L’ouvrage de David Koplow s’intéresse à ce que l’auteur considère comme étant la nouvelle révolution dans les affaires militaires, soit une tendance au développement de nouvelles armes, non seulement plus précises mais également moins létales et, finalement, plus utilisables. Juriste, Koplow a été à plusieurs reprises au cours des trente dernières années au service de l’exécutif étatsunien dans le domaine de l’armement, de la maîtrise de l’armement ou du recours à la force armée. Fort de cette expérience, il concentre son étude sur l’évolution de certains types d’armes aux États-Unis, conjuguant explications techniques, réflexions stratégiques, analyses juridiques. Dans son ouvrage, Koplow présente avec clarté certaines des innovations majeures les plus récentes en matière d’armement. Il s’efforce de faire la lumière sur une tendance commune au développement d’armes moins destructrices et s’interroge sur l’impact de cette tendance sur la conduite des relations internationales et le recours à la force armée. L’auteur utilise des scénarios, tirés de conflits réels ou fictifs, pour présenter chacun de ses chapitres. Après quelques réflexions générales sur l’impact que de nouvelles armes peuvent avoir sur la conduite de la guerre et la notion de révolution dans les affaires militaires, sur le concept de déterrence et d’autodéterrence (le fait qu’un acteur puissant préférera s’abstenir de recourir à la force armée de peur que son action soit disproportionnée), ainsi qu’après un rappel des principes majeurs du droit des conflits armés, David Koplow passe en revue différents types d’armes. Qu’il s’agisse de munitions de précision, d’armes nucléaires de faible puissance, de mines antipersonnel « intelligentes », d’armes antisatellites ou d’armes communément considérées comme « non létales », Koplow présente l’évolution de ces différentes formes d’armement et insiste sur ce qu’il reconnaît comme étant une tendance commune, tendance d’autant plus frappante qu’elle va à l’encontre du sens traditionnel de l’évolution en la matière. Alors que, d’une manière générale, des armes de plus en plus destructrices ont été successivement inventées, la nouvelle révolution dans les affaires militaires selon Koplow a la particularité inverse : on cherche désormais à développer des armes qui soient moins puissantes, moins indiscriminées, moins dangereuses… et plus facilement utilisables. En réduisant le coût humain collatéral de frappes aériennes (frappes ciblées), en cherchant à développer des mini-armes nucléaires pour percer la roche et atteindre des cibles souterraines, en produisant des mines antipersonnel qui s’autoneutralisent au bout de quelques jours, en travaillant sur des armes antisatellites de troisième génération, destinées à neutraliser (par exemple par laser ou micro-ondes) un satellite ennemi sans pour autant le détruire, en mettant au point des armes non létales capables de mettre hors d’état de nuire des humains ou des véhicules sans les tuer ou les détruire, on recherche à avoir des armes moins disproportionnées, des armes que l’on peut véritablement employer. Bien que l’on puisse se réjouir du fait que de plus en plus d’États se dotent des moyens de cibler précisément leurs frappes, Koplow s’interroge sur l’impact de cette évolution, soulignant le risque que le développement d’armes moins puissantes, plus précises rende le recours à la force armée plus séduisant et plus fréquent. Un risque d’autant plus problématique que, pour Koplow, finalement, la plupart des systèmes d’armes présentés dans le livre n’ont que peu de rapport avec les défis majeurs en matière de sécurité auxquels doivent faire face les États-Unis à l’heure actuelle. Enfin, étant donné que tout nouveau type d’armes est voué à être développé et acquis par d’autres acteurs, une question qui se pose également pour chacune des innovations est de savoir si, en matière de sécurité nationale, il vaut mieux s’efforcer de développer ces nouvelles armes ou s’il ne …
David A. Koplow, 2009, Death by Moderation. The us Military’s Quest for Useable Weapons, Cambridge, Cambridge University Press, 293 p.[Record]
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Coralie Pison Hindawi
Department of Political Studies and Public Administration
American University of Beirut, Liban