans le discours de l’enseignante et, de fait, limite sa propension à choisir d’aborder des thématiques relevant du changement climatique dans sa classe. Au rang des pistes de solutions, les ressources officielles insistent sur les comportements individuels, une centration classique en ERE, souvent opposée à une véritable critique sociale dans une visée de transformation (Coquide, Lange et Pincemin, 2009). Les tonalités émotionnelles associées à cette responsabilisation peuvent être ambivalentes allant de la culpabilité à l’espoir et la confiance de pouvoir lutter soi-même et avec les autres contre le phénomène, même si l’évocation de données scientifiques alarmantes et la mise en lumière de risques pour les sociétés humaines peuvent être associées à des émotions plutôt fortes et négatives.
L’étude par questionnaire montre que les élèves déclarent associer des émotions fortes et négatives aux thématiques d’ECC abordées, les plus citées étant l’inquiétude, la colère, la tristesse, la déception et le découragement. Les élèves ayant vécu les séquences pédagogiques sur le gaspillage alimentaire et la pollution de l’air déclarent davantage d’émotions que ceux de la classe témoin, et des émotions de nature différentes, convergeant avec les cadrages affectifs proposés dans les séquences pédagogiques. Ainsi, le fait d’avoir participé à un projet de réduction du gaspillage alimentaire à la cantine est associé à la déclaration d’émotions agréables et modérées tandis qu’avoir étudié les pics de pollution de l’air dans sa ville est corrélé à la déclaration d’émotions fortement négatives.
Enfin, il a été constaté que les élèves en colère avaient plus tendance à déclarer que le problème pouvait être résolu si tout le monde faisait un effort et affirmaient également personnellement faire des efforts pour lutter contre le changement climatique. Cependant, ces résultats exploratoires mériteraient d’être confirmés par une étude quantitative sur une population plus grande pour véritablement confirmer les liens entre émotions et propension à agir des élèves vis-à-vis du changement climatique. En tout état de cause, on peut faire l’hypothèse de l’importance, non seulement des affects émergeant lors d’un enseignement relevant de l’ECC, mais également des processus de régulation de ces affects déployés par les élèves pour prédire l’éventuel développement de leur propension à agir.
À la suite de Pihkala (2020b), nous estimons donc que l’ECC doit tenir compte de cette dimension affective afin de favoriser l’apprentissage de stratégies de régulation émotionnelles constructives, conduisant à la prise de conscience plutôt qu’au déni, et à l’action individuelle plutôt qu’à la dépression. Plusieurs travaux de recherche récents pointent des pistes à cet effet (St-Jean, 2020, Desmarais, Rocque, Sims, 2022 ; Gousse-Lessard et Lebrun-Paré, 2022). L’enjeu actuel est de faire en sorte que les pratiques pédagogiques soient effectivement renforcées par la prise en compte des émotions pour accompagner les élèves dans leur double mouvement indissociable de compréhension cognitive et d’appréhension affective du changement climatique, problème « chaud » s’il en est.
Appendices
Notes
-
[1]
En témoignent les publications du Groupe Intergouvernemental d’Experts sur le Climat. Par exemple : GIEC (2019). Résumé à l’intention des décideurs, Réchauffement planétaire de 1,5 °C, https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/sites/2/2019/09/IPCC-Special-Report-1.5-SPM_fr.pdf
-
[2]
Corpus constitué à partir du site officiel à destination des enseignants et enseignantes Eduscol : https://eduscol.education.fr/.
-
[3]
Le réseau d’éducation prioritaire correspond à une liste d’établissements dont le public est considéré comme nécessitant davantage de moyens éducatifs que les autres écoles, collèges et lycées de France, établie sur la base de caractéristiques sociodémographiques. Cette politique de discrimination positive est controversée pour ses effets de stigmatisation.
-
[4]
Accessible au lien suivant : https://eduscol.education.fr/1132/changement-climatique
-
[5]
Voir dans le tableau : a) Les ressources A, B, C et D correspondent aux 4 séquences pédagogiques décrites ici : https://lamap-nogent.rep.ac-amiens.fr/wp-content/uploads/MODULE-CLIMAT_2019-1.pdf ; b) La ressource E est accessible ici : https://fondation-lamap.org/dossier-prime-prix-lamap/la-meteo-et-le-climat ; c) La ressource F est accessible ici : https://savanturiersdesglaces.files.wordpress.com/2016/07/glaces_aap1617vfweb.pdf ; d) La ressource G est accessible ici : https://fondation-lamap.org/dossier-prime-prix-lamap/le-rechauffement-climatique-des-origines-aux-solutions ; e) La ressource H est accessible ici : https://fondationtaraocean.org/app/uploads/2021/11/dossier-pedagogique-ocean-climat_compressed.pdf : f) La ressource I est accessible ici : http://www.buech.ien.05.ac-aix-marseille.fr/emala/spip.php?article80 ; g) La ressource J est accessible ici : https://cdn.reseau-canope.fr/archivage/valid/NT-objectifs-de-developpement-durable---dossier-pedagogique-24243-16515.pdf
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