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Le Proche-Orient est l’une des régions les plus belligènes de la planète en raison des multiples conflits dont il est la proie et notamment du conflit israélo-palestinien, enlisé depuis la seconde Intifada (septembre 2000). L’ouvrage d’Alexandre Defay est par conséquent le bienvenu.
Après avoir replacé la région dans son cadre géographique et s’être expliqué sur le choix du terme « Proche-Orient », en le distinguant du « Moyen-Orient », expression davantage anglo-saxonne, l’auteur présente cette géopolitique à partir, d’une part, de la représentation que se font les acteurs de l’espace, d’autre part, des rapports de force qui en découlent.
Dans la première partie, l’analyse de cet espace qualifié de « surreprésenté » le conduit à évoquer en premier lieu l’opposition entre deux grandes représentations : sionisme et fait palestinien. Le sionisme se fonde sur le nationalisme et postule un ancrage territorial sous la forme de l’État-nation. Le sionisme étant, à l’origine, indifférent à l’ancrage territorial (faut-il rappeler que l’Ouganda et l’Argentine avaient été envisagés pour l’établissement du peuple juif ?), il a fallu « légitimer » l’établissement du foyer national juif en Palestine. Pour cela, Ben Gourion a nié au peuple palestinien le droit de se fonder en un État au motif qu’il n’existerait pas en tant que tel et qu’il appartient au « peuple arabe ». À l’opposé, le fait national palestinien se révélera avec d’autant plus d’intensité que la politique du panarabisme a échoué.
Palestiniens et Israéliens développent donc une représentation symétrique, avec un contenu identitaire et culturel. La naissance d’Israël, le 14 mai 1948, ne pouvait, dans ces conditions, que générer une logique de guerre.
Quant aux autres États, la sympathie pour l’une ou l’autre cause est tout autant motivée par le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes que par la richesse du sous-sol. Dans ce contexte, les États-Unis jouent la carte de la guerre froide : ils souhaitent concurrencer l’Europe, principalement la France et le Royaume-Uni, puissances tutélaires de la région jusqu’en 1945.
Dans la seconde partie, l’auteur présente cet espace « surpolitisé » en rappelant d’abord comment se sont élaborées les différentes structures politiques. Dès l’Antiquité, les nombreux conflits (Hébreux, Empires grec et romain, révoltes juives, christianisme, Croisades, présence de l’Empire ottoman) révèlent d’abord un espace disputé. A. Defay rappelle ensuite comme cet espace s’est morcelé sous la double influence franco-britannique (1914-1948).
À partir de 1948 enfin, le Proche-Orient devient l’objet de tensions exacerbées, qui en font un espace politiquement et économiquement déchiré avant d’être successivement vassalisé par la rivalité des Occidentaux (1945-1956), celle des deux superpuissances (1956-1991) et par les seuls États-Unis depuis la fin de la guerre froide.
L’auteur conclut en soulignant les ambiguïtés de tous les acteurs (Israéliens, Palestiniens, Arabes, Américains, Européens) et se prononce en faveur d’un plan consistant à placer les Territoires occupés sous mandat de l’onu et dont l’exécution serait garantie par le déploiement d’une force internationale.
Si cet ouvrage présente de manière synthétique (comme le veut la « règle du jeu » pour un Que sais-je ?) et complète le Proche-Orient, on regrettera cependant qu’il consacre trop de développements au conflit israélo-palestinien par rapport aux autres tensions de la région. Non point que ce conflit ne présente aucun intérêt et il est même à lui seul l’un des enjeux de la région et de son avenir. Mais, à lire cet ouvrage, il semble que les autres conflits sont tenus pour des conflits périphériques. À partir du moment où le titre retenu était le « Proche-Orient », le lecteur doit pouvoir y trouver des éléments d’analyse sur l’ensemble des conflits et ceux-ci ne manquent malheureusement pas ! Or, certains ne sont que survolés (question de l’eau, conflit Iran-Irak, conflit israélo-syrien au Golan, Liban-sud, Jordanie…) et d’autres complètement passés sous silence comme la question kurde ou la question chypriote. Pour cette dernière, en effet, dès lors que la Turquie se situe bien au Proche-Orient, et l’auteur est sur ce point convaincu puisqu’il la fait figurer sur la carte, on ne doit pas omettre ce conflit (même s’il sera peut-être bientôt réglé dans le cadre de l’Union européenne).
En réalité, toute l’ambiguïté de cet ouvrage s’explique en raison de la définition que retient A. Defay de la géopolitique, science qui a pour objet « l’étude des effets présents et passés du politique sur l’espace géographique ». La géopolitique, terme inventé par le géographe Rudolf Kjellen, est, certes, l’étude des rapports entre espace et politique, mais c’est de la géographie et de la topographie qu’il faut partir (voir en ce sens, M.-C. Smouts, D. Battistella et P. Vennesson, Dictionnaire des relations internationales, Paris, Dalloz, 2003, pp. 234-237), et non l’inverse.