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Frozen conflicts est un ouvrage collectif dirigé par Anton Bebler, publié à la suite de la conférence internationale organisée par le Conseil euro-atlantique de Slovénie, qui s’est tenue en août 2012. Cette organisation non gouvernementale propose régulièrement des conférences internationales traitant des questions de sécurité et de coopération internationale sur le continent européen. Depuis 1997, Anton Bebler en est le président.
Frozen conflicts constitue sans nul doute une excellente porte d’entrée pour ceux qui veulent en apprendre davantage sur les sept « conflits gelés » qui y sont analysés (République de Chypre contre Chypre du Nord ; Moldavie contre Transnistrie ; Géorgie contre Abkhazie et Ossétie du Sud ; Azerbaïdjan contre Nagorny Karabakh ; Serbie contre Kosovo ; Russie contre Ukraine), des conditions de leur émergence aux possibles causes de leur perpétuation ou de leur résolution. Chaque chapitre est dédié à un cas, à l’exception du chapitre trois qui regroupe les conflits gelés d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud, du fait de leur différend commun avec la Géorgie. Les six chapitres constituant l’ouvrage se composent d’un article principal – issu de la présentation d’un conférencier (à l’exception du dernier chapitre relatif au conflit entre l’Ukraine et la Russie ajouté à postériori) – et de courts textes additionnels qui ont été commandés après la conférence, dans l’objectif avoué de proposer une perspective plus complète et impartiale des différents conflits étudiés. Ces textes complémentaires fournissent quelques corrections, principalement historiques. À noter surtout l’apport des recommandations de l’International Crisis Group, qui offrent une perspective plus pratique sur les points de tensions et les éléments nécessitant une attention particulière, en vue d’un « dégel » des conflits.
L’important travail de recherche historique est également à souligner. Il permet, en quelques pages, de saisir l’extrême complexité des conflits présentés : interventions directes ou indirectes d’acteurs divers (organisations internationales, États tiers, gouvernements) agissant à différents niveaux (international, régional, local) et dont les intérêts sont généralement divergents. Sur ce point, il est spécifiquement intéressant de noter les rôles changeants joués par la Russie dans cinq des sept cas présentés, tantôt appuyant l’entité sécessionniste contre le gouvernement central – dans le cas du conflit entre la Moldavie et la Transnistrie – tantôt soutenant ce dernier contre une entité sécessionniste. Les divers cas étudiés viennent souligner le caractère unique de ce type de conflit, et la nécessité d’une lecture contextuelle de ceux-ci. En effet, au fil des pages est révélée l’influence de l’environnement social, politique et régional dans lequel s’insère le conflit et qui lui donne une dynamique propre. Sur ce point, on notera la mise en lumière d’une certaine « interdépendance » entre les cas. Les textes, bien que présentés indépendamment, communiquent les uns les autres par l’incidence d’un conflit sur le déroulement d’un autre. Ce point est observable au chapitre trois, relatif à la Géorgie. On le retrouve également dans le dernier chapitre sur le cas du différend opposant l’Ukraine à la Russie, consécutivement à l’annexion par cette dernière de la Crimée où le gouvernement russe s’appuiera sur le précédent du Kosovo – ayant unilatéralement déclaré son indépendance en 2008 – pour soutenir le référendum tenu en Crimée et ayant conduit à la sécession de cette dernière.
Bien que l’ouvrage constitue une bonne entrée en matière pour qui s’intéresse aux conflits gelés, il ne comblera pas les chercheurs en quête d’analyse plus théorique ou de développements conceptuels importants. On regrettera, en effet, l’absence en introduction d’une revue de littérature un peu plus conséquente sur le concept central de l’ouvrage : les conflits gelés. À noter aussi le caractère essentiellement historique des articles présentés qui, s’ils fournissent nombre de détails, ne combleront pas les chercheurs plus aguerris. Les textes, souvent, ne font qu’effleurer des thèmes fondamentaux – rôle de la mémoire collective dans les conflits ; influence de l’État parent dans le positionnement et les actions de sa minorité nationale vivant sur le territoire d’un État hôte notamment – ils ne les développent pas ou ne fournissent pas de références qui pourraient être utiles à des chercheurs plus avancés ou engendrer des pistes de réflexion futures. Quant à la neutralité visée par l’ouvrage, elle semble parfois être mise à mal, particulièrement dans le cas du conflit opposant le Kosovo à la Serbie, pour lequel les textes additionnels ne suffisent pas à contrebalancer le large parti-pris de l’auteur de l’article principal. Plus généralement, les textes additionnels ne fournissent pas de véritables contre-arguments aux articles principaux. Ils se cantonnent le plus souvent à relever quelques faits historiques erronés, sans remise en cause d’une position plus générale sur le conflit.
L’ouvrage collectif proposé par Anton Bebler respecte son ambition première d’informer « the general public about several flashpoints of tensions and occasional violence which resulted in the last four decades from conflicts within and disintegration of states in or close to Europe » (page 9). Il comblera les chercheurs novices s’intéressant à la question des conflits gelés et ceux qui sont à la recherche de données historiques sur les cas étudiés. Nous regretterons cependant que pour un sujet aussi actuel, il ne soit pas fait référence à des sources plus scientifiques, même à titre informatif.