Comptes rendusThéorie, méthode et idées

Culture and External Relations. Europe and Beyond, Jozef Bátora et Monika Mokre (dir.), 2011, Burlington, VT, Ashgate, 216 p.[Record]

  • Louis Clerc

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  • Louis Clerc
    Département d’histoire contemporaine, Université de Turku, Finlande

Jozef Bátora et Monika Mokre ont dirigé la rédaction d’un livre riche et complexe sur la place de la culture dans les relations internationales et les politiques extérieures. L’angle est principalement celui de la philosophie, de la science politique et de la théorie des relations internationales. L’introduction du livre est une robuste mise en place des questions centrales du livre : Qu’est-ce que la culture ? Quelles sont les hypothèses sur le rôle de ce phénomène dans les relations internationales ? Quels sont les débats principaux ? Bátora, qui a lui-même écrit sur les questions de diplomatie publique et culturelle, rappelle le chantier que constituent, d’un côté, la question anthropologique des relations culturelles entre nations et, de l’autre, l’utilisation de la culture comme outil dans les politiques étrangères. Il insiste sur la question des politiques culturelles de l’Union européenne (ue), rappelant les ambiguïtés entourant la notion même de politique culturelle européenne : hormis les problèmes généraux liés à la prise de décision au sein de l’ue, une action culturelle commune pose le problème de la définition d’une culture commune. L’existence même d’un socle immatériel commun à « l’Europe » pose problème, et les problèmes se démultiplient quand la culture devient un instrument politique. Bátora expose ensuite rapidement différents débats entourant la notion de culture, en particulier la critique par Julie Reeves de la définition essentialiste, « civilisationnelle » de la culture. Le livre ouvre sur la contribution d’Erik Ringmar concernant le « grand débat chinois » conduit au Parlement britannique en 1857 autour de la question d’une intervention en Chine pour ouvrir ce pays au commerce. En traitant ce sujet, Ringmar met en avant les différents arguments qui ont accompagné les débats : la construction d’un Autre « barbare » chinois, la façon dont les partisans du libre-échange appuyèrent leur argumentaire sur un nationalisme culturel britannique et sur un « complexe de supériorité » européen, le fond politique et économique de cette question. Ringmar ne se prive pas de souligner les parallèles entre ce cas et les politiques américaines et européennes actuelles. L’article suivant pose essentiellement la même question. Agent des politiques nationales de puissance et d’intérêt, le libéralisme peut-il se considérer comme homogène et universel, confronté à un Autre barbare à « convertir », sans pour autant nier ses fondements mêmes ? Le texte est un essai de philosophie politique, écrit par Iver B. Neumann en critique des thèses de Richard Rorty. Neumann critique l’idée avancée par Rorty d’une « civilisation libérale démocrate » comme mouvement universel impliquant une dichotomie entre barbares et civilisés, Eux et Nous, et une dynamique de défense et d’attaque entre ces groupes. Neumann désapprouve aussi bien la définition de base de Rorty que l’aspect normatif de son travail. La contribution de Srdjan Vučetić revient sur un sujet mal connu, traitant de ce qu’on pourrait appeler en français le « monde anglophile » comme catégorie culturelle. La façon dont cette catégorie est construite est intéressante, et l’on pourrait faire le parallèle avec d’autres créations : les pays nordiques, le monde slave, la francophonie, etc. L’auteur ne sort pas tout le jus d’un sujet par ailleurs intéressant, mais on ne peut guère le lui reprocher considérant le format de sa contribution. Les chapitres 4 et 5 sont écrits par les directeurs de l’ouvrage. Monika Mokre revient sur les différentes formes prises par la construction de communauté au moyen d’instruments culturels, alors que Jozef Bátora expose les façons dont l’ue a intégré dans son approche de politique étrangère des outils culturels dans le cadre d’un « adoucissement » de la pesc. …