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Dans ce second ouvrage, après sa somme sur La bonne foi en droit international public, Robert Kolb tente d’élaborer les bases d’une réflexion approfondie et d’une reconstruction nouvelle d’une notion, le jus cogens, qui atteint une importance considé-rable dans la pratique et le droit internationaux.
Après une brève introduction sur la définition du jus cogens, l’auteur, dans une première partie, passe en revue les différentes théories existantes et met en lumière, pour chacune d’elles, leurs implications. Il commence tout d’abord par les arguments des négateurs du jus cogens, qui reposent sur trois types d’objections. Pour certains, (G. Schwarzenberger), le jus cogens suppose un ordre juridique institutionnalisé ; pour d’autres (R. Schwab), il faudrait, pour qu’il puisse exister, que les sujets et les créateurs du droit soient nettement séparés ; pour d’autres enfin, (P. Weil), le droit international, fondé essentiellement sur la volonté des États, est un ordre juridique non hiérarchique et qui ne connaît pas de distinction entre sources du droit et actes juridiques. R. Kolb distingue ensuite, dans la littérature juridique, 10 théories sur la nature et le fondement du jus cogens. Même si celles-ci reposent parfois sur des prémisses identiques ou convergent dans leurs conclusions, l’auteur montre comment elles possèdent chacune des différences spécifiques et comment aucune n’est complètement réductible ou assimilable à l’autre.
Après cette analyse fouillée, c’est à la recomposition du concept de jus cogens que l’auteur s’attaque et adopte, à cet effet, une démarche originale et inédite. Il montre que le jus cogens ne doit pas se limiter aux normes impératives qui protègent les intérêts fondamentaux de la communauté internationale, mais qu’il s’étend à toute norme porteuse de ce qu’il appelle, après le droit romain, l’utilitas publica, c’est-à-dire une sorte d’intérêt général dans la vie internationale. Il démontre alors l’identité profonde entre le jus cogens interne et le jus cogens international, qui s’identifie ainsi au droit public, et qui apparaît, à travers le concept d’indérogeabilité, comme une technique juridique propre à garantir l’intégrité de n’importe quel régime juridique.
Cette acception large du jus cogens permet à R. Kolb d’en analyser l’application au Statut de la cij, qui apparaît comme « un exemple de jus cogens fondé sur l’utilitas publica » (p. 209). En effet, la lecture du Statut permet de constater l’existence d’un grand nombre de règles de droit impératif. Il en est notamment ainsi du premier chapitre relatif à l’organisation de la Cour (procédure d’élection des juges, incompatibilités, privilèges et immunités…). Mais le jus cogens apparaît aussi à travers les règles de compétence et les divers chefs d’irrecevabilité (impossibilité pour la Cour de connaître un différend sur la base de considérations exclusivement politiques ou extra-juridiques, indérogeabilité au Statut dans le compromis des parties, impossibilité pour les États de demander à la Cour un avis consultatif…). Le jus cogens permet aussi de s’opposer à la volonté commune exprimée par les parties dans le cadre d’une instance : non liquet, conditions de nomination de juges ad hoc, suppression de la procédure orale, motivation des arrêts, faculté pour les juges d’émettre une opinion individuelle ou dissidente sont quelques-unes des règles évoquées par l’auteur et qui ne peuvent pas être tenues en échec par la volonté des parties.
L’ensemble de ces règles est ainsi destiné à protéger l’intégrité et l’unité de la fonction juridictionnelle et consultative de la cij.
En conclusion, le jus cogens, n’étant pas l’ordre public, il apparaît comme une notion plus étroite que celle présentée par la doctrine moderne, mais c’est aussi une notion plus large qui s’applique à des situations où ne sont pas nécessairement en danger les intérêts fondamentaux de la communauté internationale. À la lecture de cet ouvrage, on ne peut que reprendre à son compte la conclusion du préfacier, G. Abi-Saab et dire qu’il constitue « la référence indispensable sur le sujet ».