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Ce petit livre est un recueil des contributions et interventions au Colloque organisé par le Centre de Droit international de l’Université Paris x-Nanterre à l’occasion du 60e anniversaire de la fondation de l’onu, avec le concours du Centre régional d’information de l’onu et de la société d’avocats Lysias. Le sujet central était de savoir si la Charte des Nations Unies a acquis le caractère d’une constitution internationale. Les perspectives de réforme ont également été évoquées. Le Colloque a réuni des juristes français et étrangers, deux juges à la Cour internationale de justice, quelques représentants de l’onu, des diplomates ainsi que Javier Pérez de Cuellar, ancien secrétaire général de l’onu. Ce dernier a fait des propositions concrètes d’amendements de la Charte.

La première partie porte sur la fonction constitutionnelle de la Charte dans le système des Nations Unies. Une section examine la Charte et la répartition des compétences dans l’Organisation. Un intervenant a rappelé que la Charte reflétait un consensus dans une société politiquement homogène en 1945. Il a constaté que la Charte n’était pas une constitution, mais une forme de gouvernance avec des structures similaires mais non identiques à celles de l’État. Pour la diplomate française, Edwige Belliard, le droit international public reste largement fondé sur le consentement des États. L’onu n’est pas un super-État, même si, selon l’avis consultatif de la cij du 11 avril 1949, Réparation des dommagessubis au service des Nations Unies, elle a, le cas échéant, le devoir de rappeler à ses membres certaines obligations. Le « droit international institutionnel » ne se substituera pas au « droit international relationnel » (René-Jean Dupuy).

Selon l’universitaire Régis Chemain, il manque l’essentiel à la Charte : elle n’est pas constituée par un pouvoir constituant représentatif d’une nation. Elle se préoccupe moins d’établir une séparation des pouvoirs et un contrôle de leur exercice que de fonder les principes d’un ordre juridique nouveau à même de préserver la paix dans le monde. Il s’agit d’un droit politique appliqué par des organes politiques. La cij ne dispose pas des compétences suffisantes pour mettre en oeuvre un contrôle judiciaire des actes des organes principaux de l’Organisation.

Au cours de la table ronde qui a suivi, la notion juridique de système des Nations Unies, formule utilisée dans l’avis consultatif de la cij du 8 juillet 1996, Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un État dans un conflit armé, a été critiquée, au bénéfice de la formule de famille des Nations Unies : en effet, celle-ci n’implique que des liens volontaires entre des institutions autonomes aux statuts hétérogènes. Les valeurs générales reconnues par les Nations Unies ont été à l’origine la paix et la sécurité mondiale, le développement économique et social, et le respect des droits de l’homme, puis le développement durable, le concept d’humanité et celui de la responsabilité de protéger. En même temps, les liens avec la société civile et les milieux d’affaires ont élargi le rôle traditionnel de l’onu comme organisation intergouvernementale.

Selon un juge de la cij, aucune disposition de la Charte ne confère à la Cour le pouvoir d’imposer ses propres interprétations de la Charte, ou plus généralement du droit international, aux autres organisations des Nations Unies, et aux autres juridictions internationales. Les propositions de réforme ont porté sur la composition du Conseil de sécurité, la création de la Commission de consolidation de la paix et du Conseil des droits de l’homme, la responsabilité de protection, la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement et la création d’une nouvelle institution pour l’environnement.

La deuxième partie concerne la fonction constitutionnelle de la Charte dans la communauté internationale. La Charte, traité international, ne peut s’imposer qu’aux États qui ont bien voulu y consentir. L’application de la Charte à tous les sujets du droit international, membres ou non de l’onu, est difficilement envisageable dans un proche avenir : l’idée d’un droit international public fondamental ne s’est épanouie aujourd’hui que sous une forme négative à travers des notions comme celle du jus cogens ou de crime international dont la vocation première est d’ériger des valeurs face à l’arbitraire des souverainetés. On a noté par ailleurs l’élargissement progressif des compétences du Conseil de sécurité poussant vers le sommet de la hiérarchie du droit international les décisions du Conseil, au lieu d’y asseoir les principes de la Charte.

Au cours des débats, la Charte a été décrite comme l’acte fondateur d’une société d’égaux plutôt que la constitution d’une communauté soumise à une norme suprême, en raison du faible degré d’intégration de la société internationale. Un universitaire a affirmé que la société civile internationale était « fille de la Charte », qu’elle tenait sa légitimité de l’esprit plus que de la lettre de la Charte, qu’elle en entretient les valeurs, et finalement, qu’elle tire du droit de la Charte sa raison d’être et « exige » qu’elle soit prise au sérieux. En conclusion, la Charte n’est pas la « Constitution mondiale », mais un maillon d’un ensemble constitutionnel international hétérogène.

Ce livre, de nature essentiellement juridique, comporte aussi des aspects politiques. La question de base, soit la nature constitutionnelle de la Charte des Nations Unies, a donné lieu à des réponses nuancées. La Charte n’a pas les caractères fondamentaux des constitutions nationales, ni leur légitimité ni leur pouvoir de sanction. La Charte est l’acte constitutif de l’onu, une organisation politique – elle définit ses objectifs, ses moyens d’action et les compétences accordées à ses organes. Elle n’est cependant pas une constitution mondiale, elle n’établit pas un gouvernement mondial dans un monde anarchique. Elle ne peut prétendre créer les normes impératives du droit international, elle prône des valeurs internationales et son Conseil de sécurité peut décider de l’emploi de la force dans la mesure où la paix ou la sécurité internationale sont menacées. La cij n’est pas la cour suprême de la société internationale. Elle est l’organe judiciaire principal des Nations Unies mais elle n’est compétente pour trancher les différends entre membres de l’Organisation que si ceux-ci y consentent. La Cour n’est pas le juge constitutionnel du système des Nations Unies, ni l’organe judiciaire suprême des autres institutions et juridictions internationales.

Sur le plan politique, la Charte a permis à l’onu, dans une certaine mesure, de s’adapter aux évolutions du monde, par une interprétation large de ses principes et compétences, et par les initiatives prises par le Conseil de sécurité. Elle a permis l’ouverture de l’Organisation à la société civile, sous la pression des ong, avec le soutien de ses secrétaires généraux. La révision nécessaire de la Charte, en particulier l’extension de la composition du Conseil de sécurité, se heurte néanmoins à la résistance ou aux oppositions des États membres.

La qualité du livre, en particulier les analyses juridiques, est indéniable, malgré quelques répétitions inévitables dans un ouvrage qui recueille 23 contributions différentes exposées plus ou moins longuement au cours d’un forum. Il s’adresse principalement aux spécialistes du droit international, aux enseignants et étudiants, aux responsables juridiques et administratifs des organisations internationales et aux représentants de la société civile internationale.