Volume 52, Number 1-2, Spring–Summer 2021 Les États-Unis et le monde à l’ère Trump United States and the World in Trump’s Era Guest-edited by Karine Prémont
Table of contents (10 articles)
Section thématique / Thematic Section
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La politique étrangère des États-Unis à la croisée des chemins ?
Karine Prémont
pp. 5–22
AbstractFR:
Les conséquences de la personnalité et du style présidentiel de Donald Trump sur la politique étrangère des États-Unis ont fait l’objet de nombreuses spéculations à son arrivée à la Maison-Blanche. Est-ce que les méthodes non orthodoxes de ce président inexpérimenté transformeront irrémédiablement la politique étrangère ? Est-ce que les contraintes institutionnelles et structurelles de la société américaine et du système international pourront freiner la révolution annoncée ? Après quatre ans d’une présidence tumultueuse, nous constatons plutôt que Donald Trump a mis en place une politique étrangère histrionique qui agissait comme miroir grossissant des ambiguïtés, des hésitations et des erreurs de la politique étrangère américaine depuis le 11 septembre 2001 et ce, à trois niveaux. D’abord, une rupture de ton mais une continuité sur le fond qui envoyait des messages contradictoires, tant au sein de l’appareil de sécurité nationale que dans le monde, et qui minait la crédibilité des États-Unis ; ensuite, une double crise – de l’identité américaine et de l’ordre mondial – qui faisait obstacle au compromis ; enfin, une gestion du déclin axée à la fois sur la compétition économique et le désengagement politique et militaire, qui contribuait à l’instabilité internationale et à l’affaiblissement du leadership américain. Les articles de ce numéro analysent ces éléments de la politique étrangère de Trump à travers le prisme de différents enjeux régionaux et transnationaux.
EN:
The impact of Donald Trump’s personality and leadership style on u.s. foreign policy was the subject of much speculation upon his arrival at the White House. Will this inexperienced president’s unorthodox methods irrevocably transform foreign policy ? Are the institutional and structural constraints of the American society and the international system would hinder the announced revolution ? After four years of a tumultuous presidency, we find that Donald Trump has put in place a histrionic foreign policy that acted on three levels, as a magnifying mirror of the ambiguities, hesitations, and errors of American foreign policy since September 11, 2001. First, a break in tone but a substantive continuity that sent contradictory messages, both within the national security apparatus and in the world, undermining the credibility of the United States ; second, a double crisis – of American identity and of the world order – that impeded compromises ; third, a management of decline focused on both economic competition and political and military disengagement that contributed to international instability and the weakening of American leadership. In this issue, authors analyze these elements of Trump’s foreign policy through the prism of various regional and transnational issues.
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« I Alone Can Fix It » : les conséquences de l’hostilité de Donald Trump envers l’expertise sur la politique étrangère des États-Unis
Vincent Boucher and Karine Prémont
pp. 23–49
AbstractFR:
Donald Trump a transgressé de nombreuses normes présidentielles, dont celle de la prépondérance de l’expertise dans la formulation et la mise en oeuvre de la politique étrangère des États-Unis. Alors que ses prédécesseurs ont fait preuve d’une méfiance relative envers l’expertise de l’appareil de sécurité nationale, Trump a pleinement assumé son hostilité à l’égard de ces institutions et de leurs experts. Cet article propose une analyse des trois principales conséquences de cette hostilité : fausse tension entre loyauté et compétence dans le choix des conseillers ; priorisation des gains symboliques et sous-utilisation des ressources organisationnelles qui ont nui à la mise en oeuvre de la politique étrangère et à la pérennité des changements instaurés ; et gestion de crise défaillante (covid-19).
EN:
Donald Trump broke many presidential norms, including the preponderance of expertise in the formulation and implementation of u.s. foreign policy. While his predecessors have shown a relative distrust towards the national security apparatus’s expertise, Trump has fully embraced his hostility towards these institutions and their experts. This article analyzes the three main consequences of this hostility : false loyalty-competence tension in the selection of advisors; prioritization of symbolic gains and underutilization of organizational resources that have jeopardized the implementation of foreign policy and the sustainability of instituted changes; and flawed crisis management (covid-19).
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Make Geo-Economics Great Again : la géo-économie tabloïde de Donald Trump à l’égard du Canada
Frédérick Gagnon
pp. 51–73
AbstractFR:
Les écrits sur les relations canado-américaines négligent les travaux sur la géo-économie, pour ce qui est de comprendre l’impopularité de Donald Trump au Canada durant son mandat à la Maison-Blanche. Définissant la géo-économie comme l’importation de la logique du conflit militaire dans le vocabulaire et la mise en oeuvre des politiques économiques et commerciales d’un État (Luttwak 1990), nous nous inspirons des travaux sur la « géopolitique tabloïde » de François Debrix (2008) pour qualifier la politique de Trump à l’égard du Canada de « géo-économie tabloïde ». Après avoir énoncé les principaux piliers de cette doctrine, dont la tendance de Trump à s’inspirer des procédés d’expression et du style des journaux à sensation pour décrire les enjeux canado-américains, nous montrons comment le milliardaire transforme la relation canado-américaine en important à la Maison-Blanche cette vision du Canada qui ne disparaîtra peut-être pas entièrement après qu’il ait quitté la présidence.
EN:
The literature on Canada-us relations neglects works on geo-economics to understand Donald Trump’s unpopularity in Canada during his term in the White House. Defining geo-economics as the importation of the logic of military conflict into the vocabulary and implementation of a state’s economic and trade policies (Luttwak 1990), we draw on the work on “tabloid geopolitics” by François Debrix (2008) to characterize Trump’s policy towards Canada as “tabloid geo-economics.” After describing the main pillars of this doctrine, including Trump’s tendency to use the language and style of tabloid newspapers to describe Canada-us issues, we show how the billionaire transforms Canada-us relations by importing into the White House a vision of Canada that may not disappear entirely after he steps down as President.
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De la rhétorique populiste au pragmatisme économique : la politique commerciale du président Trump
Mathieu Arès and Charles Bernard
pp. 75–98
AbstractFR:
Éclectique, revanchard, réactif sont tous des traits associés à Trump, mais est-ce que sa politique commerciale raconte la même histoire ? Pour répondre à cette interrogation, nous proposons de déconstruire l’agenda de Trump selon les zones économiques concernées par les grandes décisions exécutives du président. Par exemple, la doctrine « America First » s’articule, s’applique et s’interprète différemment face au Canada que face à un opposant hégémonique comme la Chine. Cette méthode permet d’élaguer le discours de Donald Trump et ainsi d’en analyser les tendances et les incohérences. Nous en concluons que la diplomatie commerciale américaine sous Trump est structurée autour d’une ambition idéologique visant à dévaloriser progressivement l’ordre libéral et le multilatéralisme qui le sous-tend. Conjointement à notre hypothèse, nous notons aussi que les politiques commerciales détonnant avec la rhétorique du président résultent plutôt d’une structure institutionnelle, économique et politique antérieure à Trump que d’un changement d’approche.
EN:
Eclectic, vindictive, reactive are all traits associated with Trump and his attitude towards commerce, but does his trade policy tell the same story ? To answer this question, we propose to deconstruct Trump’s agenda according to the economic zones affected by the President’s major executive decisions. For example, the America First doctrine is articulated, applied and interpreted differently regarding Canada than in relation to a hegemonic opponent such as China. This method makes it possible to prune Donald Trump’s speech and thus to analyze trends and inconsistencies. We conclude that American commercial diplomacy under Trump is structured around an ideological ambition aimed at gradually delegitimizing the liberal order and the multilateralism that underlies it. In conjunction with our hypothesis, we also note that trade policies that are in contradiction with the president’s rhetoric are more the result of a pre-Trump institutional, economic and political structure rather than a change of approach.
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La politique iranienne des États-Unis : oscillations et continuité ([1900] 1977- 2020)
Pierre Pahlavi
pp. 99–122
AbstractFR:
À travers l’analyse des approches adoptées par les différentes administrations qui se sont succédé à Washington entre 1977 et 2020, cet article vise à démontrer que, malgré des périodes de refroidissement ponctuelles et conjoncturelles, la politique de la Maison-Blanche vis- à-vis de la République islamique est, dans une large mesure, caractérisée par une logique pérenne et binaire de « neutralisation-négociations ». Ce faisant, il établit aussi que la politique de pression maximale adoptée par Washington depuis 2017, tout en constituant une rupture dans la forme, s’inscrit-elle aussi dans la continuité des efforts investis par les administrations qui ont précédé celle du président Trump.
EN:
Through the analysis of the approaches adopted by the various administrations which succeeded one another in Washington between 1977 and 2020, this article aims to demonstrate that, despite occasional and cyclical periods of cooling, the White House’s policy towards the Islamic Republic is, to a large extent, characterized by a perennial and binary logic of “neutralization-negotiations”. In doing so, this study seeks to show that Washington’s policy of maximum pressure adopted since 2017, while constituting a break in form, remains consistent with the long-term efforts invested by the different administrations which preceded that of President Trump.
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Le « nouveau départ » de la course russo-américaine aux arsenaux nucléaires
Yann Breault
pp. 123–145
AbstractFR:
Le traité de limitation des missiles intercontinentaux New start qui tombait à échéance en février 2021 a finalement été reconduit pour cinq ans, au grand soulagement de beaucoup. Néanmoins, les négociations à venir sur le contrôle des arsenaux nucléaires s’annoncent des plus difficiles. Avec l’extinction en août 2019 du traité inf sur les forces à portée intermédiaire et le réinvestissement actuel dans ce type d’armes jadis prohibé, les pourparlers se déroulent dans un contexte d’intensification de la course aux armements. Mais quelle en est la logique sous-jacente ? Pour répondre à la question, cet article remonte à ses origines au début des années 2000, sur fond d’élargissement de l’otan et de déploiement du bouclier de défense antimissile. Il étudie ensuite les conséquences de la renégociation des rapports de force qui a eu lieu lors des conflits ukrainiens et syriens. Enfin, il examine l’impact de la présidence de Donald Trump, pour qui ce n’est plus la Russie mais la Chine communiste qui constitue la principale menace envers les intérêts américains.
EN:
The New start treaty on intercontinental missile which was due to expire in February 2021 has finally been extended for five years, much to the relief of many. However, the upcoming negotiations for nuclear arms control are going to be most difficult. With the end of the inf Treaty on Intermediate-Range Forces in August 2019 and the current reinvestment in these formerly banned weapons, talks are taking place in a context where arm race is intensifying. But what is its underlying logic ? To answer the question, this article traces its roots back to the early 2000s, against the backdrop of nato enlargement and the deployment of the missile defence shield. It then explores the consequences of the renegotiation of power relations that took place during the Ukrainian and Syrian conflicts. Finally, it considers the impact of the Donald Trump’s presidency, for whom it is no longer Russia, but communist China, that poses the main threat to American interests.
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« I Have an Open Mind to It » : la diplomatie climatique américaine comme reflet des perceptions du président, de George W. Bush à Donald Trump
Christophe Cloutier-Roy
pp. 147–170
AbstractFR:
L’approche américaine en matière de diplomatie climatique oscille historiquement entre des phases de leadership et de désengagement, au gré de l’alternance entre administrations démocrates et républicaines à la Maison-Blanche. Nous inspirant des méthodes cognitives en analyse de politique étrangère, nous avons élaboré une grille d’analyse qui est complémentaire de cette explication partisane et qui nous permet de mieux comprendre ce qui sous-tend la diplomatie climatique des administrations de George W. Bush (2001-2009), Barack Obama (2009-2017) et Donald Trump (2017-2021). Plus précisément, nous montrons que les principales actions de diplomatie climatique reflètent les perceptions respectives de ces présidents concernant l’urgence de la menace climatique, l’importance du multilatéralisme et la possibilité de collaborer avec la Chine. Nous faisons également état des conséquences probables sur les moyen et long termes des actions de diplomatie climatique de l’administration Trump et nous montrons comment l’administration Biden tente de réorienter la diplomatie climatique américaine vers plus d’engagement.
EN:
The United States’ climate diplomacy has historically oscillated between phases of leadership and disengagement, reflecting the changeovers between Democratic and Republican administrations in the White House. Building on cognitive methods in foreign policy analysis, we came up with an analytical frame which furthers this partisan explanation and allows us to better understand the reasons underlying the climate diplomacy of the George W. Bush (2001-2009), Barack Obama (2009-2017) and Donald Trump (2017-2021) administrations. We show that the main climate diplomacy actions of those administrations reflect those Presidents’ perceptions regarding the climate threat, the importance of multilateralism, and the Sino-American relationship. We also argue that the Trump administration’s climate diplomacy actions may have long-lasting consequences that are detrimental to the global fight against climate change, and we show how the Biden administration has tried so far to reorientate American climate diplomacy toward a greater engagement.
Tribune du Forum St-Laurent sur la sécurité internationale / Tribune: Forum St-Laurent sur la sécurité internationale
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La politique étrangère américaine est (désormais) la continuation de la politique (intérieure) par d’autres moyens
Charles-Philippe David
pp. 171–187
AbstractFR:
La politique étrangère américaine ne vise plus la quête d’un « intérêt national » et des objectifs internationaux fondés sur l’appréciation au mérite mais relève plutôt de calculs politiques et de considérations électoralistes. Cette réalité n’est pas nouvelle mais elle s’est grandement accentuée sous la présidence de Trump. La question est de savoir si le président Biden pourra enrayer cette tendance. Tout indique que non. Plusieurs dimensions internes auront pour effet de miner considérablement sa politique étrangère et de contrer les espoirs d’un « retour » des États-Unis au rang de leader internationaliste, comme cela fut largement le cas après la fin de la guerre froide. La politique étrangère américaine est désormais soumise aux aléas de la politique intérieure.
EN:
U.S. foreign policy no longer aims at the pursuit of a “national interest” and international goals based on merit, but is essentially a result of political calculus and electoral considerations. This reality is not new but has greatly increased under the presidency of Donald Trump. The question is whether President Biden can stop this trend. The short answer is no. Several domestic factors will affect American foreign policy and undermine hopes of a “return” of the United States as internationalist leader, the way it has been after the end of the Cold War. U.S. foreign policy is now clearly subject to the vagaries of domestic politics.
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Le monde à l’heure du nouveau désordre nucléaire
Michel Fortmann
pp. 189–214
AbstractFR:
Le système international vient d’entrer dans une nouvelle ère nucléaire que l’on peut qualifier de « désordre multilatéral ». Cette situation est caractérisée par une compétition stratégique accrue entre grandes puissances, en particulier les États-Unis, la Russie et la Chine, l’émergence de technologies déstabilisantes pour la dissuasion, une accélération de la prolifération au niveau régional et l’affaiblissement des normes internationales qui ont favorisé le contrôle des armes nucléaires et freiné leur diffusion. Cet article examine de façon critique chacune de ces tendances et propose quelques pistes de réflexion quant à l’issue de cette situation.
EN:
In the past decade, the world has entered a new nuclear age : relations among the major nuclear powers (United States, Russia and China) have grown more competitive, the spread of nuclear weapons to new states has resulted in worrying regional nuclear instabilities, and technological advances are raising new threats, while Arms Control is in a state of near total collapse. A new multilateral nuclear disorder, combining traditional concerns with distinctive new dangers, is here. The perils of this new and still evolving nuclear reality must be understood. The purpose of this article is to present a critical analysis of this reality and offer some thoughts regarding the future of the nuclear (dis)order.
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Le retour au terrain comme condition de déploiement d’une politique étrangère féministe canadienne
Laurence Deschamps-Laporte
pp. 215–235
AbstractFR:
Cet essai présente une réflexion sur la manière dont le Canada peut renforcer sa politique étrangère. Afin de se différencier des grandes puissances et de déployer une politique étrangère stratégique, le Canada doit d’abord approfondir et mettre en oeuvre sa politique étrangère féministe. Une politique féministe force une réflexion stratégique d’ensemble. Cette politique est plus inclusive et démocratique, car elle met notamment l’accent sur l’accès et la participation de la société civile dans le système international. Si elle est mise en oeuvre de manière rigoureuse, elle présente une occasion de consolider la cohérence entre l’implémentation de politiques liées aux enjeux féministes au Canada et ceux à l’étranger. Une politique féministe doit nécessairement être enracinée dans le terrain et répondre aux besoins des communautés ; elle doit donc être soutenue par une présence accrue des diplomates canadiens à l’étranger et une empreinte diplomatique robuste.
EN:
This essay presents some strategic considerations on how Canada can strengthen its foreign policy. To differentiate itself from great powers and deploy a strategic foreign policy, Canada must deepen and implement its feminist foreign policy. A feminist foreign policy is a forcing mechanism for the undertaking of a holistic strategic review. Such a policy is more inclusive and democratic in nature as it emphasizes civil society access and participation in the international system. If this policy is implemented in a rigorous manner, it presents an opportunity to consolidate the coherence between Canada’s intervention on feminist issues at home and abroad. A feminist approach in foreign affairs must be rooted in the field and target the needs of communities ; thus it must be supported by a greater presence of Canadian diplomats abroad and a robust diplomatic footprint.