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Les lecteurs qui croient que l’État est voué à disparaître en raison de la mondialisation seront déçus par cet ouvrage. Trahissant les couleurs néo-réalistes des directeurs, le sous-titre indique que l’État devient de plus en plus important pour tous les pays et toutes les cultures, en raison de son rôle de défenseur des peuples, selon les termes employés par les directeurs. L’État est notre meilleur espoir si les sociétés et les cultures ne sont pas condamnées à être dépassées ou influencées de façon négative. Les directeurs rejettent explicitement la thèse de la mort de l’État et étayent à ce titre leur argument dans le dernier chapitre de l’ouvrage selon quatre piliers : 1) le caractère imprévisible de la mondialisation ; 2) son rythme varié ; 3) la suprématie maintenue lorsque vient le moment d’exercer une autorité sur les enjeux sociaux et culturels suscités par la mondialisation ; et 4) la capacité unique de l’État à réagir et la flexibilité de ses réactions.
Une grande partie de l’argument qui sous-tend cette conclusion s’appuie sur l’idée que l’État demeure la seule institution capable de réagir et que la société peut tenir responsable. Les directeurs de l’ouvrage reconnaissent que les mécanismes démocratiques permettant à l’État d’agir ainsi sont de plus en plus remis en question si l’on considère les taux de participation aux élections qui sont en déclin, et l’indifférence grandissante des électeurs dans plusieurs pays (des problèmes que certains attribuent à la mondialisation !) ; toutefois, selon eux, l’État demeure notre meilleure option : « Que les liens entre les sociétés se renforcent au fur et à mesure que la mondialisation progresse, ou que les frontières réapparaissent si la mondialisation faiblit, il ressort de notre analyse qu’il sera plus important que jamais de tenir les gouvernements nationaux responsables pour leur fonction de société et de donner droit de parole à ceux qui sont exclus, au même titre que ceux qui sont inclus, par les processus actuels de la mondialisation. » (p. 157). Cela est particulièrement le cas pour la population canadienne, l’auditoire visé par les directeurs.
Cette conclusion néoréaliste paraît parfois boiteuse, et si l’on prend en compte les chapitres qui précèdent, on se demande si les directeurs n’ont pas trop rapidement écarté la possibilité de tenir les organisations internationales pour responsables (devenant ainsi aussi importantes, sinon plus, que les États en termes de réaction envers la mondialisation), ou que le concept de « gouvernance cosmopolitaine » (qu’ils présentent rapidement) ne puisse susciter un type plus approprié de réaction (p. 157). Le lecteur demeure dans l’incertitude quant à savoir si la conclusion des auteurs est justifiée étant donné les preuves contenues dans les quatre principaux chapitres du livre : l’analyse de John Hannigan sur l’industrie mondiale du divertissement ; l’essai novateur de Lloyd Wong sur l’identité culturelle et la citoyenneté au Canada ; l’étude de Ron Deibert de la campagne réussie sur internet contre l’Accord multilatéral sur l’investissement (ami), probablement l’article le plus utile pour les professeurs de relations internationales et des mouvements sociaux et qui a déjà paru dans le International Studies Perspectives, et le chapitre de Marc Raboy sur la politique de la communication. Encore une fois, on perçoit une perspective canadienne dans ces analyses, ce qui va de pair avec l’origine des auteurs, mais qui nuit par le fait même à la perspicacité et à l’utilité générales du volume. L’équilibre est aussi problématique, dans la mesure où certains chapitres traînent en longueur – heureusement, le meilleur est le plus court. Cette analyse représente aussi le plus important défi à la thèse des directeurs, avec Diebert qui conclut comme suit : « À l’avenir, la controverse sera en grande partie centrée sur la façon d’intégrer les activistes des ong (organisations non gouvernementales) et de la société civile dans les processus de prise de décision au niveau national et international. La question de savoir s’il faut oui ou non les intégrer est déjà controversée. » (p. 104).
Les directeurs ont fait un excellent travail de mise en contexte des enjeux posés par la mondialisation dans leur introduction et leur conclusion. Les activistes sociaux, en particulier, trouveront cet ouvrage utile. Sa documentation et ses annexes sont parmi ses éléments les plus forts, aux côtés des questions ouvertes pour une recherche plus poussée que la trame conceptuelle de l’ouvrage soulève. Par exemple, est-ce que le fantasy park auquel réfère le titre ne serait pas l’État en tant que tel (et est-ce que l’État moderne est le produit de l’industrie mondiale du divertissement), où les éléments les plus importants des manifestations antimondialisation ont depuis longtemps pris le chemin de l’internet ?