Essai

Le Sommet de JohannesburgQuel avenir pour l’écopolitique internationale ?[Record]

  • Philippe Le Prestre

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  • Philippe Le Prestre
    Professeur au Département de science politique de l’Université du Québec à Montréal.

Alors que 170 pays se réunissent pour évaluer les progrès depuis la Conférence de Rio sur l’environnement et le développement de 1992, le président de la conférence, devant les multiples impasses, se demande ouvertement si les États ont vraiment la volonté de travailler ensemble pour arrêter la dégradation de l’environnement. Lui et d’autres remettent même en question l’utilité des grandes conférences de l’onu : « Si l’on ne peut même pas réaffirmer ce qu’on a adopté récemment », se demande un participant, « toutes ces réunions en valent-elles la peine ? » Johannesburg, 2002 ? Non, New York 1997, alors que les États s’étaient réunis dans le cadre d’une conférence intitulée « Rio + 5 » afin, déjà, de faire le bilan des actions entreprises et de donner une plus grande impulsion au Plan d’action de Rio (dit Agenda 21). Rio+5 fut un échec patent : la société civile et les États étaient peu mobilisés ; le programme d’action adopté vague et limité. On ne pu même s’entendre sur une déclaration politique. Dix ans après Rio et cinq ans après New York, le Sommet mondial de Johannesburg sur le développement durable (smdd) a été, lui aussi, accusé d’échec par les uns, de réussite partielle par les autres. Face aux espoirs déçus, certains annoncent la fin des grandes conférences onusiennes. D’autres, en revanche, voient dans la conclusion de partenariats et l’adoption de certaines cibles le début de nouvelles formes de coopération et l’émergence de nouvelles responsabilités. On sait que les bilans ne reflètent souvent que les a priori politiques et normatifs de leurs auteurs. Chacun aura ses propres critères : doit-on comparer Johannesburg aux actions passées ou à celles qu’exigeraient les défis de l’avenir, par exemple ? Crier à l’échec ou au succès fait aussi partie d’une stratégie politique visant à exercer davantage de pression sur les gouvernements, à mobiliser l’opinion ou à légitimer ses actions futures. Comparons, au départ, ce qui est comparable, c’est-à-dire Johannesburg à Rio + 5 plutôt qu’à Rio. Lors de cette dernière rencontre, toutes les questions qui se trouvaient alors à l’agenda politique international dans le domaine de l’environnement étaient sur la table. Le coeur de la Conférence des Nations Unies sur le développement et l’environnement fut le grand compromis sur le développement durable, la mobilisation des pays du Sud et la reconnaissance d’acteurs nouveaux (les « groupes principaux »), la reconnaissance de principes en émergence ou récemment invoqués à travers une déclaration politique solennelle, la signature de deux grandes conventions (sur les changements climatiques et la diversité biologique) et de lignes directrices sur les forêts, et l’adoption d’un vaste plan d’action que tous les acteurs savaient être une entreprise de longue haleine offrant essentiellement des points de repère pour des actions futures (Agenda 21). Rio + 5 (à New York) et Rio + 10 (à Johannesburg), en revanche, furent plus modestes par leur portée (les domaines couverts étaient moins nombreux) mais plus optimistes quant à leurs ambitions (par l’adoption éventuelle d’engagements précis). C’est à Rio + 5, et non à Rio, qu’en plus des questions traditionnelles s’en profilèrent de nouvelles qui allaient gagner en complexité et figurer au coeur du processus du smdd, telles que la pauvreté, la gouvernance ou les relations entre commerce et environnement. Le bilan du smdd doit aussi porter sur le processus en entier et ne pas se limiter à la décade d’août et septembre 2002 durant laquelle s’est joué l’acte final d’une pièce en plusieurs actes (et sans fin ; le « sommet de Johannesburg » qui a rassemblé 191 États n’est pas …

Appendices