Publié dans la collection La bibliothèque du citoyen, ce court essai cerne un problème bien précis de la construction européenne. Dans un style clair et concis, Jean-Louis Quermonne, propose une réflexion sur la légitimité politique. La thèse principale de l’ouvrage se résume à une question simple : quelle peut être une légitimité européenne dans un monde avec et sans souveraineté ? D’emblée, Jean-Louis Quermonne situe l’Europe politique dans la logique du compromis. Selon ce grand spécialiste des affaires européennes : « la légitimité politique de l’Union dans les années à venir sera démocratique ou ne sera pas » (p. 26). Elle le sera par une volonté politique de reconnaître ce qui fait la spécificité de l’entreprise européenne, soit la présence des États membres et la prise en compte d’une Europe des citoyens. Depuis quelques années, il semble en effet assez évident que le projet européen s’inscrit dans les dynamiques d’un environnement international en profonde mutation depuis la fin de la guerre froide. Il ne fait plus de doute que l’Europe est à un tournant de son histoire. Par conséquent, elle se doit de penser un projet politique au risque de devenir une grande organisation de régulation économique et technocratique. Dans le contexte de l’après-guerre froide, un processus de légitimation politique de l’Europe a été enclenché autour de certains événements, notamment le débat autour du traité de Maastricht (1992), les référendums danois (1992) et français (1992), la déclaration du traité de Nice sur l’avenir de l’Europe (2001). Il demeure néanmoins que cette ouverture au politique reste timide. Selon l’auteur, l’Europe doit devenir un espace de délibération. Par conséquent, la quête de légitimité politique, c’est bien plus que la simple application de règles communes, c’est la construction d’un débat politique autour des grands enjeux européens. Dans dix courts chapitres, l’auteur tient à nous faire comprendre les difficultés dans cette démarche ainsi que les nombreux risques à ne pas vouloir franchir cette nouvelle étape. Le problème de la légitimité se situe à l’origine même du projet européen. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’auteur rappelle clairement que la politique des gouvernements fut de réduire la portée du principe démocratique, jugé dangereux, et de recourir au droit comme garant de la stabilité constitutionnelle dans des sociétés bouleversées par la montée des totalitarismes. Dans cet état d’esprit, l’Europe se voit attribuer un rôle plutôt secondaire par rapport aux États-nations. Deux champs d’intervention légitime sont reconnus par les gouvernements nationaux. D’une part, l’Europe fonde sa légitimité sur un cadre d’expertise au niveau supranational, dans un espace nouveau permettant de garantir une forme d’impartialité et d’efficacité des décisions rendues par Bruxelles. D’autre part, l’Europe se constitue une personnalité propre au niveau diplomatique, mais en lien étroit avec les gouvernements nationaux. Même si, au cours des années, des développements importants ont eu lieu, notamment en ce qui a trait au développement d’une politique étrangère européenne, l’auteur se dit inquiet quant à la capacité politique de l’Europe. Selon lui, la présence d’un aussi grand déficit démocratique s’expliquerait par cette incapacité de l’institution à rejoindre les individus, remarquée par une crise de la médiation. Plus inquiétant, Quermonne remarque les effets de la montée de nouveaux discours contestataires, des partis national-populistes, des mouvements souverainistes et des ambitions cosmopolitiques. Au fond, tout ceci concourt à nourrir l’euroscepticisme dans la culture politique de plusieurs pays. Enfin, un autre facteur de résistance se situe au plan géopolitique et stratégique. Devant une politique américaine plus hégémonique, certains pays européens hésitent à donner un poids politique à l’Europe, préférant laisser ce terrain privilégié à l’otan. Dans la seconde partie de l’ouvrage, l’auteur …
Quermonne, Jean-Louis, L’Europe en quête de légitimité, Paris, Presses de Sciences Po, 2001, 128 p.[Record]
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Chedly Belkhodja
Département de science politique
Université de Moncton, Canada