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Introduction

Les nouvelles notions de santé globale et d’approche holistique reflètent un virage vers un concept qui valorise la relation de l’humain avec son environnement. Nous assistons ainsi à une reconstitution du champ de la santé dans l’ensemble de la vie sociale (Robert & Combescure, 2021), notamment par la prise de conscience généralisée du fait que la santé est liée à de multiples facteurs : biomédicaux, sociaux, économiques, psychologiques, environnementaux, éducatifs, communicationnels. Les actions de prévention, de promotion et d’amélioration de la santé des populations doivent tenir compte de cette pluralité des dimensions dans la complexité du réel.

1. Problématique

Dans ce contexte, la santé publique ne peut pas être étudiée par une seule discipline, ni par plusieurs disciplines si chacune d’elles conserve son point de vue disciplinaire. La recherche en santé publique exige, d’une part, la mobilisation de plusieurs approches disciplinaires, telles que les sciences de la santé, les sciences sociales, les sciences naturelles (Soskolne, 2000), de même que les sciences de l’éducation et les sciences de la communication. D’autre part, la santé publique exige une appréhension qui doit dépasser, voire transcender, l’addition des regards disciplinaires, même lorsque ceux-ci sont intégrés dans une recherche de complémentarité et de croisements entre les approches disciplinaires.

De plus, les phénomènes humains que l’on veut comprendre et sur lesquels on veut intervenir en santé publique sont des phénomènes complexes que l’on ne peut pas « disséquer » pour en étudier une partie à la fois. On doit donc avoir recours à des approches transdisciplinaires parce qu’elles permettent d’étudier en même temps plusieurs niveaux de réalité (verticalité) et plusieurs dimensions du réel (horizontalité) (Nicolescu, 2011), et de saisir la complexité des phénomènes.

Comme le rappellent Zinsstag et al. (2020), la super-spécialisation dans le domaine des sciences de la santé n’est pas propice à la résolution de problèmes complexes et les chercheurs sont confrontés à un risque croissant de mauvaise interprétation, par exemple sur le plan du diagnostic comparatif et de l’étude des pathologies.

Les approches transdisciplinaires ont été mises en oeuvre depuis des années au Service d’Épidémiologie Médicale à l’Institut Pasteur de Tunis, sans toutefois en porter le nom. Dans cet article, nous rapportons la démarche et les résultats d’un projet de recherche de ce service pour illustrer la pertinence de ces approches en santé publique. Ce projet de recherche s’inscrit dans le contexte de la prévention, de la promotion et de l’amélioration de la santé des populations vulnérables. Il s’agit de la recherche sur le contrôle de la leishmaniose cutanée zoonotique (LCZ), une maladie cutanée endémo-épidémique d’origine vectorielle. Elle présente un problème de santé publique complexe en Tunisie et ailleurs dans le monde. Elle est classée par l’Organisation mondiale de la Santé parmi les maladies tropicales négligées de la pauvreté.

L’objectif de cet article est de montrer la pertinence de la transdisciplinarité dans la recherche en santé publique. Nous passerons tout d’abord en revue quelques aspects épistémologiques de la transdisciplinarité. Puis, nous expliquerons comment cette transdisciplinarité a été vécue dans le processus d’un projet de recherche en Tunisie. Nous en montrons aussi les limites.

2. Aspects épistémologiques et méthodologiques

Il nous est apparu opportun de clarifier la définition de la transdisciplinarité qui est la plus en cohérence avec le contexte de santé publique du projet de recherche. Nous voulons aussi mettre en lumière quelques aspects épistémologiques et méthodologiques de cette définition.

2.1 Définition zurichoise

C’est la définition zurichoise de la transdisciplinarité qui est la plus en cohérence avec notre recherche. Elle est issue du congrès qui a eu lieu en l’an 2000 – International Transdisciplinarity Conference in Zurich – où près de 700 participants de 57 pays différents ont partagé leurs expériences et leurs connaissances sur la transdisciplinarité. Le congrès de Zurich « a mis en évidence la convergence de la transdisciplinarité, de la complexité et de la transsectorialité dans un ensemble unique de problèmes » (Klein, 2004, p. 516). Sur la base de la conceptualisation de la transdisciplinarité en Mode 2 (Gibbons et al., 1994), la transdisciplinarité a été définie avec les éléments que nous présentons ci-dessous.

2.1.1 Une nouvelle forme de recherche, d’apprentissage et de résolution de problèmes

Comme cela a été maintes fois souligné, la transdisciplinarité constitue une approche qui dépasse la nécessaire mobilisation de plusieurs disciplines en recherche, dans l’apprentissage ou dans la résolution de problèmes. Alors que la philosophie, de l’Antiquité jusqu’au Moyen-Âge, unifiait les différents regards sur les phénomènes de la nature et de l’humain, l’apparition des facultés dès la création des premières universités, facultés de médecine, de droit, de philosophie, de théologie, de sciences naturelles, etc. (Max-Neef, 2005), avec leurs conventions respectives, leurs normes et leurs règles (Broto et al., 2009; Mullally et al., 2016), a mené à l’étude de ces mêmes phénomènes par diverses disciplines. Ainsi, traditionnellement, et encore aujourd’hui, ce sont les disciplines qui fournissent aux chercheurs scientifiques leurs cadres de références, leurs ancrages théoriques, leurs méthodologies, et même leurs objets d’étude (Stock & Burton, 2011; Mullally et al., 2016). Depuis longtemps, la nécessité d’une ouverture et d’un dialogue entre les disciplines s’est imposée (Darbellay, 2016), mais sans nécessairement montrer les inconvénients majeurs de cette épistémologie de l’addition des divers regards disciplinaires.

Comme l’ont mis en lumière Pop et al. (2015), la transdisciplinarité constitue une approche radicalement nouvelle par la synergie qu’elle établit entre les disciplines mobilisées dans la recherche scientifique et dans l’apprentissage. Cette synergie produit des résultats spécifiques qui ne sont pas obtenus par l’addition ou le croisement des différentes méthodologies disciplinaires ou des différentes bases de connaissances disciplinaires. Par la transdisciplinarité, non seulement les regards sur les phénomènes sont convertis en un nouveau regard holistique, mais le phénomène lui-même et sa problématisation sont reconstruits dans un nouvel objet d’étude. Mokiy (2019) dira qu’on se trouve dans une nouvelle façon de faire la science. Nous pourrions dire que nous sommes dans une nouvelle épistémologie.

La transdisciplinarité va bien au-delà de l’interdisciplinarité, notamment parce qu’elle ne constitue pas un stade supérieur sur un continuum évolutif. On est en présence de ce que l’on pourrait appeler métaphoriquement un saut quantique. Comme tout nouveau paradigme épistémologique, il a suscité à la fois de l’enthousiasme et de la résistance, notamment parce qu’il place dans une perspective nouvelle les relations entre les disciplines et parce qu’il conteste la spécialisation-spécification des disciplines qui constituent le principe organisationnel des universités et des centres de recherche. La transdisciplinarité remet en question l’identité professionnelle des chercheurs fondée dans leur expertise qui est valorisée dans la mesure même de leur spécificité. Même pour des « disciplines » qui se disent interdisciplinaires comme l’éducation, les études internationales, les études féministes, les changements climatiques et le développement durable, les ancrages théoriques, les méthodologies et les thématiques à l’étude ont tendance à se situer sur une base disciplinaire et à rendre plus difficiles les défis de la complexité et de la multidimensionnalité des phénomènes.

2.1.2 Prise en compte de la complexité du réel

La transdisciplinarité a remis à l’avant-plan le caractère écologique et écosystémique du réel. Cette caractéristique des phénomènes humains et de l’environnement de l’humain est perçue et étudiée depuis des millénaires, comme l’a souligné Nicolescu (2006) en rappelant le concept de l’interdépendance non seulement des phénomènes entre eux, mais aussi des différentes dimensions de chaque phénomène.

Mullally et al. (2016) font aussi le lien entre la transdisciplinarité et la perception de la complexité du réel, mais en avançant la pertinence de la transdisciplinarité dans une épistémologie qui veut dépasser radicalement le dualisme objectivité – subjectivité pour une épistémologie qui prend en compte l’humain comme faisant partie des phénomènes appréhendés et non comme étant « en face » des phénomènes. Dans cette perspective, Nicolescu (2006) affirme que la transdisciplinarité est plus que pertinente; elle est essentielle. La dimension humaine – et donc subjective – de tous les phénomènes appelle un regard transdisciplinaire comme condition du respect fondamental de la dignité de l’être humain qui ne peut pas être disséqué, compartimenté, si l’on ne veut pas l’objectiver au point où on le manipule et l’instrumentalise jusqu’à la destruction.

En somme, le concept de complexité renvoie au caractère intrinsèquement humain des phénomènes que l’on veut à la fois comprendre et améliorer, sans jamais chercher à les réduire aux rationalisations que les humains peuvent construire, mais plutôt en tout respect de la part irréductible de mystère, d’insaisissable, et de possibilités toujours nouvelles. Ce respect est le chemin ouvert de la créativité et de l’eurêka (Nicolescu, 2006; Mullally et al., 2016).

2.1.3 La transdisciplinarité implique la coopération entre différentes parties de la société

En tant qu’approche scientifique et processus de résolution de problèmes, la transdisciplinarité exige la collaboration entre de multiples parties prenantes et non réservées à un cercle restreint d’experts scientifiques, de regroupements professionnels ou de départements académiques. Cette exigence de la collaboration est en cohérence avec l’exigence du respect de la dignité humaine.

Idéalement, toute personne concernée par un phénomène et qui a quelque chose à dire sur une problématique devrait avoir la possibilité de s’engager dans une approche transdisciplinaire afin d’y avoir une perspective d’ouverture optimale et non de se voir imposer des cadres disciplinaires rigides. Ce principe a de nombreuses conséquences, notamment dans la promotion et l’utilisation d’un vocabulaire commun non spécialisé.

La collaboration est vécue concrètement par un apprentissage mutuel, grâce auquel les connaissances de plusieurs participants sont améliorées, y compris les connaissances locales, les connaissances scientifiques et les connaissances des industries, des entreprises et des ONG. À terme, la somme de ces connaissances sera supérieure à la simple addition des connaissances de chacun des partenaires (Häberli et al., 2001).

Pop et al. (2015) ajoutent que cette collaboration dans la transdisciplinarité s’inscrit dans une dynamique d’apprentissage tout au long de la vie pour chacun des collaborateurs, et donc dans une perspective de développement durable. Dans le même sens, Nicolescu (1996) reprend l’expression du « village global » pour parler d’une co-construction de plus en plus large et profonde.

2.1.4 Une démarche qui part de problèmes tangibles et réels

Dans la définition zurichoise de la transdisciplinarité, celle-ci est conceptualisée comme une approche enracinée dans des problématiques concrètes et réelles, c’est-à-dire dans ce qu’expérimentent les êtres humains. De ce point de vue, la transdisciplinarité est une approche axée sur la pratique (Zierhofer & Burger, 2007). On ne peut la réduire à une entreprise de compréhension ou d’explication du monde. La transdisciplinarité constitue intrinsèquement une démarche de résolution de problèmes et de transformation du monde. C’est pour cette raison qu’elle doit impliquer toutes les parties prenantes.

Le mouvement de la transdisciplinarité met en lumière le lien inextricable entre la science et l’ingénierie (Byrne & Mullally, 2014). C’est aussi pour cette raison que la transdisciplinarité constitue une approche fondamentalement inductive (Pop et al., 2015).

2.2 Pourquoi la définition zurichoise?

La définition zurichoise a été comparée dans les écrits à la définition de Nicolescu, notamment par McGregor (2015). Nous donnons ici quelques points de comparaison sur le plan épistémologique, tout en montrant les éléments qui soutiennent notre affirmation que la définition zurichoise est davantage en cohérence avec le projet de recherche.

Les deux écoles ont une préoccupation pour les problèmes complexes qui façonnent le monde d’aujourd’hui. L’approche de Nicolescu est de nature théorique et l’approche zurichoise est davantage phénoménologique, puisqu’elle prend en compte le vécu humain dans les phénomènes concrets. L’épistémologie de Nicolescu est davantage ontologique, tandis que la définition zurichoise se concentre sur la résolution de problèmes, l’action, la transformation.

Nicolescu est critique envers la prolifération des disciplines qui créent des connaissances en silos, tandis que les participants au congrès de Zurich ont loué la diversité disciplinaire comme une richesse qu’il faut savoir mettre en synergie autant sur le plan épistémologique que sur le plan méthodologique. Nicolescu plaide pour une unification de la connaissance et le congrès de Zurich plaide pour une collaboration dans la recherche de solutions.

Les deux écoles sont utiles dans le domaine de la recherche, mais le projet de recherche est davantage orienté vers la transdisciplinarité zurichoise qui « exige la contribution de la société dans le monde de la recherche et la considère indispensable à la croissance des connaissances » (du Plessis, 2012, p. 44) et qui est résolument interventionniste ou axée sur la résolution de problèmes par l’action.

La recherche en santé publique, c’est la recherche de solutions pour un changement nécessaire. Elle appelle à la recherche pour l’action et pour la prise de décision, une démarche dont les résultats ont un impact direct sur la santé et la vie des gens en général. La recherche interventionniste en santé repose sur trois objectifs principaux : l’amélioration de la santé des populations, les solutions aux problèmes concrets, la transformation des pratiques. Dans ce courant de recherche, le processus méthodologique est interprété comme un processus de construction de connaissances d’une communauté par les praticiens de terrain dans le but de changer des pratiques ou de mettre en oeuvre des programmes de santé (Institut national de la santé et de la recherche médicale, 1985).

Afin d’aider à surmonter les défis sociétaux, la perspective zurichoise de la transdisciplinarité soutient que la recherche ne sert pas qu’à produire des connaissances pour comprendre un problème, elle doit générer également des connaissances qui aident à résoudre des problèmes. Par conséquent, il est important de produire trois types différents de connaissances : 1) « La connaissance des systèmes » fait référence à la connaissance analytique et descriptive de l’état réel du système; 2) Avec la « connaissance de la cible », il s’agit de décrire les connaissances sur les développements futurs souhaités du système; 3) La « connaissance de la transformation » fait quant à elle référence à la connaissance de la manière dont nous pouvons passer de l’état actuel à l’état souhaitable (Académie suisse des sciences naturelles, n. d.).

2.3 Lien avec la recherche-action

Le terme recherche-action a été forgé par Kurt Lewin (1948). Il a d’abord désigné la recherche sur l’efficacité de l’action dans les années 1940 et 1950. Ensuite, dans les années 1980, la perspective critique a été ajoutée au concept avec l’interrogation constante sur les enjeux de changements sociaux liés à toute forme de recherche : « Qu’est-ce que ça change? »

Aujourd’hui, la perspective est résolument émancipatrice. De plus, la participation de toutes les parties prenantes dans la recherche de solutions pour tous est une caractéristique essentielle à la recherche-action. Ainsi, la transdisciplinarité apparaît dans un lien de cohérence avec la dimension participative de la recherche-action. Dans un projet de recherche-action, les chercheurs et les praticiens de plusieurs disciplines et de plusieurs domaines d’intervention interagissent dans le but de résoudre les problèmes et ils produisent des connaissances considérables sur les questions et les enjeux (expériences pratiques, modèles scientifiques, résultats) en utilisant diverses approches méthodologiques (méthodes de dynamique des systèmes, recherche-développement ou opérationnelle, recherche qualitative, quantitative ou mixte, etc.) (Pohl & Hadorn, 2008). Mais la spécificité de la transdisciplinarité conserve sa nécessité dans les différents projets en santé publique parce que l’interdisciplinarité et la multidisciplinarité ne sont pas suffisantes pour que la recherche-action atteigne sa finalité première qui est le changement pertinent.

3. Illustration dans une expérience empirique

Nous voulons maintenant présenter une illustration de l’approche transdisciplinaire dans un projet de recherche concret de type recherche-action participative et qui est orienté vers la résolution du problème de l’émergence de l’épidémie de la leishmaniose cutanée zoonotique en Tunisie.

3.1 Présentation globale du projet

Concrètement, parce que la recherche est orientée vers la résolution d’un problème très complexe et que les enjeux sont en même temps écologiques, environnementaux, socio-économiques, psychologiques, biologiques et évidemment médicaux, nous avons naturellement opté pour une approche transdisciplinaire. Il faut tenir compte de toutes ces dimensions en même temps, non seulement dans un regard écosystémique, mais aussi dans un regard sur les personnes et les populations pour lesquelles il faut faire de la prévention, de l’éducation, de la communication et de la thérapie tout en les engageant dans la dynamique de résolution de problèmes dans un monde réel et dans des enjeux concrets, importants.

En quelque sorte, on essaie d’éviter la perspective de la recherche pour la recherche, du savoir pour le savoir. On ne veut pas réduire le rôle de la science en réalisant la recherche en rupture avec la réalité des acteurs, avec leur engagement dans la transformation du monde. Le projet présenté ici est un projet de changement social important. C’est un projet de lutte contre la leishmaniose cutanée zoonotique qui a pour objectif d’appréhender ce phénomène dans toutes ses dimensions dans le but de concevoir et de mettre en oeuvre des stratégies d’adaptation préventives et curatives pérennes contre cette maladie. Au départ, ce projet baignait dans l’incertitude, l’ignorance et les menaces très élevées sur une population locale avec des conséquences nationales et internationales.

Sur le plan méthodologique, le processus de notre recherche transdisciplinaire en santé a reposé sur cinq étapes. Au préalable, il a fallu former une équipe de chercheurs et d’acteurs de toutes les parties concernées par le problème. C’est donc dès le départ que la transdisciplinarité a dû être présente. Le projet a été défini par les divers points de vue, mais dans un regard commun, face à un problème commun.

3.2 Les cinq étapes de la recherche-action transdisciplinaire en santé dans le projet de lutte contre la leishmaniose cutanée zoonotique

C’est ensemble qu’il a fallu réaliser les cinq grandes étapes. Celles-ci n’étaient pas séparées hermétiquement entre elles et leur ordre séquentiel n’était pas rigide. Il y a eu des chevauchements et même une certaine itération.

Les deux premières étapes, la compréhension du problème (première étape) et la structuration de celui-ci (deuxième étape), ont exigé de saisir le problème dans sa complexité progressivement en tenant compte de la diversité des perspectives de tous les partenaires de la recherche. Par la suite (troisième étape), le problème a été analysé sous différents angles afin d’en arriver (quatrième étape) à proposer et à planifier des interventions visant des solutions aux problèmes identifiés. Enfin, (cinquième étape) les solutions ont été mis en oeuvre.

Ce processus de co-construction nécessite l’intégration de disciplines diverses et des acteurs de différents secteurs de la société, y compris ceux qui côtoient le problème dans leur vie quotidienne, par exemple les malades eux-mêmes.

3.2.1 Étape 1 : Saisir le problème dans sa complexité

Dans la première étape de la recherche transdisciplinaire, il a fallu saisir la complexité en prenant en compte l’interrelation des facteurs (naturels, sociétaux, etc.) qui provoquent le problème. En s’appuyant sur une approche systémique rigoureuse et souple à la fois, les contributions des disciplines, des expertises et des parties prenantes – pour appréhender les nombreux aspects du problème complexe – ont été intégrées dans une démarche transdisciplinaire (Pohl & Hadorn, 2008), comme une base commune et constitutive (Jantsch, 1972) de la recherche-action. Cette forme transdisciplinaire de complémentarité a permis la production de la connaissance de l’état réel du système, de même que la compréhension des nombreuses facettes du problème.

Afin de saisir la complexité du phénomène de l’émergence de la maladie, la transdisciplinarité s’est imposée dans la compréhension de la dynamique du cycle de transmission qui implique trois populations à la fois : l’humain, l’insecte vecteur et le rongeur. La transdisciplinarité a permis de se concentrer sur l’identification et sur les interrelations des nombreux facteurs qui provoquent ce phénomène.

Plus précisément, dans la première étape, l’équipe de chercheurs a commencé par la validation des connaissances disponibles concernant les différents éléments du système du cycle de transmission de la maladie. En effet, la leishmaniose cutanée zoonotique est une maladie causée par un parasite. Ce parasite est transmis par la piqûre d’un insecte vecteur. Le parasite est hébergé par un rongeur qui constitue un hôte réservoir, bien que cet animal ne développe aucune maladie. L’insecte recueille le parasite du corps du rongeur et le transmet à l’humain par une piqûre. Cette transmission provoque des lésions cutanées qui sont problématiques sur le plan médical et qui laissent des cicatrices indélébiles.

Pour identifier la chaîne de transmission à l’origine du problème, la contribution de plusieurs disciplines a été nécessaire. Par la suite, il a fallu se concentrer sur l’interrelation des facteurs naturels et sociétaux pour en arriver à comprendre le problème dans sa complexité. Par exemple, les facteurs naturels climatiques de l’environnement, comme la pluviométrie qui augmente l’incidence des rongeurs et l’humidité qui favorise la multiplication des insectes vecteurs du parasite responsable de la maladie, ont été étudiés.

Dans la même perspective d’illustration de la complexité du phénomène et de la nécessité de la transdisciplinarité, nous précisons qu’une approche systémique a été utilisée en impliquant les perspectives des acteurs de la vie réelle, les praticiens de divers domaines et l’expertise de l’anthropologie et de la psychologie pour avoir un regard holistique du phénomène et pour donner du sens aux résultats de la recherche transdisciplinaire diagnostique. Pour donner d’autres exemples, nous mentionnons des facteurs spécifiquement humains comme l’utilisation de l’eau, l’exposition au parasite, les comportements à risque et les comportements protecteurs, les caractéristiques des habitations et des environnements de proximité, les cultures et les élevages, les pratiques de prévention, les perceptions de la maladie, de ses conséquences et de son traitement. Il a fallu aussi étudier des conséquences indirectes, par exemple, celles liées aux cicatrices apparentes et aux « croyances » populaires sur la maladie et son traitement. Ces dimensions du problème relèvent évidemment d’une approche autre qu’exclusivement médicale (santé publique), mais elles sont en même temps liées à la solution globale qui implique la médecine. C’est un autre exemple de la pertinence de l’approche transdisciplinaire.

Enfin, cette maladie tropicale négligée affecte des populations vulnérables, pauvres, en milieu rural, ce qui entraîne une inégalité des soins. Il fallait une approche transdisciplinaire pour étudier les nombreux facteurs liés entre eux et causant l’émergence et la propagation de la leishmaniose cutanée zoonotique.

3.2.2 Étape 2 : Structurer le problème en considérant la diversité des points de vue

Dans la deuxième étape, pour structurer le problème, les acteurs ont dû considérer la diversité des perceptions des partenaires scientifiques et celles des partenaires praticiens et décideurs, ainsi que leurs expériences sur le terrain. Il a fallu aussi prendre en compte la diversité des regards disciplinaires, de même que les relations entre tous ces éléments (Phol & Hadorn, 2008). Une démarche écosystémique transdisciplinaire visait à préciser le problème. La mise en commun des connaissances de diverses disciplines a offert une nouvelle perspective sur le problème de l’émergence de la LCZ liée étroitement à l’écosystème.

Il en ressort que la majorité des déterminants du problème n’appartiennent pas au secteur de la santé. Ils dépendent du social, de l’agriculture, de l’économie, de l’environnement et de l’écologie. « Cela exige le rassemblement des compétences dispersées dans un réseau ouvert, à géométrie variable, qui fédère des destins divers, certains universitaires, certains plus professionnels pour produire du sens » (Bury, 2007, p. 91).

La transdisciplinarité est ici présente dans la nature participative du projet de recherche : la collaboration de plusieurs acteurs qui proviennent du monde académique, mais aussi de la société civile et du domaine de la santé, et de plusieurs autres domaines, a été nécessaire. Des experts de différentes disciplines ont été engagés pour voir les différents facteurs, mais aussi des gens de terrain pour que l’équipe demeure proche du vécu des personnes concernées et pour que, ensemble, tous demeurent centrés sur la recherche de solutions, dès le départ. Il a donc fallu que les différents regards soient mobilisés dans la précision du problème.

Le défi ici a été de savoir si les acteurs pouvaient transcender les frontières de leurs disciplines. Les experts des disciplines diverses doivent travailler ensemble dans un esprit de complémentarité et de partage d’un regard commun – transcendant – sur la LCZ, sans sacrifier la spécificité de leurs expertises ou de leurs méthodologies (Archambault et al., 2014), qu’il s’agisse des individus, des équipes de recherche, des groupes professionnels ou des responsables institutionnels.

3.2.3 Étapes 3 : Réaliser les analyses

À la troisième étape, il a fallu ajuster la production de connaissances aux problèmes de la vie réelle (Mittelstraß, 1992), considérer ce que ces connaissances signifient et faire des liaisons entre les disciplines (Nicolescu, 1999). En d’autres termes, il a fallu produire des connaissances de transformation. Cette étape du projet a exigé de relier les connaissances scientifiques et les connaissances des acteurs de la vie réelle et du contexte. Pohl et Hadorn (2008) parlent de la nécessité de la rencontre entre la science plus théorique et les connaissances spécifiques qui viennent du terrain et de l’intervention.

Les analyses ont considéré la diversité de tous les éléments du système : l’émergence de la maladie, les corrélations spatiotemporelles entre l’incidence de la maladie et les comportements humains, le rongeur et le vecteur, ainsi que les facteurs climatiques et environnementaux pour pouvoir assurer la surveillance épidémiologique et le suivi de l’émergence des cas de LCZ. Au cours de cette étape, les enjeux de communication entre les acteurs – enjeux liés à la transdisciplinarité – ont émergé avec leurs défis spécifiques que nous ne pouvons pas développer ici.

Les résultats des analyses scientifiques ont été complétés par les résultats des analyses des données qualitatives du vécu des patients. Ces dernières ont été collectées et analysées au fur et à mesure, progressivement, suivant la méthodologie inductive de la théorisation enracinée (MTE), méthode d’analyse progressive et itérative (Guillemette, 2006; Guillemette & Luckerhoff, 2009; Guillemette et al., 2021; Luckerhoff & Guillemette, 2012).

La MTE permet d’obtenir des données sur le vécu des patients avec la maladie et le traitement. Grâce à elle, de nouveaux aspects cachés ont émergé, par exemple, la stigmatisation et les pensées suicidaires. Ainsi, ce processus méthodologique inductif a permis d’acquérir de nouvelles compréhensions des besoins des patients en matière de prise en charge, de traitement et notamment de gestion des impacts psychologiques de la maladie. De cette façon, le phénomène de l’émergence de la maladie a été exploré de l’intérieur et de l’extérieur dans sa globalité (Boukthir et al., 2020).

Ici, la transdisciplinarité agit dans le fait que les différents points de vue ne se critiquent pas les uns les autres dans une dynamique compétitive. La perspective n’est pas non plus « additionnelle », chacun apportant sa contribution, sa nuance dans la compréhension globale et détaillée de la complexité. L’approche transdisciplinaire invite plutôt chacun à une démarche de réflexivité et de transparence afin d’aider « les autres » à comprendre les perspectives des uns, et surtout à les intégrer dans une analyse collective unifiée (Yanow, 2000).

3.2.4 Étape 4 : Planifier et évaluer les activités antérieures

C’est ici l’étape de planification des stratégies d’action, d’adaptation, et du savoir-faire, laquelle s’est faite tout en s’assurant de l’efficacité des solutions proposées en ce qui a trait à la finalité qui a fédéré tous les efforts, soit l’amélioration de la santé de la population et la prévention de la réinfection. Déterminer cette finalité a été une condition importante pour éviter le risque que des organismes publics, la société civile ou d’autres chercheurs disciplinaires s’opposent à la mise en oeuvre des interventions planifiées.

Durant cette quatrième étape, les participants à la recherche ont été amenés à développer des connaissances normatives et descriptives, axées sur l’action orientée vers ce qui est perçu comme étant le bien commun (Pohl & Hadorn, 2007). Les acteurs ont dû s’assurer que les solutions proposées servaient le bien commun, celui qui est perçu par les différents chercheurs disciplinaires scientifiques, mais aussi celui qui est perçu par les intervenants et la société civile. De même, ils ont mené la recherche en respectant les normes éthiques et la rigueur scientifique dans les différents processus.

L’implication des représentants de plusieurs disciplines, du ministère de l’Environnement, du ministère de l’Intérieur, ainsi que des représentants des agriculteurs, dès le démarrage du projet, de même que leur engagement dans la résolution du problème et l’appropriation des résultats des stratégies, ont renforcé la prise et l’unification des décisions.

Sur la base des connaissances construites tout au long des processus, tous les acteurs ont travaillé ensemble, dans une visée de pérennité et dans le respect des impératifs concernant l’environnement et la communauté, pour proposer des actions dans le but de rompre le cycle de transmission du parasite et à éradiquer la maladie.

3.2.5 Étape 5 : Mettre en oeuvre des solutions

La cinquième étape est celle de la mise en oeuvre de l’intervention de lutte contre la LCZ, la mise en oeuvre des solutions. Ce qui a été crucial à cette étape, c’est l’unification dans le déploiement logique des solutions. Les enjeux consistaient à commencer par l’intervention la plus pertinente et à respecter la logique du déroulement des interventions.

Concrètement, le lieu physique du point de départ des interventions pour les solutions a été choisi. Pour ce faire, il a fallu faire preuve de créativité dans un but d’efficacité et d’efficience. Plus précisément, il a fallu intervenir en agriculture pour agir sur la nourriture du rongeur, réservoir du parasite, et sur les terrains qui hébergent les insectes vecteurs. Il a ainsi fallu changer le biotope, le couvert végétal fait de chénopodes, aliment exclusif du rongeur, afin de réduire la population de ce dernier, voire à l’éradiquer, tout en remplaçant cette végétation par une autre qui puisse assurer une source de nourriture pour les ovins des agriculteurs éleveurs. On voit ici, encore une fois, le caractère transdisciplinaire de la situation des problèmes et de leurs solutions.

Dans ce projet à portée internationale, l’Organisation mondiale de la Santé recommandait l’innovation par la mise en oeuvre d’une recherche-intervention et considérait le projet comme une expérience pilote de lutte contre la LCZ. Le cas le plus typique d’approche transdisciplinaire a été le projet de lutte basé sur le remplacement du couvert végétal et le labourage profond pour détruire les terriers des rongeurs autour des zones humaines. Ainsi, grâce à la prise en compte de toutes les facettes du problème et la mise en place de solutions complexes, la transdisciplinarité a fait son oeuvre progressivement sur une trentaine d’années. On trouvera des résultats statistiques précis sur cette progression dans les publications sur le projet (Boukthir et al., 2020).

3.3 Des exemples concrets de la transdisciplinarité

Nous voulons terminer cette section sur l’illustration de la transdisciplinarité dans le projet de recherche sur la LCZ par quelques exemples concrets.

  1. L’anthropologue, en collaboration avec l’épidémiologiste, a analysé le comportement des agriculteurs. Les résultats de leurs analyses ont servi à la réflexion de l’ingénieur agronome pour trouver les comportements de gaspillage d’eau qui favorisait l’humidité des sols et donc aussi la multiplication des insectes vecteurs de la maladie.

  2. L’entomologiste a intégré l’étude des conditions d’habitat (murs fissurés, abris du vecteur), les méthodes d’irrigation et la gestion des espaces agricoles dans son analyse de l’exposition du citoyen aux piqûres des insectes. Il a mesuré la portée du vol du phlébotome vecteur pour contribuer à la conception de la stratégie de lutte antivectoriel dans le réaménagement physique du territoire de transmission.

  3. Le spécialiste des rongeurs qui s’intéressait au biotope pour étudier la dynamique du rongeur dans la sebkha a intégré dans sa démarche la gestion humaine des périmètres d’irrigation et la répartition de la population autour du biotope.

  4. L’épidémiologiste qui tenait compte de la diversité de tous les éléments et qui assurait le suivi de l’émergence des cas de LCZ a étudié les corrélations spatiotemporelles entre l’incidence de la maladie et les comportements de l’humain, du rongeur et du vecteur, de même que les facteurs climatiques et environnementaux.

  5. L’anthropologue et l’épidémiologiste, en collaboration avec des professionnels de santé, ont exploré le vécu des patients avec la maladie et le traitement afin d’appréhender l’impact de la maladie, les besoins et les attentes des patients.

  6. Les citoyens qui ont apporté leurs « expertises » à travers leurs expériences quotidiennes ont appris beaucoup par l’observation méthodique et longitudinale de certains aspects du phénomène qui se trouvaient dans leur angle aveugle. De même, les responsables administratifs ont maîtrisé des volets réglementaires et des défis des processus avec beaucoup plus d’efficacité en connaissant mieux les liens avec les problèmes rencontrés par les chercheurs et les citoyens.

Les patients qui ont accepté de donner accès à leurs vécus ont permis à tous les collaborateurs de mieux comprendre les divers besoins de la population, en particulier ceux qui ne sont pas directement liés à la maladie et à son traitement, sur le plan strictement médical. Ils ont ainsi fourni des informations qui peuvent être utiles pour le développement de traitements plus appropriés, plus holistiques et certains ciblant une réduction des impacts psychologiques et sociaux, en particulier dans les pays où l’accès à des traitements reste un défi en raison de multiples barrières économiques, sociales et géographiques.

4. La gestion des risques liés aux limites de la démarche transdisciplinaire

L’un des principes de la recherche transdisciplinaire est le travail collectif et la participation de la population tout au long du processus de recherche et d’action. Dans la réalité par contre, la participation des citoyens risque de demeurer réduite dans le contexte d’une valorisation des expertises scientifiques et d’une inégalité structurelle dans le partage du pouvoir de décision.

Dans un tel contexte, les risques du travail d’équipe apparaissent dans le fait que les acteurs ne peuvent pas être sur la même longueur d’onde et n’arrivent pas à s’entendre sur une planification commune.

Pour Gaël Le Boulch (2002), les acteurs – chercheurs universitaires et autres – engagés dans une démarche transdisciplinaire risquent de s’éloigner de leurs champs respectifs de compétences et, dans un esprit d’ouverture, peuvent réduire progressivement leur esprit critique qui vient précisément de leur expertise – scientifique et citoyenne – spécifique et disciplinaire. Cette régression du sens critique, associée à une certaine confusion dans le partage des pouvoirs, fait augmenter le risque de perte d’efficacité et d’efficience.

La nécessité de la transdisciplinarité peut occulter la nécessité de distinguer les responsabilités et ainsi paralyser l’action à cause d’obstacles à la prise de décisions. L’efficacité et la durabilité qui incluent l’acceptabilité et la faisabilité socio-économique exigent la décentralisation des solutions et leur appropriation par la population et des décideurs locaux.

Il a donc fallu gérer les risques liés aux limites de la transdisciplinarité. Ainsi, la valorisation de l’apport des différentes expertises, scientifiques et citoyennes, a été constamment rappelée pour que la démarche profite des ressources de chacun des participants. Mais, il fallait en même temps constamment rappeler le but commun et la visée englobante proprement transcendante. Ces deux impératifs essentiels ont été vécus dans des tensions qui obligent à considérer les limites et les risques de la transdisciplinarité.

Conclusion

Dans cet article, notre intention était de mettre en lumière la pertinence d’une approche transdisciplinaire à travers une expérience de recherche sur le contrôle de la leishmaniose cutanée zoonotique (LC), expérience vécue au Service d’Épidémiologie Médicale à l’Institut Pasteur de Tunis. En guise de conclusion, nous voulons faire ressortir les points saillants de cette pertinence.

Premièrement, la transdisciplinarité exige que les principaux acteurs de la recherche entrent dans une dynamique de communication dans le but de faciliter les interactions entre eux pour aboutir à une collaboration fructueuse et une production du savoir scientifique et du savoir pratique.

Deuxièmement, la dynamique d’interaction des acteurs doit conduire à un apprentissage en allant au-delà de leurs disciplines académiques, de leurs méthodologies, de leurs pratiques et de leurs points de vue. Cette collaboration intègre diverses perceptions. En santé publique, le savoir intégrateur transdisciplinaire est indispensable pour proposer des solutions intégrées en réponse à des problèmes complexes, alors qu’habituellement ces solutions sont étudiées d’une manière disciplinaire, fragmentée, et qui ne mène pas à la prise de décisions (Frenk, 1992).

Troisièmement, dans l’expérience concrète, les acteurs se sont enrichis mutuellement parce que les solutions ne pouvaient être trouvées par aucune des disciplines considérées de façon verticale, ni sans l’apport de l’expérience de la communauté et des leçons qu’elle fournit ainsi que la connaissance des responsables administratifs.

Quatrièmement, la transdisciplinarité a permis à l’intervention sur un problème complexe de santé d’être plus acceptable socialement, plus éthique, plus efficace et plus pérenne.

Cinquièmement, le partage régulier de l’information avec tous les partenaires a construit une confiance entre eux et a mené à des processus de recherche plus intégrateurs, favorisant la validité, la pertinence sociale et la transposition de l’impact (Zinsstag et al., 2011).

Sixièmement, l’approche transdisciplinaire participative a constitué un outil puissant pour collecter des informations variées et réelles sur le problème, les analyser, les évaluer collectivement et construire ensemble un plan d’intervention. Ce processus a contribué à renforcer les systèmes de santé par l’intervention et son intégration dans ce système.

Enfin, la perspective critique mutuelle liée à la diversité des disciplines et des points de vue a permis de conserver une certaine vigilance dans la gestion des risques liés aux limites de la transdisciplinarité.