C’est sur fond de pressions internes et de chocs externes, de sociétés fracturées et de transitions incertaines que se dessine l’ouvrage collectif The Changing Security Dynamics of the Persian Gulf dirigé par Kristian Coates Ulrichsen. Les protagonistes sont clairement définis : ce sont les États membres du Conseil de coopération des États arabes du Golfe (ccg) ainsi que l’Irak et l’Iran. L’objectif de cet ouvrage est à la fois simple et complexe : offrir une perspective nouvelle, critique et exhaustive de l’évolution des nouvelles dynamiques sécuritaires de cette sous-région d’une grande importance stratégique. L’ouvrage dirigé par Ulrichsen est divisé en onze chapitres, rassemblant des contributeurs issus de milieux très variés. Chaque chapitre présente successivement des dimensions clés, souvent mal comprises, de la sécurité régionale : l’interdépendance et l’évolution de la sécurité nationale et régionale, le printemps arabe, la question énergétique, les liens particuliers entre les acteurs politiques et économiques, le rôle de l’Inde, la montée de l’État islamique (éi), les relations irano-saoudiennes, la transition du leadership saoudien, les manifestations dirigées par la jeunesse koweïtienne et, finalement, la transformation de la politique étrangère émirati. Après une introduction magistrale et un chapitre sur la nouvelle conceptualisation de la dynamique sécuritaire dans le golfe Persique rédigés par Ulrichsen, Toby Matthiesen propose une étude de cas multiples afin de retracer l’implication de certains États du Golfe dans la transition post-printemps arabe en Afrique du Nord (Tunisie, Égypte et Lybie). Il s’intéresse aux cas saoudien, qatarien, émirati et koweïti, et note d’abord leur tendance grandissante à l’interventionnisme et au hard power, ce qui s’explique par un désir de ne pas perdre d’influence au profit des forces rivales du monde arabe. L’auteur recense les stratégies de ces États en Afrique du Nord et les difficultés auxquelles ils sont confrontés, se concentrant sur la mobilisation de facteurs identitaires, leurs ambitions stratégiques, leurs frictions et l’implication fiscale problématique. Il conclut en insistant sur l’incertitude de l’évolution de ce contexte chaotique et constate que les efforts mobilisés, sans être fondamentalement futiles, semblent fragiles. Les deux chapitres suivants portent sur l’impact des facteurs économiques sur la sécurité régionale. Le chapitre de Gawdat Bahgat explore la question de la dépendance énergétique des marchés américain, européen et asiatique envers les États du ccg et de son impact sur l’organisation stratégique régionale. La diversification des types d’énergie et des habitudes de consommation permet aux États-Unis de diminuer leur dépendance envers le Golfe alors que la dépendance d’États comme la Chine amène Bahgat à soulever un ensemble de questions et propositions sur la redéfinition des cartes stratégiques en fonction des nouveaux acteurs régionaux et de leur niveau de dépendance. Ce chapitre avant-gardiste laisse place à une analyse des relations étroites entre le politique et l’économique dans les monarchies du Golfe, rédigée par Marc Valeri. Il présente en détail les cas des Émirats arabes unis (éau), d’Oman et du Bahreïn et note que, malgré des dynamiques différentes au sein de chaque État, il semble y avoir une tendance commune à favoriser la famille royale régnante. Cette concentration du pouvoir économique et politique entre les mains d’un groupe restreint d’acteurs entraîne de plus en plus de soulèvements de la population (exceptionnellement bien illustrés au chapitre 10, rédigé par Alanoud Alsharekh) et aura vraisemblablement un impact sur la dynamique sécuritaire régionale. Après une analyse de l’Inde comme nouvel acteur régional, de Dionysis Markakis, l’ouvrage se penche sur un des cas les plus intrigants : la montée de l’État islamique. Nussaibah Younis retrace l’évolution des membres du ccg face à cette menace, passant d’une désunion quasi totale au début de 2014 …
The Changing Dynamics of the Persian Gulf, Kristian Coates Ulrichsen, 2018, Oxford, Oxford University Press, 256 p.[Record]
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Marianne Gosselin
Département de Science Politique, Université Laval, Québec, Canada