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L’ouvrage de Dandi Gnamou-Petauton est issu d’une thèse soutenue à l’Université Paris xi en 2006 sous la direction du professeur Daniel Dormoy – qui a rédigé un brillant avant-propos pour cette publication. L’auteure reste fidèle à l’école française pour qui l’étude des organisations internationales se fait essentiellement sous un angle juridique, contrairement à son homologue anglo-saxon pour qui la science politique des relations internationales prévaut habituellement. Pour autant, l’internationaliste non initié au jargon purement juridique ne sera pas forcément découragé par la lecture d’un ouvrage mâtiné d’analyses politiques et de références historiques. On remarquera d’ailleurs qu’il s’agit là d’une force incontestable des études publiées, chez l’éditeur belge Bruylant, dans la collection Organisation internationale et Relations internationales pour laquelle l’étude des relations internationales est avant tout un art de la réflexion critique inter et transdisciplinaire.

Structuré en deux parties, dont chacune est elle-même divisée en deux sous-parties (on retrouve là une idiosyncrasie chère aux universités françaises), l’ouvrage a pour originalité de placer la dimension politico-juridique au coeur de la problématique des transformations des organisations internationales à l’aune d’un échantillon de 138 cas.

Dans une société relativement peu organisée comme l’est la communauté internationale, l’action des organisations internationales – dont la nature de sujet international est nolens volens reconnue à l’instar de celle des États – est primordiale mais, comme le souligne l’auteure, les organisations « naissent, se transforment et disparaissent ». On aurait pu craindre de lire une série de monographies hétérogènes si Gnamou-Petauton n’avait su dresser une vigoureuse et harmonieuse synthèse mettant en lumière les conditions particulières de la mue juridique des organisations internationales.

La première partie de l’ouvrage met ainsi en avant le rôle prédominant des États dans le processus de dissolution de l’organisation internationale. L’auteur souligne ainsi que plusieurs cas peuvent amener ces derniers au processus de dissolution : soit dans un souci d’adaptation aux réalités internationales (dans la majorité des cas après la Seconde Guerre mondiale, le meilleur exemple étant la Société des Nations), soit parce que l’organisation internationale a accompli son mandat originel et qu’elle peut le cas échéant être remplacée par une organisation au mandat plus vaste (par exemple, l’Organisation européenne de coopération économique remplacée par l’Organisation de coopération et de développement économiques) ou prônant l’intégration au détriment de la coopération (l’Union africaine succédant à l’Organisation de l’unité africaine). Gnamou-Petauton, par la suite, examine les fondements et les modalités juridiques de la dissolution à l’aune de l’acte constitutif de l’organisation internationale : si ce dernier prévoit les conditions dans lesquelles la fin des activités de l’organisation peut se produire, alors la personnalité juridique de celle-ci peut facilement s’éteindre ou, à défaut de dispositions conventionnelles, ce sont les États membres, au moyen d’un nouvel accord, qui procéderont à sa dissolution. Dans la seconde partie consacrée aux modalités de transfert des fonctions, droits et obligations des organisations internationales, l’auteur s’interroge sur la filiation juridique entre prédécesseur et successeur : Quelles sont les conséquences patrimoniales des organisations internationales et statutaires des fonctionnaires ? Que deviennent les traités signés par les organisations dissoutes ? Quelles sont les règles de droit privé qui s’appliquent pour leurs locaux ? Quelles sont celles qui leur sont opposables pour leur responsabilité internationale ? Remarquons que c’est certainement dans la seconde partie que l’on ressent la limite de l’exercice de l’auteure qui avait habilement réussi, dans son introduction et en première partie, à se dégager de la technique juridique dans ce qu’elle peut avoir parfois de décourageant pour le néophyte.

Nonobstant ce sentiment de porte-à-faux que l’on peut avoir à la lecture de la seconde partie, notons que la force de cet ouvrage repose autant sur la pertinence de son échantillon (conciliant organisations universelles et régionales et organisations ouvertes et fermées) que sur une analyse combinant le rôle des organisations internationales avec l’implication des États, celle-ci étant in fine la plus importante. Avec raison, Gnamou-Petauton reste prudente. Si « les organisations internationales et les États sont coauteurs » des modalités de succession, l’auteure ne perd jamais de vue que celles-ci n’existent que parce que les États le veulent bien et que ce sont précisément eux qui restent les acteurs déterminants dans la vie des organisations internationales.

Sur le plan de la forme, la structure binaire du plan permet indéniablement à l’auteur de problématiser son intellection, facilitant du même coup la lecture de l’ouvrage. Notons aussi le caractère très pratique de l’annexe, qui recense les organisations internationales ayant fait l’objet d’une succession. Cependant, où est l’indispensable index ?

Concluons que le lecteur trouvera dans l’ouvrage de Dandi Gnamou-Petauton un instrument de travail commode et rigoureux sur un sujet qui n’a que peu stimulé de travaux en français.