Dans Tracer les marges de la Cité, Martin Pâquet s’emploie à faire la sociohistoire du traitement de l’étranger dans la société québécoise sur une période de 400 ans, en prenant pour point d’ancrage la construction politique et sociale – et donc variable – de l’intégration. Il s’agit d’une véritable quête de sens, non pas à caractère essentialiste sur l’État ou la société québécoise, mais d’un sens produit par la culture politique et qui permet de définir à la fois le citoyen et l’étranger. L’auteur propose une lecture de l’histoire de l’intégration inédite pour ce qui est du Québec, dans la mesure où elle rompt avec les classifications traditionnelles qui ont eu tendance à voir dans les transformations des institutions de l’État le seul déterminant des modalités d’insertion de l’Autre. Pâquet ajoute à cette vision institutionaliste deux autres catégories de déterminants, à savoir les référentiels théologico-politiques, ainsi que, mais à un niveau moindre, la structure économique dominante à une époque donnée. Le résultat est une vision très dynamique de la construction de la société québécoise et une analyse nuancée des conditions de l’évolution de l’inclusion des étrangers en son sein. L’introduction retrace succintement la démarche suivie par l’auteur qui, partant de l’histoire de la pensée de l’État – et non de l’État en tant qu’institution figée – puise aussi dans la culture politique d’une époque, le théologico-politique. Pâquet utilise l’anthropologie historique pour percevoir le lent mouvement du développement des idées et des pratiques sociales. Avec cette démarche, l’auteur développe une périodisation originale de la figure de l’étranger dans ce qui est devenu le Québec, depuis la Nouvelle-France. Sept périodes sont ainsi identifiées et décrites en autant de chapitres. La première période, de 1627 à 1760, représente la période coloniale française, dans laquelle l’inclusion et l’exclusion des gens se faisaient selon leur allégeance d’abord, et ensuite respectivement selon la naissance, l’établissement sur le sol et de la propriété, et selon le métier. Ces principes organisateurs reflétaient ce que Pâquet appelle la cosmogonie théologico-politique du moment, modèle assez fidèlement calqué sur la France métropolitaine. Le deuxième chapitre traite de la période autour de la Conquête britannique, de 1760 à 1817. Période contraste puisque la cosmogonie se transforme, en raison principalement du changement de puissance impériale. Les liens deviennent plus diffus avec le pouvoir politique et l’allégeance au souverain fait figure de principal mode d’inclusion. La naturalisation devient une pratique pour inclure notamment les colons des plantations américaines. En 1817, la fin des guerres napoléoniennes marque l’ascendance du principe de l’origine géographique sur celui d’allégeance, dans la construction d’État nationaux. C’est aussi durant cette période que la connaissance scientifique trouve des applications en matière de gestion de l’État et de la société. L’auteur parle ainsi des cognoscentes, ces experts qui ont aidé à élaborer des interventions de l’État dans les domaines juridique, de santé publique et de sécurité. Autant de domaines où l’étranger, alors devenu immigrant, est géré pour éviter qu’il constitue une menace pour la société. De 1853 à 1945, c’est une longue période de développement et de consolidation d’une société organique sur les plans politique et économique qui émerge; elle est marquée par l’avènement d’une loi sur les émigrants et la quarantaine. Dorénavant les migrants seront traités sur une base individuelle et une bureaucratie est lentement mise en place pour leur gestion. Dans cette vision organiciste, la sélection des migrants se fait à partir de critères pouvant permettre le maintien ou la croissance de la société d’accueil. Le cinquième chapitre porte sur la période 1945-1968, qui représente une ouverture plus grande de la société québécoise sur l’immigration dans un contexte …
Pâquet, Martin, Tracer les marges de la Cité. Étranger, immigrant et État au Québec, 1627-1981, Montréal, qc, Boréal, 2005, 317 p.[Record]
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Hélène Pellerin
École d’études politiques
Université d’Ottawa