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Dire que 2007-2008 fut une année particulièrement houleuse pour le maintien de la paix, comme le font les directeurs de l’Annual Review of Global Peace Operations, relève très certainement de l’euphémisme. Le Soudan semble s’enliser toujours plus profondément dans une crise multiforme, qui inclut autant des éléments régionaux (relations avec le Tchad) qu’économiques (l’accès à l’eau potable et aux terres fertiles) ou proprement politiques (mobilisation ethnique et compétition pour l’obtention de postes d’influence). Le processus de consolidation étatique de la République démocratique du Congo, dopé par l’élection qui a porté Joseph Kabila au pouvoir en 2006, est mis à mal par les violences au Kivu. Les deux fleurons du maintien de la paix onusien, soit le Kosovo et le Timor oriental, vivent aussi des moments difficiles. Le Timor oriental est toujours aux prises avec un processus de fragilité institutionnelle extrême, fragilité mise au jour lors de l’effondrement des institutions de sécurité en 2006, tandis que l’avenir institutionnel du Kosovo reste incertain, faisant peser de lourdes menaces sur la mission de l’onu et de l’ue. Par ailleurs, en Afghanistan ou en Irak, où le « maintien de la paix » se conjugue avec l’utilisation de la force, les perspectives d’un rétablissement de la paix semblent toujours lointaines.
Dans ce contexte, l’Annual Review of Global Peace Operations propose, comme chaque année, des outils extrêmement pertinents pour tenter d’éclairer les dynamiques à l’oeuvre dans le maintien de la paix contemporain. Dirigée par Alhaji Sarjoh Bah, et bénéficiant d’une contribution extrêmement pertinente de Lakhdar Brahimi, ancien représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies en Afghanistan et l’auteur d’un rapport sur l’évolution du maintien de la paix, l’édition 2008 porte sur l’importance de concevoir le maintien de la paix comme faisant partie intégrante de processus politiques plus larges qui incluent prioritairement les dynamiques locales, mais aussi les dynamiques régionales et internationales. La contribution originale de Lakhdar Brahimi et de Salman Ahmed expose ainsi les sept péchés capitaux du maintien de la paix dans sa relation avec le local : l’ignorance, l’arrogance, la partialité, l’impuissance, la précipitation, la rigidité et les fausses promesses. Demandant humilité et adaptation de la part des fonctionnaires onusiens, les auteurs plaident pour un maintien de la paix propre à chaque contexte local. Par ailleurs, Alhaji Sarjoh Bah et Bruce Jones se penchent sur un aspect qui tend à prendre de plus en plus d’importance au niveau régional et international, et qui a ses propres effets sur le contexte local, soit la coordination institutionnelle entre les différentes opérations de paix. Que ce soit au Kosovo, en Afghanistan ou au Darfour, l’interopérabilité des différentes organisations internationales est un facteur que l’on ne peut éviter pour comprendre les défis posés aux missions de la paix. Ces « accords de partenariat » peuvent en effet constituer autant un atout qu’un désavantage marqué dans un contexte où la flexibilité institutionnelle est requise.
Outre ces deux contributions, l’intérêt de l’ouvrage réside surtout dans l’approche détaillée de chaque mission de maintien de la paix. Fait intéressant, l’ouvrage ne se contente pas d’aborder les missions onusiennes ; il prend en compte autant les missions d’autres organisations internationales (osce, ue, otan, cei) que les missions qui sortent du contexte multilatéral classique, la mission iraquienne par exemple. L’ouvrage s’intéresse particulièrement à sept pays (ou région), qui font l’objet d’un développement spécifique grâce à des chercheurs sur le terrain, soit l’Afghanistan, la République démocratique du Congo, le Kosovo, le Liberia, le Moyen-Orient (avec un intérêt particulier pour le Liban), le Soudan et le Timor oriental. Dans ces sept cas d’étude, l’histoire récente est détaillée, ainsi que les défis et les accomplissements des missions de maintien de la paix. L’intérêt de l’ouvrage réside aussi dans sa section statistique, qui présente un grand nombre de tableaux et de graphiques concernant le maintien de la paix contemporain. Pour conclure, il s’agit très certainement d’un ouvrage qui plaira autant aux étudiants à la recherche de clefs pour saisir et comprendre les enjeux du maintien de la paix contemporains qu’aux chercheurs ou aux praticiens des relations internationales à la recherche d’informations détaillées sur les missions de paix.