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Introduction

Au Québec, la question de l’insertion professionnelle est cruciale dans un contexte où les centres de services scolaires éprouvent des difficultés pour le recrutement et la rétention d’enseignants. Les conditions de travail complexes, le constant surcroît de travail, la surcharge émotionnelle ainsi que les salaires peu attractifs constituent des facteurs considérables expliquant cette pénurie, et ce, sans compter la dégradation de la santé psychologique de plusieurs enseignants (Goyette, 2021; Tardif, 2012). Conséquemment, selon la recherche, le taux de décrochage professionnel dans les premières années d’entrée dans la profession se situe entre 20 et 30 % (Delobbe, 2017; Kamanzi et al., 2017). Cette conjecture entraîne, entre autres, la présence grandissante d’enseignants non légalement qualifiés pour combler les postes et les contrats vacants afin de maintenir le système déjà défaillant. Ce nouveau phénomène, observé depuis quelques années, change considérablement les enjeux rattachés à l’insertion professionnelle des enseignants novices puisque ceux n’ayant pas complété leur formation universitaire arrivent avec des besoins différents de ceux ayant obtenu leur brevet d’enseignement (Goyette, 2021). Devant cette situation, il importe de trouver différentes voies permettant d’accompagner les enseignants novices lors de leurs premières années d’entrée en fonction. Les milieux scolaires du Québec et d’ailleurs sont nombreux à concevoir des programmes d’insertion professionnelle combinant plusieurs dispositifs pour répondre aux multiples besoins d’enseignants novices (Mukamurera et al., 2013). Ces dispositifs combinent, par exemple, des activités d’accueil et d’orientation en début d’année scolaire, de la formation continue, des groupes collectifs de soutien, des réseaux d’entraide à distance, des communautés d’apprentissage professionnelles et du mentorat (Gagnon, 2017; Martineau et al., 2011).

Cet article fait état d’une recherche-action au cours de laquelle nous avons agi à titre de cochercheuses responsables de sa mise en oeuvre. Elle s’est déroulée durant deux années (2019-2021) au Centre de services scolaire des Hautes-Rivières (CSSDHR) en Montérégie (Québec) en réponse à un besoin de ce milieu. Pour réaliser cette recherche-action, nous avons collaboré étroitement avec un comité de pilotage formé de membres des services des ressources humaines et des services éducatifs, du syndicat des enseignants, de directions d’établissement et de groupes d’enseignants souhaitant devenir des enseignants mentors.

L’article vise à décrire la démarche et les ressources ayant permis de soutenir ce milieu dans la création d’un dispositif de développement professionnel destiné à développer un agir compétent en accompagnement mentoral. Il est présenté en s’appuyant sur cinq des six étapes de la démarche de recherche-action (Guay & Gagnon, 2021a) : 1) Définition de la situation actuelle; 2) Définition d’une situation désirée; 3) Planification de l’action; 4) Action et régulation; 5) Évaluation de l’action. Le présent article constitue la sixième étape de la recherche-action, soit l’étape de la diffusion des résultats auprès de la communauté professionnelle et scientifique.

1. Définition de la situation actuelle

La définition d’une situation actuelle dans un milieu organisationnel est souvent le point de départ d’une recherche-action où praticiens et chercheurs se penchent sur une situation jugée insatisfaisante qu’ils souhaitent améliorer en tenant compte de la culture et des ressources du milieu ainsi que des savoirs issus de recherches antérieures (Guay & Gagnon, 2021a). Les prochains paragraphes décrivent la situation actuelle concernant l’insertion professionnelle des enseignants, l’offre de soutien qui leur est proposée au CSSDHR ainsi que les besoins exprimés par cette organisation pour développer spécifiquement l’un des quatre dispositifs d’insertion professionnelle de ce milieu, soit le dispositif d’accompagnement mentoral.

1.1 L’insertion professionnelle des enseignants

L’attraction pour la profession et la rétention d’enseignants dans les milieux scolaires représentent un défi de taille. Le CSSDHR n’échappe pas à cette réalité. Pour donner un aperçu de la situation, en 2019-2020, seulement pour les enseignants, ce milieu accueillait près de 400 nouveaux enseignants de moins de cinq ans d’expérience, incluant des enseignants non légalement qualifiés. Vivegnis (2016) qualifie cette période de « choc de la réalité » et soulève les désillusions, les déstabilisations et les remises en question vécues par les enseignants dans un environnement changeant et complexe nécessitant une adaptation constante. En 2018-2019, des besoins exprimés par les enseignants novices du CSSDHR dans le cadre d’un sondage effectué par les gestionnaires des services éducatifs de cette organisation a laissé voir d’importants besoins de soutien concernant la relation et la communication avec les parents, la différenciation pédagogique, la gestion de classe, l’utilisation des technologies ainsi que l’évaluation des apprentissages. Selon Martineau (2014), plusieurs dimensions sont à prendre en compte pour une insertion professionnelle réussie, soit l’intégration à l’emploi, l’affectation spécifique et les conditions de la tâche, la socialisation organisationnelle, la professionnalité et la dimension personnelle et psychologique. Il importe donc d’offrir une variété de dispositifs permettant de prendre en compte ces différentes dimensions.

1.2 L’offre de soutien proposé aux enseignants

Afin de contrer les problèmes liés à la pénurie et au décrochage professionnel, le CSSDHR accorde une priorité à l’insertion professionnelle de son personnel dans son Plan d’engagement vers la réussite 2018-2022 (CSDHR, 2018). Concernant les enseignants, cette organisation a choisi de développer un programme d’insertion professionnelle combinant quatre dispositifs pris en charge par des équipes collaboratives constituées de membres des services des ressources humaines et des ressources éducatives, des représentants syndicaux et d’une chercheuse universitaire. Ils correspondent à : 1) l’accueil et l’intégration; 2) une offre de formations ponctuelles sur des thématiques spécifiques (gestion de classe, utilisation des technologies, communication avec les parents, pratiques évaluatives, etc.); 3) une offre de participation à des communautés d’apprentissage animées par des conseillers pédagogiques des services éducatifs; 4) une offre d’accompagnement mentoral par des enseignants d’expérience (enseignants mentors) auprès d’enseignants novices exprimant le besoin.

Bien qu’insuffisant pour combler tous les besoins en insertion professionnelle, le mentorat, en complément avec d’autres dispositifs, peut s’avérer une option prometteuse pour permettre à un enseignant novice d’être accompagné en proximité afin de répondre à ses besoins. Le mentorat est une pratique d’accompagnement ayant été expérimentée auprès de plusieurs enseignants issus de divers ordres d’enseignement (Mukamurera et al., 2013). Selon Gagnon (2017), il apporte plusieurs retombées positives : le développement d’habiletés communicationnelles et de stratégies pédagogiques variées, l’apprentissage continu de la profession, une meilleure compréhension de l’exercice de son rôle, le développement d’une meilleure pratique réflexive, la satisfaction de la vie au travail, la capacité à s’autoréguler et à résoudre des problèmes, l’adaptation et l’intégration dans le nouveau milieu de vie ainsi que la diminution du stress, de l’isolement, de l’anxiété et de la frustration. De plus, l’auteure souligne l’apport du mentorat au regard de la construction identitaire et du développement de l’autonomie et de l’assurance des enseignants novices. Elle conclut que le mentorat apporte des bénéfices autant à la personne novice qu’à la personne mentore qui peut ressentir de la fierté, une augmentation de la satisfaction de son travail et un nouveau souffle dans sa carrière. Martineau et al. (2014) relèvent d’autres retombées positives pour le mentor, dont la reconnaissance en tant qu’expert, l’opportunité de partager des connaissances et de faire de nouveaux apprentissages grâce à l’expérience des novices dynamiques et enthousiastes ainsi que le partage des ressources acquises. Cependant, Gagnon (2017) souligne qu’il existe certaines limites reliées à ce dispositif pour les novices, tel que le manque de défis qui leur est offert dans le but de les surprotéger, le manque de soutien émotionnel favorisant le bien-être psychologique, le manque de clarté quant aux rôles et attentes entre mentors et novices ainsi qu’une centration trop grande sur les actions (le comment faire les choses) au détriment de l’exercice de la pensée critique et de la réflexion (le pourquoi faire les choses). Concernant les mentors, s’ils ne sont pas bien outillés et accompagnés, ils peuvent se retrouver en surcharge, éprouver du stress, remettre leur pratique en question face à la nouveauté apportée par l’enseignant novice et vivre un isolement quant à l’exercice de ce rôle s’ils n’ont pas l’occasion d’échanger avec d’autres mentors. « De la même façon que l’apprentissage dépend des différentes stratégies employées par l’enseignant et l’élève, l’efficacité et la réussite du mentorat dépendent tout autant des stratégies utilisées par le mentor et le mentoré » (Gagnon, 2017, p. 46). Il importe donc que les mentors puissent offrir un accompagnement de qualité. Pour ce faire, il apparaît nécessaire de former et d’outiller les enseignants mentors pour les préparer à exercer leur rôle auprès des enseignants novices (Martineau et al., 2014).

1.3 Des besoins exprimés au regard de l’accompagnement mentoral

Au CSSDHR, l’accompagnement mentoral a déjà été offert aux nouveaux gestionnaires scolaires. On trouve dans ce milieu certains savoirs professionnels créés dans le cadre de projets antérieurs. Cependant, on se questionne quant au modèle d’accompagnement mentoral à offrir pour répondre aux besoins d’enseignants novices. Le modèle et les ressources développées pour les gestionnaires peuvent être inspirants, mais non transférables dans un contexte différent sans y apporter des ajustements. Il y a donc un besoin de revoir et d’adapter le modèle d’accompagnement mentoral déjà élaboré dans ce milieu. De plus, cette organisation ne dispose pas de dispositif de développement professionnel ni de répertoire de ressources pour soutenir les enseignants mentors dans leur rôle d’accompagnateur auprès des enseignants novices, ce qui pose un problème de cohérence et d’uniformité quant à la qualité d’accompagnement pouvant être offert aux novices des différentes écoles. La mise en place d’un dispositif de mentorat structuré et cohérent nécessite de se pencher sur le développement professionnel des enseignants mentors.

2. Définition de la situation désirée

Après avoir fait un portrait de la situation actuelle, l’établissement d’une situation désirée comprenant la formulation d’objectifs permet à une équipe de se donner une vision partagée qui permettra d’améliorer la situation actuelle (Guay & Gagnon, 2021a). Avec le comité de pilotage, nous avons formulé trois objectifs.

2.1 Les objectifs de la recherche-action

Voici les objectifs de la recherche-action :

  1. Créer un modèle d’accompagnement mentoral en cohérence avec les présupposés des praticiens et des chercheurs ainsi que les ressources déjà développées dans l’organisation;

  2. Créer et expérimenter un dispositif favorisant le développement d’un agir compétent en accompagnement mentoral;

  3. Créer un répertoire de ressources destiné aux enseignants mentors pour l’accompagnement mentoral d’enseignants novices au CSSDHR.

Pour atteindre la situation désirée, il importe de se donner un cadre conceptuel commun afin de préciser le sens des différents concepts qui sont sollicités dans la recherche-action.

2.2 Le cadre conceptuel

En s’appuyant sur les écrits professionnels et scientifiques et en tenant compte de ce qu’ils croient et valorisent (présupposés partagés), les praticiens et les chercheurs réfléchissent à ce qu’ils souhaitent créer pour améliorer la situation actuelle (Guay & Gagnon, 2021a). Afin d’atteindre les objectifs de la situation désirée, l’équipe de recherche-action a donc exploré les écrits portant sur le développement professionnel, sur l’accompagnement et, plus spécifiquement, sur l’accompagnement mentoral ainsi que sur le développement d’un agir compétent en accompagnement mentoral pour s’en donner une représentation partagée.

2.2.1 Le développement professionnel

Selon les écrits de Uwamariya et al. (2005), le concept de développement professionnel serait polysémique et comporterait deux visions. La première est la vision développementale qui définit certains stades de développement professionnel lié à des étapes d’une carrière. Le nom et le nombre de stades varient d’un auteur à l’autre et une des étapes se centre sur la période d’insertion professionnelle. L’autre vision proposée par ces auteures est de voir le développement professionnel dans une perspective de professionnalisation. Dans celle-ci, le développement professionnel est envisagé comme un perfectionnement continu pouvant prendre différentes formes. Il est centré sur un processus d’apprentissage et une réflexion sur sa pratique permettant la transformation des compétences et la construction de l’identité professionnelle. Vivegnis (2016) met en lumière une troisième perspective de développement professionnel, à savoir la perspective organisationnelle. Cette dernière fait ressortir la responsabilité de l’organisation au regard de la mise en place de programmes et de conditions favorables au développement professionnel des enseignants et non seulement la responsabilité des enseignants quant à la prise en charge du développement professionnel.

Dans le cadre de la recherche-action, nous considérons les trois perspectives. En effet, concernant la perspective développementale, nous nous intéressons à la phase d’entrée en carrière, soit la période d’insertion professionnelle des enseignants. Nous prenons en compte également les perspectives organisationnelles et de professionnalisation puisque l’intention visée est d’offrir de bonnes conditions et une offre pertinente pour soutenir le développement professionnel des enseignants mentors. L’accompagnement est un moyen parmi d’autres de favoriser le développement professionnel par une approche personnalisée et une assistance professionnelle individuelle offerte à une personne en fonction de ses besoins. C’est sur cet aspect que nous souhaitons outiller les enseignants mentors.

2.2.2 L’accompagnement

Selon Paul (2002), il existe plusieurs types de dispositifs d’accompagnement basés sur l’assistance professionnelle dans le contexte de rencontres individuelles. Plusieurs pratiques d’accompagnement sont apparentées et les frontières entre certaines d’entre elles, dont le tutorat, le coaching et le mentorat, peuvent apparaître floues étant donné que des caractéristiques ou des définitions peuvent se recouper (Gagnon et al., 2021).

Bien que chacune de ces pratiques d’accompagnement soit différente et réponde à des besoins spécifiques, Paul (2002) fait ressortir plusieurs convergences. Les pratiques s’appuient sur un processus non linéaire, mais séquentiel, proposent un cadre méthodologique et des outils variés, misent sur la qualité de la relation singulière entre les deux personnes, sollicitent une variété de rôles chez l’accompagnateur, exigent l’utilisation de stratégies et la conjugaison de différentes logiques, etc. L’auteure résume en une phrase le sens du mot accompagnement : « Se joindre à quelqu’un pour aller où il va, en même temps que lui » (Paul, 2002, p. 54). Cette phrase traduit bien ce que nous croyons et souhaitons valoriser dans le cadre d’un accompagnement mentoral, c’est-à-dire une préoccupation de se centrer sur le besoin de la personne novice et de la soutenir dans ce qu’elle souhaite vivre, expérimenter, développer. Guay et Gagnon (2021b) présentent cinq caractéristiques fondamentales de l’accompagnement du développement professionnel : répondre à un besoin du sujet[1], être basé sur une relation égalitaire de collaboration, soutenir la pratique réflexive afin de faciliter la prise de recul du sujet sur sa pratique et être éclairé de connaissances validées afin d’orienter le sujet vers des pratiques prometteuses. Comme dernière caractéristique, les auteures proposent aux agents de se doter d’un modèle conscient, souple et structuré pour baliser leur accompagnement. Dans le cadre d’un accompagnement mentoral, certaines spécificités viennent préciser le sens de la pratique d’accompagnement.

2.2.3 Le mentorat, une pratique d’accompagnement spécifique

Plusieurs auteurs ont précisé leur conception de ce qu’est l’accompagnement mentoral. Dumoulin (2009) le définit ainsi :

D’une manière générale, un accompagnement mentoral renvoie à un soutien individualisé de la part d’un enseignant d’expérience (le mentor) auprès d’un enseignant débutant (le novice) afin que soit accompagnée et supportée l’expérience d’insertion professionnelle et d’apprentissage de l’enseignement.

p. 86

L’auteure décrit également quelques caractéristiques de ce type d’accompagnement : l’engagement volontaire des deux parties (mentor et novice), l’établissement d’une relation de confiance, la confidentialité ainsi que l’absence de jugement, d’évaluation et de rapport d’autorité. Dans une recherche effectuée en partenariat avec un centre de services scolaire, Dumoulin et al. (2018) ont défini le mentorat en s’attardant à l’aspect réflexif et collaboratif de l’accompagnement mentoral qu’ils nomment « mentorat réflexif ». Martineau et al. (2014) mettent l’accent sur la relation d’aide qui comporte un volet personnel et professionnel et soulignent le fait que le mentorat vise autant le développement des compétences professionnelles que la pratique réflexive chez l’enseignant novice.

Finalement, selon Davel et Tremblay (2000), le mentorat

se définit comme étant un échange interpersonnel intense entre un employé chevronné, expérimenté, crédible et bien informé (le mentor) qui fournit conseil, rétroaction et soutien à des employés moins expérimentés (les mentorés) dans le but de leur permettre de consolider leur identité professionnelle et de leur fournir les appuis nécessaires pour développer leur carrière et mieux vivre les transitions en milieu de travail

p. 133

Alors que certaines conceptions mettent l’accent sur l’expertise et le transfert des connaissances du mentor auprès de son protégé, d’autres éclairent davantage l’aspect de collaboration, de parité, et l’importance de faire réfléchir la personne novice en fonction de son propre bagage de ressources dans une relation d’apprentissage et de collaboration. Bien que l’expertise et la connaissance de la profession soient des incontournables en accompagnement mentoral, de notre point de vue, ce sont surtout les compétences en accompagnement d’une personne dans sa pratique réflexive et dans sa prise de recul sur la pratique que nous souhaitons accentuer dans le dispositif offert aux enseignants mentors. En effet, l’accompagnement est une pratique différente de celle de l’enseignement pour laquelle les enseignants ne sont pas suffisamment formés et outillés (Feinan-Nenser, 2003 dans Vivegnis, 2016).

L’étude des différentes définitions de ce concept a permis à l’équipe de recherche-action du CSSDHR de clarifier sa conception de l’accompagnement mentoral afin d’en venir à une définition spécifique pour cette recherche-action : une relation de collaboration entre une personne expérimentée et crédible qui fournit un soutien à une personne en insertion professionnelle. Il s’agit d’une relation d’apprentissage basée sur une pratique réflexive, un engagement mutuel, l’écoute et la confidentialité ainsi que la bienveillance.

Une fois le concept d’accompagnement mentoral défini, il nous a semblé essentiel de clarifier comment l’enseignant mentor est en mesure de soutenir l’enseignant novice dans son insertion professionnelle. Les travaux de Le Boterf (2006) nous éclairent sur l’agir professionnel compétent en situation réelle de travail. Nous avons utilisé ses travaux pour contextualiser l’agir compétent en situation d’accompagnement mentoral.

2.2.4 L’agir compétent en situation d’accompagnement mentoral

Pour offrir un accompagnement mentoral de qualité, l’enseignant mentor doit être en mesure d’agir avec compétence en combinant et en mobilisant des ressources adéquates dans une situation comportant certaines exigences professionnelles pour obtenir un résultat satisfaisant lié à une intention explicite (Le Boterf, 2006). Les ressources peuvent être de tous ordres, soit des ressources personnelles (connaissances, capacités, savoir-faire, ressources émotionnelles, sensorielles, physiques…) et des ressources de support disponibles dans son environnement (banques de données, outils, documentaires, guides, réseaux d’experts, références, collaborateurs…). De plus, pour agir avec compétence, il importe que l’enseignant mentor soit en mesure de prendre du recul sur sa pratique professionnelle et sur les ressources mobilisées afin d’ajuster sa pratique de façon continue pour atteindre le résultat escompté.

En résumé, nous pouvons voir les différents concepts du cadre de référence comme un système où les concepts s’imbriquent les uns dans les autres, du plus large au plus spécifique (voir la Figure 1).

Une fois les objectifs et le cadre de référence établis, l’équipe amorce la troisième étape de la recherche-action, soit la planification de l’action, et met en oeuvre les actions tout en faisant de la régulation continue (étape 4). Bien qu’une planification provisoire puisse être esquissée en début de recherche-action, cette étape est souvent enchâssée dans celles de l’action et de régulation, puisque des ajustements sont nécessaires afin de prendre en compte l’émergence et de s’adapter aux besoins du milieu (Guay & Gagnon, 2021a). Puisque la recherche-action est terminée, ces deux étapes sont présentées simultanément pour alléger le texte.

Figure 1

Synthèse du cadre conceptuel.

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3. La planification de l’action, l’action et la régulation

La planification de la recherche-action s’est appuyée sur un modèle. Lors de cette étape, les cochercheuses ont établi des critères pour juger de la qualité des savoirs professionnels qui allaient être produits, elles ont sollicité des participants, planifié des rencontres en fonction d’un calendrier annuel et sélectionné des outils de collecte et d’analyse de données (Guay & Gagnon, 2021a). Voici le détail de ces actions.

3.1 L’utilisation d’un modèle de recherche-action

Pour atteindre les objectifs de cette recherche-action, nous nous sommes appuyées sur les plus récentes versions de ce modèle de recherche-action évolutif et souple, dont les six étapes de la démarche ont été décrites en introduction et balisent les sections de cet article. Cette démarche étant utilisée depuis 2009 avec une variété de chercheurs et de praticiens au CSSDHR, nous nous assurions de l’adhésion des partenaires grâce aux présupposés partagés. À l’instar de Guay et Gagnon (2021a), nous considérons que la recherche-action « est une action de recherche et d’éducation de chercheurs-praticiens qui veulent simultanément soutenir une transformation significative pour eux, s’éduquer et éduquer, et contribuer à la production de savoirs professionnels » (p. 431). Nous accordons une importance à la coconstruction de ces savoirs professionnels dans l’action en collaboration avec les praticiens. De plus, il nous apparaît essentiel d’accorder une attention particulière à la prise en compte du bien-être et des forces de caractère de chacun dans la démarche (Gagnon, 2020; Goyette, 2014). Les valeurs de collaboration et de bienveillance sont largement partagées dans cette organisation puisqu’elles font partie intégrante du Plan d’engagement vers la réussite (2018-2022) du CSSDHR. Ce modèle de recherche-action permet d’agir, d’éduquer et de produire des savoirs professionnels avec et pour les participants.

3.2 La production de savoirs professionnels

Grâce à la recherche-action, nous répondons à un besoin réel du centre de services scolaire et nous sommes en mesure de formaliser des savoirs professionnels qui pourront être utiles également à d’autres milieux éprouvant des besoins et partageant des présupposés semblables. « Les savoirs professionnels sont très concrets, car ils renseignent sur ce qui peut être fait, pris en compte, utilisé ou incarné spécifiquement pour transformer une situation donnée avec une probabilité de succès » (Guay & Gagnon, 2021a, p. 436). Selon ces auteures, un savoir professionnel peut prendre la forme d’un programme, d’une démarche, d’un modèle, d’une recommandation, d’un outil, d’une planification d’une séquence, d’une liste de principes ou de pistes d’action, etc. Dans le cadre de cette recherche-action, les savoirs professionnels générés ont pris l’allure d’un modèle d’accompagnement mentoral, d’un dispositif de développement professionnel et d’un répertoire de ressources. Toutefois, pour s’assurer de la qualité de la recherche-action, il est important que ces savoirs professionnels soient construits en tenant compte de critères de validité.

3.3 Des critères pour s’assurer de la qualité de la recherche-action

Pour assurer la qualité d’une recherche-action, il importe de se donner des critères de validité (Guay & Gagnon, 2021a). Parmi la liste proposée par ces auteures, nous en avons retenu cinq. La recherche-action doit d’abord répondre à un besoin du milieu (1). Elle doit ensuite prendre en compte les présupposés des chercheurs et des praticiens (2) ainsi que les savoirs antérieurs de la recherche et ceux générés dans l’organisation (3). La recherche-action doit de plus s’appuyer sur une démarche méthodologique souple et rigoureuse (4). Finalement, elle doit utiliser des données issues de la recherche pour appuyer certains constats (5).

La planification de l’action nécessite également de solliciter des participants dont les intérêts et besoins sont compatibles avec les orientations de la recherche-action.

3.4 La sollicitation des participants

Les participants de cette recherche-action ont été sollicités au cours d’une présentation du projet à l’ensemble des directions d’établissements primaires et secondaires du centre de services scolaire lors d’une rencontre de gestion. Six directions et des dyades de mentors-novices de six écoles (deux écoles secondaires et quatre écoles primaires) ont manifesté de l’intérêt et ont choisi de s’engager dans la recherche-action, car le projet répondait à des besoins de leur milieu.

Pour la première année (2019-2020), ce projet rassemblait neuf enseignants mentors, dont certains accompagnaient deux enseignants novices. Donc, douze enseignants novices ont bénéficié d’un accompagnement mentoral. Deux représentants syndicaux participaient aux formations, l’un d’eux collaborait étroitement avec les cochercheuses dans la régulation du projet. Bien que les enseignants novices aient participé à l’ensemble des rencontres lors de la première année d’expérimentation, nous portons notre regard seulement sur les enseignants mentors dans cet article. Lors de la deuxième année (2020-2021), nous avons offert à nouveau le dispositif à deux groupes d’enseignants mentors (huit enseignants du primaire et douze enseignants du secondaire) dans une formule révisée en mode virtuel. Une fois les participants confirmés, nous avons planifié des rencontres collectives pour nous permettre d’atteindre nos objectifs.

3.5 La planification des rencontres

Lors de la première année, quatre rencontres collectives d’une journée ainsi que deux rencontres de régulation dans chacun des milieux, coanimées par une des auteures et le représentant syndical, faisaient partie du calendrier initial. Chaque rencontre collective était planifiée par l’équipe de cochercheuses. Des rencontres régulières avaient lieu avec le comité de pilotage pour réguler le dispositif et garder le cap sur les objectifs. Durant ces rencontres, il était essentiel de se doter d’outils de collecte et d’analyse de données pour documenter le processus de recherche-action et être en mesure d’évaluer nos objectifs au terme de la recherche-action.

3.6 Les outils de collecte et d’analyse de données

Pour réaliser la recherche-action, nous privilégions différents outils de collecte et d’analyse de données. L’entretien individuel et l’entretien collectif actif (Boutin, 1997) nous ont semblé tout indiqués puisqu’ils permettent un échange et une coconstruction de sens entre les praticiennes chercheuses et les enseignants mentors. C’est une approche centrée sur le dialogue permettant d’approfondir un thème. Par exemple, lors de chaque rencontre, l’une de nous animait les échanges et discussions avec les mentors sur les différents objets du dispositif de formation (consulter le Tableau 3 de la section 4.3 pour l’inventaire des thématiques abordées). Les cochercheuses prenaient en notes les propos recueillis et leurs observations lors de l’entretien collectif pour ensuite en faire une synthèse partagée au terme de la rencontre.

Nous avons utilisé également des questionnaires en format papier ou électronique (FORMS) pour recueillir la rétroaction des enseignants mentors à la fin de chaque rencontre collective ainsi qu’auprès des directions d’établissement au terme de la recherche-action. Ces questionnaires étaient inspirés des cinq objets d’évaluation de Guskey (2002) visant à évaluer le dispositif de développement professionnel.

La Figure 2 résume les objets d’évaluation proposés par l’auteur, les personnes sollicitées pour rétroagir à ces objets ainsi que les moyens retenus pour collecter des données. La satisfaction de même que les apprentissages des participants et le soutien organisationnel ont été évalués du point de vue des enseignants mentors alors que la capacité de transfert ainsi que les retombées sur les novices ont été évaluées du point de vue des directions d’établissement ayant pu observer les mentors à l’oeuvre.

Figure 2

Objets d’évaluation selon Guskey (2002) et moyens retenus pour collecter des données.

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Finalement, comme le suggèrent Guay et Gagnon (2021a), « les traces écologiques sont également considérées, c’est-à-dire toutes traces non planifiées pour témoigner de l’atteinte des objectifs (tableau créé, notes prises en cours de discussion, photos, témoignages, courriels, etc. » (p. 433).

Pour ce qui est de l’analyse, nous avons privilégié l’analyse en mode écriture (Paillé & Mucchielli, 2016), consistant à analyser et à synthétiser des données au fur et à mesure qu’elles émergeaient pour en produire des résumés sous forme de textes ou de schémas synthèses. Ce type d’analyse permet de répondre à la question suivante : « Qu’y a-t-il à décrire, rapporter, constater, mettre en avant, articuler relativement au matériau à l’étude? » (p. 195). Au terme de chaque rencontre, notre triade de cochercheuses prenait connaissance des commentaires laissés par les enseignants mentors dans les questionnaires d’évaluation de la rencontre et mettait en commun les observations et les notes prises en cours de rencontre. Notre réponse partagée à cette question permettait de trianguler nos observations et nos notes. « L’accomplissement de ce type d’analyse a lieu dans le moment présent » (p. 193). Cette façon de faire nous est apparue la plus efficace pour réguler nos actions d’une rencontre à l’autre et garder des traces tout au long du projet afin de pouvoir rendre compte du déroulement de la recherche-action aux différentes parties prenantes, notamment au comité de pilotage.

4. L’évaluation de l’action

Au terme de cette recherche-action, il importe de faire un bilan de l’action afin de démontrer l’atteinte ou non des objectifs et les savoirs professionnels générés (Guay & Gagnon, 2021a). Voici la présentation des résultats concernant les trois objectifs de la recherche-action.

4.1 Le développement d’un modèle d’accompagnement mentoral

Le premier objectif de la recherche-action était de créer un modèle d’accompagnement mentoral en cohérence avec les présupposés des praticiens et des chercheurs ainsi que les ressources déjà développées dans l’organisation. Concernant cette question et cet objectif, il nous est apparu important de donner une idée précise d’un modèle d’accompagnement mentoral que nous souhaitions voir se déployer par les enseignants mentors afin de leur proposer des ressources variées et leur permettre de se développer pour agir avec compétence lors de l’accompagnement de leur novice. Selon Guay et Gagnon (2020), un modèle est une représentation symbolique d’un objet. « Résultat d’une synthèse de données empiriques ou théoriques, un modèle facilite l’étude d’un objet ou d’un phénomène dans différents contextes, la prise de décision, l’action, la communication et l’innovation » (p. 30).

La création du modèle d’accompagnement mentoral dans cette recherche-action répond à cette définition. En effet, nous avons tout d’abord considéré les savoirs professionnels antécédents créés au centre de services scolaire pour décrire l’accompagnement mentoral offert par les directions d’établissement expérimentées à des directions d’établissement nouvellement nommées. Nous souhaitions que le modèle d’accompagnement mentoral des enseignants soit en cohérence avec les autres modèles créés précédemment dans ce centre de services. Puis, nous avons pris en compte les présupposés de l’organisation, à savoir les valeurs de bienveillance et l’importance accordée à la collaboration. Nous y avons rattaché les connaissances issues de la recherche portant sur les caractéristiques d’un modèle d’accompagnement (Guay & Gagnon, 2021b; Paul, 2002) et, plus spécifiquement, de l’accompagnement mentoral (Davel & Tremblay, 2000; Dumoulin, 2009; Martineau et al., 2014). Le modèle d’accompagnement mentoral issu de ce processus réflexif collaboratif et adapté au contexte pour cette recherche-action s’est également appuyé sur un modèle d’accompagnement d’enseignantes voulant développer leur agir compétent en psychopédagogie du bien-être créé dans une recherche précédente (Goyette et al., 2020).

La représentation schématique de Mathieu (2011) à la Figure 3, inspirée des travaux de Le Boterf (2006), permet d’illustrer les exigences professionnelles à prendre en compte dans l’accompagnement mentoral, le résultat attendu et la mise en évidence de certaines ressources personnelles et de support pour agir avec compétence dans cette situation professionnelle.

Figure 3

Modèle d’accompagnement mentoral du Centre de services scolaire des Hautes-Rivières pour les enseignants novices.

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4.2 Le développement d’un dispositif de développement professionnel pour enseignants mentors

Une fois le modèle d’accompagnement mentoral créé, l’équipe de recherche-action s’est penchée sur la conception d’un dispositif de développement professionnel. Rappelons que le deuxième objectif a été formulé ainsi : créer et expérimenter un dispositif de développement professionnel favorisant le développement d’un agir compétent en accompagnement mentoral.

Comme dispositif de développement professionnel, nous avons choisi d’offrir quatre rencontres collectives aux enseignants mentors pour leur permettre d’acquérir et de mobiliser des ressources en lien avec le modèle d’accompagnement mentoral décrit ci-haut. Les intentions poursuivies par ces rencontres étaient les suivantes :

  • Se donner une vision partagée du mentorat et de sa place dans l’ensemble du dispositif d’insertion professionnelle des enseignants et de ce que cela implique comme engagement;

  • Soutenir le développement d’un agir compétent d’enseignants mentors;

  • Se doter d’un répertoire de ressources en accompagnement mentoral;

  • Permettre aux enseignants mentors de partager quant à leur pratique.

Lors de chaque rencontre, nous avions des intentions spécifiques liées aux différentes exigences professionnelles du modèle d’accompagnement mentoral, puis nous nous assurions d’équilibrer le déroulement de la journée en prévoyant des activités touchant les différentes dimensions de l’agir compétent, soit des activités d’acquisition de ressources, des activités de mobilisation de ressources et des activités de prise de recul sur les ressources acquises et mobilisées (Le Boterf, 2006). Le Tableau 1 présente quelques exemples d’activités proposées dans chacune des rencontres.

Tableau 1

Activités proposées pour développer un agir compétent en accompagnement mentoral

Activités proposées pour développer un agir compétent en accompagnement mentoral

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Au terme de la première année, comme nous n’avons pu compléter la formation des enseignants mentors étant donné la pandémie survenue en mars 2020, nous avons offert aux enseignants mentors volontaires de poursuivre leurs apprentissages en participant à un groupe de codéveloppement professionnel (Payette & Champagne, 2006) l’année suivante. Cette modalité consiste à se concentrer sur la résolution de problèmes soulevés par un participant à l’aide des savoirs pratiques et de connaissances théoriques apportées par les pairs. En 2020-2021, six des neuf enseignants mentors ont choisi d’expérimenter le groupe de codéveloppement professionnel pour résoudre différents problèmes d’accompagnement mentoral, ce qui leur a permis de compléter leur formation écourtée l’année précédente.

4.3 La création d’un répertoire de ressources pour l’accompagnement mentoral

Pour atteindre le troisième objectif qui était de créer un répertoire de ressources destinées aux enseignants mentors pour l’accompagnement mentoral d’enseignants novices du centre de services scolaire, voici comment nous avons procédé.

Nous avons formalisé différentes ressources de support pour constituer un répertoire. Ces ressources sont utiles aux enseignants mentors pour prendre en compte les différentes exigences professionnelles d’un accompagnement mentoral et chacun est invité à sélectionner et à combiner les ressources offertes en fonction de son contexte et des besoins exprimés par l’enseignant novice. Notre répertoire de ressources a été lié au contenu de formation proposé dans les rencontres collectives et a pris différentes formes : modèles théoriques, grilles d’autoévaluation, tests en ligne, livres, articles, cahiers du participant, démarches, listes, fiches de travail, guide, etc. Ces ressources sont disponibles pour tous les mentors ayant participé au dispositif de développement professionnel dans un espace électronique partagé (équipe Teams) dans la suite Office 365. Elles sont associées à chacune des quatre rencontres collectives. Nous nous sommes assurées qu’il y ait des ressources disponibles pour chacune des exigences professionnelles de l’accompagnement mentoral. Certaines ressources ont été tirées de travaux de recherche de différents auteurs alors que d’autres sont inédites, car elles ont été créées lors de la recherche-action. Le Tableau 2 présente la liste des ressources faisant désormais partie du répertoire.

Tableau 2

Le répertoire de ressources

Le répertoire de ressources

Tableau 2 (continuation)

Le répertoire de ressources

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5. Discussion au regard de l’évaluation du dispositif de développement professionnel

La réalisation d’un projet d’une telle envergure demande à une équipe de collaborateurs de faire preuve d’une grande souplesse et d’une adaptation de tous les instants dans un contexte qui a été perturbé par différents éléments externes, dont la pandémie 2020-2021. Malgré tout, nous pouvons affirmer, comme il a été démontré précédemment, avoir atteint les trois objectifs codéfinis avec les collaborateurs du centre de services scolaire. Somme toute, nous avons répondu aux besoins exprimés par le comité de pilotage responsable de l’insertion professionnelle au CSSDHR.

Cependant, il nous est apparu essentiel d’obtenir également une rétroaction continue des enseignants mentors concernant le dispositif de développement professionnel et les ressources offertes pour les soutenir dans le développement de leur agir compétent en accompagnement mentoral. À cette fin, au terme de chaque rencontre collective, un questionnaire était remis aux participants afin de recueillir une rétroaction sur différents aspects. Entre les rencontres, il était possible pour l’équipe d’animation de s’ajuster en fonction de la rétroaction des participants. De plus, à la mi-année, une rencontre de régulation a eu lieu avec les mentors et les novices de chacun des milieux pour questionner les participants à l’occasion d’un entretien collectif actif (Boutin, 1997) afin d’avoir une rétroaction qui prenait en compte la réalité des différents milieux participants et d’ajuster le dispositif dans les rencontres suivantes.

Avec les groupes de 2020-2021, une activité bilan a été mise en place pour recueillir une rétroaction sur l’ensemble du dispositif offert, ce qui ne fut pas possible avec le groupe de 2019-2020 étant donné l’arrêt de la formation causé par la pandémie. Cette rétroaction sous différentes formes permet aujourd’hui de mettre en lumière les aspects les plus appréciés, ceux à améliorer ainsi que certains besoins exprimés par les enseignants mentors au terme de la recherche-action. Le Tableau 3 présente les éléments saillants de leur rétroaction.

Finalement, toujours avec les groupes de 2020-2021, une collecte de données, à l’aide d’un formulaire FORMS, a été réalisée auprès des directions, dont les enseignants mentors ont expérimenté le mentorat, afin de solliciter leur rétroaction sur l’ensemble du dispositif offert. Les deux principaux éléments recueillis qui en ressortent sont que :

  • les libérations ainsi que la formation et l’accompagnement des mentors par une équipe responsable ont facilité la mise en place du mentorat dans leur école;

  • les novices accompagnés par un mentor sont, de façon générale, plus en confiance face à leurs élèves et à leur tâche.

En ce qui a trait au support organisationnel dans la mise en place du dispositif, les directions concernées ont par ailleurs mentionné qu’elles désireraient recevoir des comptes rendus des thèmes abordés lors des journées de formation et avoir accès aux outils proposés. Les directions ont également indiqué qu’il leur a été difficile d’observer des manifestations du développement professionnel chez les enseignants mentors dans leur école étant donné les mesures sanitaires exigées par le contexte pandémique.

Tableau 3

Les aspects du dispositif de développement professionnel relevés par les enseignants mentors

Les aspects du dispositif de développement professionnel relevés par les enseignants mentors

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5.1 Limites et prospectives de la recherche-action

À la lumière de cette rétroaction et de nos propres observations, nous sommes en mesure de dégager certaines limites et prospectives à cette recherche-action.

D’abord, la mise en oeuvre de ce dispositif nous a amenées plusieurs questionnements quant au transfert du modèle d’accompagnement mentoral dans la pratique, mais surtout quant à l’appropriation et à la personnalisation du modèle par chaque mentor en fonction de son contexte d’accompagnement. L’intérêt de soutenir des enseignants mentors volontaires dans la création de leur modèle inédit d’accompagnement nous apparaît être une suite logique à envisager pour une prochaine boucle de recherche-action dans ce milieu.

Aussi, nous n’avons pas recueilli le point de vue des novices sur l’accompagnement mentoral reçu, ce qui laisse une zone inconnue concernant sa qualité et les bénéfices perçus par les novices. Un projet permettant de suivre des dyades d’enseignants mentors et novices serait très éclairant.

Par ailleurs, la recherche-action a été réalisée auprès d’un nombre restreint d’enseignants mentors dans des conditions très précaires, étant donné le contexte pandémique, et dans un seul centre de services scolaire. Il serait pertinent d’expérimenter le modèle d’accompagnement mentoral, le dispositif de développement professionnel ainsi que le répertoire de ressources dans d’autres organisations enfin d’enrichir le travail amorcé dans ce centre de services.

Finalement, au moment d’écrire ces lignes, la nouvelle convention collective des enseignants laisse apparaître une place formelle quant au rôle de mentor dans les écoles et aux attentes claires quant à cette offre de service auprès des enseignants novices. Le profil de l’enseignant mentor ainsi que les rôles et mandats élargis sont également précisés dans les écrits officiels. Plusieurs balises sont à clarifier entre les responsables du dispositif de mentorat et les représentants syndicaux. Il est certain que des ajustements devront éventuellement être apportés au dispositif afin de tenir compte de ces changements.

Conclusion

Dans cet article, nous avons présenté la démarche de recherche-action ayant permis de répondre à un besoin exprimé par un centre de services scolaire. Le milieu dispose maintenant d’un modèle d’accompagnement mentoral en cohérence avec les présupposés des acteurs de ce milieu, d’un dispositif de développement professionnel ainsi que d’un répertoire de ressources pour soutenir les enseignants mentors dans l’exercice de leur rôle.

De plus, de façon générale, la proposition offerte aux enseignants mentors apparaît répondre à leurs besoins, ce qui démontre la pertinence sociale de la recherche-action réalisée. Cependant, les enseignants mentors ont manifesté l’intérêt de poursuivre leur développement professionnel, notamment pour se créer des outils personnalisés et résoudre des situations complexes, ce qui suggère de poursuivre la recherche-action avec et pour ces participants.

Finalement, la nature des savoirs professionnels générés dans le cadre de cette recherche-action pourrait sans doute inspirer d’autres initiatives dans d’autres centres de services scolaires ayant des besoins et des présupposés semblables à ceux décrits dans cet article. Nous avons souhaité être le plus explicites possible pour permettre à d’autres équipes de créer à leur tour un modèle d’accompagnement mentoral, un dispositif de développement professionnel et un réservoir de ressources adaptées à leurs besoins.