Un groupe de chercheurs « pionniers » décide de sortir du cadre rigide imposé à l’étude des questions du Moyen-Orient, c’est-à-dire la guerre et la violence, pour étudier, même partiellement, la société civile. Visant un objectif modeste, les textes recueillis cherchent à nous introduire dans le monde des ong et organisations associatives en présentant leur nature, leur place et leur rôle dans les pays arabes. Sarah Ben Néfissa, Association et ong dans le monde arabe, se donne la tâche de jeter les jalons d’une problématique sur la question. Sa contribution théorique définit le cadre pour les autres articles qui, ensemble, servent d’introduction pour poser les problèmes d’ordre épistémologique liés à la question des associations et ong dans l’espace politique des États arabes (p. 8). L’étude de la littérature existante amène l’auteure à conclure à la jeunesse et surtout au retard des études françaises et à la domination des travaux anglo-saxons sur les ong. Tout en reconnaissant l’existence de vieilles associations dans les pays arabes, Ben Néfissa est d’avis que les différents nationalismes arabes visaient (et visent) la prise du pouvoir, car l’État était au coeur de leur projet de réforme sociale. À l’instar d’autres pays en voie de développement, la prise en charge sociale constitue la principale base de légitimité des États arabes qui entrent dans une compétition inégale avec les ong grâce à la rente pétrolière. Cet avantage crée un rapport de clientélisme entre l’État et la société dans lequel la distribution d’une partie de la rente sert l’intérêt de la classe dirigeante qui se sent ainsi libérée de toute pression pour ouvrir l’espace politique. Cependant, la crise économique cause la rupture sociale et équivaut donc à une crise de légitimité politique (p. 18). L’auteure qui reconnaît le poids écrasant de l’État et la faiblesse des associations, conclut au développement du clientélisme dans celles-ci. Les études de cas suivent le cadre théorique. Dans Le mouvement associatif marocain face à l’État. Autonomie, partenariat, ou instrumentalisation ?, Guilain Denoeux fait part de l’essor spectaculaire du mouvement associatif dans le royaume depuis la fin des années quatre-vingt. Le gouvernement y voit un signe de processus de démocratisation et un véritable partenariat avec le secteur associatif. Les partis politiques y voyaient un acquis démocratique arraché au régime. Présentant un aperçu historique du mouvement associatif marocain, l’article juge négatif l’effet du colonialisme français (1912-1956) sur l’émergence d’une véritable société civile au Maroc. La vigueur du mouvement associatif marocain ne cache pas leur fragilité structurelle, la personnalisation du pouvoir et l’omniprésence de l’État, à la recherche de la domestication de la notion de société civile en enlevant sa connotation de contre-pouvoir (p. 52). Karam Karam étudie le cas libanais dans Les associations au Liban. Entre caritatif et politique. Sur le modèle de la structure du pouvoir politique, les caractéristiques de l’activité associative au Liban sont le fruit d’une histoire où se mêlent stratégies familiales et communautaires, mouvements sociaux et événements politiques. Karam remonte la genèse d’un « tissu associatif » au Liban au milieu du xixe siècle. Les ong libanaises ont connu un développement relatif durant les années cinquante ; au cours des années soixante-dix les structures confessionnelles et clientélistes reviennent en force. La période de la guerre « civile » (1975-1990) qui affecte tous les aspects de la vie, crée une occasion pour certaines associations de traverser la frontière communautaire, régionale et nationale et l’apparition des ong internationales sur la scène libanaise. Les ong palestiniennes font l’objet de deux études. Brigitte Curmi, Les enjeux de l’après-Oslo. Le mouvement associatif dans les Territoires palestiniens, analyse l’histoire associative riche et …
Pouvoirs et associations dans le monde arabe.Ben Néfissa, Sarah (dir.). Coll. Études de l’annuaire de l’Afrique du Nord, Paris, cbrs éditions, 2002, 184 p.[Record]
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Houchang Hassan-Yari
Collège militaire royal du Canada, Kingston