Article body
Ceux qui chercheraient une mise en scène, une « conspiration » des catastrophes naturelles, seront déçus par cet ouvrage. Loin d’être soporifique, l’ouvrage de Sandrine Revet fait de façon inédite une analyse approfondie du monde des catastrophes « naturelles » et présente les secrets de la gestion des risques à travers une approche anthropologique.
Cet ouvrage est structuré en trois parties qui sont à leur tour subdivisées chacune en deux chapitres. La première partie présente la généalogie des catastrophes « naturelles » pour mieux situer leurs différentes origines et l’iconographie qui a permis de représenter les catastrophes, leurs victimes et les intervenants humanitaires : la deuxième partie renseigne sur leur caractère international et universel : et la troisième partie expose comment y faire face.
Les catastrophes n’ont pas toujours pour cause uniquement des événements naturels. En effet, les activités humaines, avec les impératifs de la consommation de masse, ont créé une forte anthropisation des écosystèmes naturels. Cette anthropisation augmente l’occurrence des événements dont peuvent résulter des catastrophes. L’exemple parfait en est le réchauffement climatique, qui contribue à la survenue de plusieurs catastrophes liées au climat (inondations, sécheresse, famines, pauvreté, etc.). Il faut également noter que pour des raisons politiques, de gestion et de volonté, les gouvernements sont souvent dans l’incapacité de bien gérer les catastrophes et tout ce qu’elles impliquent comme conséquences.
L’ouvrage montre que la communauté scientifique s’est attelée à explorer plusieurs perspectives de gestion des risques de catastrophes. En réalité, la gestion des risques de catastrophes est devenue une question multidisciplinaire car touchant à plusieurs domaines (l’environnement – incluant le climat –, la santé publique, les sciences sociales, les sciences de la terre, etc.) et plusieurs catégories professionnelles (scientifiques, humanitaires, militaires, etc.) connexes qui, malgré des objectifs parfois divergents, travaillent parallèlement à réduire aussi bien les risques de catastrophes que leurs effets. C’est ainsi qu’entre autres, les organisations internationales, les gouvernements, les organisations non gouvernementales (ONG) et les sociétés savantes ont multiplié les conventions, séminaires, tables rondes et discussions en lien avec les catastrophes « naturelles ». La gestion des catastrophes « naturelles » mobilise un nombre important d’acteurs de par le monde, offrant ainsi un nombre croissant d’emplois, des financements et d’autres opportunités. Ainsi, en 2015, « le portail mondial pour l’information sur la gestion des risques de catastrophes hébergé par les Nations unies, Prevention Web, recensait 32 600 professionnels actifs dans le secteur de la gestion des risques de catastrophes “naturelles”, contre 5000 en 2006 » (p. 15). Les catastrophes « naturelles » répondent également ainsi à un problème social : l’emploi.
Les acteurs du secteur comptent notamment pompiers, secouristes, médecins, universitaires, diplomates et experts ou consultants, venant des zones affectées ou de l’extérieur. Ces acteurs de la gestion des catastrophes n’ont ni les mêmes rôles ni le même vocabulaire, encore moins les mêmes compétences. Néanmoins, ils travaillent réellement à réduire les tragédies. La convergence plus ou moins grande des objectifs vers un intérêt commun a contraint les uns et les autres à « rendre internationales » les catastrophes, par exemple en définissant les signes conventionnels et universels reconnus par tous à propos des catastrophes, ce qui a permis d’établir des codes, des normes et des standards pour une gestion globale des risques de catastrophes et de leurs conséquences. Ces conventions ont permis de standardiser les pratiques de gestion des catastrophes « naturelles ». L’adoption des plans de gestion des catastrophes par plusieurs pays du monde dépend de ces conventions. Cette gestion, même au niveau local, entre dans un cadre international à travers l’implication de plusieurs types d’organisations (ONG locales et internationales, gouvernements, organisations onusiennes, pour ne citer que celles-là).
En outre, les standards concernant les méthodes d’évaluation du coût économique des catastrophes « naturelles » permettent de convaincre plus aisément les décideurs locaux d’investir dans la gestion des risques de catastrophes. En effet, la comparaison entre les coûts de la gestion des catastrophes et les coûts de l’inaction permet de prouver le manque à gagner des gouvernements, afin de les décider à investir dans la prévention. Ainsi, les gouvernements acquièrent des technologies de pointe, développent des plans d’urgence de gestion de crise et des plans de contingence qui sont utilisés pour simuler les catastrophes afin de se préparer à toute éventualité. Dans cette optique, les communautés locales sont incluses, surtout pour développer le volet résilience de la gestion des catastrophes.
L’ouvrage de Sandrine Revet est le fruit d’une recherche de longue haleine. À partir de méthodes qualitatives d’investigation, l’auteure a pu recueillir d’amples informations jusque-là peu connues. L’ouvrage est écrit dans un style élégant et accessible à tout public, de l’expert de la gestion des risques de catastrophes aux acteurs du secteur, sans oublier les novices. L’ouvrage, de par la rigueur de sa structure et de sa méthodologie, constituera un outil pertinent de prise de décision à tous les niveaux, car il fournit une vue globale du monde des catastrophes « naturelles ».