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Introduction

Les conceptions de l’écocitoyenneté sont très diversifiées, autant que les visées des écrits sur le sujet. Néanmoins, les perspectives convergent sur au moins deux points : le refus de réduire l’écocitoyenneté à la pratique de gestes prescrits, puis l’idée que l’écocitoyenneté ne va jamais sans poser des gestes concrets, au moins ceux à la portée du plus grand nombre. Là où les gestes en question s’observent, il y a toujours lieu de se demander s’ils sont orientés par des valeurs de l’écocitoyenneté, par la responsabilité des comportements à l’égard de son environnement et des autres habitants, par une conscience généralisée des conséquences d’actes néfastes pour la planète, par la maîtrise de savoirs scientifiques nécessaires aux choix éclairés, par le développement d’un esprit critique, par une participation citoyenne, par une adhésion à une norme diffusée, voire par une identité écocitoyenne et par un sentiment de capacité d’agir (Sauvé et al., 2017 ; Ginsburger, 2020 ; Ibinga, 2018). À côté de ces questions relatives aux états de conscience, examiner dans quels lieux de la structure sociale les gestes réputés écocitoyens sont posés de manière régulière, ou pas, offre par ailleurs la mesure d’une expansion effective du phénomène social. Cette mesure de ce que l’on déclare faire est relativement indépendante des sentiments et des manières de penser que la recherche peut identifier à l’écocitoyenneté.

Cet article propose une analyse d’un sondage auprès des Québécois vivant en ménage privé et s’intéresse à leur pratique d’une dizaine de gestes écocitoyens en 2022[1]. Plusieurs recherches ont déjà étudié les données de consommation d’électricité en fonction de la composition du ménage, de l’âge de ses membres et des phases du cycle de vie familiale (Axsen et al., 2012 ; Brounen et al., 2012 ; Heinrich et al., 2022 ; Weber et Perrels, 2000 ; Zou et al., 2018). Notre recherche s’intéresse particulièrement à la pratique de gestes courants, plus ou moins routiniers, par lesquels les ménages peuvent diminuer leur consommation d’électricité[2]. Nous avons examiné si ces gestes sont pratiqués avec d’autres gestes écocitoyens, et davantage en certaines situations du cycle des âges de la vie adulte et des trajectoires résidentielles, familiales et économiques. Nous étions aussi curieux de savoir si les gestes d’économie d’électricité constituent un ensemble intégré de pratiques liées à des engagements portant spécifiquement à l’économie de cette ressource, ou s’ils tendent plutôt à être intégrés à un plus vaste système où le ménage agissant au quotidien pour réduire sa consommation d’électricité devrait aussi se conduire de manières attentives à l’eau, à la mobilité durable, à la gestion des déchets, à l’autoproduction, à l’achat local, etc.

Le sondage incluait quatre questions sur des pratiques visant à économiser de l’électricité et six autres sur des gestes qui pourraient être pratiqués avec les premiers dans un esprit proche d’un idéal d’écocitoyenneté (encadré en annexe). Les questions du sondage sur les gestes d’économie d’électricité, soit « diminuer la température des thermostats du chauffage », « utiliser certains électroménagers moins souvent », « consommer moins d’eau chaude », « suivre régulièrement l’évolution de votre consommation d’électricité », apportent des indications sur les pratiques actuelles des ménages privés, à travers des réponses de participants devant juger si les membres de leur ménage peuvent poser ces gestes, et s’ils le font à l’occasion ou de manière bien intégrée dans leurs routines et habitudes. Parce que la transition énergétique pourrait s’inscrire dans la transformation des modes de vie et de consommation que prescrivent les normes de l’écocitoyenneté, en examinant comment les participants au sondage qualifient l’état d’un ensemble d’autres pratiques dans leur ménage, telles qu’« éviter les plastiques », « trier les déchets », « économiser l’eau », « privilégier les déplacements actifs et l’usage des transports en commun », « produire soi-même », « acheter local », l’analyse donne quelques aperçus plus étendus sur une diversité des modes de vie qui contribuent différemment au cheminement vers l’écocitoyenneté.

L’étude sociologique des gestes écocitoyens dans les ménages par les représentations

Les études des pratiques écocitoyennes au moyen de sondages (GreenFlex-ADEME, 2021; Durif et Boivin, 2022; Ginsburger, 2020 ; Glomeron et al., 2017) s’intéressent généralement à des différences entre des catégories démographiques, économiques et sociales. Leur interprétation dans les champs de la sociologie de l’environnement, de la consommation et de l’énergie (Bartiaux, 2019 ; Dubuisson-Quellier et Plessz, 2013 ; Shove, 2010 ; Stephenson et al., 2015 ; Zelem et Beslay, 2019) impose d’abord de considérer que les gestes jugés écocitoyens ont pour la plupart une existence historique antérieure à cette notion et peuvent encore se pratiquer hors d’un esprit de l’écocitoyenneté. Économiser l’énergie, produire soi-même, acheter local et recycler sont autant d’exemples de logiques de pratiques culturelles plus anciennes que les préoccupations environnementales. Il s’agit de gestes que la reproduction familiale peut contribuer à perpétuer et d’usages qui peuvent renvoyer à d’autres normes et notions de l’utile et du bien que celles de l’écocitoyenneté.

Explorer la richesse du sens subjectif des gestes justifierait de poser un grand nombre de questions. Le sondage étudié en inclut quatre qui demandaient au participant d’indiquer s’il est assez ou totalement en accord ou en désaccord avec ces représentations d’engagements de son ménage : « nous agissons pour les autres et les générations futures », « nous avons la volonté de diminuer notre confort pour économiser de l’électricité », « nous faisons déjà beaucoup d’effort pour économiser de l’électricité » et « nous pensons en faire déjà assez pour l’environnement ». Le dernier de ces énoncés représente que l’effort écocitoyen du ménage s’accompagne d’un sentiment que ce qui est fait est suffisant, satisfaisant ou proche du souhaitable.

Le sondage impose aussi de composer avec des déclarations de gestes reconnus désirables plutôt qu’avec des observations systématiques du quotidien des uns et des autres. Cela pose la question de l’hétérogénéité des manières de juger et celle des différences observables qui pourraient se profiler sous des réponses identiques. Le sondage analysé demandait aux participants de juger qualitativement de l’état de la pratique de gestes dans son ménage en choisissant entre les réponses suivantes : « nous ne pouvons pas le faire dans notre situation » ; « nous ne le faisons pas, mais nous pourrions le faire » ; « nous le faisons déjà à l’occasion, mais pas tout le temps » ; et « c’est bien intégré dans nos routines et habitudes ». La gradation entre le sentiment de l’impossibilité de pratiquer le geste et le sentiment que le ménage le pratique bien et régulièrement ne doit pas être confondue avec une appréciation de la quantité, de la qualité ou de l’efficacité des gestes posés. Ces réponses ont pour notre interprétation une valeur d’expression d’une représentation de son ménage, c’est-à-dire de pensées et de sentiments que nous présumons ancrés dans les expériences de leur pratique des gestes, d’interaction et de communication. Nos constats n’ont pas la même valeur de vérité empirique que ceux étant fondés sur des observations ou des mesures des gestes collectées directement par les chercheurs : nous analysons des représentations communiquées par un participant en répondant à des questions fermées sur son ménage.

La méthode du sondage identifie aux caractéristiques d’un participant, de son ménage et de son domicile des gestes dont la pratique se fait en relation avec d’autres individus, d’autres groupes et d’autres espaces, sans oublier la présence de technologies et d’aménagements qui peuvent faciliter les choses. Il a été choisi de poser des questions sur les pratiques des membres du ménage plutôt que sur celles du participant afin d’éviter qu’un cadrage de l’observation sur l’individu tronque l’aperception de plusieurs des gestes étudiés. Certains s’inscrivent dans une division conjugale, familiale ou autre du travail domestique ; tandis que d’autres gestes s’insèrent dans des budgets personnels ou communs aux membres du ménage, et des structures de relations d’échanges où leur participation peut être différenciée. Les cadres institutionnels et des aménagements du territoire habité peuvent leur imposer des contraintes différentes. Les habitudes et les routines du ménage se vivent selon des emplois du temps désynchronisés, individualisés et partagés entre des activités et des lieux dispersés, qui produisent et bouleversent des arrangements plus ou moins stables et stressés. En exprimant son accord ou son désaccord avec d’autres affirmations relatives à son ménage, le participant au sondage pouvait donner quelques indications complémentaires sur sa situation aidant à comprendre l’état déclaré de ses pratiques : « nous manquons régulièrement de temps » ; « notre budget est serré » ; « nous utilisons en général les technologies les plus récentes » ; « nous changeons rarement nos habitudes » et « nous conservons nos électroménagers le plus longtemps possible ».

Des gestes dans le cycle des âges et des trajectoires familiales, résidentielles et économiques

En abordant les gestes écocitoyens des ménages par les réponses des participants qui en témoignent, nous disposons d’indicateurs d’un état de leur pratique et conscience, dont les sentiments et les pensées apparaissent affectés par la singularité de la situation vécue. Nous avons analysé des différences selon leur sexe à la naissance, selon leur avancée dans les âges de la vie adulte, et selon des particularités de leur situation dans le spectre des trajectoires familiales, résidentielles et économiques. Nous y avons pris en compte le fait de vivre avec ou sans conjoint, la présence d’un nombre d’enfants dans le ménage et l’âge de ces enfants. Ces choix permettent notamment des observations ciblant des participants qui vivent avec des enfants d’âge préscolaire une phase exigeante de la vie familiale qu’ont traversée la plupart des plus âgés ou que traverseront la majorité des autres.

Sans tenir compte de la structure familiale et de la présence d’enfants de différents âges, Ginsburger (2020) a observé en France que l’action écocitoyenne n’est pas systématiquement redevable d’attitudes favorables à l’écocitoyenneté, que les pratiques du tri et de l’économie d’énergie rallient moins les jeunes que des femmes autour de la soixantaine, les plus scolarisés, les propriétaires de grandes maisons et les résidents des milieux ruraux. Les personnes vivant seules et les ménages les moins aisés, les locataires de petits logements et ceux qui perçoivent une meilleure disponibilité de transports en commun déclarent davantage des pratiques frugales. La jeunesse hors du foyer familial peut être considérée comme l’âge le plus marqué par la mobilité et l’incertitude, les enjeux d’intégration, d’autonomie et d’indépendance (Van De Velde, 2015), où l’on s’engage progressivement à apprendre à « répondre à » et « répondre de » (Gaudet, 2001) pour l’environnement comme pour d’autres enjeux. Cette jeunesse se vit souvent en étant domicilié chez ses parents ou en appartement et en ville au Québec. Le troisième âge, différencié d’un « grand âge » plus tardif, devient un prolongement de la vie « active » enrichi du temps libre de la retraite, où la norme est de vieillir chez-soi (Lord et al., 2020 ; Racicot-Lanoue et al., 2020), au Québec plus généralement dans une maison, et de plus en plus en banlieue avec une automobile (Negron-Poblete et Séguin, 2018; Morin et Fortin, 2008; Morin et Van Den Bussche, 2018).

Entre la jeunesse et la cinquantaine, la majorité des Québécois s’établissent dans la propriété d’une maison, suivant une préférence traditionnelle normalisée pour la vie avec des enfants (Fortin et Després, 2008 ; Morin et Fortin, 2008). L’idéalisation et la reproduction du mode de vie typique de la banlieue pavillonnaire motivent l’endettement, l’étalement urbain et la plus grande dispersion des lieux fréquentés depuis l’enfance des baby-boomers, si bien qu’aujourd’hui la majorité des enfants, des adolescents et des adultes québécois sont appelés à cheminer vers l’écocitoyenneté depuis un état de la culture qui induit apparemment dans les ménages de fortes consommations en électricité abordable, en eau gratuite, en essence, en espace bâti, en véhicules et autres biens matériels. Acheter une maison s’y fait peu avant ou peu après l’entrée dans la parentalité pour la majorité, alors que la vie du ménage se réorganise dans la frénésie de la conciliation travail-famille des pères et des mères (Gravel, 2018 ; Lavoie, 2016 ; Morin et al., 2018). Le mieux pour l’enfant et le temps de qualité en famille sont des priorités qui peuvent entrer en contradiction avec des volontés de sobriété et de rigueur écocitoyenne demandant du temps.

Un clivage a été observé en France (Glomeron et al., 2017) dans lequel se démarquent les familles où les adolescents ont conscience que leurs parents posent des gestes d’économie d’énergie et en pratiquent eux-mêmes davantage. Ce clivage pourrait bien se dessiner depuis le moment critique de l’arrivée du premier enfant mettant à l’épreuve les parents déjà engagés dans la pratique de gestes écocitoyens ou strictement d’économie d’énergie. Une nuance est apportée aux représentations stéréotypées des adolescents négligents et des familles grandes consommatrices de l’habitat pavillonnaire : cette étude relève une meilleure participation aux écogestes chez ceux dont les familles habitent une maison ou à la campagne par rapport à ceux vivant en appartement ou en ville. Enfin, seulement 20 % des adolescents interrogés disaient avoir incité des proches à poser des écogestes, un résultat qui laisse croire que le rôle prescripteur de l’adolescent (Garabuau-Moussaoui et al., 2009 ; Léger et Pruneau, 2014) était en 2017 encore peu fréquent.

Présentation de l’échantillon du sondage

Les participants au sondage ont été sollicités par l’envoi d’un courriel à l’adresse associée à leur abonnement chez Hydro-Québec. Une seule personne par ménage abonné était sollicitée pour répondre au questionnaire, ce qui excluait la participation à l’enquête des autres adultes habitant avec ces personnes.

Un échantillon d’abonnés résidentiels d’Hydro-Québec devrait normalement ressembler davantage à la population des ménages privés qu’à celle des personnes majeures recensées au Québec. Au recensement de 2021, 17 % des ménages privés ont déclaré que leur principal soutien avait entre 18 et 34 ans ; 54 %, entre 35 et 64 ans ; et 29 %, 65 ans ou plus (Statistique Canada, 2022) ; notre échantillon comprend une moindre proportion de jeunes adultes (10,3 % de 18 à 34 ans), une proportion équivalente de personnes de 35 à 64 ans (55,7 %) et davantage de 65 ans et plus (34,1 %). Parmi ces dernières, une sur deux est diplômée universitaire. De plus, l’échantillon compte un peu plus d’hommes (55,6 %) que de femmes (44,4 %)[3].

Certes, ce bassin compte très probablement moins de jeunes adultes et plus d’aînés que la population en général. Alors que la majorité des adultes de moins de 25 ans du Québec résident chez leurs parents, et que cette situation tend à devenir plus fréquente chez les 25 à 29 ans (ISQ, 2018; 2020), la proportion d’adultes ne vivant pas avec un conjoint croît progressivement avec l’âge à partir du milieu de la quarantaine (ISQ, 2017), ce qui peut augmenter la part des personnes sollicitées pour participer à cette enquête chez les plus âgés. Néanmoins, la proportion de participants en couple chez les 65 ans et plus (tableau 1) n’est pas significativement différente de celle observée chez les 35 à 64 ans, qui devrait être supérieure. Le fait de travailler ou d’être à la retraite peut faire une différence dans la disponibilité pour remplir un questionnaire Internet. Pour expliquer la surreprésentation des diplômés, nous pouvons émettre deux hypothèses montrant des biais inhérents à la méthodologie :  la première, que le répondant et détenteur de l'abonnement soit souvent la personne la plus diplômée du ménage et la deuxième, que des déficits de littératie puissent réduire l'intérêt et la motivation à répondre à un tel sondage. De plus, il est probable que le chauffage et l’électricité soient plus fréquemment inclus dans le loyer pour les catégories à faible revenu, variable fortement corrélée au diplôme[4]. La participation volontaire fait que l’échantillon compte possiblement peu des personnes les plus indifférentes aux problèmes environnementaux et aux incitations à l’écocitoyenneté.

Des situations de ménage différenciées dans le cycle des âges

Les analyses portent attention aux différences entre trois groupes d’âge. Nés avant 1958, les 65 ans et plus forment un groupe de personnes aînées comprenant la plupart des baby-boomers et des participants plus âgés. Plus des trois quarts des adultes de ces cohortes ont eu des enfants, mais le sondage ne recueillait des informations que sur les enfants qui habitent encore avec leurs parents. Ils apparaissent ainsi dans les analyses surtout comme des personnes seules ou des membres d’un couple sans enfant. Les 35 à 64 ans, principalement des générations X et Y, comprennent au contraire une forte majorité de parents vivant avec un ou des enfants mineurs ou majeurs. Leurs enfants ont en général plus de 5 ans étant donné que l’âge moyen de l’entrée dans la maternité pour ces cohortes se situe entre 26 et 28 ans (ISQ, 2022). Il s’agit du groupe d’âge le plus susceptible de vivre sous l’influence d’enfants assez âgés et scolarisés pour prescrire des idéaux et pratiques à caractère écocitoyen appris hors du foyer. Enfin, les 18-34 ans regroupent des participants qui vivent possiblement dans la plus grande variété et instabilité de situations caractéristiques de la jeunesse. Les conditions de participation à l’enquête laissent supposer que ces jeunes adultes ont la responsabilité d’un ménage abonné chez Hydro-Québec, seul ou en partage, et plus du quart vivent avec des enfants. La fin des études, l’insertion professionnelle, le début de la vie en couple, la migration, l’accès à la propriété et l’entrée dans la parentalité sont des transitions qui se jouent davantage entre 18 et 34 ans.

Tableau 1

Distribution de l’échantillon selon l’âge, le sexe et différents indicateurs de la situation familiale, résidentielle et économique du participant et de son ménage

Distribution de l’échantillon selon l’âge, le sexe et différents indicateurs de la situation familiale, résidentielle et économique du participant et de son ménage

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Le tableau 1 montre la distribution des participants de ces trois groupes d’âge selon le sexe et divers indicateurs de la situation familiale, résidentielle et économique pris en compte dans l’analyse. Le groupe des 18 à 34 ans comprend 60,3 % de femmes. Ces jeunes adultes se distinguent des plus âgés en vivant plus souvent avec des enfants d’âge préscolaire, en habitant majoritairement en location et en ville dans de plus petits logements, puis en étant plus souvent travailleurs. Les 35 à 64 ans sont surtout des travailleurs, mais comptent tout de même 19,7 % de retraités. Ils vivent dans des ménages qui ont plus souvent des revenus supérieurs à 100 000 $ par année et ont en commun avec les participants de 65 ans et plus d’être en grande majorité propriétaires d’une maison. Tandis que les 35 à 64 ans concilient pour la plupart le travail avec la vie avec des enfants, les personnes de 65 ans ou plus ayant participé à l’enquête n’ont que rarement des enfants mineurs à la maison et se déclarent retraitées. Elles ont en conséquence de moindres revenus que les deux autres groupes, bien que les deux tiers vivent en couple et que la moitié détienne un diplôme universitaire. 64 % des ménages représentés par une personne de 65 ans et plus le sont par un homme.

Nous verrons comment, au moyen d’arbres de classification, des différences statistiquement significatives selon le sexe se manifestent à l’intérieur de chaque groupe d’âge, et entre les ménages vivant ou non en couple. Pour les différences statistiquement significatives liées à la vie de couple ou à la présence d’enfants de différents âges, nous avons jugé opportun de faire des analyses sur le sous-échantillon des participants de 18 à 64 ans n’étant pas retraité.

Des consensus écocitoyens et des variations dans les représentations du ménage

Tel que le démontre le tableau 2, la plupart des réponses aux questions sur les représentations de la situation du ménage sont significativement liées au groupe d’âge. Ces réponses donnent des indications sur ce qui apparaît typique des ménages de différentes générations. On y indique également les différences significatives selon le sexe de la personne qui a répondu au questionnaire, le fait de vivre en couple, la présence d’enfants d’âge préscolaire et le fait d’occuper un logement de 6 pièces ou plus. Ces indicateurs de la situation des participants et de leur ménage dans une trajectoire familiale et résidentielle sont considérés en raison de leurs corrélations avec plusieurs des déclarations sur les gestes étudiés, corrélations qui sont décrites dans la section suivante[5].

Estimer manquer régulièrement de temps est fréquent chez les 18 à 34 ans et chez les parents d’enfants d’âge préscolaire, puis dans une moindre mesure chez les 35 à 64 ans qui sont une majorité à concilier travail et famille. La déclaration de vivre avec un budget serré est assez commune dans les trois groupes d’âge, tout en pouvant renvoyer à des situations financières extrêmement variées. L’accord avec cette proposition est plus observé chez les femmes et moins courant chez les participants vivant en couple et chez ceux habitant un logement de 6 pièces ou plus. Plus des trois quarts des participants indiquent vivre dans un ménage utilisant en général les technologies les plus récentes. Les ménages en désaccord avec cette affirmation sont plus représentés par de jeunes adultes, par des femmes, par des participants ne vivant pas en couple et par des personnes habitant des logements de moins de 6 pièces. Les parents d’enfants de 0 à 5 ans, les répondants de 18 à 34 ans et les femmes se démarquent en étant majoritairement en désaccord avec la proposition voulant qu’ils changent rarement leurs habitudes, ce qui peut suggérer l’impression d’une vie moins stabilisée par des routines et des manières de vivre établies. Cette interprétation semble plausible en regard de la proportion d’accord qui passe de 44,8 % chez les 18 à 34 ans à 50,3 % chez les 35 à 64 ans, tout en présentant un niveau particulièrement bas pour les ménages qui vivent avec un enfant d’âge préscolaire (41,3 %), dont l’arrivée dans un foyer n’est pas sans marquer le quotidien.

Trois représentations d’engagements écocitoyens apparaissent comme des consensus ralliant l’accord de la très grande majorité dans toutes les catégories de participants : « nous conservons nos électroménagers le plus longtemps possible » (97,1 %), « nous agissons pour les autres et les générations futures » (88,0 %) et « nous faisons déjà beaucoup d’effort pour économiser de l’électricité » (84,8 %). L’accord avec ces deux derniers énoncés est plus élevé chez les participants de 65 ans et plus. Ces observations indiquent une plus grande homogénéité de représentation des ménages dans cette partie de l’échantillon, accompagnée d’une plus grande homogénéité de situation. Les participants de 65 ans et plus vivent rarement avec des enfants mineurs, ils sont en forte proportion propriétaires et retraités, et il s’agit d’hommes dans 63,8% des cas. Les aînés sont plus en accord avec l’affirmation de vouloir diminuer son confort pour économiser de l’électricité, et avec celle de penser en faire déjà assez pour l’environnement.

À l’autre extrémité du spectre des âges, bien qu’ils soient majoritairement en accord avec tous les énoncés exprimant une volonté d’agir pour les autres et les générations futures et pour économiser de l’électricité, les 18 à 34 ans et les parents d’enfants de 0 à 5 ans se démarquent clairement en pensant moins que leur ménage en fait déjà assez pour l’environnement. Cette autoévaluation moins positive, supposant des gestes écocitoyens moins pratiqués qu’il leur serait souhaitable de le faire, pourrait s’expliquer par l’hypothèse d’idéaux plus élevés dans leur génération. Néanmoins, il s’agit du groupe où se concentrent le plus des conditions de vie pouvant empêcher ou rendre plus compliquées les pratiques écocitoyennes : la responsabilité de jeunes enfants conciliée avec le travail et/ou les études qui accentue le manque de temps ; la vie en ville dans des logements moins spacieux et moins équipés ; un budget serré avec de moindres revenus que les 35 à 64 ans et le statut de locataire.

Cette autoévaluation moins positive est plus présente chez les femmes, tous âges confondus, sans qu’elles se démarquent toutefois des hommes dans l’accord avec l’affirmation de « faire déjà beaucoup d’effort pour économiser de l’électricité ». L’accord avec cette dernière affirmation et avec celle d’une volonté de diminuer son confort pour économiser de l’électricité apparaît un peu moins présent chez les gens qui vivent en couple.

Tableau 2

Accord[6] avec différentes représentations de la situation du ménage selon l’âge, le sexe, le fait de vivre en couple, la présence d’enfants de moins de 5 ans et la taille du logement

Accord6 avec différentes représentations de la situation du ménage selon l’âge, le sexe, le fait de vivre en couple, la présence d’enfants de moins de 5 ans et la taille du logement

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Des gestes inégalement intégrés au quotidien

La figure 1 présente la distribution de fréquence des réponses aux questions sur la pratique de différents gestes pouvant se faire dans un esprit écocitoyen. Il est important de garder en tête que certains peuvent être faits dans un esprit économe, pour le soin de la santé dans l’évitement des plastiques ou les déplacements actifs, par solidarité territoriale pour l’achat local, ou par amour d’une activité de production domestique comme le jardinage, le bricolage et la cuisine. Sans préjuger de la variabilité des contenus psychologiques pouvant motiver tel ou tel geste, les analyses qui suivent sont interprétées en considérant que pratiquer la plupart ou la totalité de ces gestes, occasionnellement ou en les ayant bien intégrés aux habitudes et routines des membres du ménage, revient à agir au quotidien de manières encouragées par la promotion de l’écocitoyenneté. Il faut souligner d’entrée de jeu que toutes les déclarations de pratique de gestes proposées dans le questionnaire sont liées statistiquement à l’accord avec les représentations suivantes : « nous agissons pour les autres et les générations futures », « nous avons la volonté de diminuer notre confort pour économiser de l’électricité », « nous pensons en faire déjà assez pour l’environnement » et « nous faisons déjà beaucoup d’effort pour économiser de l’électricité ». Ce premier constat conforte l’idée qu’un état de conscience écocitoyen est généralement présent dans les ménages faisant l’effort d’intégrer ces gestes à leurs habitudes et routines du quotidien. Par ailleurs, aucun geste n’est lié statistiquement à l’accord avec la déclaration « nous changeons rarement nos habitudes ». Dans la construction du tableau 4, nous n’avons retenu parmi les énoncés de représentation de la situation du ménage que les deux plus discriminants, significativement liés à certains gestes et non à d’autres.

Figure 1

Distribution de fréquence des réponses aux questions d’autoévaluation de la pratique de gestes écocitoyens dans le ménage (pour l’ensemble de l’échantillon en excluant la non-réponse)

Distribution de fréquence des réponses aux questions d’autoévaluation de la pratique de gestes écocitoyens dans le ménage (pour l’ensemble de l’échantillon en excluant la non-réponse)

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Le graphique 1 montre que « privilégier les déplacements actifs et l’usage du transport en commun » est le seul geste qui apparaît impraticable pour des centaines de participants (30 %). Il faut reconnaître que ce geste n’est pas simple pour des gens habitant loin des lieux qu’ils fréquentent en l’absence d’offre de transport en commun adéquate, ou en étant séparés par des artères impropres à la pratique de la marche ou du vélo, ou encore ayant des incapacités physiques qui empêchent ces pratiques. Le tableau 3 montre que vivre en couple, vivre avec des enfants d’âge préscolaire et habiter un logement de 6 pièces ou plus (ce qui inclut la plupart des maisons en banlieue ou en milieu rural) sont des conditions négativement liées à la déclaration de « privilégier les déplacements actifs et l’usage du transport en commun ».

Les autres gestes considérés par l’enquête sont tous très largement pratiqués à l’occasion ou régulièrement, à l’exception de « suivre l’évolution de sa consommation d’électricité », que 34 % ne pratiquent jamais. Contrairement aux autres gestes étudiés, il n’a pas d’effet immédiat sur l’environnement et n’est pertinent dans une perspective écocitoyenne que dans des circonstances où il peut éclairer la conduite.

Tableau 3

Intégration des gestes écocitoyens dans les routines et habitudes du ménage selon l’âge, le sexe, le fait de vivre en couple, la présence d’enfants de moins de 5 ans et la taille du logement

Intégration des gestes écocitoyens dans les routines et habitudes du ménage selon l’âge, le sexe, le fait de vivre en couple, la présence d’enfants de moins de 5 ans et la taille du logement

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« Trier les déchets » est de loin le geste le mieux intégré dans le quotidien des ménages. Le tableau 3 souligne que les 18 à 34 ans déclarent davantage ne pas le faire régulièrement contrairement aux 65 ans et plus, aux couples et aux ménages qui habitent des logements de 6 pièces ou plus. Selon le tableau 4, sa pratique est négativement liée aux déclarations de vivre avec un budget serré et de manquer régulièrement de temps. Le tri des déchets apparaît particulièrement moins bien intégré chez les jeunes adultes plus humblement logés, plutôt que chez ceux qui seraient en couple et mieux dotés d’espaces intérieurs, voire aussi extérieurs, lorsqu’ils possèdent une maison avec cour.

Tableau 4

Intégration des gestes écocitoyens dans les routines et habitudes du ménage selon l’accord avec deux représentations de la situation du ménage

Intégration des gestes écocitoyens dans les routines et habitudes du ménage selon l’accord avec deux représentations de la situation du ménage

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En outre, « éviter les plastiques » est pratiqué régulièrement par la majorité, de même que « diminuer la température des thermostats », « économiser l’eau » et « consommer moins d’eau chaude ». Ces quatre gestes ont en commun avec « utiliser certains électroménagers moins souvent » d’être déclarés moins pratiqués chez les 18 à 34 ans et en présence d’enfants d’âge préscolaire. Les 35 à 64 ans déclarent moins souvent que leurs aînés avoir bien intégré à leur quotidien les gestes d’économie d’eau, d’économie d’eau chaude et de réduction de l’usage des électroménagers. « Diminuer la température des thermostats » paraît moins bien pratiqué par les participants qui manquent régulièrement de temps, et bien mieux par ceux qui ont 65 ans ou plus. « Économiser l’eau », « consommer moins d’eau chaude » et « utiliser moins souvent certains électroménagers » sont négativement liées au manque de temps et positivement à la déclaration d’avoir un budget serré. Les femmes représentent plus positivement leur ménage dans la pratique de gestes visant à « utiliser moins souvent certains électroménagers », ce qui pourrait avoir un rapport avec leur plus grande implication dans l’usage de ces appareils domestiques. Les participants de 65 ans et plus évaluent encore plus positivement leur ménage pour ces gestes.

De plus, « produire soi-même » et « acheter local » sont déclarés moins bien pratiqués par les 18 à 34 ans, les 35 à 64 ans et en présence d’enfants de 0 à 5 ans. « Produire soi-même » serait davantage pratiqué par les 65 ans et plus, par les couples, dans les ménages habitant un logement de 6 pièces ou plus et par ceux n’affirmant pas manquer régulièrement de temps. Outre le temps et l’espace requis pour ces activités de production domestique, la vie en couple accroît les chances que l’un ou l’autre intègre plus régulièrement aux habitudes du ménage la préparation des repas, le jardinage, le bricolage, la couture, les réparations de biens et d’autres moyens d’éviter le recours aux achats. Lorsqu’elle est libre des responsabilités du soin de jeunes enfants, une division du travail domestique peut faciliter l’aménagement de temps pour produire soi-même. « Acheter local » n’est pas lié à ces conditions de temps, de vie en couple ou de taille du logement.

Il faut souligner que tous les gestes à l’exception de « privilégier les déplacements actifs et les transports en commun » sont déclarés mieux pratiqués dans les ménages des personnes de 65 ans et plus, alors que les plus jeunes adultes évaluent plus négativement leurs pratiques de presque tous les gestes que les deux autres groupes d’âge. La présence d’enfants de 0 à 5 ans apparaît liée négativement à l’ensemble des pratiques évaluées à l’exception de « trier les déchets » et « suivre régulièrement sa consommation d’électricité ». Dans la période critique où les parents ont la responsabilité d’enfants d’âge préscolaire, la très grande majorité ferait encore un minimum consistant à trier les déchets, la moitié arriveraient à baisser leurs thermostats pour économiser de l’électricité, et le reste des gestes écocitoyens ne seraient plus pratiqués régulièrement par la majorité.

Agir pour économiser l’eau et/ou l’électricité et agir pour réduire les effets néfastes de la consommation de biens matériels

Les questions sur ces gestes portent sur des catégories d’actes qui répondent à une logique d’action énoncée. Un sondage plus long pourrait examiner sous ces catégories des gestes plus précis, comme utiliser moins la laveuse, la sécheuse, la cuisinière, le lave-vaisselle et d’autres électroménagers pour économiser de l’électricité. Au-delà des logiques d’actions énoncées par les questions du sondage, l’examen des corrélations entre les réponses nous donne à penser que certaines catégories de gestes puissent avoir en commun d’être motivés par l’une ou l’autre de deux finalités générales inégalement poursuivies par certains ménages : « économiser l’eau et/ou l’électricité » et « réduire les effets néfastes de la consommation de biens matériels ».

Telle est notre hypothèse pour interpréter les résultats d’une analyse factorielle effectuée suivant la méthode des moindres carrés non pondérés avec les variables correspondant aux dix questions d’évaluation des pratiques (figure 2, en Annexe). Nous présumions que les gestes visant de l’économie d’électricité varieraient ensemble et nous voulions savoir par ce sondage s’ils sont liés à d’autres gestes écocitoyens des plus courants. L’analyse réduit les dimensions à deux facteurs expliquant environ 40 % de la variance. La consistance interne des facteurs, mesurée avec l’alpha de Cronbach, donne un résultat global de 0,67 ; une valeur équivalente pour les variables du premier facteur, et une valeur de 0,47 pour les variables du second facteur. Les consistances internes des facteurs s’améliorent en retirant du premier facteur « suivre l’évolution de sa consommation d’électricité » et du second « privilégier les déplacements actifs et les transports en commun »[7]. Pour construire une variable latente « économie d’eau et/ou d’électricité », les quatre variables suivantes ont été conservées du premier facteur, dont la moyenne est calculée en accordant autant de poids à chacun des gestes : « économiser l’eau », « diminuer la température des thermostats », « utiliser certains électroménagers moins souvent » et « consommer moins d’eau chaude ». Du second facteur, quatre autres gestes ont été retenus pour construire une seconde variable de « réduction des effets néfastes de la consommation de biens matériels » : « éviter les plastiques », « trier les déchets », « produire vous-même » et « acheter local ». Le fait que l’analyse factorielle converge vers deux facteurs porte à conclure que les gestes contribuant à l’économie d’eau et/ou d’électricité forment un ensemble se différenciant des autres.

Les participants ont été répartis entre quatre groupes dans la mesure où leurs réponses situent leur ménage avec un pointage au-dessus ou en dessous de la médiane pour chacune des variables latentes. Dans les arbres de classification développés pour notre étude, ces groupes sont nommés (--), (+-), (-+) et (++) en utilisant le premier symbole pour indiquer si les réponses donnent une valeur inférieure à la médiane (-), sinon égale ou supérieure (+) pour les gestes d’« économie d’eau et/ou d’électricité », et le second symbole pour situer les cas dans la même forme de répartition en regard des réponses pour les gestes de « réduction des effets néfastes de la consommation de biens matériels ». Plusieurs arbres de classification ont été produits avec le logiciel SPSS en imposant une première variable. Cette manière d’analyser laisse l’algorithme du logiciel déterminer parmi les variables indépendantes considérées celle qui divise les participants en deux nouveaux segments, appelés nœuds, aussi homogènes que possibles par rapport à la variable dépendante, ici le groupe auquel le participant appartient. Nous utilisons la méthode CRT avec comme critère d’homogénéité la mesure de Gini de l’impureté d’un nœud[8]. L’arbre se déploie suivant le même critère appliqué aux nœuds créés pour les diviser en paires de nœuds les plus significativement différents dans une représentation semblable à un arbre généalogique où chaque nœud créé est relié par une branche à celui dont il est issu. L’utilisateur du logiciel obtient les distributions de fréquence de la variable dépendante pour les nœuds parents et leurs nœuds enfants, ce qui permet d’apprécier le degré d’homogénéité des réponses dans les catégories de participants correspondant aux nœuds parents et d’apercevoir quelles sous-catégories y sont les plus différentes. Ce déploiement de l’arbre se poursuit jusqu’à ce que soient atteints les critères d’arrêt de cette croissance, soit des nœuds purs, un nombre de niveaux choisi arbitrairement ou une population minimale imposée pour un nœud parent ou enfant. Après l’exploration des différences mises en lumière par des arbres construits pour l’ensemble de l’échantillon et des sous-échantillons correspondant à des catégories de participants ou de ménage, des tableaux ont été construits pour représenter les observations les plus importantes pour l’interprétation des déclarations de pratique des gestes écocitoyens dans le cycle des âges de la vie adulte et le spectre des trajectoires familiales, résidentielles et économiques des ménages.

Dans le premier arbre (tableau 5), l’ensemble des cas sont répartis selon que le participant a moins de 65 ans ou 65 ans ou plus. La part dans le groupe ++ est de loin supérieure dans le groupe des 65 ans et plus. Néanmoins, la première différence en importance chez les moins de 65 ans montre que les retraités pratiqueraient mieux les deux ensembles de gestes, et dans des proportions proches de celles observées pour les 65 ans et plus, retraités dans plus de 90 % des cas. Cette observation suggère qu’être libéré du travail ferait une différence notable pour la pratique des gestes écocitoyens.

Tableau 5

Extrait d’un arbre de classification construit pour examiner les différences de déclaration d’« économie d’eau et/ou d’électricité » et de « réduction des effets néfastes de la consommation de biens matériels » en commençant par répartir l’ensemble des participants selon qu’ils appartiennent ou non au groupe des 65 ans ou plus

Extrait d’un arbre de classification construit pour examiner les différences de déclaration d’« économie d’eau et/ou d’électricité » et de « réduction des effets néfastes de la consommation de biens matériels » en commençant par répartir l’ensemble des participants selon qu’ils appartiennent ou non au groupe des 65 ans ou plus

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Parmi les 65 ans et plus, ceux dont les ménages habitent une maison détachée agiraient mieux et surtout pour la « réduction des effets néfastes de la consommation de biens matériels ». Une différence semblable liée à la maison détachée apparaît également chez les retraités de moins de 65 ans. Avoir une cour et plus d’espace intérieur facilite des activités de production chez soi ou d’autres pratiques réclamant de l’espace tel qu’étendre des vêtements pour qu’ils sèchent. Les femmes de plus de 65 ans représentent en particulier cette catégorie de ménage avec une proportion de ++ de plus haut niveau (66,7 %). L’apparition d’une différence considérable entre ces hommes et ces femmes des générations plus âgées habitant des maisons détachées a probablement un lien avec le fait que plusieurs gestes étudiés s’intègrent à des activités domestiques revenant traditionnellement aux femmes. Ainsi, elles sont peut-être mieux à même d’attester des attentions qu’elles portent régulièrement, notamment dans les achats, dans la consommation de l’eau froide ou chaude et dans les usages des électroménagers.

Le premier arbre confirme que la proportion de -- atteint son niveau le plus élevé pour la catégorie des 18 à 34 ans ayant des revenus de moins de 100 000 $. Chez les 35 à 64 ans n’étant pas retraités et ayant des revenus inférieurs à 100 000 $, habiter un logement de 6 pièces ou plus augmente d’environ 15 points de pourcentages la proportion de ++, surtout en raison des déclarations de meilleures pratiques de « réduction des effets néfastes de la consommation de biens matériels ». Chez les 18 à 64 ans dont les ménages gagnent 100 000 $ ou plus, l’« économie d’eau et/ou d’électricité » laisserait plus à désirer. L’arbre révèle que le problème serait le plus aggravé par la présence d’adolescents de 12 à 17 ans, se liant aussi à une moindre « réduction des effets néfastes de la consommation de biens matériels ». Ceux vivant en ville et sans enfant de 12 à 17 ans, ce qui est le cas pour bon nombre de jeunes adultes, sont également évalués plus négativement pour l’« économie d’eau et/ou d’électricité ». Ces résultats suggèrent que si certains adolescents et jeunes adultes sont mobilisés pour l’environnement, au point d’agir comme prescripteurs de l’écocitoyenneté auprès de leurs proches, un écart manifeste entre le quotidien et l’idéal des gestes écocitoyens semble être l’effet le plus visible de la présence d’individus de leur âge dans les ménages.

Dans le deuxième arbre (tableau 6), seuls les 18 à 64 ans non retraités sont répartis selon qu’ils vivent avec un conjoint ou sans conjoint. Cet arbre ne révèle pas tant des différences entre les couples et les autres types de ménages, qu’une grande hétérogénéité interne des couples et des ménages sans couple. Aucune différence entre les hommes et les femmes n’y apparaît, ce qui conforte l’hypothèse que ces différences doivent être plus fortes dans les générations plus âgées, et/ou plus manifestes dans l’espace de liberté pour leur expression que constitue la retraite dans une maison détachée. Chez les conjoints de moins de 65 ans, le pourcentage de ++ atteint son plus haut niveau pour ceux qui résident en milieu rural, en se démarquant surtout dans les gestes de « réduction des effets néfastes de la consommation de biens matériels ». Les couples vivant ailleurs qu’en milieu rural avec un revenu de 60 000 $ à 99 999 $ par année présentent au contraire la plus forte proportion de -- avec moins de pratiques régulières de « réduction des effets néfastes de la consommation de biens matériels », alors que ceux qui habitent dans un autre type de logement qu’une maison détachée comprennent la plus faible part de ++ en raison de leurs déclarations relatives à l’« économie d’eau et/ou d’électricité ». Le milieu rural faciliterait l’accès à des producteurs locaux et la production domestique, tandis que les coûts en argent et en temps de la vie en ville ou en banlieue compliqueraient une consommation écocitoyenne ? Le milieu rural dispose-t-il encore les personnes s’y établissant à adopter des modes de vie plus économes que l’habitat de la ville et de la banlieue dont les résidents seraient davantage incités aux dépenses jusque dans les usages de l’électricité et de l’eau ? Du côté des participants sans conjoint, les 18 à 34 ans et les 35 à 64 ans ayant des enfants de 12 à 17 ans figurent au plus haut des taux de --, alors que les 35 à 64 ans sans enfant habitant une maison détachée apparaissent les plus engagés dans la pratique régulière des deux ensembles de gestes écocitoyens étudiés.

Tableau 6

Extrait d’un arbre de classification construit pour examiner les différences de déclaration d’« économie d’eau et/ou d’électricité » et de « réduction des effets néfastes de la consommation de biens matériels » en commençant par répartir les participants non-retraités de 18 à 64 ans selon qu’ils vivent ou non en couple

Extrait d’un arbre de classification construit pour examiner les différences de déclaration d’« économie d’eau et/ou d’électricité » et de « réduction des effets néfastes de la consommation de biens matériels » en commençant par répartir les participants non-retraités de 18 à 64 ans selon qu’ils vivent ou non en couple

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Dans le dernier extrait d’arbre (tableau 7), répartir les 18 à 64 ans non retraités selon le nombre d’enfants vivant dans leur ménage souligne que plus il y en a, moins les gestes d’« économie d’eau et/ou d’électricité » sont déclarés bien pratiqués. Chez les familles ayant un ou deux enfants à la maison, cette tendance liée à la présence d’enfant apparaît plus accentuée dans les ménages ayant des revenus de 100 000 $ par année ou plus et vivant ailleurs qu’en milieu rural. Dans cet ensemble de conditions, la présence d’adolescents accroît cette tendance, et les familles qui n’ont pas d’adolescent, mais un ou deux enfants d’âge préscolaire indiquent ne pas pratiquer tellement mieux les gestes d’« économie d’eau et/ou d’électricité ». Les familles vivant avec trois enfants ou plus habitent pour la plupart une maison détachée où leur répartition entre les groupes apparaît des plus polarisée avec 46,7 % de -- contre 30,8 % de ++. Le même genre de polarisation est présent pour les familles vivant avec moins de 100 000 $ de revenu par année et un ou deux enfants mineurs, familles qui peuvent avoir un troisième enfant dans la suite de leur trajectoire. Ces observations nous donnent à penser que la conviction écocitoyenne pourrait être encore plus cruciale pour motiver l’intégration des gestes aux habitudes et routines bouleversées et réarrangées dans la phase d’agrandissement de la famille et le passage des enfants à l’adolescence. En deux endroits de l’embranchement des ménages sans enfant, il apparaît que les participants qui détiennent un diplôme universitaire se démarquent de leurs semblables en déclarant de meilleures pratiques de « réduction des effets néfastes de la consommation de biens matériels ». Par contre, chez les ménages sans enfant avec une maison détachée et gagnant 100 000 $ ou plus, le diplôme universitaire est lié à une évaluation moins positive de l’« économie d’eau et/ou d’électricité ». Les détenteurs de ces diplômes, plus aisés, mèneraient-ils des vies où les gestes écocitoyens sont moins bien pratiqués, ou encore ont-ils davantage une mauvaise conscience de l’état de leurs pratiques ?

Tableau 7

Extrait d’arbres de classification construits pour examiner les différences de déclaration d’« économie d’eau et/ou d’électricité » et de « réduction des effets néfastes de la consommation de biens matériels » en commençant par répartir les participants non-retraités de 18 à 64 ans selon leur nombre d’enfants mineurs

Extrait d’arbres de classification construits pour examiner les différences de déclaration d’« économie d’eau et/ou d’électricité » et de « réduction des effets néfastes de la consommation de biens matériels » en commençant par répartir les participants non-retraités de 18 à 64 ans selon leur nombre d’enfants mineurs

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Conclusion

Bien que la sollicitation d’abonnés volontaires puisse amener dans l’échantillon davantage de participants portant attention à l’électricité et ayant des dispositions motivant les pratiques écocitoyennes, les analyses montrent assez clairement que les ménages qui sont engagés à agir pour économiser de l’électricité le font en général dans une préoccupation pour les autres et les générations futures, et en posant d’autres gestes écocitoyens. Les gestes d’économie d’électricité apparaissent davantage liés avec les gestes d’économie d’eau dans un système dont la pratique régulière et satisfaisante ne s’accompagne pas nécessairement d’une évaluation aussi positive des autres gestes écocitoyens.

Les différences importantes observées en relation avec l’âge et la retraite, la vie avec des enfants ou des adolescents, et les situations résidentielles et économiques doivent orienter la recherche vers les défis concrets que rencontre l’effort volontaire pour que les gestes écocitoyens soient intégrés au quotidien du plus grand nombre. Devant l’importance que gagne la transition énergétique dans la politique québécoise, au Canada et à l’étranger, cette étude pourrait être prolongée à la lumière de prochains sondages comportant des questions sur l’aisance économique du ménage que diminue l’inflation, sur les efforts pour éviter le gaspillage des ressources, sur le télétravail et sur diverses activités domestiques utilisant l’eau et ou l’électricité. La mesure des gestes visant l’économie d’électricité et l’économie d’eau pourrait aussi s’y préciser en leur accordant un plus grand nombre de questions.

Des études qualitatives seraient également souhaitables pour mieux apercevoir ce qui se vit sous les différences statistiques entre les hommes et les femmes à la retraite dans une maison, et dans les générations plus jeunes où le cadre de l’action écocitoyenne se transforme dans les trajectoires de la vie adulte. Dans la culture et l’écoumène du Québec en particulier, il faudra porter attention chez les nombreux propriétaires de maison à un tableau d’ensemble des gestes écocitoyens. Il devrait inclure les transformations du bâtiment, les achats d’équipement et les arrangements complexes des déplacements, des activités et de la consommation qui peuvent faire une énorme différence sur les effets des pratiques de la vie quotidienne. Les milieux pavillonnaires sont aussi à étudier comme lieux de la socialisation des enfants et des adolescents qui deviennent des jeunes de 18 à 34 ans évaluant moins positivement leurs pratiques, ou des cas minoritaires déclarant de meilleures pratiques que la moyenne des participants au sondage. Dans les âges plus avancés de la vie adulte, il faudra s’assurer que la pratique déclarée plus régulière des gestes écocitoyens soit bien précédée ou accompagnée d’actions pour mieux s’installer et maintenir de bonnes habitudes, ainsi que pour diminuer la consommation d’énergie et d’eau, ainsi que les effets néfastes de la consommation de biens matériels, notamment à mesure que les enfants quittent le foyer.

Nous réalisons actuellement une enquête par entretiens auprès de parents d’enfants de 12 ans et moins, habitant une maison avec cour dont ils sont propriétaires, pour mieux comprendre la diversité des situations vécues en amont et dans la forme résidentielle modale de cette phase du cycle de la vie familiale. L’étude de cette phase devrait éclairer la polarisation observée dans les réponses aux questions sur les gestes écocitoyens données par les participants vivant avec des enfants, ainsi que constituer une étape préalable à une étude qualitative du moment où il n’y a plus d’enfant au foyer, parce que la progéniture a quitté la maison, ou parce qu’elle y mène une vie d’adolescent ou de jeune adulte cohabitant avec son ou ses parents.