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La géopolitique se situe au carrefour d’autres disciplines telles que l’histoire, l’économie, les relations internationales, le droit international, la stratégie et, plus particulièrement, la géographie politique. Cette dernière s’intéresse tout particulièrement aux enjeux territoriaux entre entités politiques, quelles que soient les échelles d’analyse, du local au mondial – l’objet d’étude de l’ouvrage étant le territoire étatique. Attentif aux enjeux liés aux territoires, l’auteur s’attarde particulièrement sur les questions relatives à la population, à la gouvernance et à la souveraineté de l’État, enrichissant ainsi les études internationales.
L’actualité internationale regorge d’exemples de conflits liés, directement ou indirectement, à l’exercice de la souveraineté sur tout ou partie d’un territoire. Ce dernier constitue, avec la population et le gouvernement, l’une des conditions mêmes de l’existence de l’État. Même si le territoire n’a pas été révélé avec la naissance de la géopolitique – puisqu’il est étudié dès l’Antiquité avec Sun Tse et Aristote – pour autant, il est l’une des conditions de sa reconnaissance internationale. Il s’acquiert selon trois modes : historique (décision pontificale, mariage, succession, découverte, conquête et annexion), juridique (occupation, prescription, cession territoriale, adjudication et autodétermination) et géographique dans les cas d’accroissement naturel du territoire (une île volcanique émerge ou un cours d’eau frontalier se déplace) de même que par continuité ou contiguïté – par exemple, en 1995, des affrontements ont opposé l’Érythrée au Yémen à propos de la possession des îles Hanish, au sud de la mer Rouge, avant que la Cour de justice internationale ne finisse par les attribuer ensuite en grande partie au Yémen. Bien que de nombreux différends relatifs à la souveraineté aient été réglés, d’autres apparaîtront, à la faveur de conflits ethniques et religieux, de la surpopulation, de l’épuisement ou de la raréfaction des ressources, de la hausse du niveau des mers, des déplacements de populations.
Le territoire présente des configurations qui lui sont propres quant à son étendue (Russie/Monaco), sa population (Chine/Tuvalu) et sa morphologie, certains ayant une forme compacte (France), d’autres allongée (Norvège), protubérante (Thaïlande), fragmentée (Grèce) ou perforée (Italie). Certains pays, tels les États-Unis, sont à la fois compacts, fragmentés (Alaska) et protubérants (Floride). Enfin, de nombreux États présentent des parcelles territoriales enclavées dans d’autres États (colonies juives en territoire palestinien).
L’étendue du territoire est limitée par des frontières. Le sujet reste sensible et exacerbe les rivalités, bien que la mondialisation et la constitution d’entités économico-politiques supranationales puissent créer l’illusion du contraire. Leur nombre a été considérablement accru avec la décolonisation, puis les démembrements de l’urss et de la Yougoslavie. Condition même de l’existence de l’État et de sa reconnaissance internationale, les frontières sont de plus en plus nombreuses à être fortifiées par des murs.
Les océans et mers semi-fermées, qui occupent 71 % de la surface de la planète, assurent 90 % du commerce mondial et procurent à 2,6 milliards de personnes leurs sources en protéines. Nombre d’archipels y sont disputés. Certains espaces maritimes (haute mer et zone internationale des fonds marins) ne sont pas assujettis à la juridiction d’un État côtier. Quand on compare diverses régions maritimes, on observe que le processus de délimitation est achevé dans une région au moins (la mer du Nord), qu’il est très avancé dans d’autres (mer Baltique, golfe Persique), mais à peine amorcé ailleurs (mer de Chine orientale). Plusieurs facteurs (diplomatiques, stratégiques, économiques, géographiques) facilitent ou compliquent ce processus, outre le fait que les différends concernant la souveraineté territoriale sur des îles rendent la délimitation très difficile.
Les régions polaires soulèvent de nombreuses questions géopolitiques. En Arctique, il s’agit principalement de la présence de dorsales, telle la Lomonossov, et des passages du Nord-Ouest et du Nord-Est. En Antarctique, rien n’est tranché sur ce qu’il adviendra, en 2041, à l’expiration du Traité de 1959 et du moratoire sur les revendications territoriales des sept États (Argentine, Australie, Chili, France, Nouvelle-Zélande, Norvège et Royaume-Uni).
Les États doivent aussi être distingués selon qu’ils sont en territoires enclavés (Bolivie) ou qu’ils bénéficient d’une large façade maritime (Chili), la Convention sur le droit de la mer prévoyant des droits et des obligations pour chacune de ces deux catégories (droit de transit et d’accès à la mer, quotas de pêche). Les principaux passages maritimes internationaux (détroits et canaux) sont fréquemment le lieu d’accidents, de problèmes environnementaux et de piraterie. En outre, de nombreux détroits (Gibraltar, Bab el-Mandeb, Taïwan) ne sont pas délimités par une frontière maritime et d’autres (Corfou, Grand-Belt, Johor et Kertch) ont fait l’objet d’une demande d’interprétation judiciaire ou arbitrale.
Enfin, le territoire recèle des ressources naturelles qui sont au coeur même de la géopolitique. Ainsi, l’eau soulève divers problèmes, notamment quant à son usage dans le réseau fluvial en Europe (Danube), en Afrique (Nil et Chobe), au Proche et au Moyen-Orient (Jourdain, Tigre et Euphrate), en Asie (Indus, Mékong, Syr-Daria et Amou- Daria) et en Amérique latine (Uruguay, San Juan et Silala). Les ressources biologiques, notamment celles assurées par la pratique de la pêche, sont l’objet de divers règlements : eaux norvégiennes, eaux islandaises, golfe du Maine, golfe du Saint-Laurent, mer du Groenland, océan Atlantique Nord-Ouest, mer Rouge, mer des Caraïbes, fleuve San Juan, océan Austral et océan Pacifique Sud-Est. Les ressources minérales offshore ont elles aussi suscité de nombreux différends : mer du Nord, mer du Groenland, mer Méditerranée centrale, golfe Persique, mer Rouge, océan Pacifique Centre, mer des Caraïbes, golfe du Bengale et Zone internationale des fonds marins.
Facile à lire et illustré par de nombreuses études de cas, l’ouvrage intéressera le plus grand nombre. Il convient de saluer, aussi, la présence de nombreuses figures explicatives et d’une riche bibliographie.