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INTRODUCTION ET PROBLÉMATIQUE

Depuis les deux dernières décennies, la prise en compte de la diversité constitue un objet d’intérêt pour les personnes chercheuses et décideuses politiques canadiennes, en particulier en réponse à l’émergence ou à la prégnance de certains enjeux sociaux relatifs à l’immigration, à la langue et à la religion (Borri-Anadon et al., 2021; Éducation et Formation Manitoba [EFM], 2017a; ministère de l’Éducation de l’Alberta [MEA], 2022; ministère de l’Éducation du Québec [MEQ], 1998). Bien qu’aussi traversé par ces enjeux, le contexte éducatif canadien demeure, pour sa part, de plus en plus marqué ces dernières années par une plus grande ouverture et une reconnaissance de la diversité, que ce soit en termes de rythmes et de besoins d’apprentissage de même que de sexe, de genre et d’orientation sexuelle (ministère de l’Éducation de l’Ontario [MEO], 2016; ministère de l’Éducation, 2021a; ministère de l’Éducation et du Développement de la petite enfance de la Nouvelle-Écosse [MEDPENE], 2020). De fait, les instances ministérielles des différentes provinces canadiennes ont ainsi été amenées à réfléchir sur le sujet et à adopter, pour certaines d’entre elles, des politiques ou des orientations éducatives en adéquation avec les besoins des élèves issus de la diversité et du personnel scolaire qui les côtoie.

À l’heure actuelle, le discours ambiant au Canada laisse à penser que les élèves accepteraient de plus en plus les différentes formes de diversité et qu’ils manifesteraient moins de comportements racistes ou discriminatoires compte tenu de leur plus grande ouverture d’esprit comparativement à celle des précédentes générations (Radio-Canada, 2021). Dans les faits, sans nier les avancées sociales et idéologiques, nous semblons assister à un certain éveil de l’intolérance contre certaines minorités. À ce sujet, des experts et expertes avancent l’hypothèse de la montée de l’extrémisme ou du radicalisme (idéologique, politique et religieux) au Canada (Nadeau, 2023), renforcée et consolidée par la désinformation et la propagande haineuse sur les réseaux sociaux pour expliquer cette recrudescence d’actes ciblant les minorités (Henric, 2018). Pour prendre l’exemple du Québec, les derniers mois ont été marqués par des incidents à l’encontre de personnes racisées de la part d’élèves du secondaire de la région du Bas-Saint-Laurent (Latour, 2023). De même, dans le cadre de la Journée mondiale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie qui a lieu le 17 mai, des élèves du secondaire ont protesté contre la célébration de cette journée, notamment en lançant une pétition pour que cet événement ne se retrouve plus au calendrier des activités de leur école (Radio-Canada, 2023). D’ailleurs, les autres provinces canadiennes n’y échappent pas: des incidents racistes ou homophobes sont aussi survenus en milieu scolaire, entre autres en Alberta (Benchetrit, 2023) ou en Ontario (CBC, 2022). Si ces actes peuvent paraître anecdotiques ou encore sembler tirer leur origine de gestes irréfléchis de la part de quelques jeunes, il reste que ces élans racistes et discriminatoires semblent montrer l’importance de poursuivre l’éducation relative à la diversité. Selon l’Alberta Education (2016a), cette forme d’éducation aurait le pouvoir d’ouvrir le dialogue sur la question de la diversité des marqueurs des élèves en les amenant à déconstruire leurs préjugés et à réhabiliter un discours d’acceptation de l’autre, et ce, dans un climat respectueux et constructif. D’ailleurs, il est connu que les élèves bénéficieraient d’un travail sur le développement de l’empathie (Nadifi, 2021) et des habiletés sociales (DeBlois et Turcotte, 2019), ce qui conduirait à réduire l’incidence de la discrimination à l’égard des minorités.

Parallèlement, au moment d’écrire ces lignes, soulignons que l’Assemblée nationale du Québec (2023) a déposé le projet de loi 23 ayant pour objectif de modifier la Loi sur l’instruction publique et d’édicter la Loi sur l’Institut national d’excellence en éducation. Selon plusieurs acteurs et actrices du monde scolaire (p. ex. personnel scolaire, chercheurs et chercheuses en éducation), cette loi, si elle est entérinée, porterait ombrage à la prise en compte de la diversité à l’école, tant sur le plan des besoins particuliers des élèves que sur celui des méthodes ou des pratiques enseignantes variées à mobiliser pour répondre à leurs besoins (Collectif de signataires, 2023). Ayant pour mission d’informer et de conseiller les instances politiques sur l’état et les besoins en éducation, le Conseil supérieur de l’éducation [CSE] (2023) subirait une transformation en se dévouant exclusivement aux milieux collégiaux et universitaires, et ce, en renonçant aux autres secteurs de l’éducation (p. ex. primaire, secondaire). Ces derniers seraient représentés par un nouvel organisme, soit l’Institut national d’excellence en éducation, qui préconiserait une approche éducationnelle axée sur les données probantes de la recherche scientifique (Assemblée nationale du Québec, 2023; ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur [MEES], 2017a). Bien que les données probantes issues de la recherche puissent fournir des réponses généralisables à l’éducation puisqu’elles sont dites fiables ou valables et retenues à la suite de l’analyse d’une pluralité d’études (Centre de transfert pour la réussite éducative au Québec [CTREQ], s. d.), elles ne permettraient toutefois pas de répondre adéquatement à l’étendue de la diversité des élèves et des contextes dans lesquels ils évoluent. S’engager dans la voie unique des données probantes reviendrait à écarter des méthodes, des pratiques et des épistémologies de recherche qui se fondent par exemple sur la recherche-développement et qui visent à résoudre des problèmes dans des contextes éducatifs donnés (Maunier, 2019). De plus, un enfermement de la recherche en éducation dans les données probantes serait susceptible de marginaliser davantage certaines populations scolaires issues de la diversité en matière de rythmes ou de préférences d’apprentissage puisque les ressources, les pratiques ou les interventions actuelles réfléchies et dites probantes pour la majorité peineraient dans certains cas à répondre à leurs besoins (Borri-Anadon et al., 2023; Saussez et Lessard, 2009).

Dans ce contexte où les décideurs politiques canadiens et les décideuses politiques canadiennes se préoccupent de plus en plus des enjeux inhérents à la prise en compte de la diversité – plus particulièrement à l’école, où des incidents racistes et discriminatoires surviennent encore dans les milieux scolaires canadiens et où la présence d’un courant idéologique sur une éducation basée sur les données probantes peut contribuer à accentuer les inégalités entre les élèves par une réponse inadéquate à leurs besoins –, il convient de mieux objectiver l’objet de la diversité à l’école et de comprendre plus justement les enjeux et les défis auxquels font face les acteurs et actrices scolaires et politiques en la matière.

CADRE DE RÉFÉRENCE

Dans les prochaines lignes, nous explicitons plus en détail ce que nous entendons par diversité à l’école, en plus de décrire la proposition théorique de Borri-Anadon et al. (2021), qui objective des représentations de la prise en compte de la diversité à l’école.

Diversité à l’école

La diversité à l’école est le reflet de « l’expression de caractéristiques humaines ou de préférences de l’apprenant, faisant référence aux expériences déjà vécues qui sont interpellées alors qu’il aborde les situations nouvelles qui lui sont proposées en classe » (Prud’homme, 2007, p. 34). Cette diversité s’exprime entre autres « au travers d’un goût, d’un besoin, d’une difficulté, d’un intérêt, d’un choix ou d’une façon de faire en lien avec les buts d’apprentissage proposés » (Prud’homme et al., 2011, p. 8). De fait, la diversité à l’école se traduirait également par l’examen des marqueurs des élèves et à leurs intersections. À ce chapitre, plusieurs études ont porté sur la diversité ethnoculturelle, linguistique et religieuse en éducation (Audet et al., 2022; Potvin et al., 2018), alors que d’autres ont mis en évidence la diversité des besoins particuliers des élèves (Beaudoin et al., 2021) ou encore la diversité sexuelle et de genre à l’école (Hakeem, 2021). Vis-à-vis cette tendance en recherche, Bauer et Borri-Anadon (2021) nous mettraient en garde contre cette catégorisation de la diversité, car elle risque d’essentialiser les élèves à leurs difficultés. Beaudoin (sous presse) va dans le même sens que Bauer et Borri-Anadon (2021) :

Traiter de la diversité en recourant à un système d’étiquetage serait susceptible de réduire certains élèves à la simple expression de leur différence et d’exclure les autres dimensions qui forgent leur personne. D’ailleurs, soulignons que l’approche catégorielle avait avant tout pour but de mieux cibler la différence afin de mieux orienter les mesures de soutien ou d’accompagnement auprès des élèves.

s. p.

Cela dit, il demeure difficile de conceptualiser sans équivoque la diversité (Messiou et al., 2022). Toujours selon ces auteurs, il n’est pas aisé d’énumérer toutes les caractéristiques ou les groupes qui objectivent la diversité en une seule définition. Du même coup, en ne nommant pas toutes les formes de diversité, cela concourrait à masquer certaines réalités vécues par des groupes sociaux et à maintenir les inégalités auxquelles ils sont confrontés.

Dans ce qui suit, nous exposons la position théorique de Borri-Anadon et al. (2021) qui rendrait plus intelligible l’objet de la prise en compte de la diversité à l’école.

Représentations de la diversité

Selon Borri-Anadon et al. (2021), la prise en compte de la diversité s’explique à travers trois types de représentations : 1) individuel, 2) contextualisé, 3) social. Sur le plan individuel, la diversité est vue comme l’expression des caractéristiques individuelles et renvoie au principe d’hétérogénéité des élèves. Talbot (2011) énumère d’ailleurs des marqueurs de cette hétérogénéité : « le sexe, l’âge, la maturité, le niveau scolaire, l’attractivité physique, les habiletés, les aptitudes, les appétences, les motivations, les goûts » (p. 7). La prise en compte de la diversité reviendrait à une compréhension de l’unicité des élèves qui façonne qui ils sont et les différentes actions qu’ils posent en classe (Bauer et al., 2019).

Concernant la diversité en tant que représentation contextualisée, celle-ci repose sur la considération du contexte scolaire pour appréhender la situation des élèves. Ainsi, leurs caractéristiques ne sont plus le seul indice à examiner pour leur offrir du soutien : on cherchera aussi à déterminer comment l’école est en mesure d’« adapter le curriculum, l’enseignement, l’organisation et les ressources afin de favoriser l’apprentissage des personnes apprenantes » (UNESCO, 1997, cité dans Borri-Anadon et al., 2021, p. 17). Précisons d’ailleurs que la diversité en tant que représentation contextualisée induit entre autres la différenciation pédagogique comme approche adaptative de l’enseignement pour répondre aux différents besoins des personnes apprenantes (Bergeron et al., 2021; Larochelle-Audet et al., 2016). Quant à la diversité en tant que représentation sociale, elle se traduit à travers les rapports sociaux qu’entretiennent les acteurs et actrices scolaires (p. ex. le personnel enseignant et les élèves) dans lesquels sont normalisés, anormalisés et dénormalisés des traits, des attitudes, des intérêts et des états humains (Borri-Anadon et al., 2021). Dans la même veine, la prise en compte de cette diversité forcerait la détermination et la confrontation des formes de domination (p. ex. hétéronormativité) ou de discrimination (p. ex. racisme, sexisme et homophobie), qui résultent de cette hétérogénéité lorsqu’elle n’est pas reconnue par les différents acteurs et différentes actrices sur les plans scolaire et social (Beaudoin, 2021; Vallerand et al., 2018; Vidal, 2019).

OBJECTIF DE RECHERCHE

Dans ce contexte où la prise en compte de la diversité à l’école suscite la réflexion du personnel scolaire et politique de même que du milieu de la recherche, nous nous sommes intéressés au traitement de cette question dans les textes officiels en matière d’éducation au Québec et en milieu minoritaire francophone canadien. Nous avions ainsi pour objectif de décrire la question de la prise en compte de la diversité à l’école dans les textes officiels au Québec et en milieu minoritaire francophone canadien.

Méthode

Le présent texte découle d’un projet de recherche plus vaste portant sur l’analyse des politiques canadiennes en matière de réussite, de bien-être et de diversité à l’école (Rousseau et al., en cours). Ce projet a été conduit dans le cadre des activités de recherche du Réseau de recherche et de valorisation de la recherche sur le bien-être et la réussite en contexte de diversité (RÉVERBÈRE). Mentionnons que seuls le Québec et les provinces minoritaires francophones canadiennes partenaires du RÉVERBÈRE (l’Alberta, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, l’Ontario, le Québec et la Saskatchewan) sont concernés par le présent article.

Afin de décrire la question de la prise en compte de la diversité à l’école au regard des textes officiels au Québec et en milieu minoritaire francophone canadien, nous avons privilégié une approche documentaire consistant à recenser et à analyser différents documents afin de recueillir de l’information sur un sujet et de répondre à une question précise (De Ketele et Roegiers, 2009).

Stratégie de collecte de données

Nous avons d’abord choisi des descripteurs en français (p. ex. diversité, marqueurs, difficultés, besoins) pour mieux orienter le travail de recension des écrits. Nous avons également eu recours aux mêmes descripteurs en anglais puisque quelques documents officiels de certaines provinces étaient uniquement dans cette langue. Nous avons ensuite saisi les descripteurs dans les moteurs de recherche propres à l’ensemble des sites Internet des ministères de l’Éducation des provinces concernées. Afin de mener une recension des écrits plus exhaustive, nous avons parcouru les différentes sections des sites à la recherche d’une documentation traitant de la diversité. Nous avons choisi de nous intéresser aux textes officiels, plus précisément à ceux professionnels et politiques en matière d’éducation, assurant ainsi une meilleure vue d’ensemble sur le sujet de la diversité. Nous désignons les textes professionnels comme étant ceux qui s’adressent plus directement aux différentes personnes qui oeuvrent dans le milieu scolaire (p. ex. parents, personnel enseignant, professionnels et professionnelles des services éducatifs complémentaires) et dans lesquels des phénomènes éducatifs sont décrits ou des pratiques enseignantes sont recommandées. Nous qualifions de textes politiques tout document traduisant des lois, des intentions ou des objectifs gouvernementaux en termes d’éducation (p. ex. plan d’action, régime pédagogique, loi sur l’instruction publique).

Comme l’indique le tableau 1, nous avons retenu 106 textes officiels, dont 63 professionnels et 43 politiques, à l’issue de la démarche de recension des écrits.

Tableau 1

Nombre de textes officiels recensés par province traitant de la diversité à l’école

Nombre de textes officiels recensés par province traitant de la diversité à l’école

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Stratégie d’analyse des données

À la suite de la recension des écrits, l’ensemble des textes officiels a été téléversé et encodé à l’aide du logiciel qualitatif NVivo. Suivant une approche inductive, les données qualitatives ont été examinées à l’aide de l’analyse par réseau (Cohen et al., 2018). Ce type d’analyse consiste à organiser les données qualitatives collectées sous la forme d’un réseau complexe de catégories et à mettre en évidence des liens les unissant. Ces liens ont ainsi permis de faire ressortir des thèmes singuliers relatifs à la prise en compte de la diversité à l’école dans les textes officiels retenus. Enfin, à la suite de l’analyse par réseau, nous avons consulté plus en détail les données qualitatives encodées sous un même thème afin de mieux faire ressortir les résultats obtenus par province. Cet examen du corpus encodé nous a permis, entre autres, d’identifier l’absence de documentation pour des provinces concernées relativement à l’un ou l’autre des thèmes constitués à la suite de l’analyse par réseau.

RÉSULTATS

Dans ce qui suit, nous présentons les trois thèmes issus de l’analyse par réseau du corpus de textes recensés : l’approche centrée sur les marqueurs de diversité des élèves, l’approche en réponse aux phénomènes socioéducatifs et l’approche centrée sur les besoins des élèves. Comme nous l’avons mentionné précédemment, nous décrivons plus en détail les résultats qualitatifs encodés sous chacun des thèmes afin de faire ressortir un portrait plus précis de chaque province sondée.

Approche centrée sur les marqueurs de diversité des élèves

D’emblée, l’approche centrée sur les marqueurs de diversité des élèves signifie que le personnel scolaire examine le profil scolaire et social des élèves à travers le prisme des difficultés ou des troubles en présence (Bauer et Borri-Anadon, 2021; Rousseau et al., sous presse). Autrement dit, ce processus d’étiquetage conduirait le personnel enseignant à intervenir sur la base du diagnostic et à éclipser les besoins sous-jacents des élèves. Au regard de la documentation recensée, l’approche dont il est question ici se retrouve dans la presque totalité des textes officiels des provinces sondées, à l’exception du Nouveau-Brunswick. En effet, la documentation disponible et consultée pour le Nouveau-Brunswick ne permet pas de circonscrire l’approche sur les marqueurs de diversité des élèves. En Alberta, plusieurs référentiels, publiés en 2006 à l’intention des acteurs et actrices scolaires, ont documenté les difficultés et les troubles des élèves (p. ex. déficience visuelle) (Alberta Education, 2006), trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (Alberta Education, 2008)). Quant à la Saskatchewan, elle a recours encore à ce jour à une nomenclature de catégories de soutien intensif qui objective, entre autres, certains troubles de santé mentale ou conditions particulières, comme le trouble du spectre de l’autisme, pour prévoir le déploiement des ressources financières et humaines (ministère de l’Éducation de la Saskatchewan [MES], 2021). Cette forme de catégorisation des difficultés est également reprise dans le document L’éducation inclusive (MES, 2021) dans lequel est aussi promulguée une approche centrée sur les besoins des élèves, qu’ils soient en difficulté ou non. Le Manitoba n'échappe pas non plus à la tendance : quelques référentiels sont offerts sur les troubles d’apprentissage et affectifs (EFM, 2016; Enfants en santé Manitoba, 2013) ainsi que sur le trouble du spectre de l’autisme (Éducation, Citoyenneté et Jeunesse Manitoba [ECJM], 2006). D’ailleurs, le gouvernement du Manitoba (2013) mettrait à profit l’approche Wraparound, qui consiste à « intégrer des services à l’élève multiples, à encourager l’utilisation la plus efficace des ressources financières et à favoriser le suivi continu des résultats des élèves et la communication entre les parents et les multiples fournisseurs de services » (p. 6). Concernant l’Ontario, cette province s’inscrirait elle aussi dans une approche centrée sur les marqueurs de diversité des élèves puisqu’elle traite de catégories d’anomalies.

La Loi sur l’éducation définit l’élève en difficulté comme « un élève atteint d’anomalies de comportement ou de communication, d’anomalies d’ordre intellectuel ou physique, ou d’anomalies multiples qui appellent un placement approprié [...] dans un programme d’enseignement à l’enfance en difficulté ».

MEO, 2017, p. D40

De même, le MEO (2013, 2014a) a diffusé des guides sur les problèmes d’attention, d’hyperactivité, d’impulsivité, de comportement, d’alimentation, de poids, de jeu et de consommation. Au Québec, l’approche catégorielle des difficultés serait toujours d’actualité (Beaudoin et Rousseau, sous presse; ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport [MELS], 2007). Pour sa part, le ministère de l’Éducation de la Nouvelle-Écosse [MENE] (2008) a élaboré une Politique en matière d’éducation spéciale ayant pour but d’« aider les conseils scolaires à mettre au point leurs propres politiques définissant l’orientation de la prestation des programmes et des services pour les élèves qui ont des besoins spéciaux » (p. 1). Cette politique appelle le personnel scolaire à tenir compte des besoins des élèves tout en focalisant sur leurs difficultés ou sur leurs troubles.

Approche en réponse aux phénomènes socioéducatifs

Nous définissons l’approche en réponse aux phénomènes socioéducatifs comme portant essentiellement sur la conscientisation et l’intervention à l’égard des formes d’exclusion, de discrimination et d’oppression qui ont cours en milieu scolaire. Ainsi, nous constatons que des instances politiques et scolaires auraient tendance à porter une attention particulière aux différents phénomènes qui viennent affecter négativement le devenir des élèves et, plus largement, le climat de l’école (p. ex. violence, intimidation, racisme, homophobie). Pour ce faire, ces instances ont formulé des approches ou des pratiques pour amenuiser l’incidence de ces phénomènes socioéducatifs. Ainsi, l’approche en réponse à ces derniers concerne la documentation de toutes les provinces, sauf la Nouvelle-Écosse. De son côté, l’Alberta s’est engagée à créer des environnements d’apprentissage accueillants, bienveillants, respectueux et sécuritaires (Alberta Education, 2016a). De plus, elle a établi les bases pour que des pratiques exemplaires soient mobilisées auprès des élèves issus de la diversité sexuelle et de genre. « Les alliances gais-hétérosexuels et allosexuels-hétérosexuels (AGH/AAH) sont une façon efficace et éprouvée de créer des climats inclusifs et positifs pour tous les élèves. Elles contribuent également de façon importante à l’apprentissage et au bienêtre des élèves. » (Alberta Education, 2016b, p. 1)

Cette même orientation a été prise par les décideurs et décideuses politiques en matière d’éducation de la Saskatchewan, qui ont publié un texte sur les situations d’oppression et de harcèlement pouvant être vécues par les personnes qui s’identifient, notamment, autres qu’hétérosexuelles.

Il est important de reconnaitre l’existence des privilèges hétérosexuels, parce que comme dans le cas de tous les autres genres d’oppression, la discrimination dont font l’objet les jeunes à orientations sexuelles diverses et à genre fluide est liée de façon inhérente aux avantages accordés aux personnes hétérosexuelles dans une société hétéronormative, et amplifiée par ces avantages.

MES, 2015a, p. 19

Toujours en Saskatchewan, le ministère de l’Apprentissage de la Saskatchewan (2006) s’est doté d’une politique de prévention de l’intimidation, en plus de déposer un plan de lutte contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement. Pour ce qui est du Manitoba, Éducation et Formation Manitoba (2017a) s’est penchée sur le racisme subi à l’école par les Premières Nations, les Métis et les Inuits ainsi que sur les moyens à mobiliser pour lutter contre cette forme de discrimination (p. ex. entamer des discussions critiques avec les élèves sur la race). Elle s’est engagée à soutenir les élèves trans ou issus d’une diversité de genres et à contrer les formes d’exclusion et de discrimination possibles dans les écoles manitobaines (EFM, 2017b). Pour l’Ontario, la documentation met l’accent sur les mesures pour contrer l’intimidation, le harcèlement ou la discrimination à l’école afin que les acteurs et actrices scolaires (élèves, personnes enseignantes, parents) puissent intervenir pour y mettre un terme, favorisant ainsi l’expression de la diversité (MEO, 2014b, 2017, 2019). Le Québec tient également compte de l’intimidation (ministère de l’Éducation, 2023), de l’homophobie et de l’intolérance à l’égard de la diversité de genre (ministère de l’Éducation, 2021a). À son tour, le Nouveau-Brunswick aborde l’intimidation, le racisme (gouvernement du Nouveau-Brunswick, 2022) de même que la diversité sexuelle et de genre (ministère de l’Éducation et du Développement de la petite enfance du Nouveau-Brunswick [MEDPENB], s. d. a, s. d. b).

Approche centrée sur les besoins des élèves

L’approche centrée sur les besoins des élèves se préoccupe, comme l’évoque son appellation, spécifiquement des besoins manifestés, et ce, peu importe que les élèves soient tout-venant ou en difficulté (Rousseau et al., sous presse). En d’autres mots, le personnel scolaire est invité à soutenir les élèves sur les plans personnel et scolaire en fournissant une écoute, des ressources et des interventions appropriées à leur réalité. La totalité des provinces s’engagerait dans une approche centrée sur les besoins, tantôt par le biais de la différenciation pédagogique, tantôt par celui de l’éducation inclusive. En Alberta, le texte Faire une différence. Répondre aux différents besoins en matière d’apprentissage à l’aide de la différenciation pédagogique (Alberta Education, 2010) illustre bien la considération portée à la diversité des contextes scolaires dans lesquels peuvent évoluer les élèves et les différentes caractéristiques qui leur sont propres en termes d’apprentissage ou de comportement.

La différenciation pédagogique constitue une philosophie et une approche pédagogique dans le cadre desquelles les enseignants et les communautés scolaires s’emploient activement à favoriser l’apprentissage de tous les élèves au moyen d’une évaluation stratégique, d’une planification réfléchie, de même que d’un enseignement souple et ciblé.

Alberta Education, 2010, p. 2

Cette prise en compte de la différenciation pédagogique est aussi partagée par le Québec (ministère de l’Éducation, 2021b) et la Saskatchewan (ministère de l’Éducation de la Saskatchewan, 2017). Au Québec, le concept de différenciation pédagogique met l’accent sur la diversité des caractéristiques des élèves.

Elle s’effectue par l’entremise de l’enseignement, de l’apprentissage et de l’évaluation. Elle consiste à ajuster les interventions aux capacités, aux besoins et aux champs d’intérêt diversifiés d’élèves d’âges, d’origines, d’aptitudes et de savoir-faire hétérogènes, leur permettant ainsi de progresser de façon optimale dans le développement des compétences visées par le programme. La différenciation pédagogique est soutenue par des valeurs, des représentations et des croyances éducatives, notamment celle que tous les élèves ont le potentiel nécessaire pour réussir et que chacun peut progresser dans le respect de sa spécificité.

ministère de l’Éducation, 2021b, p. 2

En outre, le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur [MEES] (2017b), dans sa Politique de réussite éducative, mise sur la considération des besoins diversifiés des élèves pour tendre vers leur réussite.

La diversité des besoins est également liée aux conditions particulières des enfants ayant des besoins particuliers et des élèves handicapés, en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage, ou de ceux issus de milieux économiquement défavorisés. Cette grande diversité ne doit cependant pas faire perdre de vue les besoins des personnes douées ou exemptes de difficultés particulières.

MESS, 2017b, p. 14

Pour sa part, le ministère de l’Éducation de la Saskatchewan (2017) considère que l’environnement d’apprentissage en contexte de pédagogie différenciée repose sur la mise en place d’un milieu « qui respecte l’identité de tous les élèves, y compris les élèves à orientation sexuelle différente ou à genre variable » (p. 8). Il rappelle que les pratiques doivent être modélisées par le personnel enseignant et les élèves quant au respect de la diversité culturelle et linguistique, en encourageant les apprenants et les apprenantes à parler de leur langue et de leur culture (MES, 2017). De surcroit, ce même Ministère (2015b) priorise un modèle d’intervention qui tient compte précisément de l’ensemble des besoins des élèves. De même, dans son approche L’élève avant tout, le gouvernement saskatchewanais met également en lumière l’importance de répondre à la diversité des besoins des élèves sur le plan de l’apprentissage (p. ex. rythme et méthodes d’apprentissage variés), y compris ceux des élèves issus de l’immigration (p. ex. intégration linguistique et culturelle), tout en recourant aux principes de la pédagogie différenciée et de l’éducation inclusive (Myrasty et Prowse, 2014). Quant à ce dernier type d’éducation, le ministère de l’Éducation de la Saskatchewan (2021) privilégie une compréhension de la diversité des caractéristiques des élèves et des contextes dans lesquels ils se développent.

La diversité enrichit la culture scolaire et élargit la connaissance et la compréhension des similitudes et des différences. Dans le secteur de l’éducation, la diversité s’applique à divers contextes tels que les cultures, les situations socioéconomiques, les langues, les besoins en apprentissage, l’orientation sexuelle et l’identité de genre.

MES, 2021, p. 2

En Ontario, le MEO (2014a) conçoit l’éducation inclusive comme une occasion de s’ouvrir à la diversité et de « dépasser les étapes de la tolérance et de la satisfaction pour aller vers l’inclusion et le respect » (p. 6). De plus, le gouvernement de l’Alberta (s. d.) a emboîté le pas de l’éducation inclusive. Quoiqu’il s’agisse d’un pan de la recherche éducative en effervescence au Québec (Bauer et Borri-Anadon, 2021; Chatenoud et al., 2018; Connelly et Farmer, 2020; Fortier et al., 2018), le gouvernement du Québec ne présenterait pas à l’heure actuelle de politique ou de document-cadre relativement à l’éducation inclusive. Tout de même, le terme « inclusion » revient à quelques reprises dans certains textes sans pour autant qu’il soit traité de front (MEES, 2017b; ministère de l’Éducation, 2021b). Au Manitoba, l’inclusion scolaire passerait par la réponse aux besoins des élèves (ECJM, 2006; EFM, 2016; Éducation Manitoba, 2011). Selon Éducation Manitoba (2011), « [u]ne collectivité qui favorise l’inclusion choisit d’évoluer au rythme des besoins changeants de ses membres. En reconnaissant les besoins et en offrant de l’appui, la collectivité inclusive permet à ses membres de jouer un rôle significatif et d’obtenir un accès égal aux avantages qui leur reviennent en tant que citoyens » (p. 2). Nous notons d’ailleurs que le Nouveau-Brunswick, en plus d’aborder l’inclusion scolaire (MEDPENB, 2013, s. d. c), s’est démarqué en traitant de l’éducation inclusive sous l’angle exclusif de la diversité sexuelle et de genre : « L’inclusion de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre appuient l’éducation inclusive » (MEDPENB, s. d. a, p. 9). Pour sa part, la Nouvelle-Écosse s’est dotée d’une Politique sur l’éducation inclusive (MEDPENE, 2020) qui vise à tenir compte du bien-être des élèves et de son incidence sur les résultats scolaires. Qui plus est, il y est mentionné que les milieux scolaires qui participent à l’éducation inclusive sont soucieux de l’équité et sensibles à la culture, à la langue et aux classes sociales.

DISCUSSION

Au regard des précédents résultats, nous avons observé que l’approche centrée sur les marqueurs de diversité des élèves est commune à la presque totalité des provinces participantes, à l’exception du Nouveau-Brunswick. À l’instar de Borri-Anadon et al. (2021), qui porte un éclairage sur la représentation individuelle de la diversité, soit sur l’identification de marqueurs pour traduire la diversité des élèves, nous avons constaté que plusieurs textes officiels présentent des catégories de difficultés des élèves ayant pour objectif de mieux soutenir les intervenants et intervenantes scolaires dans la prise en charge des élèves. Toutefois, cet étiquetage serait sujet à réduire les élèves à leur difficulté et à exclure du portrait les autres caractéristiques qui forment leur personnalité (Beaudoin, sous presse).

De même, nous avons remarqué que l’approche centrée sur les marqueurs de diversité des élèves aurait tendance à cohabiter avec l’approche centrée sur les besoins des élèves. Cette dernière ne se préoccuperait pas formellement de la catégorie des difficultés ou des troubles dans laquelle les élèves pourraient être regroupés, en privilégiant plutôt les besoins en présence, que les élèves soient tout-venant ou non. Il va sans dire que cette dernière approche aurait comme avantage d’être plus universelle et moins stigmatisante pour les élèves (Rousseau et al., sous presse). De fait, comme l’ont révélé les textes officiels associés à l’approche centrée sur les besoins, la différenciation pédagogique et l’éducation inclusive feraient partie du propos de la quasi-totalité des provinces sondées, ce qui s’arrime avec la représentation contextualisée de la diversité de Borri-Anadon et al. (2021), notamment lorsqu’il est question de répondre aux besoins des élèves par une approche adaptative de l’enseignement. Parallèlement, nous estimons que la persistance de l’approche centrée sur les marqueurs de diversité des élèves s’expliquerait par le maintien d’une offre de services financée sur la base des diagnostics des élèves. Comme nous l’avons observé pour le Québec, la documentation officielle met encore en évidence l’approche catégorielle des difficultés des élèves dans l’organisation et le financement des services éducatifs (MELS, 2007). Comme le révèle le document Organisation des services éducatifs aux élèves à risque et aux élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA), le MELS (2007) prévoit deux catégories d’élèves pour lesquels des mesures de soutien sont prévues. Est reconnu EHDAA tout élève qui rencontre des difficultés adaptatives, d’apprentissage ou qui est associé à l’un des 12 codes de difficultés. Concernant les élèves à risque, ils sont décrits comme présentant « des facteurs de vulnérabilité susceptibles d’influer sur leur apprentissage ou leur comportement » (MELS, 2007, p. 24) et nécessitent des mesures d’intervention immédiates, sinon ils sont à risque d’échec scolaire. Autrement dit, l’approche centrée sur les marqueurs de diversité des élèves se justifierait par la nécessité de prévoir et d’assurer une offre de services aux élèves, particulièrement pour ceux ayant de grandes difficultés requérant la présence de personnels professionnels éducatifs qualifiés. Si l’accès aux services dépend de l’appartenance des élèves à un code ou à une catégorie de difficulté, cela supposerait que les autres élèves qui manifestent des besoins ponctuels tout de même criants seraient plus à risque d’être laissés pour compte. Il reviendrait donc à dire que l’approche centrée sur les marqueurs de diversité des élèves n’est pas la plus optimale pour soutenir l’ensemble de la population étudiante.

Par ailleurs, nous avons noté que l’approche en réponse aux phénomènes socioéducatifs semble prendre une place non négligeable dans le propos des décideurs et décideuses politiques en matière d’éducation. Soulignons que cette dernière approche inhérente à la diversité concorde avec celle de Borri-Anadon et al. (2021) sur la conceptualisation de la représentation sociale, cette dernière qui conçoit que les rapports sociaux sont le lieu de tensions dans le cas où le ou les marqueurs de diversité ne sont pas acceptés ou normalisés socialement. À ce titre, il nous est apparu que les enjeux inhérents à la diversité sexuelle et de genre à l’école (p. ex. homophobie, transphobie) ont été dépeints dans maints systèmes d’éducation provinciaux (Alberta Education, 2016b; ministère de l’Éducation, 2021a; MEDPENB, s. d. b). Cette sensibilité exprimée à l’égard de cette forme de diversité coïnciderait peut-être avec la volonté des acteurs et actrices scolaires et politiques de témoigner un appui plus catégorique aux élèves issus de la diversité sexuelle et de genre. Dans un contexte où le discours social et politique au Canada tendrait à se radicaliser (Nadeau, 2023), il est à penser que les décideurs et les décideuses politiques des provinces sondées soient plus enclins à sensibiliser la jeune population aux enjeux de la diversité sexuelle et de genre, tout en ayant comme objectif de prévenir ou d’amenuiser la discrimination à l’école. Qui plus est, cette prise en compte de la diversité sexuelle et de genre reposerait peut-être sur un plus grand respect et une application des dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés qui a été citée à certaines reprises dans les textes recensés (MENE, 2008; MEO, 2016), dont l’article 15(1) :

La loi ne fait exception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.

Gouvernement du Canada, s. d.

Bien que la charte ne soit pas formelle sur les discriminations relatives à la diversité sexuelle et de genre (p. ex. orientation sexuelle, identité de genre), il n’en demeure pas moins qu’elle s’avère explicite sur le fait que tous et toutes ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, et ce, indépendamment de toute discrimination.

Enfin, les résultats obtenus à l’issue de cette étude nous ont montré que l’objet de la diversité à l’école ferait appel à une pluralité d’approches pour l’objectiver. Cela nous inviterait à croire que la recherche sur la base des données probantes, telle que présentée par le projet de loi 23 au Québec (Assemblée nationale du Québec, 2023), serait caduque, car s’intéresser à la diversité en recherche éducative induit des méthodes de recherche qui tentent, entre autres, à sonder l’expérience singulière des acteurs et actrices scolaires (personnel enseignant, élèves) qui, elle, demeurerait plurielle et difficilement généralisable.

CONCLUSION

Le présent texte avait pour objectif de faire le bilan quant à l’enjeu de la prise en compte de la diversité à l’école au Québec et en contexte minoritaire francophone canadien. Il a été question de trois principales approches de la diversité qui ressortent des textes officiels consultés, soit l’approche centrée sur les marqueurs de diversité des élèves, l’approche en réponse aux phénomènes socioéducatifs et l’approche centrée sur les besoins des élèves. De fait, nous avons soulevé que l’approche centrée sur les marqueurs de diversité des élèves, qui cherche à catégoriser ces derniers en fonction de leurs difficultés ou de leurs troubles, semble persister dans plusieurs provinces canadiennes sondées. Tout de même, elle paraît de plus en plus côtoyer les principes de l’approche centrée sur les besoins des élèves. D’ailleurs, plusieurs textes ont traduit la volonté des instances politiques provinciales de poursuivre la promotion de l’éducation inclusive, cette dernière préconisant la prise en compte des besoins de l’ensemble des élèves. Par rapport à l’approche en réponse aux phénomènes socioéducatifs, nous avons noté que les acteurs et actrices scolaires et politiques des provinces canadiennes étudiées s’investissent dans l’objectivation des formes d’intimidation, de discrimination ou d’exclusion (p. ex. cyberharcèlement, racisme, intimidation, homophobie, transphobie) et dans l’opérationnalisation des moyens d’interventions à mobiliser dans les milieux scolaires.

Le présent exercice de recherche documentaire nous a révélé que les différentes provinces sondées supportent un discours relativement varié à l’égard de la prise en compte de la diversité à l’école. Nous avons constaté que plusieurs milieux entretiennent de plus en plus un discours favorable à la diversité et établissent des politiques éducatives en la matière afin d’assurer une plus grande cohérence dans l’ensemble des décisions prises relevant du milieu scolaire, tandis que d’autres tardent à présenter des politiques ou des textes officiels faisant foi de leur point de vue sur la diversité à l’école. Ce portrait, parfois ressemblant parfois dissemblant d’une province à l’autre, mettrait en avant-scène l’importance de tracer une ligne directrice pancanadienne quant au discours relatif à la diversité à l’école. Une vision plus commune et actuelle de la diversité à l’école conduirait peut-être des milieux scolaires à rattraper le retard sur certains enjeux et défis induits par la diversité, alors que d’autres pourraient possiblement partager et mettre à profit leur expertise sur le sujet. Derrière cette recommandation, notre but n’est aucunement de dogmatiser, d’uniformiser ou encore de cristalliser à l’échelle canadienne les principes de prise en compte de la diversité, en niant les trajectoires historiques, contextuelles, sociales, identitaires et politiques propres à chacune des provinces. De notre part, nous attendons des personnes dirigeantes politiques qu’elles s’engagent et se préoccupent toujours plus de la reconnaissance et de la célébration de la diversité des élèves pour que cette dernière les habite lorsque vient le temps d’élaborer des lois en matière d’éducation, des programmes scolaires ou des orientations éducatives.

Reconnaître l’existence de la diversité des marqueurs des élèves en éducation pourrait être perçu par certaines personnes intervenantes scolaires comme un nouveau fardeau qui s’ajoute à la réalité parfois déjà difficile décrite sur le terrain (p. ex. manque de formation pour intervenir auprès des élèves ayant des besoins particuliers, lourdeur de la tâche, manque de ressources financières et humaines). Malgré tous ces cas de figure, se préoccuper de la diversité en contexte éducatif devrait être en fait la pierre angulaire de toute intervention effectuée auprès des élèves. Enseigner demanderait en quelque sorte d’appréhender en tout temps cette diversité en classe, c’est-à-dire d’être en mesure d’identifier les besoins relatifs découlant de cette diversité, et de mobiliser de la part du personnel enseignant et professionnel des savoir-être et des savoir-faire susceptibles de soutenir les élèves. De fait, comme nous l’avons précédemment décrit dans le présent texte, plusieurs provinces s’inscrivent déjà dans une tradition d’éducation inclusive consistant à reconnaître la diversité des profils des élèves et à adopter des pratiques universelles, en partie par l’application des principes de la différenciation pédagogique. En tirant profit de ces conceptions, le personnel scolaire contribuerait à une meilleure intégration sociale des élèves, à une plus grande acceptation et ouverture à la différence de tous les acteurs et toutes les actrices scolaires, et à une mobilisation toujours plus déterminée au rejet systématique des formes d’intimidation, de discrimination, de domination et d’oppression qui ont cours dans l’espace scolaire (Bergeron, 2020).

Concernant les limites de cette recherche documentaire, notons qu’elle ne nous a pas permis d’approfondir toutes les facettes de la diversité à l’école (p. ex. croyances religieuses, réalités autochtones, droits linguistiques). D’ailleurs, il est probable que la recension de la documentation sur la question de diversité ne soit pas pleinement exhaustive : nous sommes conscients que des documents ont peut-être pu échapper à notre attention en raison de l’évolution constante du sujet. De plus, il est important de souligner que cet examen des textes officiels sur la diversité à l’école au Québec et en contexte minoritaire francophone canadien ne peut servir à rendre compte des pratiques qui ont réellement cours sur le terrain. De fait, il serait judicieux de juxtaposer les principes énoncés quant à la diversité à l’école et leur application dans le milieu scolaire de manière à évaluer le niveau d’adhésion des acteurs et actrices scolaires des différentes provinces canadiennes par rapport à la prise en compte de la diversité. De même, d’autres pistes de recherche nous apparaissent fort prometteuses pour les chercheurs et les chercheuses en éducation. Il conviendrait d’abord de déterminer les facteurs qui pourraient être en cause au Québec et en contexte minoritaire francophone canadien concernant les perceptions négatives des élèves quant à la diversité à l’école, en plus d’examiner en détail les pratiques exercées en classe pour répondre aux besoins de cette diversité. D’ailleurs, il serait pertinent de sonder précisément les élèves quant aux besoins qu’ils manifestent par rapport à la reconnaissance et à la célébration de la diversité à l’école. À ce sujet, nous pourrions étudier les effets possibles des initiatives ou des politiques déjà lancées par différents gouvernements provinciaux pour contrer les inégalités, la discrimination, l’intimidation, le sexisme, le racisme ou l’homophobie afin d’examiner si elles atteignent leurs cibles.