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Le Canada est l’un des pays qui contribuent le plus à la mission de l’otan en Afghanistan. Mal comprise et souvent mal aimée, la mission en Afghanistan mérite que l’on s’y attarde vu l’ampleur de l’engagement canadien et la rupture qu’elle entraîne avec notre rôle de maintien de la paix traditionnel. Malgré le retrait annoncé des troupes canadiennes en 2011, il faut s’attarder à ce conflit, qui préoccupe depuis près de 10 ans le Canada, afin de mieux comprendre la mission et ses réelles possibilités de réussite ou d’échec. Or, l’Afghanistan doit faire face à de nombreux défis dont certains font quotidiennement les manchettes : culture de l’opium à enrayer, nécessaire formation de la police et de l’armée nationales afghanes, rôle stratégique du Pakistan, etc. Depuis quelques années, les travaux dans le champ des relations internationales portant sur l’Afghanistan prolifèrent. Cependant, l’ouvrage sous la direction d’Ehrhart et de Pentland arrive à se démarquer en abordant en profondeur les nombreux défis afghans « traditionnels », mais aussi en traitant de défis moins médiatisés et en comparant l’engagement canadien et l’engagement allemand en Afghanistan.
Faisant suite à un colloque international sur l’otan et l’engagement international en Afghanistan à Hambourg en 2007, cet ouvrage se divise en deux parties distinctes. La première section offre un portrait détaillé des principaux défis qui se posent à la communauté internationale en Afghanistan. Loin d’être homogène, la vision des différents auteurs s’exprime dans de courts chapitres abordant tous un de ces enjeux dont certains sont rarement examinés dans la littérature sur l’opération en Afghanistan, tels que l’influence de l’Iran et le travail des ong. La deuxième section aborde la mission en Afghanistan selon les points de vue canadien et allemand. Les chapitres de cette section portent sur les implications de ces missions en Afghanistan, sur la politique nationale des deux pays, sur les alliances diplomatiques et sur les enjeux critiques de la réforme du secteur de la sécurité.
Dans la première section, deux chapitres attirent l’attention, puisqu’ils portent sur des enjeux généralement moins mentionnés par les chercheurs et les médias : la relation entre l’État et la population afghane et les mythes et les réalités entourant le travail des organisations non gouvernementales (ong) en Afghanistan. Le chapitre de Florian Kühn n’étudie pas un nouveau sujet en soi puisqu’il traite des traditions afghanes et des structures de pouvoir indigènes en tant que facteur explicatif de la difficulté rencontrée par des acteurs externes à imposer une structure à l’Afghanistan. Cependant, l’apport de l’analyse de Kühn vient de ce que l’accent y est mis sur l’aspect « rentier » de l’Afghanistan. Remontant à l’époque britannique puis à l’ère soviétique, l’auteur explique en quoi le fait de vivre de rentes et de s’adapter à cette situation à travers les nombreux bouleversements historiques qu’a connus l’Afghanistan a influencé les structures étatiques internes. Les revenus internes ne constituant que 8 % des revenus totaux du pays, l’auteur aborde les conséquences de cette dépendance à l’égard de l’aide extérieure qui ne semble pas près de s’amoindrir vu le type d’aide internationale mis en place dans le cadre de la mission actuelle.
Un deuxième chapitre sort des sentiers battus. Il s’agit du chapitre de Lara Olson et d’Andrea Charron portant sur les mythes et les réalités liés au travail des ong en Afghanistan. La mission en Afghanistan constitue une opération d’un genre nouveau, à tout le moins pour l’otan. Mariant à la fois des opérations d’instauration de la paix, de stabilisation et de reconstruction étatique, la mission internationale en Afghanistan compte sur de multiples acteurs sur le terrain, et les relations civilo-militaires y prennent une place considérable. Les ong étant au coeur de la partie civile des opérations, elles doivent, plus que jamais, collaborer avec les militaires, travailler dans des cadres souvent contradictoires (opération de maintien de la paix et opérations « de guerre », par exemple) et se tailler une place dans le processus d’élaboration des politiques et de prise de décisions. Analysant le travail des ong en Afghanistan, les auteurs en viennent à la conclusion que les conseils donnés par les ong ne sont que rarement pris en compte et que leur travail n’est pas réellement considéré dans le cadre stratégique international en Afghanistan.
Ainsi, cet ouvrage sur la dure réalité de la mission afghane et sur les choix stratégiques qui doivent être faits face aux nombreux défis à relever trouve sa place dans l’abondante littérature touchant à la mission internationale en Afghanistan. La mise en exergue de l’approche canadienne face à l’approche allemande constitue une plus-value non négligeable, mais l’élément le plus intéressant réside dans les quelques chapitres qui traitent d’enjeux généralement négligés dans les analyses de la mission internationale en Afghanistan. Le néophyte ne trouvera probablement pas son compte dans ce type d’ouvrage, mais le citoyen avisé et le chercheur y trouveront certainement des analyses innovatrices et des pistes de réflexion fort intéressantes concernant ce nouveau type de mission humanitaro-sécuritaire. Qui plus est, dans le contexte de rumeurs d’une prolongation de la mission canadienne en Afghanistan, le chapitre de Kim Richard Nossal sur la participation canadienne à cette « guerre sans fin » apparaît comme prémonitoire des récents événements et peut servir à mieux comprendre la situation actuelle.