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Commençons par les statistiques. Optimistes mais précaires. Après une augmentation en 2006, le nombre des conflits en 2008 semble s’être stabilisé. Mais, dans ce domaine, la prudence s’impose. Question d’interprétation. Les nombreux centres de recherche qui travaillent sur le sujet peinent à s’accorder sur une définition claire d’un conflit. Disons pour simplifier que, si l’on prend en compte uniquement les conflits entre États, la stabilisation se confirme. En revanche, si l’on ajoute aux statistiques les conflits non étatiques, alors il faut reconnaître que la violence poursuit sa courbe légèrement descendante amorcée dans les années 1990. Voici le premier enseignement de l’ouvrage collectif dirigé par Michel Fortmann et Gérard Hervouet. Un livre qui tente de passer en revue la plupart des conflits qui ont ensanglanté l’année 2008.

Une année importante, car elle s’inscrit sous la forme d’un bilan des deux mandats de l’administration Bush. C’est aussi l’année de l’élection du premier président noir à la tête de la superpuissance étasunienne. On peut donc s’interroger : Barack Obama prend-il ses fonctions au moment où le monde vit une « désescalade considérable » des conflits, comme l’affirme l’Université allemande d’Heidelberg citée dans l’ouvrage ? Rien n’est moins évident car, là encore, tout dépend du point de vue de l’observateur. Les situations irakienne et afghane ont augmenté le nombre de pays engagés dans un conflit pour approcher le niveau maximum atteint dans les années 1950 : 33 %. Un chiffre que les auteurs relativisent en soulignant que la plupart des interventions militaires (sauf pour l’Irak en 2003) étaient appuyées par la communauté internationale avec l’objectif de séparer les belligérants. Pas de quoi donc alimenter un quelconque pessimisme. D’autant que le nombre moyen de morts par conflit engageant au moins un État diminue également : 500 en moyenne en 2006 contre 38 000 en 1950 ! Les guerres étatiques étant les plus meurtrières, leur diminution influe directement sur le taux de violence. Quid des actes de terrorisme ? Ils seraient en augmentation depuis 2003… à moins de ne pas considérer comme du terrorisme les frappes régulières des groupes violents en Irak pour les qualifier alors d’insurrection, voire de guerre. Pour en finir avec le décompte de la cruauté humaine en 2008, l’ouvrage établit le palmarès géographique de la violence mondiale avec l’Afrique en tête, suivi par le Moyen-Orient et les Amériques. Voilà pour les statistiques macabres.

L’intérêt de l’ouvrage réside surtout dans les analyses sectorielles et géographiques. On retiendra le chapitre sur la puissance des États-Unis. On ne peut s’empêcher d’y voir une sorte de legs laissé au président Obama par l’ancien président George Bush. Et ce, même si ce chapitre a été rédigé avant l’issue finale de l’élection américaine. Comment le nouveau président gérera-t-il la situation en Irak et en Afghanistan ? Quelle sera sa position vis-à-vis de Moscou : réchauffement des relations ou nouveau round de guerre froide ? Compte-t-il imposer les États-Unis dans la région de l’Arctique face aux autres pays prétendants ? Beaucoup de questions, peu de réponses tant les inconnues de l’équation sont nombreuses. Les auteurs ont toutefois raison d’écrire que les États-Unis se trouvent « à la croisée des chemins ».

Pour la Russie, les auteurs hésitent moins. Ils dessinent le portrait d’une puissance qui a décidé de stopper l’influence de l’Ouest dans ce qu’elle estime être son pré carré. Ils montrent parfaitement comment s’est opéré le retour de la Russie dans les Balkans. Après avoir avalé la pilule de l’indépendance du Kosovo, Moscou a sorti les griffes contre la Géorgie à l’été 2008. Les mauvais calculs du président géorgien lui ont permis d’envoyer un message clair à Washington : les « conflits gelés » des Balkans peuvent se réveiller à tout moment. Et de montrer au passage à la Maison Banche que Moscou ne craignait plus les rapports de force avec les États-Unis et ses alliés européens.

Quant à la poudrière du Moyen-Orient, les auteurs décrivent une situation en trompe-l’oeil. Malgré les apparences, l’année 2008 recèle bien des dangers pour l’avenir. Il serait naïf, expliquent-ils, de croire que la situation est calme. Le désintérêt de la communauté internationale qu’il déplore pourrait déboucher sur un chaos incontrôlable. Car les guerres de factions menacent plus que jamais. Moins visibles, moins spectaculaires, mais tout aussi dangereuses pour la stabilité de la région : l’Irak bien sûr où les forces d’Al-Qaïda faiblissent face au « réveil » de la communauté sunnite ; le Liban qui n’a pas su consolider sa cohésion nationale ; le conflit israélo-arabe qui n’en finit pas de pourrir ; les Palestiniens qui se déchirent entre partisans du Hamas et fidèles du Fatah, sans parler de la Turquie dont la démocratie tangue dans le débat sur la laïcité… autant de petites bombes à retardement, préviennent les auteurs, que les grandes puissances doivent prendre en compte.

Au final, cet ouvrage affiche un objectif ambitieux difficilement atteint du fait même de l’objet de l’étude, extrêmement mouvant. Le livre, essentiellement découpé par aire géographique (la Russie et les Balkans, la sécurité européenne, l’instabilité asiatique, le Moyen-Orient, l’Afrique subsaharienne, le narcoterrorisme en Amériques…), parvient tout de même à résumer les principales causes des conflits ainsi qu’à décrire la position des acteurs engagés. Il fournit un éclairage général sur chacun d’eux qui satisfera le lecteur averti, mais frustrera sans doute le spécialiste. Il est difficile en moins de 260 pages d’entrer dans les détails de tous ces conflits. D’où l’impression parfois de lire un excellent compte rendu journalistique plus qu’une étude approfondie. Pour les prochaines éditions, les responsables seraient inspirés de fournir au lecteur des cartes qui permettent de se repérer parmi les différentes revendications territoriales des acteurs.