Voici un ouvrage original qui aborde la question de l’identité européenne à partir de l’examen des multiples politiques, programmes et actions des commissaires européens (Commission européenne) entre 1958 et 1997. Il est structuré en trois parties reprenant des moments historiques : la phase de lancement de la Communauté européenne jusqu’en 1969 incluant la naissance d’une nouvelle entité politique au-delà du carcan « technico-commercial », la phase de gestion de la ce qui implique à la fois élargissement, approfondissement et achèvement des socles communautaires se terminant en 1986 et enfin la phase dite de mutation qui jongle entre l’unité européenne et le poids des États-nations, tout en réussissant un saut qualitatif majeur. Éminemment complexe, le concept d’identité a été abordé en privilégiant une méthodologie consistant à rechercher ses trois « visages possibles » : l’identité idéologico-culturelle souvent abordée dans de multiples études et prises de position ; l’identité « citoyenne » y incluant le sentiment d’appartenance ; les nouvelles identités politico-institutionnelles plus ou moins cohésives dans le champ des relations internationales. L’auteur a pu constater que les commissaires européens ont généralement mis en avant la troisième identité, les deux premières étant ignorées ou situées en périphérie. Ce constat a ainsi amené Bertrand Rochard à privilégier l’étude de ces identités politico-institutionnelles spécifiques en abordant sous un angle nouveau les leitmotivs idéologiques à la base des politiques préconisées par la Commission européenne, organe considéré comme moteur de l’intégration européenne. L’examen de ces identités, exprimées à la fois dans le domaine interne et celui des relations extérieures, sera abordé à partir de l’étude des sources primaires, du « Bulletin » – cet organe d’information officiel du pouvoir exécutif de la Communauté – et de certains discours les plus souvent homogènes et collégiaux de la Commission, à la différence des positionnements parfois erratiques et divers du Conseil, du Parlement européen et des différents sommets européens. Néanmoins, si la Commission européenne est d’abord un instrument collectif qui ne saurait être réduit à l’addition de positions individuelles, elle produit des discours et donc une culture enfermée en quelque sorte dans un carcan institutionnel. La première période nous entraîne dans une vision néo-fonctionnaliste où la Commission fait confiance aux politiques sociales et économiques considérées comme agent d’une identité européenne. Posture qui expliquera la fusion des exécutifs de la cee, d’Euratom et de la ceca en 1967. Ce sera en partie une illusion dans la mesure où s’il y a interdépendance économique croissante et intensification des échanges, l’intégration des structures et des politiques reste à trouver. Confinée aux six pays fondateurs, incapable de réellement créer l’Europe sociale et celle des travailleurs, la Commission européenne prend conscience des difficultés à passer de l’économique à l’intégration politique. Europessimisme qui allait annoncer l’avènement d’une période de sursaut communautaire. La deuxième période entre 1970 et 1986 fut celle des espoirs et des déceptions. Période de défi (annoncée avec le sommet de La Haye) et qui va impliquer d’abord et avant tout une phase de gestion et le fonctionnement optimal des institutions communes comme il est prévu dans les traités. Ceci n’empêche pas une prise de conscience par les commissaires de la nécessité de lancer les premiers pas du grand projet d’union économique et monétaire, tout comme d’une coopération politique en matière extérieure où peut se « cacher » un identitaire européen. Bien que chaotique, avec ses avancées et ses impasses, entre les égoïsmes nationaux et les réflexes protectionnistes, l’identitaire européen à travers cette caisse de résonance qu’est la Commission, n’ira pas jusqu’à effacer l’entreprise Europe et la Communauté. Mais ce fut bel et bien une prise de conscience majeure, à savoir qu’il …
régionalisme et Régions – Europe : L’Europe des Commissaires. Réflexions sur l’identité européenne des traités de Rome au traité d’Amsterdam.Rochard, Bertrand. Coll. Organisation internationale et relations internationales, Bruxelles, Bruylant, 2003, 503 p.[Record]
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André Dumoulin
École royale militaire et ulb et ulg
Bruxelles, Belgique