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Une sécession sur le plan étymologique est la création ou la tentative de création d’un État souverain au sein d’un autre État souverain aux frontières généralement stables. La notion est souvent sujette à des désaccords et à des confusions au niveau politique, moral ou philosophique, notamment dans l’analyse des conflits ethniques qui sont apparus en cette fin de 20e siècle et ce début de 21e siècle.
Ce livre, rédigé par deux chercheurs de l’université Macquarie en Australie, résume les connaissances actuelles sur les théories et les processus de sécessionnisme au sein d’un État d’une manière accessible aux lecteurs peu familiers du phénomène. Il constitue une base complémentaire idéale à des études sur l’histoire contemporaine, les mouvements sociaux, les relations internationales ou le droit international.
Les auteurs proposent une approche un peu différente de ce qui a été fait jusqu’à présent dans ce domaine en tentant de distinguer – avec raison – les sécessions de type pacifique des sécessions de type violent. On a en effet trop souvent tendance à ne parler des séparatismes que sous l’angle de l’action violente, ce qui n’est pas toujours le cas comme l’ont montré par exemple les sécessions réussies en Tchécoslovaquie ou en Scandinavie. Une série de sécessions violentes ont cependant provoqué la dissolution du pays d’origine des auteurs, la Yougoslavie, ce qui les a conduits à vouloir faire une étude plus approfondie du phénomène.
Les auteurs se posent ainsi la question de la légalité du sécessionnisme et, surtout, de l’existence d’un droit local ou d’un droit international qui pourraient le réguler. La vérité est qu’il n’existe pas de droit international dans ce domaine et que très peu de constitutions nationales dans le monde ont prévu la possibilité pour un territoire de se détacher d’un État. Pourtant, certains séparatismes ont réussi à se faire sans heurts dans un cadre plus ou moins légal : la Tchécoslovaquie ou l’Indonésie possédaient dans leurs constitutions des articles se référant à des modalités de sécession. Et cette tendance se développe : l’Union européenne prévoit par exemple, avec le traité de Lisbonne, des modalités légales de retrait de l’Union d’un pays membre.
La perspective politique, sociale et juridique du sécessionnisme est présentée en première partie avec différents cas d’études explorés. Les auteurs formulent l’hypothèse selon laquelle les sécessions douces et sans violence de la Norvège (avec la Suède) et de la Slovaquie (avec la Tchécoslovaquie) ou même les tentatives du Québec avec le reste du Canada restent des cas d’école plutôt rares. En règle générale, les exemples abondent de tentatives de sécession qui se font de manière violente et désastreuse sur les plans économique et social : Biafra au Nigéria en 1966, Pakistan et Bangladesh, Tchétchénie et ses voisins, ex-républiques de l’urss, ex-Yougoslavie, Timor oriental. Chacun de ces exemples fondait ses revendications sur des considérations ethniques ou religieuses distinctes de celles de la majorité de la population nationale. D’autres critères entrent cependant en ligne de compte, comme le partage de ressources minières ou agricoles ou le sentiment d’être injustement traité par la majorité. De plus, Horowitz avait déjà souligné pourquoi les tentatives de sécession peuvent exister même lorsqu’il n’y a pas de violence ou de répression politique de l’État central. Dans certains cas, un groupe ethnique ou linguistique majoritaire peut aspirer à créer son propre État en laissant de côté des régions moins riches : Flandre, Italie du Nord.
La deuxième partie traite des approches théoriques et commence par une discussion sur les théories des sciences sociales, y compris celles qui focalisent sur les causes d’ordre économique. Dans cette partie, plus convaincante que la première qui reste factuelle, sont également abordés les théories normatives de la sécession ainsi que les différents statuts qui y sont rattachés en termes juridiques et en pratique.
La plupart des études apparaissant dans la bibliographie anglophone sur le sécessionnisme tournent autour de l’idée de nation et de minorités ethniques ou culturelles. Le mot « sécession » a, dans les pays anglo-saxons, une connotation péjorative dont on ne retrouve pas l’intensité dans d’autres pays. Ainsi, les approches communément admises sur le phénomène se divisent généralement en trois types. Le premier type, sociopolitique, vient de ceux qui tentent d’expliquer comment et pourquoi les sécessions se sont produites. Leurs adeptes s’intéressent davantage aux causes sociales et politiques, et ils analysent quelles ont été les sources de la division. Le second type, ce sont les théories qui tentent, en établissant des normes ou principes politiques, de justifier certaines sécessions et d’en condamner d’autres présentées comme injustifiables. Ces théories sont appelées théories normatives. La troisième approche, de type légal, s’appuie sur une variété de documents juridiques (jugements de tribunaux, lois constitutionnelles, résolutions des Nations Unies) qui concernent les tentatives de sécession d’une région ou de territoires de la juridiction d’un État souverain.
Ce livre a de nombreux mérites et conviendra à tous ceux qui veulent comprendre les conflits actuels dans le monde. De manière générale, les auteurs de ce livre ont contribué à démontrer que le sécessionnisme est un instrument de pouvoir important pour l’analyse et la compréhension des relations internationales, et que la sociologie de la confiance et du conflit ne sont pas des appendices négligeables de la recherche en science politique. Globalement, on peut néanmoins reprocher aux auteurs d’avoir trop mis l’accent sur les différences culturelles ou sociales et pas assez sur les contraintes économiques et géopolitiques qui peuvent peser sur une tentative de sécession. Ces contraintes, à mon avis déterminantes, expliquent sans doute pourquoi un certain nombre de sécessions ont échoué dans le passé en dépit d’une certaine homogénéité culturelle ou ethnique propice à une émancipation.