On peut certainement affirmer que l’ouvrage recensé fait suite à la monographie précédente de l’auteur, The Korean War. An International History (1995) qui est indubitablement devenue un classique dans le champ d’études et dans laquelle l’auteur soutient que la guerre de Corée (1950-1953) représente véritablement l’internationalisation de la guerre froide. Complément à sa thèse précédente donc, ce nouvel ouvrage de Stueck tente de réactualiser certaines idées-forces de The Korean War sur le caractère international du conflit. Toujours tout aussi bien situé dans ce qu’il serait convenu d’appeler les études de l’« après-guerre froide », Stueck s’inscrit dans le courant néo-traditionaliste représenté par John L. Gaddis et son analyse fine et équilibrée l’oppose certainement aux révisionnistes, plus anciens, comme Bruce Cummings qui voyait essentiellement dans la guerre de Corée une guerre civile coréenne, ou à des traditionalistes plus radicaux comme David Rees qui voit dans l’intervention américaine un succès certes, en ce qu’elle a permis de contrecarrer « l’agression communiste », mais aussi un échec pour ce qui est de la chance ratée d’unifier la Corée et d’infliger une défaite décisive à la Chine. Plus modéré, Stueck croit que l’administration Truman a en général pris les bonnes décisions dans le contexte et que le système américain a, à long terme, bien relevé les défis posés par les régimes communistes soviétique et asiatiques. La flexibilité de l’approche américaine lui a permis, entre autres, d’y aller d’actions plus attentives et plus proportionnées à la menace, malgré quelques excès durant la guerre, dont le moindre mérite ne fut certainement pas de réussir à tenir en laisse Syngman Rhee. À prime abord, il semble que l’auteur prenne un peu pour acquis la familiarité avec ses ouvrages précédents comme pourraient le laisser croire l’absence de formulation classique de sa thèse, la structure de l’ouvrage basée, pour la majeure partie, sur des essais imbriqués les uns aux autres et l’absence de conclusion qui permettrait un retour systématique sur la formulation de sa thèse. Stueck organise tous ces chapitres autour d’une question, certaines fois quelques-unes, plutôt que de se laisser aller à une approche purement chronologique. Rethinking the Korean War est divisé en trois parties soit les causes, le cours des événements et les aspects plus globaux du conflit, et chacune de ces parties est divisée en deux ou trois chapitres. D’abord dans le premier chapitre, Stueck se demande simplement pourquoi les deux grandes puissances n’ont eu d’autre choix que de diviser la Corée autour de la ligne de démarcation du 38e parallèle et pourquoi cette division fut maintenue. Sa réponse est presque aussi simple : la division fut le prix que les Coréens eurent à payer pour n’avoir pu se libérer de l’occupation japonaise par leurs propres forces. Pour Stueck, la Corée était « une crevette, et mal intégrée, parmi les baleines » (p. 37) et qui n’avait pas les forces requises pour contrôler son propre avenir. Par la suite, l’auteur se penche sur la politique américaine à l’endroit de la zone Sud et du régime de Rhee pour démontrer que ce n’était pas l’élaboration de la doctrine Truman en soi qui a radicalisé le cours des événements entre 1947 et 1948, mais plutôt la polarisation « locale » par les forces de Syngman Rhee qui ont empêché l’atteinte de compromis que les Américains auraient préféré à l’époque, eux qui avaient plus d’intérêt en Chine et qui étaient mal préparés à un conflit en Corée. Cette analyse de facteurs internes est suivi par une analyse plus globale des causes du début de la guerre dans le chapitre 3 dans lequel Stueck soutient que malgré les desseins …
Stueck, William, Rethinking the Korean War. A New Diplomatic and Strategic History, Princeton, Princeton University Press, 2004, 285 p.[Record]
…more information
Jean Lévesque
Département d’histoire
Université du Québec à Montréal