Article body
Depuis que l’Union européenne s’est distancée des États-Unis dans les années soixante-dix, les disputes commerciales se sont multipliées. L’Organisation mondiale du commerce (omc) s’est dotée d’un système de règlement des différends beaucoup plus efficace que celui de son prédécesseur le gatt. Celui-ci était fondé sur le principe du consensus ce qui avait pour conséquence que peu de pays parvenaient à s’entendre sur les sanctions et sur les règlements eux-mêmes. Le système de règlement des différends sous l’omc est une partie intégrante de l’organisation. Il est donc beaucoup plus efficace et les délais de délibération beaucoup plus courts. Les pays en développement peuvent en bénéficier bien que les coûts encourus et l’expertise requise soient souvent trop importants pour les budgets réduits des pvd. C’est un exercice coûteux pour les pays en développement. Mais ils peuvent bénéficier des conseils du directeur général ou de la présidence du système de règlement des différends. Le Brésil, la Corée et l’Inde en ont fait un usage de plus en plus important. Les autres pays en développement n’osent pas imposer des droits de douane en rétorsion aux mesures discriminatoires prises par les pays développés. Pourtant, les pvd ont utilisé de manière croissante le mécanisme de règlement des différends: sur 219 plaintes adressées au mécanisme de règlement des différends, plus de 26 % des cas ont été soulevés par des pvd. À peu près 2/3 des différends impliquent un pvd.
Le système est-il comparable à celui de l’accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis ou même à l’association de libre-échange nord américain ? Le premier se basait sur l’arbitrage commercial international. Le deuxième est plus contraignant et plus complet. Mais il est également plus ouvert aux influences politiques, notamment celle des États-Unis qui ont cherché à perturber l’accès au marché des États-Unis dans des secteurs importants pour le Canada, du poisson au bois d’oeuvre. Le système de l’omc, au contraire, est apolitique.
La politique agricole commune est certainement le catalyseur des conflits commerciaux entre les États-Unis et l’ue. Cette dernière représente près de 20 % des importations agricoles mondiales et les États-Unis la talonne de peu. Le Japon est le principal compétiteur. L’agriculture a longtemps été exclue du gatt et l’article xi (par. 2) a été créé pour accommoder les intérêts américains.
Au 31 décembre 2003, 304 différends ont été jugés. Depuis 1995, les États-Unis ont actionné 24 règlements des différends et l’Union européenne 17 contre les États-Unis sur un total de 50 procès entre les États-Unis et l’Union européenne. Certains règlements des différends sont très connus. Ainsi en est-il du cas de la banane, du boeuf aux hormones et des foreign sales corporations. L’origine de la querelle sur les bananes est une conséquence directe du Marché intérieur. Les exportations de la banane dollar étaient limitées par un ensemble complexe de régulations commerciales protectionnistes appliquées par les États membres. L’ue est le deuxième marché mondial et le régime communautaire déprimait le marché mondial. Le régime contrevenait au principe de non-discrimination de l’omc. Le cas à l’omc avait trois composantes : les droits de douane, les quotas et les licences d’importation. La querelle de la banane a commencé en 1992 et n’est pas terminée à ce jour.
L’acier sur la sellette. La deuxième querelle la plus connue est celle, sans conteste, de l’acier. L’administration Bush a cherché à apaiser le lobby de l’acier américain. L’administration Bush a donc imposé des mesures de sauvegarde d’urgence sur les exportations d’acier européen, chinois et brésilien. L’article xix requiert que des mesures de protection soient prises après une enquête minutieuse des autorités compétentes qui produit une évidence solide du dommage généré par les importations du produit concerné. Robert Zoellick le représentant de l’ustr avait trouvé qu’un dommage sérieux avait touché 16 catégories d’acier et que les gouvernements européens faisaient un usage très fréquent de subventions équivalant à des pratiques commerciales injustes. Le panel de l’omc a conclu que les mesures de sauvegarde imposées par les États-Unis étaient en contradiction avec l’accord du gatt 1994 et sur l’article sur les sauvegardes contenu dans les accords de Marrakech. Les États-Unis ont dû annuler les mesures prises inconsidérément par l’administration américaine comme ils ont dû le faire pour les ventes à l’étranger des entreprises.
Le cas du boeuf aux hormones a été important pour le règlement des différends à l’omc, l’ue ayant utilisé toute une série de mesures commerciales pour limiter l’importation de boeuf et les États-Unis ayant menacé l’ue d’un carrousel de mesures de rétorsion. L’accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires repose sur l’évidence scientifique et sur le principe de précaution. Or cette première n’est jamais concluante. De plus, l’omc reconnaît les producteurs nationaux comme une source de protectionnisme illégitime mais dénie ce droit aux consommateurs. L’ue a argumenté qu’étant donné la connaissance scientifique sur les risques d’additifs d’hormones dans la croissance du boeuf, une interdiction d’importation était la seule solution pour préserver la santé de ses citoyens. L’ue a passé outre la décision de l’organe de règlement des différends ce qui altère la crédibilité de l’organisation. Les États-Unis ont alors menacé l’ue d’un carrousel de mesures commerciales c’est-à-dire de la possibilité de choisir des produits sujets à rétorsion et d’en changer régulièrement. Cependant, l’efficacité de telles mesures n’a pas été prouvée étant donné que les exportateurs pourraient anticiper la hausse des droits de douane et faire pression sur les décideurs politiques.
Le cas présent est plus intéressant. Il s’agit du commerce des produits génétiquement modifiés. L’ue avait imposé un moratoire sur l’importation de produits génétiquement modifiés et les exportations américaines de maïs génétique avaient chuté de 3,3 millions de tonnes en 1997 à 26 000 tonnes en 2002. L’attitude des consommateurs européens à l’égard des produits génétiquement modifiés a été jusqu’à présent très négative. L’étiquetage des produits est obligatoire dans les pays de l’ue. Les États-Unis considèrent que cette pratique est un obstacle technique au commerce et donc actionnable auprès de l’omc. En fait, les deux partenaires ont une conception très différente de l’évidence scientifique et du principe de précaution. L’omc n’est de toute manière pas équipée pour régler le problème des produits génétiquement modifiés. Les accords sur les mesures sps et les obstacles techniques au commerce ont été négociés pour des enjeux assez simples.
Enfin, dans le futur, les processus et les méthodes de production seront de plus en plus sujets à des différends. Ce sujet provient également des consommateurs qui, à l’omc, n’ont pas de véritables droits. Le cas sur les dauphins et le thon pêchés dans les eaux mexicaines et sur les crevettes et les tortues ont fait beaucoup de tort à l’omc. Ils ont opposés les environnementalistes lorsque pourtant les décisions concernant l’importation de pétrole vénézuélien et brésilien et l’exportation d’amiante en provenance du Canada auraient dû les adoucir. On affirme trop souvent que l’omc est une organisation commerciale et non environnementale et qu’à ce titre, elle ne légifère pas sur des principes environnementaux mais bien commerciaux. Ce dernier chapitre sur les processus et méthodes de production a l’extrême désavantage de compliquer un sujet qui est déjà complexe. On en vient à ne plus comprendre ce que sont les pmp.
Les auteurs auraient dû régler une fois pour toutes la question de l’impact de l’imposition de mesures protectionnistes sur l’emploi et sur la croissance économique. Car bien des gouvernements utilisent ces mesures pour lutter contre le chômage dans des secteurs sensibles comme l’acier ou le textile. Ces mesures sont-elles réellement la solution ou ne sont-elles que des moyens de conquérir un électorat plus sensible à des arguments du quotidien plutôt que des arguments tenant du commerce international ?