Au premier coup d’oeil, le titre frappe : comment peut-on concilier démocratie et autoritarisme ? Déjà, la curiosité s’installe et on se demande bien si l’auteur pourra y parvenir. Formule ampoulée dont Legault a développé l’art ou nouvelle réalité du contexte international ? On sent le besoin de se plonger dans l’ouvrage pour y trouver la réponse. D’entrée de jeu, l’auteur prévient toutefois son lectorat que son texte « n’a pas de prétention scientifique » (p. ix). En cela, il faut lui donner raison puisque le bref recueil est davantage une compilation de réflexions suscitées par la suite des événements du 11 septembre 2001 et une ouverture sur ce que pourrait être la politique étrangère américaine dans ce que certains voient déjà comme étant une ère nouvelle. L’ouvrage n’est toutefois pas complètement dénué d’intérêt scientifique puisque, après avoir franchi les 67 premières pages, il nous en reste une centaine au cours desquelles surgissent des éléments d’analyse, des pistes de recherche éventuelles, voire une esquisse de réponse aux incertitudes causées par un nouvel agencement des rapports de force internationaux. En fait, si Legault a raison de placer sa mise en garde pratiquement en épigraphe, c’est parce que nous sommes ici en présence davantage d’un ouvrage d’intellectuel que d’un ouvrage de scientifique. L’intellectuel puise à la science, certes, mais il transcende celle-ci : comme l’écrit Marcel Fournier, « pour être considéré comme intellectuel, […] il faut être engagé, sans pour autant être membre d’une organisation ou d’un parti politique ; il faut enfin dépasser les situations particulières, les particularismes pour tendre vers l’universel ». Legault répond à cette invitation. Par le dialogue sous-entendu que l’auteur entretient avec son collègue Jean-Pierre Derriennic – dès le parcours de l’index, on s’aperçoit que seuls quelques noms dont ceux de Bush, Ben Laden et Saddam reviennent plus souvent que le sien – il rend le jeu intellectuel encore plus transparent. L’organisation de l’ouvrage n’est toutefois peut-être pas optimale. On y perd parfois le fil des questions originales. À cet égard, les dix chapitres qui articulent la réflexion n’aident pas puisqu’ils masquent une construction plus simple : une introduction suivie de trois parties à peine évoquées, mais qui se révèlent tout de même tant leurs tons diffèrent. Le premier chapitre de l’ouvrage sert effectivement d’introduction. Legault s’y inspire des écrits d’Alain Joxe, de Raymond Aron et de Bertrand Badie et, plus précisément, de son concept de retournement du monde. L’auteur ne se limitera toutefois pas à ces sources puisque tour à tour, les valeurs réalistes (plus généralement), marxistes (p. 68) et constructivistes (p. 152) seront appelées en renfort. La réflexion qui est menée dans ce chapitre introductif est intéressante et s’achève sur trois questions : la fonction de protection exercée par l’empire a-t-elle complètement disparu ? L’État sort-il renforcé ou affaibli de la crise du 11 septembre, et est-ce la fin de la société civile ? Le menace terroriste est-elle réelle ou non et si oui, est-il possible de l’éliminer ? Les réponses apportées à ces questions, en bout de ligne, n’ont rien de manichéen et elles affichent certaines nuances selon le contexte qui est considéré. Les divers chapitres de l’ouvrage y contribuent de façon plus ou moins directe. Ainsi, dans les chapitres 2, 3 et 4, après avoir abordé quelques « réflexions critiques » quant à l’avenir du réseau Al-Qaïda et aux « effets pervers de la fonction de protection », l’auteur reprend des propos qu’il a publiés dans le quotidien Le Devoir. Il accole les chroniques qui s’enchaînent, parfois dans la redite, parfois dans les bris du continuum analytique. C’est certes le propre …
Legault, Albert, La lutte antiterroriste ou la tentation démocratique autoritaire, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2002, 165 p.[Record]
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Nelson Michaud
École nationale d’administration publique
Université du Québec, Québec