Comptes rendusÉconomie internationale

Mixed Fortunes: An Economic History of China, Russia and The West, Vladimir Popov, 2014, Oxford, Oxford University Press, 191 p.[Record]

  • André-Anne Côté

…more information

  • André-Anne Côté
    Département d’anthropologie, Université Laval, Québec, Canada

Depuis les années 1980, la croissance fulgurante de l’économie chinoise n’a cessé d’impressionner la communauté internationale. C’est notamment le cas du livre Mixed Fortunes où Vladimir Popov s’inspire du modèle chinois actuel pour proposer de nouvelles approches du développement. Grâce à une lecture critique de l’histoire mondiale, l’auteur met en comparaison le parcours de la Chine et de la Russie face aux nations industrialisées. En tirant des leçons du passé, il remet en question les paradigmes dominants dans le champ du développement chez les décideurs politiques. Au sein du champ des Relations internationales, cette brillante analyse offre un point de vue alternatif sur les facteurs menant à la croissance économique, mais surtout de prometteuses recommandations qui s’adressent autant aux pays en voie de développement qu’à ceux industrialisés. Pour commencer, l’auteur retrace brièvement l’histoire de l’accumulation des richesses en Occident depuis 1500. À cette époque, la région avait un pib similaire au reste du monde et celui-ci s’est accru plus tard selon deux causes possibles : par la suprématie de la civilisation occidentale au sommet de l’échelle de l’évolution humaine ou par une pure coïncidence d’éléments géographiques et historiques. En revanche, Popov croit que ces théories ne peuvent expliquer pourquoi la Chine et la Russie, à partir d’une économie planifiée, ont pu s’élever au rang de puissances mondiales. Pour l’auteur, il existe deux autres façons de sortir du piège malthusien de la stagnation, selon lequel la croissance est confinée à un niveau de subsistance. D’une part, les nations colonisées dès le 19e siècle, comme la Russie, l’Amérique latine et l’Afrique subsaharienne, ont suivi le modèle occidental en détruisant leurs institutions collectives, ce qui a fait augmenter les disparités économiques et les tensions sociales. D’autre part, les autres pays comme ceux de l’Asie du Sud-Est, du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord, ont préservé leurs institutions collectives à un certain degré, en maintenant les égalités économiques et l’ordre social parmi leurs citoyens. Par la suite, Popov nous explique la spécificité du système d’économie planifiée sous les régimes communistes chinois (1949-1978) et russes (1917-1991) : leur capacité à mobiliser l’épargne nationale, puis de la transformer en investissements sans produire d’inégalités. Pour lui, la Chine est l’un des pays les plus prospères à avoir rattrapé les pays industrialisés, malgré le Grand Bond en avant et la Révolution culturelle. Lors de la transition vers l’économie de marché, la Chine a bénéficié des valeurs asiatiques communautaires et de la courte période de la mise en place du régime maoïste. Cependant, l’auteur souligne que, sans les accomplissements de Mao, les réformes économiques n’auraient pas obtenu autant de succès. En effet, une politique spontanée de libéralisation du marché, sans capitaux humains et de fortes institutions présentes en Chine, n’aurait pas été productive. De son côté, l’urss a connu une croissance assez spectaculaire jusqu’en 1960 et a perdu de la vitesse en raison de son incapacité à remplacer le capital fixe. Durant son passage vers une économie libérale, la faiblesse du gouvernement russe a mené à des déséquilibres économiques et à l’effondrement des institutions partout en urss. Ainsi, Popov rappelle que la capacité institutionnelle d’un État, c’est-à-dire l’habileté d’un gouvernement à renforcer les lois et les régulations, représente l’une des clés pour comprendre la croissance économique d’un pays. De plus, un autre facteur est important à prendre en compte : la Russie était déjà occidentalisée avant 1917. C’est donc pourquoi les institutions collectives nouvellement introduites après la révolution semblaient peu familières au peuple. En revanche, la Chine a interrompu son processus d’occidentalisation à temps, pour retourner aux valeurs asiatiques communautaires. Ces dernières ont d’ailleurs fait leurs preuves …