Issu d’un manuel d’introduction à la stratégie de l’École de guerre de Yaoundé, cet ouvrage augmenté a été conçu comme un outil donnant les bases de la stratégie militaire théorique. L’auteur y voit un corpus d’idées qui trouve une prolongation dans le domaine universitaire au travers du champ disciplinaire des études stratégiques. « Stratégie » est ici pris au sens de « conduite des armées », mais aussi dans le sens plus noble et plus élevé de « l’art militaire ». La structure de cet ouvrage très dense va intégrer les deux grands facteurs que sont la recherche constante de l’adaptation au vu de la nature dialectique de la guerre et l’importance du facteur temps par rapport à la géographie. Intégrant autant que faire se peut les paramètres politiques, sociaux, économiques, scientifiques et technologiques, Joseph Henrotin fait oeuvre utile en donnant à connaître de manière précise et pédagogique la profondeur des concepts stratégiques et les enjeux sous-jacents. Outre une bibliographie raisonnée et un index des plus utiles, ce Précis est divisé en huit chapitres : « Définition et éléments fondamentaux » ; « De la pensée à la culture stratégique » ; « Le cadre de la stratégie » ; « La conduite de la guerre, les catégories stratégiques » ; « La maîtrise des facteurs d’incertitude » ; « Stratégies contre-irrégulières et résilience » ; « Stratégies maritime/navale et aérienne » ; « Dissuasion et maîtrise des armements ». Pour la forme et la « respiration », il est à relever que l’ouvrage intègre une quarantaine d’encadrés illustratifs présentant des exemples historiques ou des études de cas. À la fois art et science, la stratégie se conjugue en bien des orientations. La méthode déductive, la réflexion dans l’abstrait, l’hypothèse réfutée ou validée par les faits, la chrono-stratégie, l’innovation et l’adaptation : autant de concepts qui doivent être maîtrisés afin de mieux saisir les contenus de la stratégie militaire et son évolution. L’armée nationale, tout comme le groupe terroriste, sont des objets politiques avec leur idéologie. Il s’agit de bien circonscrire les termes de guerre, conflit armé, crise, sécurité, défense, puissance, autant que mieux saisir le sens de l’expression « art de la guerre » (Beaufre, Clausewitz, Fuller, Boyd, Coutau-Bégarie, Freedman). En outre, la stratégie telle que la conçoit Coutau-Bégarie peut « se décomposer » en stratégie des moyens (systèmes d’armes, industries de défense, logistique), stratégie déclaratoire (affichage des intentions, livre blanc et doctrines de sécurité, diplomatie de défense), stratégie opérationnelle, stratégie organique (organisation et agencement des forces). L’ouvrage aborde également la pensée stratégique (l’art de la guerre), pensée de l’agir dirait le général Poirier, avec la sédimentation successive d’avancées réalisées dans l’examen d’une problématique particulière (zone montagneuse, guerre urbaine, champ nucléaire, etc.) aboutissant à la publication d’une littérature riche et abondante, mais aussi inégale, depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. Pensée stratégique dont les travaux seront autant de composants essentiels des cultures stratégiques des acteurs étatiques. L’ouvrage aborde aussi les interactions entre pensée et culture stratégique avec des exemples chinois et occidentaux, africains et colombiens, dans le temps et dans l’espace. L’auteur développe par la suite les notions d’incertitude (friction, brouillard de la guerre, hasard), la dialectique des volontés opposées, les objectifs de la guerre et dans la guerre, les guerres régulières et irrégulières, la coercition, la surprise stratégique et tactique, les concepts de rupture et poursuite, retraite et victoire. Relevons particulièrement l’analyse de la stratégie alternative pour puissance nucléaire avec le cas Brossollet, défendant la mobilité tactique antichars (p. 123 sq.), la stratégie d’attrition par anéantissement rapide (p. 131 sq.), la conception de la manoeuvre chez John …
Précis de stratégie militaire, Joseph Henrotin, 2018, Institut de Stratégie comparée, Paris, coll. Hautes études stratégiques no 19, 250 pages.[Record]
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André Dumoulin
Université de Liège Liège, Belgique