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Le principe d’intégrité territoriale révèle la nature personnaliste du droit international. Si le droit international a, depuis le traité de Westphalie signé en 1648, vocation à protéger l’État per se, c’est-à-dire son territoire comme manifestation du Pouvoir, il garantit également désormais des droits aux ressortissants des États et notamment aux victimes des politiques ethno-territoriales.
Cette problématique a été posée par Philippe Chrestia dans sa thèse de doctorat de droit public soutenue, à l’Université de Caen-Basse Normandie, en 1999 devant un jury composé par les professeurs Saunier, Touscoz, Haquani et monsieur Quetel.
Dans cet ouvrage mis à jour, l’universitaire démontre que le principe d’intégrité territoriale a comme Janus deux visages. Le principe d’intégrité territoriale apparaît certes comme un « élément du maintien de la paix », mais il constitue aussi un « instrument de promotion de l’Homme ».
À partir de cette théorie, l’auteur s’attache dans une première partie à l’étude du principe d’intégrité territoriale comme élément du maintien de la paix. Sa démonstration repose sur deux idées forces. Dans un premier temps, l’auteur présente la fonction stabilisatrice du principe d’intégrité lors de la formation du statut territorial, qui résulte de l’occupation effective ou de la propriété de titres juridiques, puis à l’occasion de sa transformation, qui peut être déclenchée lors de la révision, la rectification des frontières, la réattribution des territoires ou à l’occasion de la recomposition des espaces. Dès le xvie siècle, le droit international reconnaît le droit à l’indépendance des États et à la sécurité intérieure de ses frontières. Or, au nom de la souveraineté des États, le droit des gens concède aux États le droit régalien de faire la guerre. Dans un second temps, Philippe Chrestia explique comment le principe d’intégrité territoriale remplit après la Première Guerre mondiale une fonction protectrice dans la mesure où les mutations territoriales par l’usage de la force sont prohibées, car elles portent atteinte à la paix internationale. Le traitement de la crise du Golfe en fait figure de symbole.
Tout au long de la seconde partie, le principe d’intégrité territoriale apparaît comme un instrument de promotion de l’Homme. Le principe d’intégrité territoriale ne doit plus masquer et légitimer la répression exercée par certains États, en l’occurrence l’Irak et la République fédérale de Yougoslavie, sur la population située sur leur territoire. Tout d’abord, « l’application anticipée » par la Communauté internationale du principe d’intégrité territoriale aux États colonisés a conduit à l’opposabilité et à l’internationalisation du statut territorial. La conciliation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes avec le principe d’intégrité territoriale a, ainsi, légitimé la décolonisation. Ensuite, « l’application compensée » du principe d’intégrité territoriale conduit au respect des droits de l’homme par l’État, qui est confronté aux revendications d’autonomie de ses ressortissants. Grâce à l’émergence du droit humanitaire et au développement de la responsabilité pénale des chefs d’État pour crimes contre l’humanité, il en résulte, d’une part, une sécurisation de la population située sur le territoire. Il en découle, d’autre part, une démocratisation des régimes politiques puisque la reconnaissance du principe de non-discrimination et la défense des minorités aboutissent à la protection individuelle. De surcroît, la consécration de la décentralisation et du fédéralisme conduit au pluralisme et corrélativement à l’autonomie territoriale.
La démonstration de l’auteur est tout à fait convaincante. Par ailleurs, à l’instar des travaux des architectes de la Grèce antique, le plan de cette thèse se caractérise par l’équilibre et la clarté. En outre, la perfection formelle, les conclusions en cascade et l’aspect pratique de la liste des abréviations et des sigles, de l’index thématique et de la bibliographie présentée à partir de cinq grands thèmes (ouvrages généraux, droit international, l’État, la paix et la personne humaine) font de cet ouvrage un outil de travail précieux et d’un maniement aisé. Enfin, compte tenu des dimensions historique, philosophique et juridique de cette étude relative au principe d’intégrité territoriale, l’intérêt de cette recherche dépasse le cercle restreint de la communauté des internationalistes.