Historiquement, la guerre a toujours été l’ultima ratio dans la résolution des conflits entre sociétés et, plus récemment, entre États souverains. Cependant, elle a connu d’énormes transformations avec la fabrication d’armes de plus en plus meurtrières et de plus grande efficacité et portée. Elle a été (et reste toujours) par ailleurs l’objet de débats sur son utilité et sa justification – ce qui a mené au développement du jus ad bellum – ainsi que sur son envergure et ses conséquences – ce qui a conduit au développement du jus in bello. La guerre connaît une autre transformation importante ; alors qu’auparavant elle était la prérogative du prince, il existe maintenant un lien entre les citoyens d’un État qui ont droit de vote et les hommes et institutions politiques qui ont la responsabilité de son déclenchement et de sa poursuite. Les transformations qu’elle a subies et les avancées du droit international rendent ce lien d’autant plus important. Cet ouvrage examine certains aspects de ce lien en jetant un regard sur l’histoire de la guerre, les questions philosophiques autour de l’utilisation de la force meurtrière et les plus récents développements de cette utilisation. L’ouvrage est organisé en douze chapitres qui examinent divers aspects du lien entre la démocratie et la guerre. Christopher Kutz a assemblé les chapitres en proposant une perception particulière qu’il a de la démocratie, perception qui, selon lui, permet de mieux définir ce lien entre guerre et démocratie. Au lieu de considérer la démocratie simplement comme une question institutionnelle, l’auteur propose le concept de démocratie agencée (agentic democracy), c’est- à-dire une démocratie qui se base sur une orientation mutuelle pour agir collectivement, donc « la façon dont les individus conçoivent leurs actions par rapport à eux-mêmes et aux autres, en relation avec un ensemble plus vaste d’objectifs qui impliquent le développement ou la défense d’institutions politiques ouvertes » (page 4). La décision d’aller en guerre ainsi que la poursuite de la lutte armée font alors l’objet d’une discussion axée sur sa légitimité et sur ses limites à partir de l’orientation que la démocratie en question se donne. Kutz commence par une discussion de la question de sécurité, soulignant que le déplacement du discours sur la sécurité d’État vers la sécurité humaine des dernières années vient directement du processus démocratique dont la sécurité tire sa légitimité. Le danger vient du désir de vouloir exporter la démocratie, mettant ainsi en péril la sécurité humaine. Qui alors défend la sécurité humaine, qui en sont les combattants légitimes ? Les deux chapitres suivants examinent la question des combattants, jetant un regard sur ceux qui ne portent pas l’uniforme militaire leur donnant le droit d’utiliser la violence, mais qui se voient obligés de défendre leur conception de la sécurité humaine dans leur pays ; on trouve aujourd’hui de tels combattants en Irak, en Syrie et en Afghanistan. Liée à cette question est celle de la symétrie morale entre les combattants, entre ceux qui exportent la démocratie et ceux qui défendent leur sécurité humaine. L’auteur constate que ces deux questions sont liées d’abord et avant tout à la légitimité de la décision d’aller en guerre. Dans le chapitre qui suit, l’auteur pose un regard sur l’argument de la légitimité historique rétrospective basée sur l’espoir, voire la certitude de la victoire qu’ont souvent les hommes d’État quand ils décident d’aller en guerre ; il conclut non seulement qu’une décision prise à partir d’une justification rétrospective mène à des prises de décision irrationnelles, mais que cette décision est en contradiction avec les valeurs de la démocratie. Dans une démocratie agencée, l’orientation mutuelle dans …
On War and Democracy, Christopher Kutz, 2016, Princeton, Princeton University Press, 332 p.[Record]
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Stanislav Kirschbaum
Département d’études internationales, Collège Glendon, Université York, Canada