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Introduction

Pendant près d’une décennie, la Chine a consolidé sa position en tant que principal partenaire commercial du Brésil. Durant cette période, la structure du commerce bilatéral a été caractérisée par la spécialisation du Brésil dans l’exportation des produits agricoles et des métaux ainsi que par la présence croissante de produits manufacturés chinois au Brésil. La force de la demande chinoise a changé le profil qualitatif des exportations brésiliennes.

Bien que le Brésil ait accumulé d’importants excédents avec la Chine au cours des dernières années, un certain nombre de variables macroéconomiques renforcent la tendance à la reprimarisation des exportations brésiliennes. La surévaluation du taux de change par rapport au dollar et le niveau élevé des taux d’intérêt réels ont favorisé le développement du modèle rentier-extractiviste au Brésil. En découle l’absence de politiques industrielles actives qui pourraient inverser le processus de reprimarisation. Dans ce contexte, il est clair que l’évolution récente de la relation commerciale entre le Brésil et la Chine a également eu des conséquences sur la structure industrielle du Brésil, accentuant le double processus de désindustrialisation et de reprimarisation.

Les nouveaux accords mégarégionaux, tels que le Partenariat transpacifique (ptp), ont le potentiel d’influencer les échanges commerciaux bilatéraux de grandes économies comme le Brésil et la Chine. Même si les deux pays ne font pas partie du ptp, cet accord aurait un impact à la fois en Asie du Sud-Est et en Amérique latine. Considérant le scénario actuel de déclin de l’activité économique et de baisse de l’investissement public de l’économie brésilienne, il est prévu que les changements dans le commerce international iront consolider le modèle actuel de commerce intersectoriel, renforçant le double processus de reprimarisation et désindustrialisation. Cet article traite de l’impact du ptp sur la structure des échanges entre le Brésil et la Chine, considérant les changements tant dans le commerce international que dans l’environnement institutionnel et économique du Brésil.

L’article est divisé en trois sections. La première est destinée à présenter un aperçu des développements récents dans les relations économiques entre le Brésil et la Chine. La seconde analyse les conséquences possibles du ptp sur la configuration des échanges entre les deux pays, soulignant l’hypothèse de la consolidation du double processus de reprimarisation/désindustrialisation. La troisième vise à exposer les éléments du scénario économique actuel du Brésil afin de corroborer l’hypothèse selon laquelle l’entrée en vigueur du ptp va renforcer la tendance du commerce intersectoriel entre le Brésil et la Chine, confirmant l’insertion subordonnée de l’économie brésilienne dans l’économie mondiale.

I – Brésil-Chine : des relations économiques et financières florissantes, à la fois complémentaires et asymétriques

Dans un article récent intitulé « Inserção International, mercado interno e crescimento : considerações sobre o caso brasileiro », Moreira et Magalhães (2016) estiment que la financiarisation de l’économie brésilienne a résulté de l’ouverture commerciale et financière ainsi que des politiques monétaires restrictives d’inspiration libérale, basées sur des taux d’intérêt réels élevés, visant pour l’essentiel la stabilité monétaire. D’après ces auteurs, les taux d’intérêt réels élevés et l’appréciation de la monnaie nationale par rapport au dollar ont engendré des conséquences majeures sur le mode d’insertion de l’économie brésilienne dans l’économie mondiale. La première concerne la mise en place d’un processus de reprimarisation des exportations brésiliennes. Ce processus est perceptible dans la tendance à la baisse de la part des produits manufacturés dans les exportations totales brésiliennes, alors que les produits de base augmentent leur participation (Moreira et Magalhães 2016). En fait, les exportations de matières premières sont passées de 22,8 % en 2000 à 45,6 % en 2015. L’appréciation réelle du taux de change induite par les exportations de produits de base et par l’afflux de capitaux a ainsi découragé la production et l’exportation des produits industriels.

Le poids de l’industrie dans le pib décroît ainsi parallèlement de manière relative. Le niveau de sophistication technologique connaît également une chute. La contribution à la croissance de la production de l’industrie de transformation de moyenne-basse et basse technologie est plus importante que celle de haute et de moyenne-haute technologie. La part des produits manufacturés dans les exportations a chuté, passant de 74,5 % en 2000 à 51,9 % en 2015 (Ministério do Desenvolvimento, Indústria e Comércio Exterior [mdic] 2016).

Le faible dynamisme des exportations industrielles s’accompagne d’une détérioration de la balance commerciale de l’industrie. Dans l’ensemble, la balance commerciale des biens industriels devient déficitaire dès 2006, et plus le produit est sophistiqué en termes technologiques, plus les échanges sont déficitaires. En 2015, le déficit de l’industrie manufacturière s’élevait à 30,7 milliards de dollars après avoir affiché un déficit record de 63,6 milliards en 2014. Des soldes négatifs ont été notamment observés dans les produits de haute et de moyenne-haute technologie (iedi, 2016).

Moreira et Magalhães (2016) concluent que le double processus de reprimarisation/désindustrialisation de l’économie brésilienne résulte d’un schéma d’économie rentière et primaire marquant la fin du modèle industriel qui a prévalu durant la période de substitution des importations (Isi). Notez que ce double processus ne résulte pas d’un manque de dynamisme du marché intérieur brésilien. En fait, ces dernières années, l’expansion du crédit, la création d’emplois formels et la politique d’appréciation du salaire minimum ont contribué à l’expansion de la demande intérieure.

En bref, la combinaison des taux d’intérêt élevés et d’un taux de change apprécié, au-delà de satisfaire les intérêts du capital financier et de confirmer la tendance de reprimarisation des exportations, a produit une régression industrielle au Brésil. Le mouvement de désindustrialisation reflète également l’inefficacité de la politique industrielle nationale combinée à un processus de libéralisation étendue et rapide du commerce. Ces facteurs ont empêché la consolidation d’une base industrielle diversifiée et compétitive au pays (Moreira et Tavares de Almeida 2012 ; Salama 2011 ; Gonçalves 2013 ; Rodrik 2011).

Le profil du commerce bilatéral entre le Brésil et la Chine ces dernières années a joué un rôle crucial dans ce double processus de reprimarisation et de désindustrialisation. Les deux pays ont des relations économiques et financières florissantes, à la fois complémentaires et asymétriques. Cependant, le courant d’échanges Chine-Brésil montre une dynamique assez déséquilibrée. La bonne performance des exportations du Brésil vers la Chine reflète le dynamisme des produits de base dans lesquels le premier est compétitif à l’échelle mondiale (Figure 1). Autrement dit, il ne s’agit pas d’une stratégie active de diversification et de création de nouveaux marchés. Les exportations brésiliennes profitent de la croissance des importations chinoises pour les produits de base.

Figure 1

Exportations brésiliennes vers la Chine, par valeur ajoutée 2008 à 2015 (G$ US)

Exportations brésiliennes vers la Chine, par valeur ajoutée 2008 à 2015 (G$ US)
Source : mdic (2016).

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La place qu’occupent les produits de base dans les exportations brésiliennes vers la Chine ne fait que stimuler une relation du type centre-périphérie. La forte entrée de devises qui découlent des exportations des ressources naturelles contribue à la chute de compétitivité de la structure productive du pays, donnant lieu au phénomène de désindustrialisation. Par ailleurs, la Chine exporte pour l’essentiel des produits manufacturés au Brésil. Elle devient de plus en plus le principal fournisseur d’un grand nombre de produits à plus forte intensité de capital et de technologie. Les importations en provenance de la Chine profitent ainsi du manque de compétitivité de l’industrie brésilienne (Figure 2).

Figure 2

Importations brésiliennes depuis la Chine, par valeur ajoutée, 2008 à 2015 (G$ US)

Importations brésiliennes depuis la Chine, par valeur ajoutée, 2008 à 2015 (G$ US)
Source : mdic (2016).

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Il faut souligner que cette configuration n’est pas une particularité des échanges Brésil-Chine, puisque, en général, cette dynamique interindustrielle s’est mise en place dans la plupart des pays de l’Amérique latine : la région fournit à la Chine presque exclusivement des ressources métalliques et agricoles, alors que cette dernière lui vend des biens industriels (Cepal 2010 ; Gallagher et Ray 2016).

Par ailleurs, la Chine ne se contente pas d’accroître les échanges au Brésil. Elle y est devenue l’un des principaux investisseurs directs étrangers. Cependant, les investisseurs chinois ne s’intéressent au Brésil que de façon très sélective. Ils y sont à trois titres. Le premier est en tant que marché, mais dans des conditions où les exportations sont l’option préférable, l’investissement direct étranger (Ide) devenant un choix de deuxième rang. Les investissements se justifient également en fonction de la dimension du marché et de l’importance stratégique régionale du Brésil. Finalement, le Brésil est aussi utile à la Chine comme source de matières premières.

II – Le ptp et le scénario d’isolement commercial du Brésil

Devant cette configuration, deux questions doivent être formulées. Dans quelle mesure le Partenariat transpacifique (ptp) peut-il affecter la dynamique commerciale entre ces deux pays ? Le ptp aurait-il pu mettre en cause le modèle intersectoriel de commerce entre ces deux pays ?

Dans un rapport publié en 2016, intitulé Panorama de l’insercíon internacional de América Latina y el Caribe : la región frente a las tensiones de la globalización, la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (Cepal) signale que les implications du phénomène de méga-accords pour l’Amérique latine et les Caraïbes sont variées et complexes et qu’elles dépendent, entre autres facteurs, de la structure de production et d’exportation de chaque pays et de chaque sous-région, ainsi que de leurs stratégies d’intégration économique internationales.

Dans le cas spécifique du Partenariat transpacifique (ptp), l’étude évalue que les implications de cet accord pour la région ne sont pas claires. D’une part, la Cepal estime que le degré d’articulation est beaucoup plus limité que celui des États-Unis et de l’Europe, ce qui reflète clairement un modèle interindustriel de commerce. D’autre part, les pays de la région qui ont des accords commerciaux avec les États-Unis et les grandes économies asiatiques ne sont pas nombreux. La Cepal estime également que la participation des pays d’Amérique latine dans le ptp ne signifierait pas nécessairement des changements significatifs dans le modèle de production et d’exportation. L’étude cite les cas du Chili et du Pérou, exportateurs traditionnels de matières premières, avec peu de commerce intra-industriel. Aussi, la participation au ptp sans la mise en oeuvre des politiques industrielles actives visant la diversification de la production et des exportations ne permettrait pas de changer le modèle actuel basé sur les ressources primaires.

Dans le cas particulier du Brésil, certaines études indiquent que la consolidation du ptp aurait des impacts négatifs sur le flux commercial brésilien. Thorstensen et Ferraz (2014) estiment que le Brésil est en train de perdre l’accès à de nombreux marchés internationaux en raison de sa non-participation à de nombreux accords commerciaux préférentiels bilatéraux et régionaux. Selon ces auteurs, ce scénario pourrait s’aggraver avec l’avancement des négociations des méga-accords préférentiels. Leur étude rend compte de simulations pour évaluer l’impact des différents accords pour le Brésil, en tenant compte de différentes hypothèses pour les secteurs agricoles et industriels. Dans le cas spécifique du ptp, la simulation considère quatre scénarios : 1) l’élimination des droits de douane entre les partenaires du ptp ; 2) l’élimination des droits de douane et la réduction de 50 % des barrières non tarifaires entre les partenaires du ptp ; 3) l’élimination des droits de douane entre les partenaires du ptp, envisageant l’adhésion de la Chine à l’accord ; et 4) l’élimination des droits de douane et la réduction de 50 % des barrières non tarifaires entre les partenaires du ptp, envisageant l’adhésion de la Chine à l’accord.

Les résultats de l’étude indiquent une réduction des flux commerciaux du Brésil dans tous les scénarios. En cas d’élimination des barrières tarifaires, la diminution des courants d’échanges est de petite taille. Par ailleurs, quand la réduction des barrières non tarifaires est également prise en compte, l’impact négatif sur le commerce extérieur brésilien devient important. Ce dernier scénario se dégrade lorsque la Chine est incluse dans le ptp. Du point de vue sectoriel, l’étude révèle que les pertes l’emportent sur les gains à la fois dans le secteur agricole et dans le secteur industriel.

Dans le même sens, Caballero Santos (2014) estime que la création d’un méga-accord régional dans le Pacifique peut entraîner le détournement des échanges affectant les pays du Marché commun du Sud (Mercosur), en particulier le Brésil. L’auteur mentionne à titre d’exemple le fait que le Brésil est actuellement un important producteur et exportateur de produits industriels vers les pays d’Amérique latine. Si les principaux partenaires de la région peuvent importer d’Asie du Sud-Est sans imposition, les exportations brésiliennes seront fortement affectées (Figure 3).

Figure 3

Exportations brésiliennes vers les pays des Amériques qui participent au PTP, par valeur ajoutée, 2015

Exportations brésiliennes vers les pays des Amériques qui participent au PTP, par valeur ajoutée, 2015
Source : mdic (2016).

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Sur cette question, il faut tenir compte du fait que l’Amérique latine est loin de former un ensemble homogène. Le processus historique d’industrialisation par substitution des importations a été fondé sur des barrières protectionnistes permettant à certains pays de produire eux-mêmes ce qu’ils importaient à l’origine, tablant ainsi sur un développement autocentré. Cette logique industrialisante avait comme proposition la rupture avec le modèle primaire extractif et agro-exportateur. L’objectif consistait à consolider un secteur manufacturier national et à développer un commerce intrarégional capable de réduire la vulnérabilité externe des économies latino-américaines. Pour les pays qui ont réussi à s’industrialiser, cette dynamique a diminué le niveau de dépendance des économies de la région par rapport aux produits venant des grands centres capitalistes. Néanmoins, elle n’a pas établi de relations commerciales solides entre les économies de la région.

Si l’on observe le problème aujourd’hui, cette dynamique d’intégration en Amérique latine est loin de se constituer. Dans le Mercosur, par exemple, les résultats commerciaux ont été fortement affectés par les mesures protectionnistes mises en place par les principaux partenaires. Comme l’ont bien souligné Arès, Deblock et Lin (2011), les initiatives d’intégration sud-américaine récentes sont plus politiques qu’économiques. L’Union des Nations sud-américaines (Unasur), notamment, n’a pas avancé dans sa proposition de rompre avec le modèle de croissance centré sur la production et l’exportation de matières premières.

Pourtant, l’insertion subordonnée dans le nouveau capitalisme financier a renforcé la logique de faible complémentarité régionale. Des pays clés de la région, comme le Brésil, ont été considérés en tant que plates-formes d’exportation de produits finis vers leurs voisins. Ainsi, bien que le Chili, le Mexique et le Pérou puissent avoir des gains de dynamisme commercial avec son adhésion au ptp, les avantages pour la région seraient dérisoires, puisque l’intégration économique y est faible.

Pour faire face à ce scénario d’isolement, il ne reste à l’économie brésilienne qu’à intensifier ses relations avec les autres régions/pays qui ne font pas partie de ce mégabloc. Cela signifierait, par exemple, des relations commerciales et productives plus étroites avec la Chine, ce qui représenterait l’approfondissement du modèle rentier-extractiviste au Brésil. Le commerce bilatéral entre les deux pays continuerait d’être décisif, accentuant le double mouvement de reprimarisation/désindustrialisation en cours. L’économie brésilienne resterait exposée à l’appétit des investisseurs chinois et à la rude concurrence des produits industriels en provenance de Chine. Une réflexion critique de la dynamique récente de l’économie brésilienne semble renforcer cette hypothèse.

III – La crise du modèle de croissance centré sur la reprimarisation et l’entrée de capitaux

La cause première de la crise économique que l’économie brésilienne connaît depuis 2015 est liée à l’épuisement du modèle des exportations axées sur les produits primaires et l’entrée de capitaux. Le Brésil avait tout misé sur les ventes internationales de ses produits de base, agricoles et minéraux. On a déjà souligné que cette stratégie a été réalisée au détriment de sa transformation industrielle. Le ralentissement de la croissance chinoise et la chute des prix de matières premières ont remis en cause le modèle de croissance extraverti brésilien. Le recul des dépenses sociales n’a fait que suivre celle des recettes fiscales. Cette dynamique a remis en cause le modèle social des gouvernements Lula et Dilma qui a entraîné à la fois un accroissement du salaire minimum et l’augmentation des politiques sociales en faveur des segments pauvres et modestes de la population.

Les mesures libérales mises en place au début du second mandat de Dilma Rousseff n’ont alors fait qu’aggraver la conjoncture économique. Le gouvernement actuel de Michel Temer intensifie l’adoption de ces mesures libérales. Cette logique aggravera la crise et tous les acquis sociaux de la période du gouvernement Lula seront remis en question. Par ailleurs, ces mesures sont favorables aux intérêts du capital financier. La logique vise à assurer aux détenteurs du capital financier des rendements élevés. Dans cette perspective, le maintien des taux d’intérêt réels élevés et les mesures visant à établir une limite aux dépenses non financières de l’État caractérisent les restrictions imposées à l’État par la logique rentière. L’adoption de politiques économiques favorisant la reprise de l’investissement, de la production et de l’emploi est complètement bloquée (Moreira et Pimentel 2015).

Le maintien de taux d’intérêt élevés, bénéficiant au capital spéculatif, et la continuité des exportations basées sur les ressources naturelles, bien que dans une moindre mesure, conduiront à une appréciation réelle du taux de change et à la perte de compétitivité des différents secteurs de l’industrie manufacturière. En conséquence, le processus de substitution de la production locale par les importations subsiste, profitant aux importations de produits manufacturés chinois. Ce mouvement de remplacement sera intensifié par la concurrence accrue en raison du faible niveau d’activité économique brésilien.

Le gouvernement actuel met en oeuvre une politique de privatisation dans les domaines de la logistique et de l’infrastructure. Il souhaite en plus céder des usines hydroélectriques ainsi que des champs de pétrole et de gaz naturel. Des entreprises de gestion de l’eau et des installations minières seront également vendues. Cette ouverture inconditionnelle de l’infrastructure brésilienne au secteur privé sera financée par les banques publiques. La dépréciation des actifs en raison de la conjoncture récessive accentue ce processus de privatisation, qui arrive au moment de l’épuisement d’un modèle de croissance tiré par la consommation qui a permis l’inclusion d’une partie importante de la population sur le marché du travail formel et la société de consommation. Le pays connaît actuellement des niveaux élevés de chômage et l’augmentation de l’informalité. Par conséquent, la privatisation ne fait que renforcer le modèle rentier/extractiviste dans le pays.

On note un fort intérêt de la part des investisseurs chinois dans cette dynamique de privatisation. Le gouvernement brésilien ne remet pas en question les rapports avec la Chine sur les plans commerciaux et financiers. Les investissements dans l’infrastructure doivent être stimulés pour permettre un écoulement continu et captif des ressources naturelles en Chine et des produits manufacturés en provenance de Chine au Brésil. Les deux pays continuent à entretenir des rapports bilatéraux caractérisés par une forte asymétrie.

Conclusion

L’évolution récente du commerce extérieur brésilien révèle un processus de régression qualitative de l’insertion internationale du pays dans la division internationale du travail. En plus des facteurs structurels qui caractérisent la subordination de l’économie brésilienne au mouvement de la mondialisation financière, la conjoncture de la formation des accords mégarégionaux, comme le ptp, renforce la tendance à la reprimarisation des exportations brésiliennes et intensifie le processus de désindustrialisation.

Quel est le rôle du ptp dans ce processus d’industrialisation ? Ce rôle est majeur dans la mesure où le ptp pourrait engendrer un affaiblissement des échanges commerciaux entre le Brésil et les pays d’Amérique latine qui sont engagés dans ce partenariat. Rappelons que ces pays sont traditionnellement des importateurs de biens industriels produits au Brésil. En ce sens, l’analyse des perspectives de la structure des échanges entre le Brésil et la Chine est essentielle non seulement parce que ce pays représente le principal partenaire commercial du Brésil, mais aussi parce que la Chine comme le Brésil ne sont pas impliqués dans le Partenariat transpacifique.

Une fois que le ptp eut articulé un certain nombre d’économies en Asie et dans les Amériques, les conséquences d’un tel accord auraient pu aller au-delà des frontières des pays concernés et pourraient impacter fortement les économies qui ne participent pas à cet accord de libre-échange, en particulier les pays d’Asie du Sud-Est et d’Amérique latine. Les impacts sur ces régions, cependant, ne sont pas homogènes, puisque le degré d’articulation des chaînes de valeur régionales est tout à fait distinct. Alors qu’en Asie du Sud-Est il existe une forte complémentarité entre les secteurs industriels des pays qui sont à l’intérieur et à l’extérieur du ptp, en Amérique latine le niveau du commerce et de l’investissement entre les industries des différents pays est trop faible.

Dans le cas des pays d’Asie, par exemple, on aurait pu envisager l’intensification des échanges commerciaux entre la Chine et le Vietnam, pays participant au ptp, et la consolidation de chaînes de production entre les deux pays. Ainsi, comme le commerce du Vietnam serait renforcé par des mesures de libéralisation du commerce prévues par le ptp, la Chine aurait tendance à développer ses exportations vers le Vietnam. Par contre, en Amérique latine, les perspectives sont différentes. Le processus historique d’industrialisation par substitution des importations a été fondé sur des barrières protectionnistes permettant au pays de produire lui-même ce qu’il importait à l’origine. Cette dynamique a réduit le niveau de dépendance des économies de la région par rapport aux produits provenant des grands centres capitalistes. Elle a également perpétué des relations commerciales faibles entre les économies de la région. L’insertion subordonnée dans le nouveau capitalisme financier a renforcé la logique de faible complémentarité régionale.

À propos de l’impact du ptp sur les flux commerciaux et financiers entre l’Asie du Sud-Est et l’Amérique latine, certaines tendances seraient observables, si l’on tient compte des conséquences que cet accord apporterait à chaque région. Dans la mesure où les chaînes de production en Asie du Sud tendraient à être renforcées par le ptp, l’Amérique latine verrait l’affirmation de son modèle d’exportation de produits de base, ce qui consoliderait sa position subordonnée au sein de la nouvelle division internationale du travail.

Prenant comme exemple paradigmatique des relations économiques entre l’Asie du Sud-Est et l’Amérique latine, la trajectoire du commerce et de l’investissement entre le Brésil et la Chine exprime également les conséquences du ptp pour les pays des deux régions qui ne participent pas à cet accord. Le Brésil et la Chine sont des centres dynamiques de ces économies régionales, et leurs actions témoignent des différents positionnements de ces régions dans la mondialisation. Ainsi, dans la mesure où la non-adhésion du Brésil et de la Chine au ptp exigerait une plus grande intensité des flux commerciaux et financiers entre ces pays, il est clair qu’il y aurait une tendance à renforcer les échanges intersectoriels. Le portefeuille de nouveaux investissements chinois au Brésil confirme d’ailleurs cette tendance. Les perspectives de gains positifs avec le ptp pour l’Amérique latine seraient rares. Pour que la région puisse bénéficier d’un plus grand dynamisme commercial, il faut reprendre des stratégies d’industrialisation active lui permettant de s’intégrer progressivement dans les chaînes de valeur globales. Par conséquent, un rapprochement de la Chine devrait être exploité afin de développer des chaînes de valeur régionales en Amérique latine.

Dans ce contexte, l’économie brésilienne a un rôle de premier plan à jouer dans la proposition de changer la structure des échanges de la région, non seulement par le degré élevé de complexité de son parc industriel, mais aussi du fait que le Brésil est le pays qui reçoit le plus d’investissements internationaux dans la région, en particulier chinois, dirigés vers des projets d’intégration de l’infrastructure logistique et productive. Ainsi, la mise en place des politiques industrielles globales visant à utiliser des capitaux étrangers au profit de la plus grande densité de chaînes de production de l’Amérique latine permettra d’approfondir la relation entre le Brésil et la Chine et pourrait renverser le double processus de reprimarisation/désindustrialisation. En l’absence de telles politiques, cependant, l’insertion subordonnée de l’Amérique latine dans le capitalisme contemporain a tendance à être renforcée par l’expansion des flux commerciaux entre l’Asie et les Amériques.