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Ce livre tente d’établir les effets de l’émigration des pays pauvres vers les pays riches sur le développement économique des premiers. Il traite surtout de la migration de la main-d’oeuvre, mais aussi de la réunion des familles d’émigrés et des chercheurs d’asile politique. Ceux-ci peuvent d’ailleurs devenir des chercheurs d’emploi de même que certains membres de la famille des émigrés. Les effets du développement économique sur les migrations et les effets des migrations sur le développement économique sont confus et sujets à controverse. Il s’agit de les démêler et de les clarifier. L’auteur distingue quatre régions du monde recevant des immigrants : l’Amérique du Nord, l’Union européenne, l’Asie de l’Est et du Sud-Est, et les pays du Golfe persique. Dans ces derniers, les immigrants ne sont admis qu’avec un contrat de travail et pour des périodes limitées; leurs familles ne peuvent les accompagner. En Asie de l’Est et du Sud-Est, les migrations sont un aspect de l’intégration économique progressive de la région. Au Canada et aux États-Unis, les immigrants sont souvent reçus pour s’intégrer de façon permanente et sont choisis pour leur éducation et qualification, mais de nombreux immigrants non qualifiés entrent aussi dans la région, légalement ou non. Dans l’Union européenne, les différents pays tentent de coordonner leur politique d’immigration afin de contrôler l’immigration illégale.
Dans le deuxième chapitre, l’auteur envisage les différents déterminants de l’émigration. Il relève notamment l’effet des premières vagues d’émigration sur les suivantes. Les premiers émigrants à s’établir dans un pays incitent fréquemment des parents ou des connaissances de leur pays d’origine à les rejoindre. Les migrations initiales tendent alors à continuer. À l’inverse, des milieux ou des régions peuvent demeurer à l’écart de la dynamique des migrations, n’ayant jamais pu profiter de premiers départs qui en auraient enclenché d’autres. Les migrations sont évidemment influencées par les politiques et contrôles des pays d’accueil, mais aussi par la situation économique, sociale et politique dans les pays d’origine.
Le troisième chapitre traite de la réaction du marché du travail au départ des émigrants. L’auteur distingue deux cas. Dans le premier, les émigrants sont remplacés par des travailleurs qui étaient jusqu’à ce moment sous-employés ou non employés. Dans le second, la main-d’oeuvre se faisant plus rare, les salaires augmentent. Dans les deux cas, les travailleurs sont en meilleure posture. Par ailleurs, les économies rapatriées par les émigrants peuvent stimuler la création d’emploi dans leur pays d’origine.
Quels sont les effets de l’émigration de travailleurs qualifiés ? Ne sont-ils pas négatifs pour le pays qui perd ces travailleurs ? Le quatrième chapitre répond à ces questions. Il faut d’abord noter que ce sont les États-Unis et le Canada qui attirent la plus grande proportion des émigrants ayant au moins une formation secondaire. Par ailleurs, plus un pays est pauvre, plus élevé est le pourcentage de sa main-d’oeuvre hautement qualifiée qui émigre vers l’Amérique du Nord. Le coût d’une telle émigration pour le pays de départ n’est pas aussi évident qu’on pourrait le croire. Bien des diplômés qui émigrent, le font parce qu’ils ne trouvent pas d’emploi chez eux. Il demeure que le coût de leur éducation, s’il est public, devrait être remboursé.
Le cinquième chapitre étudie le rôle des économies que les émigrés envoient dans leur pays d’origine. Il s’agit parfois de sommes très importantes, mais le rôle qu’elles jouent est très variable. L’auteur étudie en particulier les envois d’argent des Albanais, Moldaves et Marocains émigrés dans l’ue, des Indiens et Pakistanais émigrés dans les pays du Golfe persique, des Indonésiens et Philippins émigrés dans l’Est et Sud-Est asiatiques. Il discute des conséquences de ces envois sur la pauvreté, les inégalités, les investissements et la croissance, mais il est difficile de tirer des conclusions générales à ces sujets.
Les diasporas et réseaux transnationaux découlant des migrations constituent les sujets du sixième chapitre. Ces réseaux peuvent faciliter le commerce, les investissements étrangers, la diffusion des connaissances et des technologies, mais une économie doit être assez évoluée pour en profiter. Dans certains cas, ce qui pouvait apparaître comme un brain drain se révèle un brain gain, car ce sont les travailleurs les plus qualifiés qui ont la capacité de contribuer à l’économie de leur pays d’origine. Des émigrants peuvent aussi jouer un rôle politique dans leur pays d’origine en profitant de leur insertion dans leur pays d’adoption.
Le septième chapitre est consacré aux migrations à répétition. De plus en plus, des émigrants retournent dans leur pays d’origine ou émigrent à nouveau vers un autre pays. Plusieurs gouvernements tentent d’inciter des diplômés à retourner chez eux, mais le développement économique du pays d’origine est le facteur déterminant dans ce retour.
Les effets de l’émigration sur la culture, la pauvreté et l’inégalité dans la société d’origine font l’objet du huitième chapitre.
Deux chapitres concluent cet ouvrage. Le neuvième tente d’établir qui bénéficie des migrations. Les immigrants d’abord, mais aussi leur famille dans la mesure où ceux-ci leur envoient de l’argent, et les agents recruteurs qui sont devenus incontournables. Le dixième chapitre envisage les politiques que pourraient adopter les pays d’origine et les pays hôtes en matière de migration. Les premiers ont pu essayer de favoriser le retour de certains émigrants ou l’envoi d’argent des émigrés à leur famille. Les seconds pourraient certainement faire plus et le faire de façon cohérente, pour encourager le commerce et la croissance des pays pauvres, pour y créer de l’emploi et ainsi limiter l’émigration.
Ce livre correspond manifestement à une recherche relativement approfondie et traite les données statistiques disponibles avec ingéniosité pour tirer des conclusions utiles. Celles-ci paraissent toujours nuancées et se prêtent très rarement à des généralisations. Il s’agit d’un travail académique dont je ne connais pas d’équivalent – il traite surtout du coût et des bénéfices de l’émigration du point de vue des pays d’où partent les émigrants – et qui peut éclairer les hommes politiques et les fonctionnaires impliqués dans les politiques d’émigration ou d’immigration. Comme l’immigration donne lieu à des critiques populistes et à des préjugés bêtes et méchants, on pourrait espérer qu’un travail sobre et fouillé sur la question contribuerait à les réduire.