Comptes rendusAnalyse de politique étrangère

Watchdogs on the Hill : The Decline of Congressional Oversight of U.S. Foreign Relations, Linda L. Fowler, 2015, Princeton, Princeton University Press, 260 p.[Record]

  • Vincent Boucher

…more information

  • Vincent Boucher
    Département de science politique, Université du Québec à Montréal, Montréal, Canada

3e prix du concours de recensions 2016

À la suite d’une étude quantitative de l’ensemble des 5 381 audiences publiques et privées (executive sessions) tenues par les commissions sénatoriales sur les forces armées (Armed Services) et sur les relations extérieures (Foreign Relations) entre 1947 et 2008, Linda L. Fowler dresse un portrait exhaustif du déclin de la surveillance des politiques de l’exécutif dans le domaine de la sécurité nationale aux États-Unis. L’auteure analyse ce phénomène souvent évoqué, mais rarement étudié de manière rigoureuse, pour expliquer en partie la perte d’influence du pouvoir législatif en politique étrangère. Watchdogs on the Hill met ainsi en lumière une dimension négligée de la délégation des pouvoirs du Congrès, qui est concomitante avec l’expansion de ceux de la présidence en cette matière. Organiser des audiences afin que la Maison-Blanche, les départements et les agences fédérales soient considérés comme responsables de leurs actions, ainsi que contribuer à informer la population américaine sur les enjeux sécuritaires et internationaux du moment sont deux des principaux devoirs de la législature. Fowler explique la diminution du nombre de jours d’audiences publiques et privées tenues par les deux commissions sénatoriales à partir de la fin des années 1980 par une variété de changements institutionnels. Trois facteurs spécifiques retiennent son attention : le changement de la valeur qu’attribuent les sénateurs au travail dans les commissions, les buts et les comportements propres aux commissions étudiées ainsi que les calculs stratégiques des législateurs quant à la réputation des partis démocrate et républicain sur les dossiers internationaux. Les sénateurs ont vu leur nombre moyen d’affectations à des commissions presque doubler, passant de 2,1 en 1947 à 4,1 en 2008, alors même que la durée des sessions législatives a diminué de manière significative. Ont dès lors émergé des problèmes de charge de travail accentuée et d’allocation d’un temps de plus en plus restreint, qui ont contraint les sénateurs à tenir moins de journées d’audiences publiques et privées. De plus, l’intérêt pour ces élus de s’impliquer dans ces activités de surveillance a décru avec la réduction de la couverture médiatique du travail du Congrès à partir des années 1990. Fowler ajoute que les deux commissions étudiées servaient avant tout les intérêts de leurs membres plutôt que de s’assurer que les lois étaient respectées et que le public comprenait bien les enjeux sécuritaires. La commission des forces armées s’est surtout concentrée sur le processus budgétaire associé à la défense afin que les électeurs de ses membres bénéficient des dépenses militaires. Elle n’a pas manqué non plus d’être très attentive aux besoins des troupes lorsqu’une intervention armée était en cours. S’inspirant du modèle des « patrouilles policières » et des « alarmes de feu », Fowler indique que cette commission a eu tendance à protéger les administrations républicaines en effectuant moins d’enquêtes régulières en période de crise ou de guerre, en plus d’organiser des audiences privées lorsque le nombre de victimes américaines d’un conflit augmentait. La commission des relations extérieures a pour sa part pris l’habitude d’utiliser les audiences pour rehausser le prestige de la majorité sénatoriale et de ses membres ayant des ambitions présidentielles, et ce, au détriment du processus d’autorisation des budgets pour le Département d’État et l’aide étrangère. Cette commission ayant perdu de son lustre dans les dernières décennies, il est devenu difficile pour elle d’attirer dans ses rangs des sénateurs seniors capables de mener des audiences pour remplir la mission de surveillance de la législature. Par conséquent, ses membres ont privilégié l’organisation d’audiences générales sur la situation politique dans le monde et dans quelques régions particulières plutôt que d’exercer une surveillance contraignante pour l’exécutif. Pour remédier …