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Les livres de vulgarisation des théories des relations internationales en français ne sont pas légion sur les tablettes des bibliothèques universitaires. Les livres à jour et de qualité dans cette catégorie sont encore plus rares. C’est dans ce contexte que Jean Barrea publie ce qu’il affirme être le dernier livre de sa carrière universitaire (p. 7) la quatrième édition de son livre Théories des relations internationales (la première édition date de 1978).
L’auteur débute la dernière mouture de son livre par une introduction mise à jour où il aborde sommairement les courants théoriques émergents des dernières années. Il superpose et harmonise de cette manière cette nouvelle introduction aux introductions des anciennes éditions. Il met ainsi en place les limites conceptuelles de son ouvrage, ce qu’il mentionne d’ailleurs par le sous-titre du livre, de l’« idéalisme » à la « grande stratégie ». Le reste du volume se divise en trois parties. La première partie (chap. 1 et 2) est consacrée à la prise de décision en politique étrangère. Le premier chapitre aborde le paradigme réaliste et le paradigme idéaliste alors que le deuxième chapitre recense les approches « scientifiques » de la décision en politique étrangère. La deuxième partie (chap. 3 et 4) traite des relations internationales à proprement parler. Cette partie se divise en deux axes principaux : les relations de puissance au chapitre 3 et les relations de coopération au chapitre 4. Tour à tour sont abordées la théorie réaliste de la puissance, les théories « scientifiques » de la puissance, la négociation internationale, la coopération, la théorie des régimes et l’intégration politique internationale. La troisième partie et la plus longue du livre (chap. 5 à 9) examine l’importante question de la sécurité dans les relations internationales. Le chapitre 5 se consacre à l’explication de la force nationale, de sa conversion et de sa fongibilité. Le sixième chapitre examine la théorie de l’équilibre multipolaire des forces. Le chapitre 7 étudie les régimes de sécurité collective en les critiquant. Le huitième chapitre analyse la dissuasion nucléaire dans ses dimensions stratégique et diplomatique. Le chapitre 9 fait une rétrospective de la guerre froide et des éléments de politique internationale qui ont marqué cette période de l’histoire contemporaine. Inévitablement, la bipolarité, la course aux armements, les crises diplomatiques, la détente, le neutralisme politique et la stabilité internationale sont au coeur de ce chapitre. Le chapitre 10 sert de conclusion générale où l’auteur fait un lien entre la fin de la guerre froide et la « grande stratégie ». En d’autres mots, l’auteur offre sa propre réflexion sur la guerre froide et surtout, comment l’identité des principaux acteurs de cette guerre ont produit une « signature stratégique » qui leur est particulière.
Cet ouvrage ne contient ni thèse ni modèle analytique comme il fallait s’y attendre puisqu’il prend la forme d’un manuel scolaire de vulgarisation scientifique. En fait, ce livre est une bonne lecture de départ pour les néophytes des relations internationales qui désirent en savoir plus sur le sujet. À cette fin, il faut mentionner que les notes de référence en fin de chapitre sont claires, diversifiées et complètes. Il faut noter, toutefois, l’absence d’une bibliographie générale et d’un index en fin de volume.
Barrea cerne bien les grands enjeux internationaux et les auteurs importants à la fois des relations internationales et des études stratégiques, sans tomber dans les exemples historiques, ni en abuser, comme la plupart des autres livres francophones de relations internationales. En général, il explique de façon concise et précise les principales théories qui peuplent le corpus de la discipline des relations internationales. Il fait des parallèles intéressants avec d’autres sciences sociales telles que la sociologie ou l’anthropologie. Néanmoins, il semble parfois manquer d’exemples concrets pour illustrer certains propos ou certaines théories, ce qui rend la compréhension plus ardue pour le lecteur. À certains endroits, l’auteur utilise des métaphores (p. 314) ou il emprunte des images tirées de la physique ou de l’architecture afin (présumément) d’embellir son propos et d’illustrer ce qu’il avance. De plus, fait à noter, l’auteur utilise des schémas récapitulatifs peu clairs (p. 31) ou tirés intégralement d’autres ouvrages sans être traduit préalablement en français (p. 62). Il aborde la question du temps mondial de façon détournée c’est-à-dire sans jamais en parler ouvertement ou nommément (p. 68) alors que cet objet des relations internationales existe et porte un nom. Enfin, et ce qu’il faut déplorer le plus dans un livre de théories des relations internationales mis à jour en 2002, c’est l’absence des théories constructivistes et du débat fondamental qu’elles ont engendrées dans la discipline. Mais en dehors de ces commentaires, il faut affirmer que la grande qualité de ce livre provient du fait que l’auteur critique habilement les théories qu’il expose en faisant des liens avec d’autres théories ou d’autres disciplines connexes aux relations internationales. Finalement, je n’hésiterai pas à utiliser ce livre comme manuel de cours dans une classe de premier cycle universitaire portant sur les relations internationales.