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Le traité de Lisbonne, qui renforce considérablement la forme et le contenu de la Politique étrangère et de sécurité commune ainsi que de la Politique européenne de sécurité et de défense (pesd), est en vigueur depuis le 1er décembre 2009. Or, un constat s’impose dans les écrits consacrés à l’Union européenne (ue) en tant qu’objet d’étude des relations internationales, en général, et dans celle de l’intégration européenne, en particulier : rares sont les ouvrages à synthétiser théoriquement et empiriquement son action dans le domaine de la sécurité internationale, véritable idiosyncrasisme communautaire, qui a longtemps donné du fil à retordre à tous ceux qui ont contribué à la densité des études théoriques en la matière. En effet, ni les tenants de l’intergouvernementalisme, ni ceux du néofonctionnalisme n’ont pu, de façon satisfaisante, anticiper d’abord et expliquer ensuite le développement avec succès de la dimension sécuritaire des compétences communautaires.

C’est précisément dans la première partie de l’ouvrage (Approches théoriques), portant sur les liens qui se tissent entre l’ue et la sécurité internationale, que l’on se rend compte que l’ouvrage dirigé par René Schwok et Frédéric Mérand ambitionne non pas de réussir là où d’autres ont échoué – ce qui aurait d’ailleurs été une véritable gageure –, mais simplement de restituer les principaux composants de la boîte à outils théorique de manière concise et critique à l’aune d’un matériel empirique. Ainsi, les différents contributeurs examinent successivement les théories (dans le champ de l’intégration européenne et des relations internationales) et les avatars paradigmatiques expliquant l’institutionnalisation de la politique étrangère et de défense de l’ue ainsi que la notion de gestion de crises, parangon de la réussite communautaire dans le domaine de la sécurité internationale. Notons, en fin de première partie, une contribution originale apportant une analyse politico-juridique dans l’analyse de la dimension légale de la politique extérieure de l’ue. Les contributions de la deuxième partie (Applications pratiques) se veulent plus empiriques. Si, dans leur introduction, les coordinateurs de l’ouvrage avaient bien averti le lecteur de leur choix délibéré de ne pas être exhaustifs, les principaux axes de la politique extérieure de l’ue sont tout de même traités : élargissement de l’ue, Politique européenne de voisinage, Russie, Afrique, Palestine, Méditerranée et États-Unis. Tout en passant en revue la littérature existante à l’aune de son objet d’analyse, chacun des contributeurs arrive – avec raison – à une conclusion identique : s’il existe une impasse théorique pour expliquer la totalité du processus de construction de compétences communautaires dans le domaine de la sécurité internationale, en même temps tous constatent que ces compétences contiennent des instruments exploitables pour expliquer l’acquisition par l’ue de compétences quasi régaliennes.

Sur la forme, l’exercice destiné à agencer l’ouvrage de façon binaire (approches théoriques et applications pratiques) procure au lecteur un léger sentiment de malaise. En effet, si dans le domaine des sciences sociales la théorie aide à mieux comprendre un objet de recherche, celle-ci n’est a priori utile que si elle s’appuie sur un matériel empirique collecté en parallèle. Dans ces conditions, une structure en deux parties a quelque chose de superfétatoire : d’ailleurs, les contributions de la première et de la deuxième partie – certes à des degrés divers – traitent leur objet de recherche tout en ne négligeant ni profondeur théorique ni dimension empirique. Quant au fond de l’ouvrage, on regrettera la disproportion des références théoriques : si celles qui portent sur l’intégration européenne, la pesc et la pesd sont riches et certainement exhaustives – cet ouvrage pourrait être quasiment qualifié de manuel –, celles qui sont consacrées au concept même de sécurité sont plutôt chiches, ce qui peut apparaître curieux pour un ouvrage dont le titre porte précisément sur l’ue et la sécurité internationale.

Notons, par ailleurs, l’absence étonnante de toute contribution consacrée exclusivement à la sécurité intérieure stricto sensu de l’ue (après tout l’émergence d’une dimension interne de la politique de sécurité de l’ue ne fait-elle pas aussi partie du champ de la sécurité internationale ?).

Au-delà de ces quelques sentiments en porte-à-faux, le lecteur appréciera le didactisme de l’ouvrage et y trouvera tous les éléments nécessaires pour comprendre l’expression quasi oxymorique de « supranationalisme intergouvernemental » du Britannique Jolyon Howorth pour désigner le processus d’acquisition par l’ue d’une personnalité internationale dans le domaine de la sécurité internationale.