Le couple « régions/Europe » entretient des relations paradoxales. À l’origine, les « régions intraétatiques » avaient un rôle faible, d’une part, au sein des États nationaux, à cause du caractère centralisé de la plupart des États membres, et d’autre part, dans le processus d’intégration européenne puisque ce dernier concernait uniquement les États. Or, les régions sont devenues un relais local pour l’Union européenne et cette dernière constitue un tremplin pour leur propre dynamisme. La dialectique « régions/Europe » nourrit la réflexion des vingt-six contributions réunies dans cet ouvrage. Il s’agit d’un recueil des travaux présentés à l’occasion du colloque organisé, les 23 et 24 mai 2002 à Strasbourg, sur l’initiative du groupe « Identités européennes » de l’Institut Pierre Renouvin de l’Université Paris i. En associant de nombreux historiens, des publicistes, des politistes, un économiste, des géographes, des aménageurs du territoire et un responsable de la Commission « Politiques régionales de l’are », un directeur des archives historiques des communautés européennes de Florence et un secrétaire général de la Fondation « Denis de Rougemont » pour l’Europe, l’entreprise ambitionne de proposer une vision d’ensemble sur les rapports « régions/Europe ». Le propos introductif de Marie-Thérèse Bitsch énonce les trois perspectives qui structurent le corps de l’ouvrage. La première partie présente la promotion de l’idée régionale en Europe. Elle est essentiellement empreinte d’histoire et d’idées politiques. Tout d’abord, dans sa contribution intitulée « identité régionale, identité nationale, identité européenne », Pierre du Bois défend, à partir de la consolidation de l’identité nationale, la thèse d’une superposition de trois identités territoriales. Ensuite, plusieurs contributions sont consacrées aux penseurs de l’européisme. Premièrement, Jean-Michel Guieu propose une intéressante biographie de Jean Charles-Brun, militant notoire d’une construction prudente et progressive du fédéralisme. Il révèle, ainsi, le rôle essentiel de cet auteur engagé dans l’action régionaliste française durant la première moitié du xxe siècle. Deuxièmement, François Saint-Ouen expose la pensée de Denis de Rougemont, théoricien de « l’Europe des régions ». Marqué par le courant des personnalistes, ce penseur a défendu l’idée d’un principe fédératif reposant sur les régions définies d’un point de vue téléologique et non territorial. Il s’est fait le héraut des « espaces de participation civique » même s’il accordait aussi un intérêt particulier aux régions historiques ou ethno-culturelles et surtout aux régions transfrontalières. Troisièmement, selon l’hypothèse de travail de Daniela Preda, l’engagement européiste d’Alcide de Gasperi s’explique par le caractère transfrontalier de sa région natale, le Trentin, situé au carrefour de l’Italie et de l’État austro-hongrois. Critiquant les nationalismes, cet auteur est favorable aux mouvements autonomistes comme piliers d’une organisation supranationale. Enfin, les autres articles s’attachent aux organisations syndicales et politiques. L’étude de Sylvain Schirmann porte, en premier lieu, sur les organisations syndicales favorables au régionalisme – fo, cftc et cfdt – comme moyen de transformer la société. Cependant, malgré la création de structures régionales et européennes, le bilan est mitigé puisque la représentation de ces organisations est meilleure au niveau national. Jean-Marie Palayret présente, en deuxième lieu, les activités du Conseil des communes d’Europe, qui constitue depuis 1951 un intermédiaire entre les structures communales et les instances européennes. Cette instance veille au respect de l’autonomie des communes tout en défendant l’européisme. En troisième lieu, Laura De Rose décrit – rapidement – le rôle de l’assemblée des régions d’Europe. Laure Brien expose, en quatrième lieu, les origines d’Eurocities, réseau des grandes villes européennes, qui contribue à l’intégration européenne. Dietmar Hüser élabore, en cinquième lieu, une généalogie des rapports consubstantiels entre la politique régionale et la politique culturelle au sein du Conseil de l’Europe. À la lecture de …
régionalisme et Régions – Europe : Le fait régional et la construction européenne.Bitsch, Marie-Thérèse (dir.). Coll. Organisation internationale et relations internationales, Bruxelles, Bruylant, 2003, 457 p.[Record]
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Marie-Christine Steckel-Montes
Université Limoges, France