Comptes rendus : Études stratégiques et sécurité

Maintien de la paix et diplomatie coercitive. L’organisation des Nations Unies à l’épreuve des conflits de l’après-guerre froide.Liégeois, Michel. Bruxelles, Bruylant, 2003, 236 p.[Record]

  • Richard Garon

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  • Richard Garon
    Institut québécois des hautes études internationales
    Université Laval, Québec

Le maintien de la paix et diplomatie coercitive est tiré de la thèse de doctorat de Liégeois. L’ouvrage utilise une méthodologie de comparaison ciblée, « Focused Comparison », d’Alexander George et de Richard Smoke. Ce livre se démarque de la littérature de ce champ d’analyse par son approche globale et théorique. Le questionnement général évolue autour des difficultés rencontrées par plusieurs missions de paix de l’onu en Afrique et en Bosnie-Herzégovine dans les milieux des années 1990. L’ouvrage se divise en deux parties. La première permet à l’auteur de définir son modèle théorique qui englobe des éléments de différentes écoles de pensée. La deuxième partie présente une étude de cas portant sur la Bosnie-Herzégovine. Dans son premier chapitre, l’auteur définit le concept central de son argumentation, la culture stratégique. Pour lui, il s’agit d’un concept évolutif, constitué de l’ensemble des croyances et des attitudes professées aux différents niveaux décisionnels d’un acteur stratégique à propos de l’utilisation optimale de l’outil militaire pour atteindre des objectifs politiques. Dans le cas des missions de maintien de la paix traditionnelles, une telle culture aurait été développée dans l’improvisation. Cette nouvelle stratégie a forgé ses principes par la pratique et ne fut conceptualisée que beaucoup plus tard. À travers plusieurs exemples, Liégeois démontre le succès des opérations de maintien de la paix de première génération par l’atteinte des objectifs visés. Pour évaluer cette question litigieuse, il utilise quatre indicateurs qui sont : l’accomplissement du mandat, la contribution à la résolution du conflit, la prévention de l’escalade horizontale et la limitation des pertes. Selon lui, la plus grande contribution des missions de première génération est donc la création d’un environnement propice au règlement politique du conflit. Cet apaisement est le résultat des fonctions de surveillance et de dissuasion des forces d’interposition. Pour l’auteur, le succès des missions de maintien de la paix traditionnelles n’est donc pas dû aux opérations elles-mêmes, mais au soutien politique des superpuissances ou à la bonne volonté des parties en présence. Basé sur ces succès, il détermine en détail, dans le deuxième chapitre, les principes directeurs des opérations de maintien de la paix traditionnelles qui sont : un cessez-le-feu préalable, le consentement des parties, la neutralité de la Force, l’usage des armes limité à la légitime défense et la responsabilité exécutive du Secrétaire général. Ce chapitre comprend également une partie explicative détaillée de la gestion des missions de maintien de la paix. Les chapitres subséquents démontrent que la culture stratégique des Nations Unies a fait face à une crise durant l’euphorie initiale du nouvel ordre mondial. Malgré la codification de la culture stratégique par l’Agenda pour la paix, l’impact réel des missions est mal interprété et souffre d’un excès de crédibilité. Le nombre de missions se multiplie donc, mais l’appui politique nécessaire à leur succès est déficient. Dans la deuxième partie de son ouvrage, l’auteur s’intéresse aux comportements des acteurs à l’aide d’une étude de cas sur la désintégration de la Yougoslavie. Selon les observations de Liégeois, lors d’une crise, les décideurs rationnels au niveau politique feraient face à deux possibilités : la coopération ou la stratégie de puissance. Pour son analyse, l’auteur élabore un modèle de prise de décision stratégique. Les éléments importants de ce modèle sont : l’interaction entre les acteurs impliqués, l’existence d’un continuum allant de la coopération au conflit et les effets de la culture stratégique à trois niveaux : la doctrine, les prédispositions cognitives et la rétroaction opérationnelle. La méthodologie de comparaison ciblée se veut un compromis entre l’analyse statistique à petit nombre et l’étude de cas approfondie. Pour les besoins de sa recherche, Liégeois pose …