Essai analytiqueAnalytical Essay

Repenser le narratif de l’histoire diplomatique canadienneRethinking the Narrative of Canadian Diplomatic History[Record]

  • Marc-André Anzueto

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  • Marc-André Anzueto
    Département des sciences sociales, Université du Québec en Outaouais (UQO) Gatineau, Québec, Canada
    marc-andre.anzueto@uqo.ca

Donaghy Greg et David Webster, 2019, A Samaritan State Revisited: Historical Perspectives on Canadian Foreign Aid, Calgary, University of Calgary Press.

McKercher Asa et Phil Van Huizen, 2019, Undiplomatic History. The New Study of Canada and the World, Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press.

Tunnicliffe Jennifer, 2019, Canada and the International Bill of Rights, 1947-76, Vancouver, UBC Press.

En juin 2020, le Canada a essuyé un revers diplomatique lors de sa deuxième tentative d’obtenir un siège non permanent au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies (onu). Certes, la défaite de 2010 pouvait être attribuée à plusieurs facteurs liés aux transformations de la diplomatie canadienne sous l’ère du gouvernement Harper (2006-2015), notamment une réduction de l’aide au développement envers l’Afrique et une posture pro-israélienne au Moyen-Orient. Qui plus est, le désintérêt du gouvernement Harper envers le multilatéralisme onusien, un changement de cap en matière environnementale et un appui sans réserve aux entreprises canadiennes du secteur extractif ne sont pas passés inaperçus chez les différents acteurs de la société internationale. Or, l’échec de 2020 a mis en évidence les dissonances entre l’image et le récit entretenus par les politiciens canadiens sur le rôle du Canada dans le monde, fortement influencés par l’internationalisme libéral canadien, et son impact réel sur la politique mondiale du 21e siècle. Ce décalage narratif entre le discours et l’action du Canada dans le monde est propice à une relecture de son histoire diplomatique. Cet essai mobilise un corpus composé de trois ouvrages qui proposent de repenser de façon critique l’historiographie diplomatique canadienne. D’abord, le regretté historien Greg Donaghy, ancien chef de la Section des affaires historiques pour Affaires mondiales Canada (AMC), jadis le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, et David Webster, professeur d’histoire à l’Université Bishops, co-dirigent un ouvrage collectif qui reprend le titre de l’ouvrage de Keith Spicer (1966) où la notion « d’État samaritain » était le point de départ d’une réflexion sur l’évolution de l’aide canadienne envers le Sud global. De leur côté, les historiens Asa McKercher, professeur au Collège militaire royal du Canada, et Phil Van Huizen, conseiller aux relations avec les Premières Nations pour le gouvernement de la Colombie-Britannique, proposent un autre ouvrage collectif qui s’intéresse à la dimension « peu diplomatique » des relations extérieures du Canada. En effet, McKercher et Van Huizen (2019) s’intéressent à l’histoire transnationale et cherchent à mettre en lumière le rôle des acteurs non étatiques dans l’évolution de la diplomatie canadienne afin de faire ressortir les interconnexions entre les enjeux nationaux et internationaux sur les plans politique, social, économique et culturel. Enfin, Jennifer Tunnicliffe, professeure d’histoire à l’Université Ryerson, présente une étude détaillée de l’évolution de l’approche du gouvernement canadien et de la société canadienne envers le langage et les instruments juridiques internationaux relatifs aux droits humains. Ainsi, Tunnicliffe (2019) s’intéresse aux divers facteurs politiques, idéologiques, géopolitiques et culturels qui ont alimenté les contestations et les résistances initiales des gouvernements canadiens à l’égard des droits humains, en particulier la Déclaration universelle des droits de l’Homme (dudh) de 1948 et les pactes de 1966, c’est-à-dire le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (pidcp) et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (pidesc), tous les deux ratifiés par le Canada en 1976. Au-delà des questions de haute politique touchant principalement les enjeux de sécurité internationale impliquant les États-Unis et les pays membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (otan), les trois ouvrages cherchent à décloisonner l’historiographie canadienne des relations internationales en traitant des relations du Canada avec l’Asie, l’Afrique et l’Amérique latine et les Caraïbes. Ils mettent l’accent sur les expériences transnationales de Canadiens et Canadiennes depuis l’époque de l’Empire britannique en passant par la Guerre froide et la période de la décolonisation. Ainsi, ces trois ouvrages s’opposent à la vision romancée de l’action internationale du Canada, associée entre autres au symbole des Casques …

Appendices