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La création de l’alena en 1994 a généré un champ spécifique de littérature dans plusieurs disciplines. Un pan complet de cette littérature est consacré à expliquer comment l’accord a été négocié. Un autre pan s’attarde à expliquer et à comprendre les impacts de l’ alena sur ses pays membres. Un troisième pan de la littérature vient d’être créé. Il s’agit du bilan des dix années d’existence de cet accord de libre-échange. Le livre Intégration dans les Amériques. Dix ans d’alena s’insère habilement dans ces trois pans de littérature.
L’objectif du livre est de faire un bilan, en français, des effets sociaux, culturels, économiques et politiques de cet accord. De plus, l’ouvrage tente de dresser un compte rendu analytique des débats que l’accord a suscités au Canada, aux États-Unis et au Mexique. En fait, dès la signature et la ratification de l’alena, plusieurs questions furent soulevées relativement à ce processus d’intégration régionale original. Ces questions, encore d’actualité, concernent la souveraineté des États membres, la protection des droits des travailleurs et de l’environnement ainsi que les conséquences économiques et sociales de cet accord.
Le livre tire ses origines d’un colloque organisé à Paris en juin 2002 et rassemblant des chercheurs et universitaires de multiples origines. L’ouvrage est donc un recueil des communications présentées lors de ce colloque. Le livre est divisé en trois parties qui se consacrent chacune à approfondir un enjeu précis de l’alena. En première partie, les différents auteurs abordent la dimension juridico-politique de l’alena. Pour ce faire, ils utilisent tour à tour une perspective géopolitique par rapport au reste des Amériques, une perspective historique, une perspective contestataire de la part des différents groupes de pression et groupes sociaux touchés par les conséquences de l’accord, une perspective institutionnelle et une perspective juridique.
La deuxième partie est vouée à expliquer les enjeux économiques de l’intégration nord-américaine. À cette fin, les différents auteurs abordent le point de vue des économistes américains, des entreprises et banques américaines et finalement les impacts de l’accord sur les relations économiques entre le Mexique et les États-Unis. La troisième partie s’attache à faire le point sur les effets de l’accord sur les territoires, la culture et la société. Ainsi, dans cette dernière partie, les auteurs s’appliquent à détailler les impacts de l’alena sur les communautés locales au Mexique, sur les syndicats américains, sur les flux migratoires à la frontière entre le Mexique et les États-Unis ainsi que les conséquences identitaires pour ses membres, et ce, surtout au Canada.
Ce livre est constitué de chapitres courts qui vont droit au but. Sans reprendre nécessairement un cadre d’analyse commun, chacun des auteurs rédige de façon claire et précise sur des objets a priori complexes. À ce premier avantage se juxtapose celui d’un livre riche en analyses et en informations, car le public cible semble être les spécialistes de la question et les académiciens. Les auteurs des chapitres démontrent et nuancent au moyen d’approches macroéconomiques et macropolitiques les enjeux principaux créés par l’alena, ce qui constitue un autre point fort de l’ouvrage.
Il faut noter, toutefois, que par rapport à l’actualité politique de l’année 2005, particulièrement dynamique en ce qui concerne l’intégration régionale dans les Amériques, certains chapitres ont mal vieilli. Les communications ont été produites dans le cadre d’un colloque en 2002 et le livre publié en 2004. De plus, il laisse à juste titre l’impression d’être un recueil de communications transformées en chapitres. Cette impression est accentuée par une certaine inégalité de forme entre les chapitres et l’absence d’un chapitre final ou de conclusion. En fait, le produit final donne un résultat intéressant et instructif, mais inachevé semble-t-il.