Introduction : Union africaine versus Cour pénale internationaleRépondre aux objections et sortir de la crise[Record]

  • Jean-Baptiste Jeangène Vilmer

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La Cour pénale internationale (cpi) est la pièce maîtresse de l’univers des institutions de la justice pénale internationale, car elle est la première et la seule juridiction permanente et universelle. Établie le 17 juillet 1998 par la signature du Statut de Rome, entrée en vigueur le 1er juillet 2002, cette cour dont le mandat est de juger les personnes accusées des crimes internationaux les plus graves – crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre – lie actuellement 122 États. Contrairement aux tribunaux ad hoc comme le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (tpiy) et le Tribunal pénal international pour le Rwanda (tpir), créés respectivement en 1993 et 1994 par le Conseil de sécurité, la Cour pénale internationale n’est pas une émanation onusienne et s’affiche donc comme étant « indépendante ». Contrairement aux tribunaux ad hoc également, et aux juridictions dites hybrides ou internationalisées, comme le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (qui peut toutefois être considéré comme un tribunal ad hoc, ainsi que le rappelle Viviane Dittrich dans ce numéro), les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens, le Tribunal spécial pour le Liban et les Chambres extraordinaires africaines pour juger Hissène Habré au Sénégal, la cpi ne vise pas une situation dans un État en particulier, mais toutes celles qui sont susceptibles de relever de sa juridiction dans le monde entier – et pas seulement au sein des États parties puisque, lorsqu’elle est saisie par le Conseil de sécurité, l’ensemble des États membres de l’onu ont l’obligation de coopérer avec elle, ce qui rend de fait sa juridiction universelle. Cette extension de juridiction par le Conseil de sécurité est utile car, bien qu'elle lie la majorité des États dans le monde (122 sur 193, soit 63 %), certains des plus importants ne sont pas parties au Statut, dont trois des cinq membres permanents du Conseil de sécurité (États-Unis, Russie, Chine), et d’autres pays très peuplés comme l’Inde, l’Indonésie et le Japon. Les opposants à la Cour ont alors beau jeu d’observer que 70 % de la population mondiale est exclue de sa juridiction. Huit situations font actuellement l’objet d’une procédure devant la Cour : au Soudan (Darfour), en Ouganda, en République démocratique du Congo (rdc), en République centrafricaine (rca), au Kenya, en Libye, en Côte d’Ivoire et au Mali. Cette liste explique à elle seule les attaques répétées de l’Union africaine (ua) contre la cpi depuis plusieurs années : alors que la Cour est censée être universelle, elle ne poursuit de fait que des Africains. Alors qu’elle est censée être internationale, elle serait en réalité une « Cour pénale africaine » (Ambos 2013). D’où la défiance croissante des chefs d’État africains, qui affecte la légitimité de la justice pénale internationale en général. La propagande africaine anti-cpi est apparue en 2005, en réaction à la saisine de la cpi par le Conseil de sécurité au sujet du Darfour, mais s’est surtout développée à partir de l’émission des mandats d’arrêt contre el-Béchir (2009-2010). Elle a ensuite été ravivée par l’affaire Laurent Gbagbo, arrêté et transféré à La Haye en 2011 – lui et sa femme Simone étant accusés d’avoir commis des crimes contre l’humanité en Côte d’Ivoire. Plus récemment, le transfert de Charles Blé Goudé à la CPI (22 mars 2014) a remis le feu aux poudres : Michel Gbagbo, le fils de l’ancien président, parle d’une « opération de déportation coloniale » qui est « un frein à la réconciliation ». Dans les derniers mois, toutefois, l’offensive majeure est venue d’Afrique de l’Est …

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